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Date : 19991230


Dossier : T-38-96


ENTRE :



BARZELEX INC.



demanderesse



et



LE NAVIRE « EBN AL WALEED » ET AUTRES



défendeurs



MOTIFS DE L'ORDONNANCE

(rendus oralement à l'audience à Ottawa et à Montréal,

le vendredi 17 décembre 1999)


LE JUGE HUGESSEN

[1]      Il s'agit d'une requête que les défendeurs ont présentée en vue d'obtenir des directives au sujet des dépens de la présente action.

[2]      Le 29 novembre dernier, j'ai rendu une ordonnance au sujet de l'instruction d'une question soulevée dans cette instance, l'instruction étant ordonnée conformément à la règle 107 des Règles de la Cour fédérale (1998). Cette ordonnance fixait la limitation de responsabilité que les défendeurs avaient le droit d'invoquer en leur faveur conformément aux Règles de La Haye, telles qu'elles étaient édictées en Turquie, soit le pays d'où provenait la cargaison en cause. À toutes fins utiles, cette ordonnance avait pour effet de mettre fin au présent litige, sous réserve bien sûr de toute intervention de la Cour d'appel.

[3]      Le 11 février 1999, les défendeurs ont présenté une offre d'un montant qui, est-il reconnu, était tout à fait adéquat pour satisfaire à toute obligation qu'ils pouvaient avoir à l'égard du montant en principal, des intérêts et des dépens en ce qui concerne la réclamation ici en cause, conformément aux limitations établies par les Règles de La Haye. C'est pourquoi je dis qu'à toutes fins utiles, l'ordonnance du 29 novembre a pour effet de mettre fin à l'action.

[4]      Les défendeurs avaient déjà présenté une offre d'un montant qui, comme ils le concèdent, était inférieur au montant auquel la demanderesse aurait alors eu droit au titre du principal, des intérêts et des dépens. Même si les défendeurs m'ont invité à retenir cette offre inadéquate, j'ai refusé de le faire. Une offre est soit suffisante, soit insuffisante. L'offre antérieure n'était pas suffisante et elle n'améliore pas la position des défendeurs à l'égard des dépens.

[5]      Toutefois, il me semble que l'offre qui a été présentée au mois de février 1999 entraîne clairement l'application des dispositions de la règle 420. La demanderesse a droit à ses dépens partie-partie jusqu'à la date de cette offre. Les défendeurs ont droit au double des dépens à compter de la date de cette dernière offre, sous réserve de ce que je dirai ci-dessous.

[6]      Premièrement, en plus d'une ordonnance leur accordant le double des dépens, les défendeurs ont demandé que ces dépens soient calculés selon la colonne V du tarif B. Je ne suis pas convaincu que la colonne V doive s'appliquer en l'espèce. Les défendeurs ont soutenu qu'il s'agissait d'une affaire particulièrement difficile; je ne suis pas d'accord. La question qui se posait, quoique nouvelle, n'était pas particulièrement difficile et ne justifie pas l'adjudication d'un montant supérieur à celui qui serait normalement fixé, c'est-à-dire un montant fixé selon la colonne III. Les défendeurs font également valoir qu'une offre a été présentée, mais bien sûr ils sont fort bien indemnisés étant donné que l'offre présentée est assujettie à la règle 420 dont je viens de faire mention. Enfin, à l'appui de la demande voulant que cette affaire donne lieu à des dépens selon la colonne V, les défendeurs soutiennent que la coopération entre les parties était bonne. Cela est tout à fait vrai. Il y a eu une excellente coopération entre les avocats, mais comme l'avocat de la demanderesse l'a souligné, il s'agit d'une arme à double tranchant et le fait que les avocats ont coopéré et ont facilité la poursuite de l'affaire et son règlement par la Cour avec célérité et à peu de frais peut difficilement être invoqué de façon à pénaliser la demanderesse.

[7]      L'instruction de la question a été interrompue à cause de circonstances qui étaient dans une certaine mesure indépendantes de la volonté des parties. Le témoin expert des défendeurs, M. Kavak, qui venait de Turquie, était présent à la première audience, qui a eu lieu au mois de juin 1999. Malheureusement, le témoin expert de la demanderesse, qui était malade, ne s'est pas présenté, mais il n'a informé l'avocat de la demanderesse de la chose et, par conséquent, bien sûr, la Cour et l'avocat des défendeurs, qu'une fois qu'il était trop tard pour éviter à M. Kavak de venir de Turquie. Nous avons donc entendu le témoignage de M. Kavak lors de cette audience, au mois de juin. Toutefois, à ce moment-là, le témoignage de M. Kavak était loin d'être aussi complet qu'il l'a été par la suite; en particulier, le témoin n'a pas mis à notre disposition une décision récente de la Cour d'appel turque qui a fortement influé sur la décision finale que cette Cour a rendue à l'égard de la question dont elle était saisie. Le témoin s'est fondé sur des arrêts qui n'étaient pas mentionnés dans le rapport écrit qu'il avait produit conformément aux Règles. À ce moment-là, j'ai fait certaines remarques au sujet de la conduite des défendeurs, qui avaient présenté devant la Cour le témoignage d'un expert dans des circonstances que j'ai alors qualifiées de piège. Par conséquent, je crois qu'en ce qui concerne l'audience du mois de juin, la conduite des parties ne justifie pas l'octroi des dépens en faveur d'une partie ou de l'autre. Chacune des deux parties supportera donc ses propres frais à l'égard de cette journée d'audience.

[8]      Je me propose de rendre la même décision en ce qui concerne la deuxième journée d'audience qui devait avoir lieu au mois d'août 1999. Un tremblement de terre catastrophique venait de se produire en Turquie. La Cour a pris l'initiative de proposer aux parties de ne pas essayer de tenir l'audience à un moment où il serait de toute évidence difficile pour les témoins experts de venir de Turquie et où ces témoins se préoccupaient fort probablement de leurs affaires personnelles et de celles de leurs familles. À mon avis, le tremblement de terre qui a eu lieu en Turquie était un cas de force majeure et je crois qu'il convient que chaque partie supporte à parts égales les dépens liés à cette audience qui en fait n'a pas eu lieu.

[9]      Enfin, lorsque l'affaire s'est encore présentée en octobre, les deux experts étaient présents; c'est la journée d'audience qui peut à juste titre donner lieu à une adjudication des dépens en l'espèce et, puisque l'audience a eu lieu après que les défendeurs eurent présenté leur offre, qui est maintenant jugée adéquate, ces derniers auront droit au double des dépens qui leur seraient normalement adjugés pour cette journée d'audience.

[10]      J'ai déjà dit qu'à mon avis, il ne convient pas en l'espèce de se fonder sur la colonne V. Toutefois, je demanderais à l'officier taxateur, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, de choisir un nombre élevé d'unités, dans les limites prévues à la colonne III, soit la colonne se rapportant aux défauts.

[11]      Enfin, les défendeurs ont soulevé la possibilité de l'octroi d'une somme forfaitaire. À mon avis, la Cour devrait en principe accorder pareilles sommes. Cette méthode épargne aux parties du temps et des efforts et leur permet plus facilement de savoir jusqu'à quel point elles sont tenues responsables des dépens. Par conséquent, si les défendeurs, qui ont en bonne partie gain de cause dans la présente requête, voulaient rédiger une ordonnance fixant le montant des dépens auxquels chaque partie a droit, je serais prêt à rendre une autre ordonnance de façon à adjuger en fait une somme forfaitaire, qui serait calculée comme suit :

     a)      Les dépens de la demanderesse, jusqu'à la date de l'offre du mois de février 1999, devraient être calculés conformément à la colonne III, un nombre élevé d'unités devant être accordé dans les limites prévues à cette colonne. Bien sûr, il faudrait ajouter les débours aux honoraires.
     b)      Les dépens des défendeurs, à compter du 11 février 1999, devraient être calculés de la même façon, en accordant un nombre élevé d'unités dans les limites prévues à la colonne III et en doublant le montant des honoraires, à l'exclusion des dépens liés aux audiences qui devaient avoir lieu en juin et en août. Un montant approprié et raisonnable devrait être ajouté à ces honoraires à l'égard des frais de déplacement et de subsistance du témoin expert liés à l'audience qui a eu lieu en octobre ainsi que tout autre débours approprié.

[12]      Le montant des dépens de la demanderesse serait déduit par compensation du montant ainsi calculé ci-dessus en b) et le montant restant serait celui auquel les défendeurs auraient droit sous la forme d'une somme forfaitaire. Une fois ces calculs effectués, j'arrondirais normalement la somme à 100 $ près.

[13]      Je déposerai donc ces motifs et j'inviterai l'avocat des défendeurs à demander, conformément à la règle 369, une ordonnance renfermant des directives détaillées à l'intention de l'officier taxateur, en admettant que les parties veuillent procéder ainsi, ou fixant une somme forfaitaire, calculée de la façon ci-dessus mentionnée. Bien sûr, si les parties peuvent s'entendre sur la somme en question, il ne serait pas du tout nécessaire de rendre une ordonnance.






James K. Hugessen

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 30 décembre 1999



Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU DOSSIER :                      T-38-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :          BARZELEX INC. c. LE « EBN AL WALEED » ET AUTRES

DATE DE L'AUDIENCE :          le 17 décembre 1999

LIEU DE L'AUDIENCE :              Ottawa (Ontario)

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE HUGESSEN EN DATE DU 30 DÉCEMBRE 1999.


ONT COMPARU :

Richard Desgagnés                  pour la demanderesse
Sean Harrington                  pour les défendeurs

AVOCATS INSCRITS :

Ogilvy, Renaud                  pour la demanderesse

Montréal (Québec)

Borden Howard Gervais              pour les défendeurs

McMaster Gervais

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