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Date : 20000913


Dossier : T-503-99


OTTAWA (ONTARIO), LE 13 SEPTEMBRE 2000

DEVANT : MADAME LE JUGE DAWSON


ENTRE :



THE CORPORATION OF THE CITY OF NORTH VANCOUVER



demanderesse



et



LES PROPRIÉTAIRES ET TOUTES LES AUTRES PERSONNES

AYANT UN DROIT SUR LE NAVIRE « SEVEN SEAS S.R. »

SEVEN SEAS SEAFOOD (WHOLESALE) LTD., DIAMOND ALMAS

ET LE NAVIRE « SEVEN SEAS S.R. »



défendeurs



MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


LE JUGE DAWSON

[1]      J'ai été saisie, conformément à l'alinéa 220(1)a) des Règles de la Cour fédérale (1998) (les Règles) et à l'ordonnance du protonotaire Hargrave, d'une demande en vue de la détermination du point de droit ci-après énoncé :

[TRADUCTION]
Le bail conclu entre les parties en 1982 avait-il pour effet, en droit, de remplacer toutes les ententes antérieures, écrites et autres, et tous les droits que possédaient les parties l'une envers l'autre, de sorte que le droit des défendeurs de continuer à utiliser et à occuper le plan d'eau s'est éteint lorsque le bail de 1982 et toutes les ententes subséquentes ont pris fin?

[2]      Voici les motifs pour lesquels j'ai répondu à la question par l'affirmative.

QUESTION PRÉLIMINAIRE

[3]      J'ai entendu l'affaire sur la base d'un exposé conjoint des faits et d'un livre commun de documents. Dans leurs plaidoiries orales, les avocats ont confirmé que les documents figurant dans le livre commun de documents sont présentés à la Cour non seulement en tant que copies certifiées de chaque document, mais aussi à titre de preuve de l'exactitude du contenu desdits documents.

LES FAITS

[4]      Les faits sur lesquels les parties se sont entendues aux fins de la présente requête seulement sont ci-après énoncés :

[TRADUCTION]
Introduction

  1. .      Les défendeurs sont propriétaires de l'ancien traversier no 5 (le navire défendeur) qui, avant 1959, assurait la liaison entre Vancouver et North Vancouver. Depuis 1959, le navire défendeur est exploité en tant que restaurant flottant.
  2. 2.      La demanderesse était l'ancien propriétaire du navire défendeur. À la fin des années 1950, elle a voulu vendre le traversier no 5 à Harry Almas, père du défendeur, Diamond Almas, et à son entreprise, Seven Seas Seafood Restaurant Ltd. (Seven Seas Seafood).
  3. 3.      En 1958 ou vers 1958, le conseil municipal de la demanderesse a décidé de supprimer le service de traversier entre Vancouver et North Vancouver et de se servir de l'ancien quai d'accostage pour y exploiter un port de plaisance. La demanderesse a aménagé un port de plaisance au bas de l'avenue Lonsdale, lequel, espérait-elle, servirait de centre aux fins du réaménagement de la partie inférieure du quartier Lonsdale.
  4. 4.      Le conseil municipal de l'époque voulait aménager la partie inférieure du quartier Lonsdale d'une façon semblable au Fisherman's Wharf, à San Francisco. Dans le cadre du réaménagement, la demanderesse a lancé un appel d'offres en vue de l'exploitation d'un port de plaisance au bas de l'avenue Lonsdale. L'exploitation et la transformation du navire défendeur en restaurant flottant constituaient un élément crucial du projet d'aménagement du port de plaisance. (L'appel d'offres était daté du 20 septembre 1958.) Des renseignements complets, en ce qui concerne l'appel d'offres, ne sont pas disponibles.

Le plan d'eau


  1. .      La demanderesse est propriétaire inscrit en fief simple d'un plan d'eau ayant une adresse municipale au bas de l'avenue Lonsdale, à North Vancouver, ce plan d'eau étant plus précisément connu et décrit comme suit :
     Cote foncière no 006-975-429
     Lot 15 du lit et du bas de plage de Burrard Inlet, sis devant le lot de district 271
     Plan 19677; et
     Cote foncière no 015-989-984
     Pièce H (plan de renvoi 2587), sauf la partie délimitée par des traits forts sur le plan de renvoi 16729, du lit et du bas de plage de Burrard Inlet, sis devant les lots de district 271 et 274
     Groupe 1
     District de New Westminster
     (le plan d'eau).

  1. .      Avant 1982, la demanderesse louait le plan d'eau du Conseil des ports nationaux, qui était le prédécesseur de la Société du port de Vancouver, maintenant connue sous le nom d'Administration du port de Vancouver.

La vente du navire défendeur en 1959


  1. .      Par une lettre datée du 24 novembre 1958, Harry Almas a offert à la demanderesse d'acheter le navire défendeur moyennant le paiement de la somme de 12 000 $.
  2. .      Avant la création du restaurant Seven Seas, la famille Almas et, en particulier, Harry Almas, ne s'occupaient pas de restauration; on a demandé à la ville de North Vancouver de garantir, compte tenu de l'investissement, que le navire continuerait à être amarré au bas de l'avenue Lonsdale. Par une lettre en date du 1er décembre 1958, Harry Almas a de nouveau écrit à la demanderesse pour l'informer de ce qui suit :
Je crois comprendre que la ville se propose de procéder immédiatement à l'aménagement d'un port de plaisance et que je disposerai d'installations d'amarrage à l'endroit le plus propice, dans le port de plaisance, aux fins de l'exploitation du restaurant flottant que je me propose d'aménager sur le navire; si je comprends bien, bien que l'entente habituelle de coopération doive être conclue entre l'exploitant du port de plaisance et moi-même, la ville de North Vancouver doit m'assurer que je disposerai toujours d'installations d'amarrage permanentes et que le navire disposera d'un moyen de sortie acceptable s'il doit au besoin être mis en cale sèche, etc.

  1. .      Le conseil municipal de la demanderesse a accepté l'offre de M. Almas au moyen d'une résolution subséquente, qui était ainsi libellée :
L'offre de M. Harry Almas, telle qu'elle figure dans ses lettres du 24 novembre et du 1er décembre 1958, en ce qui concerne l'achat du traversier no 5 moyennant le paiement comptant de la somme de 12 000 $, est acceptée, à condition qu'une convention de bail satisfaisante soit négociée entre les avocats de la ville et l'acquéreur.

  1. .      Par l'entremise de son personnel, la demanderesse a garanti verbalement et par écrit que le navire pourrait être amarré en permanence sur le plan d'eau au bas de l'avenue Lonsdale.
  2. .      Le navire défendeur devait demeurer sur le plan d'eau. Telle était l'entente conclue avec le conseil municipal et le personnel de la ville de l'époque, laquelle était conforme aux garanties fournies à la famille Almas. La ville tenait à ce que le navire reste à North Vancouver. Il ne pouvait pas être installé ailleurs. La chose avait pour effet de restreindre grandement la capacité des défendeurs de rentrer dans leurs frais s'il se posait des problèmes.
  3. .      Par une lettre datée du 17 décembre 1958, le secrétaire de la ville demanderesse a écrit aux avocats de Harry Almas pour informer M. Almas que la demanderesse avait accepté l'offre, à condition qu'une convention de bail soit conclue, et pour entamer les négociations y afférentes; il y disait ce qui suit :
Le bail devrait probablement prévoir notamment la date à laquelle commenceront les travaux de transformation du traversier en un restaurant flottant, le paiement d'un loyer annuel de 2 500 $, y compris les impôts fonciers, le droit de l'acquéreur d'amarrer le navire sur la propriété de la ville au bas de l'avenue Lonsdale, la durée du bail devant être de cinq ans moyennant le paiement du loyer convenu.

  1. .      À la suite de certaines négociations, les parties sont arrivées à une entente et, le 27 avril 1959, la demanderesse a conclu un protocole d'entente avec Seven Seas Seafood en vue de vendre le navire défendeur à cette dernière. La partie importante du protocole d'entente est ainsi libellée :
  2. .      La ville de North Vancouver s'engage à vendre à la société [Seven Seas Seafood] et la société s'engage à acheter le traversier no 5 moyennant le paiement de la somme de douze mille dollars (12 000 $) (dont la réception est par les présentes reconnue par la ville). La société déclare avoir examiné ledit traversier no 5, et l'accepter tel quel, la ville n'ayant pas fait de représentations au sujet de l'état dudit traversier ou de l'équipement qui est à son bord.
  3. .      La ville s'engage à aménager un petit port de plaisance sur les terres submergées et autres, délimitées en rouge sur le plan ci-joint, qui a été parafé par les parties et qui est désigné comme étant le plan « A » . Si les travaux d'aménagement dudit port de plaisance ne sont pas commencés au 1er juin 1959, la société pourra, à son gré, jusqu'au 30 juin 1959 inclus, transférer à la ville son droit, son titre et son intérêt, en ce qui concerne ledit traversier no 5, et sur livraison à la ville des titres nécessaires transférant à cette dernière ledit traversier tel qu'il en est ci-dessus fait mention, la ville remboursera à la société la somme de douze mille dollars (12 000 $), représentant le prix d'achat du traversier.
  4. .      La société s'engage à transformer le traversier en restaurant ainsi qu'à maintenir et à exploiter ledit traversier en tant que restaurant sur les terres submergées indiquées en rouge au moyen de lignes quadrillées sur ledit plan « A » au cours de la durée du bail dont il est ci-après fait mention et au cours de toute période de renouvellement dudit bail.
  5. .      La ville s'engage à limiter le stationnement sur les terrains délimités en vert sur ledit plan « A » , ces terrains étant destinés à être utilisés par les clients du restaurant que la société doit exploiter sur le traversier de façon qu'il y ait suffisamment de places pour lesdits clients, entre 17 h et minuit.
  6. .      Les parties s'engagent à conclure une entente sous la forme du bail ci-joint, qui est parafé par les parties et désigné comme étant le plan « B » .
14.      La demanderesse et Seven Seas Seafood ont également conclu un bail à l'égard du plan d'eau, en date du 27 avril 1959. Le bail stipulait entre autres ce qui suit :
De remettre ledit plan d'eau au locataire pour une période de cinq (5) ans commençant le 1er juin 1959, ce dernier devant payer à l'avance à cet égard la somme annuelle de deux milles dollars (2 000 $), y compris les impôts fonciers, le 1er juin de chaque année au cours de la durée du présent bail ou de toute période de renouvellement dudit bail, et ce, à compter du 1er juin 1959.
Le locataire prend par les présentes envers le locateur les engagements ci-après énoncés, à savoir :

  1. .      Il paiera le loyer prévu aux présentes.
  2. .      Au cours de ladite période, il ne cédera pas et ne sous-louera pas lesdites terres submergées, que ce soit en totalité ou en partie, sans obtenir au préalable le consentement écrit du locateur, pareil consentement ne devant pas être refusé sans motif valable.
  3. .      Il n'utilisera lesdites terres submergées qu'en vue d'amarrer le traversier no 5 et d'y exploiter un restaurant.
Le locateur prend par les présentes envers le locataire les engagements ci-après énoncés, à savoir :
1.      Si le locataire paie dûment et régulièrement ledit loyer et respecte les engagements, dispositions et conditions stipulés aux présentes, le locateur accordera au locataire, à l'expiration de ladite période de cinq (5) ans, si le locataire en fait la demande au moyen d'une lettre envoyée par courrier recommandé ou livrée au locateur au moins trois (3) mois avant l'expiration de ladite période, un nouveau bail à l'égard des terres submergées pour une période additionnelle de cinq (5) ans, les parties devant s'entendre sur le loyer y afférent ou, à défaut d'entente, le loyer devant être fixé par arbitrage par un arbitre désigné en vertu de l'Arbitration Act de la Colombie-Britannique, la décision de ce dernier liant les parties; toutefois, ce loyer ne sera pas inférieur à la somme annuelle de deux mille dollars (2 000 $), y compris les impôts fonciers, et sera assujetti aux mêmes conditions que celles qui sont stipulées dans les présentes, sauf en ce qui concerne la clause de reconduction.
     Il est expressément entendu que si la totalité ou une partie du loyer ainsi fixé n'est pas payée dans les quinze (15) jours qui suivent le jour où elle aurait dû l'être (et ce, même si aucune demande formelle n'a été faite à ce sujet), ou en cas de violation des conditions ou d'inexécution des engagements stipulés dans les présentes de la part du locataire et de ses ayants droit, le locateur pourra légitimement entrer dans lesdits lieux ou dans une partie desdits lieux en vue d'en reprendre possession et de les utiliser, malgré toute disposition contraire figurant dans les présentes.

15.      Harry Almas et Seven Seas Seafood ont par la suite déboursé de 120 000 à 150 000 $ en vue de transformer le navire défendeur en un restaurant flottant.

16.      Par une lettre datée du 10 juillet 1959, le secrétaire de la ville demanderesse a écrit à Harry Almas pour l'informer de ce qui suit :

J'aimerais vous informer que le traversier no 5 que vous avez acheté peut maintenant être installé dans son lieu d'amarrage permanent.

17.      Depuis lors, le navire défendeur a été exploité en tant que restaurant flottant. Il a été amarré en permanence à des pieux situés au fond des terres sous-marines.

18.      Lorsque les travaux d'aménagement ont pris fin, le port de plaisance a été exploité par la Lonsdale Marina Company. Par la suite, Harry Almas et Seven Seas Seafood se sont chargés de son exploitation.

Événements subséquents

19.      Par une lettre datée du 11 avril 1963, les avocats de Harry Almas ont écrit à la demanderesse pour chercher à résoudre deux points litigieux. En ce qui concerne le premier point, le contrôle du parc de stationnement, la lettre disait ce qui suit :

[...] à moins que la question ne puisse être réglée, nos clients envisageront probablement d'exploiter ailleurs leur entreprise à l'expiration du présent bail.

20.      En ce qui concerne le second point, la réparation d'un des pieux auxquels le navire défendeur était amarré, la lettre dit ce qui suit :

Normalement, un pieu bien installé durerait plusieurs années, alors que la durée du bail de notre client n'est que de cinq ans. Il semblerait donc que nos clients soient obligés d'apporter des améliorations à vos biens alors qu'ils bénéficieraient fort peu de pareilles améliorations.

21.      Ces questions, et d'autres questions qui se sont de temps en temps posées, ont été réglées d'une façon satisfaisante et le navire défendeur est amarré sur le plan d'eau depuis 1959.

22.      De temps en temps, entre 1959 et 1982, divers baux ont été conclus, renouvelés ou modifiés, lesquels permettaient tous au navire défendeur d'être amarré sur le plan d'eau. Au cours de cette période, la ville n'a jamais résilié l'entente autorisant l'amarrage du navire sur le plan d'eau. L'ancien avocat des défendeurs, Peter Richards, a toujours considéré que le bail de 1959 avait continuellement été renouvelé. Cela s'appliquait également au bail de 1982. De l'avis et à la connaissance de Me Richards, il y a toujours eu reconduction du bail. Me Richards est d'avis qu'il n'a jamais été mentionné que le bail aurait pour effet d'éteindre un droit existant. À l'expiration d'une période, il a toujours fallu du temps pour qu'un nouveau bail solennel soit préparé et signé.

Le bail de 1982

23.      Le dernier bail écrit est daté du 1er décembre 1982 (le bail de 1982).

24.      Le bail de 1982 a été conclu entre la demanderesse, en sa qualité de propriétaire, S.S. Marina Ltd. (S.S. Marina), en sa qualité de locataire, et Cranberry Sailor Inn Limited (le Cranberry Sailor Inn), en sa qualité de garante des obligations de S.S. Marina. Comme Seven Seas Seafood, S.S. Marina et le Cranberry Sailor Inn appartenaient à au moins l'un des membres de la famille Almas et étaient contrôlés par au moins l'un des membres de la famille.

25.      Le bail de 1982 stipulait entre autres ce qui suit :


ARTICLE HUIT


REMISE DES LIEUX ET RETRAIT DES ACCESSOIRES FIXES

8.01 Remise. À l'expiration ou au moment de la résiliation du présent bail et du sous-bail (en ce qui concerne le plan d'eau) ou du contrat de location (en ce qui concerne la partie du lot A et la partie du lot H), le cas échéant, et à la fin de toute période pendant laquelle le locataire aura occupé les lieux après terme, le locataire remettra au propriétaire le plan d'eau ou la partie du lot A et la partie du lot H, le cas échéant, ainsi que les améliorations et accessoires fixes y afférents (sous réserve de la présente disposition), lesquels reviendront au propriétaire sans possibilité de réclamation ou d'indemnisation de la part du locataire, libres de toute charge et de toute réclamation de la part du locataire ou de ses ayants droit, et les droits conférés au locataire par le présent bail s'éteindront sauf stipulation expresse contraire des présentes.

8.03 Retrait des accessoires fixes. À l'expiration du sous-bail ou de la dernière période de renouvellement du sous-bail, le locataire enlèvera les parties des améliorations qui sont situées sur le plan d'eau et, à l'expiration du contrat de location ou de la dernière période de renouvellement du contrat de location, le locataire enlèvera les parties des améliorations ainsi que les nouveaux flotteurs et le traversier qui se trouvent sur la partie du lot A et sur la partie du lot H, sans enlever toutefois les pieux qui se trouvent sur les terres ou la passerelle, à moins que le propriétaire ne lui demande de le faire, à défaut de quoi le propriétaire pourra enlever pareils accessoires fixes, le locataire étant responsable des frais y afférents et des frais d'entreposage nécessaires. Le propriétaire ne sera pas tenu responsable des dommages causés aux biens du locataire par suite de pareil retrait. En enlevant toute amélioration ainsi que tout nouveau flotteur et le traversier, le locataire réparera, à ses frais, les dommages qui pourront avoir été causés et, en enlevant les nouveaux flotteurs, le locataire retirera la passerelle de l'endroit où elle est située et la placera à ses frais dans un endroit convenable, dans le parc de stationnement mentionné à l'article 7.02.


ARTICLE TREIZE


EXÉCUTION DES ENGAGEMENTS PRIS PAR LE LOCATAIRE, DÉFAUT ET FAILLITE

13.02      Droits de résiliation. Si :

     [...]

     b) tout loyer de base et tout loyer additionnel échu n'est pas payé à la suite d'un avis de non-paiement de 30 jours signifié au locataire par le propriétaire;
     [...]
     en pareil cas, (et malgré toute renonciation antérieure concernant la violation d'un engagement), le propriétaire pourra à son gré (et sous réserve de tout autre droit ou recours qu'il pourrait avoir) annuler le présent bail en signifiant un avis écrit au locataire, ce sur quoi les droits et intérêts ainsi créés ou existant alors en faveur du locataire ou découlant du présent bail s'éteindront et le propriétaire pourra légitimement, immédiatement et à n'importe quel moment par la suite, sans préavis ou sans engager de poursuites judiciaires, prendre possession de la totalité ou d'une partie des terres, expulser le locataire et ses ayants droit et enlever leurs effets (de force au besoin) sans être réputé coupable d'empiétement de quelque genre que ce soit, et ce, malgré toute disposition légale contraire, et sous réserve de tout recours dont il pourrait par ailleurs se prévaloir pour recouvrer les arriérés ou par suite de la violation d'un engagement; en cas de résiliation, le locataire sera encore tenu de payer le loyer de base et le loyer additionnel alors échu ou à échoir comme si le bail n'avait pas été résilié et le propriétaire disposera des mêmes recours en vue du recouvrement de pareils loyers.

ARTICLE QUINZE


OCCUPATION APRÈS TERME

15.01 Occupation après terme. Si le locataire continue à occuper le plan d'eau après l'expiration du sous-bail, ou s'il continue à occuper la partie du Lot H et la partie du lot A après l'expiration du contrat de location, sans qu'un nouveau bail ait été signé et délivré, le propriétaire pourra reprendre possession du plan d'eau ou de la partie du lot H et de la partie du lot A, le cas échéant, et en expulser le locataire et il pourra avoir recours à la force jugée nécessaire à cette fin sans être tenu responsable à cet égard ou à l'égard de toute perte ou de tout dommage en découlant. Pendant que le locataire est en possession du plan d'eau après l'expiration du sous-bail ou pendant qu'il est en possession de la partie du lot H et de la partie du lot A après l'expiration du contrat de location, le cas échéant, la location, en l'absence d'entente écrite, sera prolongée de mois en mois seulement moyennant le paiement d'un loyer mensuel correspondant à 1,25 fois le loyer de base payable à l'égard du mois précédant immédiatement celui au cours duquel expire le contrat de location ou le sous-bail, le cas échéant, ce loyer étant payable à l'avance le premier jour de chaque mois, et le locataire sera assujetti à toutes les conditions du présent bail, sauf que la location se prolongera de mois en mois et qu'aucune location annuelle ne sera inférée en vertu de la loi ou de quelque autre façon.


ARTICLE SEIZE


DISPOSITIONS DIVERSES

16.05 Représentations et caractère complet de l'entente. Le locataire reconnaît que le propriétaire n'a pas fait de représentations, n'a pas pris d'engagements, n'a pas fourni de garanties et n'a pas fait de promesses (verbalement ou par écrit) autres que ce qui est stipulé dans le présent bail, qu'aucune entente accessoire ne lie le propriétaire à moins d'avoir été conclue par écrit et d'avoir été signée par le propriétaire et que le présent bail constitue toute l'entente qu'il a conclue avec le propriétaire.

16.14 Option de renouvellement du contrat de location. S'il paie dûment et régulièrement le loyer de base et tout loyer additionnel stipulés dans les présentes et s'il se conforme aux obligations qui lui incombent en vertu des présentes, le locataire aura le droit de renouveler le contrat de location pour deux périodes additionnelles de cinq ans chacune, à condition de signifier un avis d'exercice de ce droit au propriétaire au moins six mois avant la fin du contrat de location dans le cas de la première reconduction, et au moins six mois avant la fin de la première période de renouvellement dans le cas de la seconde reconduction, le bail ainsi renouvelé étant assujetti aux mêmes conditions que celles qui sont stipulées dans le présent bail, sauf en ce qui concerne le loyer de base applicable à la partie du lot H et à la partie du lot A; de plus, après la seconde période de renouvellement, le locataire n'aura plus aucun droit de renouvellement. Dès que le locataire se sera prévalu de l'option de renouvellement, le propriétaire et le locataire s'efforceront de s'entendre sur le loyer de base applicable à la période de renouvellement suivante; toutefois, à défaut d'entente, les dispositions des articles 3.03, 3.04 et 3.05 s'appliqueront mutatis mutandis, en ce qui concerne la détermination du loyer à payer pour chacune des périodes de renouvellement.

16.15 Option additionnelle de renouvellement du sous-bail. Si le locataire se prévaut de l'une ou l'autre des options de renouvellement mentionnées à l'article 16.14 et si, pendant l'une ou l'autre des périodes de renouvellement, le sous-bail, initial ou renouvelé, expire, le locataire aura le droit de renouveler ledit sous-bail pour une période égale à (la période la moins longue devant en pareil cas s'appliquer) :

a) la nouvelle période dont le propriétaire aura convenu avec le CPN relativement à la location du plan d'eau en sa faveur, moins un jour; ou
b) une période prenant fin à la date d'expiration de la première période de renouvellement du contrat de location ou de la seconde période de renouvellement du contrat de location, si le locataire exerce le droit y afférent;

toutefois, dans chaque cas, les dispositions de l'article 16.13 s'appliqueront, le cas échéant, l'article 16.15 visant à ce que le locataire ait le droit de sous-louer le plan d'eau aussi longtemps que le contrat de location initial ou renouvelé sera en vigueur, à moins que le propriétaire, malgré tous les efforts qu'il a déployés, ne soit pas en mesure de le lui fournir.

26.      En 1994 ou vers 1994, S.S. Marina et le Cranberry Sailor Inn n'ont pas payé le loyer qui était dû en vertu du bail de 1982. Par une lettre datée du 30 janvier 1996, les avocats de la demanderesse ont écrit à S.S. Marina pour l'informer entre autres de ce qui suit :

Notre client nous a informés, comme nous vous l'avons fait savoir au moyen de nombreuses lettres adressées à Richard Buell Sutton [les avocats de S.S. Marina] ainsi qu'au moyen de nombreuses discussions engagées avec ceux-ci au cours des deux dernières années, que le locataire n'a versé aucun loyer au propriétaire depuis 1994. Notre client nous a également informé que le locataire n'exerce plus ses activités sur les lieux depuis 1994. Notre client nous a également informés que le traversier qui se trouve sur les lieux a été saisi par Mme Eva Almas en violation du bail.

Par conséquent, conformément au bail, le propriétaire, sous réserve de tout autre droit ou recours qu'il peut avoir, résilie par les présentes le bail, la résiliation devant prendre effet le 31 janvier 1996.

Négociations en vue de la conclusion d'un nouveau bail

27.      Par la suite, Diamond Almas a exprimé son intention de négocier un nouveau bail avec la demanderesse par l'entremise de son entreprise, la défenderesse Seven Seas Seafood (Wholesale) Ltd. (Seven Seas Seafood). M. Diamond Almas faisait face à un litige matrimonial et les négociations relatives au renouvellement du bail ont eu lieu avec de nouvelles personnes morales. Seven Seas Seafood a payé le loyer qui était dû pour les deux années antérieures et les parties ont entamé des négociations en vue de conclure un nouveau bail. Les défendeurs se sont mis à utiliser et occuper le plan d'eau et ont versé le loyer convenu à la demanderesse du 1er février 1996 au 31 janvier 1999.

28.      Les parties ont négocié pendant plus de deux ans, mais elles n'ont pas pu s'entendre. Le 11 juin 1998, les avocats de la demanderesse ont écrit aux avocats des défendeurs pour les informer de ce qui suit :

La ville a conclu que les positions des parties sont telles que toute négociation additionnelle ne portera probablement pas fruit et que les parties n'arriveront probablement pas à s'entendre sur les conditions du bail.

Par conséquent, la ville exige que votre client quitte les lieux et enlève le navire au plus tard le 30 septembre 1998 et elle avise par les présentes votre client de la chose.

29.      Les parties ont poursuivi les négociations et la demanderesse a prorogé le délai stipulé dans l'avis à deux reprises, et en fin de compte jusqu'au 31 janvier 1999. Par des lettres datées du 4 décembre 1998 et du 27 janvier 1999, les avocats de la demanderesse ont confirmé que leur cliente exigeait que l'on enlève le navire défendeur au plus tard le 31 janvier 1999. On n'a pas enlevé le navire et la demanderesse a intenté la présente action le 18 mars 1999.

Autres faits

30.      Pendant les périodes pertinentes, le navire défendeur était immatriculé en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada, et il l'est encore.

31.      Le plan d'eau en question est situé dans le port de Vancouver, qui relève de la compétence fédérale en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867.

32.      Le navire défendeur n'utilise pas le fond des terres sous-marines sauf là où il y a des pieux auxquels il est attaché. Les défendeurs n'ont jamais utilisé le fond des terres sous-marines sauf en ce qui concerne les câbles qui ont été attachés aux pieux d'amarrage. Le navire n'utilise pas d'ancre fixée sur le fond.

33.      La ville de North Vancouver veut maintenant aménager le quartier Lonsdale. Dans le North Shore News Community Directory 2000, le maire a déclaré ce qui suit :

Un nouveau siècle commence, un nouveau millénaire, et la ville de North Vancouver est en voie d'expansion. Après de nombreuses années de planification minutieuse et de consultation, trois principaux secteurs (Harbourside Business Park, Lower Lonsdale et l'emplacement du chantier de Versatile) doivent assurer l'essor et changer l'aspect de la ville de North Vancouver.

Ces projets importants entraîneront la création de nouveaux emplois, de nouvelles possibilités d'affaires et amèneront de nouveaux résidents à s'installer dans la collectivité. De notre côté, nous devons assurer des services et installations communautaires appropriés. Le conseil veut encourager une véritable renaissance et transmettre un legs solide sur le plan financier dont pourront profiter les générations futures.

34.      Le navire défendeur est inscrit dans le répertoire du patrimoine de la ville de North Vancouver, mais il n'est pas désigné à titre de bien à valeur patrimoniale.

LES POINTS LITIGIEUX

[5]      Les défendeurs affirment avoir acquis le droit permanent d'amarrer le navire défendeur sur le plan d'eau. En soutenant qu'il faudrait répondre par la négative à la question de droit qui se pose, ils ont avancé les arguments suivants :


  1. .La convention d'achat de 1959 et la conduite des parties ont entraîné, en faveur des défendeurs, la création d'un intérêt en equity dans les terres sous-marines;
  2. .      Étant donné que le bail de 1982 avait uniquement pour effet d'éteindre les baux antérieurs, le droit indépendant d'amarrage que possédaient les défendeurs ne peut pas avoir été, et n'a pas été, aboli par le bail de 1982;
  3. .      La vente du navire était liée au plan d'eau; il a été affirmé que cela était analogue au droit de créer une pêcherie exclusive dans les eaux de marée;
  4. .      Le navire est une structure flottante qui n'utilise pas le fond, sauf là où il est attaché à des flotteurs maintenus en place par des pieux. Il a été soutenu que la demanderesse avait cherché à réglementer le droit d'amarrage du navire. Les défendeurs ont affirmé que compte tenu du droit public autorisant la navigation dans les eaux de marée, ils ont le droit d'utiliser la tranche d'eau située au-dessus des terres sous-marines et que ce droit ne peut être éteint qu'au moyen d'un libellé clair;
  5. .      L'intérêt que possèdent les défendeurs dans les terres sous-marines équivaut à un intérêt en equity auquel il pouvait être mis fin par une disposition générale du bail de 1982. Il existe un rapport fiduciaire à l'égard du droit d'amarrer le navire que possèdent les défendeurs. Les défendeurs se sont fondés à cet égard sur la doctrine de la fiducie d'utilité publique.

ANALYSE

(i) La convention d'achat de 1959 et la conduite des parties ont-elles entraîné, en faveur des défendeurs, la création d'un intérêt en equity dans les terres sous-marines?

[6]      Les défendeurs ont affirmé que leur intérêt en equity dans les terres sous-marines a été créé en vertu de la convention d'achat de 1959 et par suite de la conduite des parties. Le droit que possèdent les défendeurs d'amarrer le navire en permanence sur le plan d'eau était une condition de la vente du navire. Par conséquent, a-t-on soutenu, la convention d'achat de 1959 créait, en faveur des défendeurs, un intérêt dans le plan d'eau. En d'autres termes, les défendeurs ont soutenu que la convention d'achat exigeait que le navire reste en permanence sur le plan d'eau.

[7]      Les défendeurs ont en outre affirmé qu'ils avaient été amenés à acheter le navire par suite des garanties que les représentants de la demanderesse leur avaient fournies, à savoir qu'ils pourraient amarrer en permanence le navire sur le plan d'eau. Il a été affirmé que c'est à cause de cette garantie que les défendeurs, ou plus précisément leurs prédécesseurs, avaient déboursé jusqu'à 150 000 $ en vue de transformer le traversier en restaurant.

[8]      Les défendeurs ont également maintenu que les parties ne s'étaient jamais arrêtées à la nature de l'intérêt que la demanderesse leur avait conféré lorsque le navire avait été vendu en 1959 et lorsqu'ils ont obtenu le droit d'amarrer le navire. Les défendeurs ont affirmé qu'il n'était donc pas nécessaire d'entendre le témoignage des personnes qui avaient participé aux négociations qui ont abouti à la vente, en 1959.

[9]      Ces arguments exigent une analyse approfondie de la convention d'achat de 1959 et de la preuve qui a été présentée devant la Cour au sujet des négociations qui ont eu lieu à ce moment-là.

[10]      Il est admis que par une lettre datée du 1er décembre 1958, adressée à la demanderesse, Harry Almas a modifié son offre. L'auteur de la lettre disait, en employant le futur, que selon ce qu'il croyait comprendre, [TRADUCTION] « la ville de North Vancouver [devait lui] assurer [qu'il disposerait] toujours d'installations d'amarrage permanentes » . Toutefois, l'offre de location a été acceptée par une résolution du conseil de la demanderesse qui prévoyait expressément que la ville acceptait l'offre [TRADUCTION] « à condition qu'une convention de bail satisfaisante soit négociée » . Par la suite, lorsque le secrétaire de la ville a écrit à l'avocat de M. Almas pour l'informer de la résolution que le conseil municipal avait adoptée, il a expressément fait mention des conditions qui devaient figurer dans le bail, et notamment du [TRADUCTION] « droit de l'acquéreur d'amarrer le navire sur la propriété de la ville au bas de l'avenue Lonsdale » .

[11]      Les documents versés dans le livre commun de documents montrent que, par la suite, un bail initial écrit dont les parties avaient négocié à fond les conditions a été préparé et signé. Ainsi, le 10 avril 1959, l'avocat de l'acquéreur a fait parvenir ses commentaires au sujet de la forme du bail que la demanderesse avait fourni. L'avocat de l'acquéreur a tout d'abord signalé que [TRADUCTION] « [l]e bail et la convention semblent satisfaisants si ce n'est que des modifications mineures devraient être effectuées, la plus importante étant que la clause d'option devrait renfermer une disposition plus précise au sujet des modalités d'arbitrage relatives à la reconduction du bail » . D'autres lettres ont par la suite été échangées et, par une lettre datée du 27 avril 1959, les acquéreurs ont retourné des copies dûment signées de la convention d'achat et du bail en disant, entre autres choses, ce qui suit : [TRADUCTION] « Veuillez noter que le libellé des documents que vous nous avez transmis a été rédigé de nouveau. » Les acquéreurs avaient révisé le bail de façon à changer le nom des parties et à modifier le libellé d'une clause portant sur l'utilisation du parc de stationnement.

[12]      Telle qu'elle a finalement été signée, la convention d'achat de 1959 montrait que l'entreprise s'engageait à transformer le traversier en restaurant ainsi qu'à maintenir le navire et à l'exploiter sur le plan d'eau [TRADUCTION] « au cours de la durée du bail dont il est ci-après fait mention et au cours de toute période de renouvellement dudit bail » . La convention écrite d'achat montrait également que les parties s'étaient entendues pour conclure un bail rédigé selon la même forme que le bail qui était joint et parafé. Ce bail, qui a finalement été signé par les parties, prévoyait que la durée du bail était de cinq ans et qu'il pouvait être renouvelé pour une période de cinq ans. Le bail stipulait expressément que si le loyer n'était pas payé, ou en cas de violation ou d'inexécution des engagements, la ville de North Vancouver pouvait reprendre possession des lieux.

[13]      Les prédécesseurs des défendeurs étaient représentés par des avocats pendant toute la durée des négociations relatives à l'achat et à la location.

[14]      À mon avis, il n'y a rien dans la convention d'achat de 1959 ou dans le bail initial qui étaye l'argument selon lequel la convention d'achat de 1959 et la conduite des parties ont entraîné la création, dans les terres sous-marines, d'un intérêt en equity tel que les défendeurs ont acquis un droit d'amarrage permanent. De fait, je conclus que le libellé exprès du bail initial, une entente dont il est expressément fait mention dans la convention écrite d'achat, va à l'encontre de la position que les défendeurs prennent maintenant, à savoir qu'un droit d'amarrage permanent a été acquis. Je conclus en outre que ce libellé exprès est incompatible avec l'assertion selon laquelle les parties ne se sont jamais arrêtées à la nature de l'intérêt que la demanderesse avait conféré lorsque le navire avait été vendu.

[15]      À l'appui de l'assertion selon laquelle la conduite des parties étayait leurs prétentions actuelles, les défendeurs ont accordé devant moi beaucoup d'importance à la lettre du 10 juillet 1959 que le secrétaire de la ville demanderesse de l'époque avait envoyée à M. Harry Almas. Dans cette lettre, rédigée après que la convention d'achat de 1959 et le bail initial eurent été signés, le secrétaire disait que le traversier [TRADUCTION] « p[ouvait] être installé dans son lieu d'amarrage permanent, dans le port de plaisance Lonsdale » . Les défendeurs ont soutenu que les mots [TRADUCTION] « lieu d'amarrage permanent » laissaient entendre qu'il s'agissait d'un bail perpétuel ou d'un bail renouvelable à perpétuité. Toutefois, dans le Black's Law Dictionary, le mot anglais « permanent » (permanent) est défini comme [TRADUCTION] « s'opposant généralement en droit au mot « temporaire » , sans être toujours synonyme du mot « perpétuel » » . À mon avis, les termes employés par le secrétaire sont conformes à l'intention et à l'entente, selon lesquelles on devait installer le navire dans un lieu où il serait amarré en permanence tant que le bail ne serait pas expiré ou ne serait pas résilié par suite d'une violation.

[16]      Mon avis à ce sujet est étayé par la lettre que l'ancien avocat de Seven Seas Seafood Restaurant Ltd. a envoyée au maire et aux conseillers municipaux de la ville de North Vancouver le 11 avril 1963. Dans cette lettre, l'avocat soulevait deux questions, la première se rapportant au fait qu'il n'y avait pas suffisamment de places de stationnement pour le restaurant. L'avocat y disait ceci : [TRADUCTION] « [À] moins que la question ne puisse être réglée, nos clients envisageront probablement d'exploiter ailleurs leur entreprise à l'expiration du présent bail. »

[17]      L'avocat a ajouté ce qui suit :

[TRADUCTION]
         Nous aimerions également attirer votre attention sur une autre question qui s'est posée, à savoir qu'il semblerait, compte tenu du bail qui a été conclu entre la ville et la société, que cette dernière paie un loyer pour un certain plan d'eau sans avoir d'autres privilèges qu'un droit d'accès à ce plan d'eau. Ce sont les anciens conseillers municipaux qui ont incité nos clients à établir leur entreprise à cet endroit. Les pieux auxquels le navire de notre cliente est attaché ont été installés par la ville. Au mois d'octobre dernier, au cours d'une grosse tempête, l'un des pieux a été sérieusement endommagé et doit être remplacé. Lorsque nous avons soulevé la question auprès de votre avocat, il nous a informés -- avec raison -- qu'en vertu des conditions du bail, la ville n'était pas obligée d'assurer l'entretien des pieux. Toutefois, à notre avis, tel n'est pas l'esprit du bail. Normalement, un pieu bien installé durerait plusieurs années, alors que la durée du bail de notre client n'est que de cinq ans. Il semblerait donc que nos clients soient obligés d'apporter des améliorations à vos biens alors qu'ils bénéficieraient fort peu de pareilles améliorations.
         Nous vous prions donc, Messieurs, d'examiner toute la question en tenant compte de l'esprit dans lequel les dispositions initiales ont été prises, de façon qu'il soit possible de résoudre ces deux problèmes sans causer de difficultés à nos clients. [Je souligne.]

[18]      Ces remarques, que l'avocat des prédécesseurs des défendeurs a faites en 1963, sont incompatibles avec le droit d'amarrage permanent qui est maintenant invoqué.

[19]      De plus, à mon avis, les négociations subséquentes qui ont eu lieu entre la demanderesse et les prédécesseurs des défendeurs au sujet du bail n'étayent pas l'argument des défendeurs selon lequel ils possèdent un intérêt en equity.

[20]      En 1965, un nouveau bail a été conclu pour une période de sept ans, ce bail pouvant être renouvelé pour une période additionnelle de cinq ans. Il est intéressant de noter l'article 3 de ce bail, qui prévoit que la durée initiale de sept ans était [TRADUCTION] « assujettie au droit du locateur de résilier le bail à n'importe quel moment à l'expiration de la période de cinq ans qui suivra la date d'entrée en vigueur du bail, si l'on a besoin des lieux à des fins municipales ou aux fins de l'aménagement du port, un préavis écrit de 180 jours devant en pareil cas être signifié au locataire » . Le bail stipulait ensuite que la ville pouvait montrer les lieux à d'autres personnes au cours des cinq derniers mois et demi de la durée du bail; qu'en cas d'occupation après terme, le locataire serait réputé louer les lieux au mois seulement; que le droit de reprise de possession était préservé et, en ce qui concerne la période de renouvellement, que pareille reconduction était assujettie au droit du locateur de résilier le bail à n'importe quel moment sans avoir à verser une indemnité. Encore une fois, ces dispositions contredisent la prétention selon laquelle il existait un droit d'amarrage permanent.

[21]      En 1971, un autre bail écrit a été conclu entre la ville de North Vancouver, en sa qualité de locateur, S.S. Marina Ltd., en sa qualité de locataire, et Seven Seas Seafood Restaurant Ltd., en sa qualité de garante. Ce bail prévoyait qu'il [TRADUCTION] « rempla[çait] complètement et d'une façon absolue le bail conclu entre les parties le 7 septembre 1965 et [que] ledit bail n'a[vait] plus force exécutoire » . On a affirmé que le bail de 1971 avait été conclu pour une période de dix ans, et qu'il pouvait être renouvelé pour une période additionnelle de cinq ans. Toutefois, le bail de 1971 stipulait que si [TRADUCTION] « l'on a[vait] besoin des lieux à des fins municipales ou aux fins de l'aménagement du port, par un avis de résiliation prenant effet huit (8) ans seulement après la date d'entrée en vigueur » , le bail pouvait être résilié. Aucune indemnité n'était prévue en cas de résiliation prématurée. Le bail prévoyait également qu'il pouvait être résilié dans un certain nombre de cas, par exemple si le locataire cédait ses droits au profit de créanciers. Le bail stipulait expressément qu'à l'expiration du bail ou au moment de sa résiliation, le locataire [TRADUCTION] « remettra[it] paisiblement lesdits lieux au locateur » . L'occupation après terme entraînerait une location mensuelle et le droit de reprise était préservé. Au cours de la période de renouvellement de cinq ans, le bail pouvait être résilié, sans indemnité, sur préavis de deux ans.

[22]      Le bail de 1971 stipulait également expressément que la ville de North Vancouver, sous réserve de l'approbation écrite du Conseil des ports nationaux, sous-louerait une partie des terres submergées au locataire. L'exposé conjoint des faits qui a été mis à ma disposition confirme qu'avant 1982, la demanderesse louait le plan d'eau du Conseil des ports nationaux.

[23]      Le fait que la demanderesse ne bénéficiait pas d'un pouvoir absolu sur le plan d'eau constitue, à mon avis, un autre élément de preuve incompatible avec le droit permanent d'amarrage qui est maintenant invoqué. À la connaissance des prédécesseurs des défendeurs, la ville de North Vancouver, du moins dès 1971, n'avait pas le droit d'accorder un intérêt du genre maintenant invoqué.

[24]      Pour qu'en droit, un bail soit renouvelable à perpétuité, les parties doivent clairement manifester leur intention. Pareille condition serait tout à fait incompatible avec les documents que la ville de North Vancouver et les divers prédécesseurs des défendeurs ont signés.

[25]      Les défendeurs font face à un autre obstacle. La convention d'achat de 1959, et le bail initial, ont tous les deux été conclus entre la Corporation de la ville de North Vancouver et Seven Seas Seafood Restaurant Ltd. Même si le locataire initial acquérait un droit permanent, rien ne montre que le droit dont Seven Seas Seafood Restaurant Ltd. était titulaire ait été cédé à ces défendeurs. En l'absence de pareille cession, les droits des défendeurs découlent uniquement de l'entente décrite au paragraphe 27 de l'exposé conjoint des faits, se rapportant à la période allant du 1er février 1996 au 31 janvier 1999.

[26]      En résumé, je conclus que rien dans les documents mis à ma disposition, ou dans l'exposé conjoint des faits, n'étaye l'existence d'un droit légal opposable conférant aux défendeurs le droit d'amarrer leur navire en permanence sur le plan d'eau.

[27]      Enfin, en droit, en 1959, le paragraphe 475(1) de la Municipal Act, S.B.C. 1957, ch. 42 (la Municipal Act) prévoyait expressément qu'une entité comme la demanderesse était uniquement autorisée à louer une propriété pour une période globale d'au plus 20 ans y compris les périodes de renouvellement.

[28]      Comme il en a été fait mention, les parties ont toujours été représentées par des avocats qui connaissaient censément le droit. Le fait que la loi aurait interdit à la demanderesse de conclure une entente du genre maintenant allégué renforce la conclusion que j'ai tirée, à savoir qu'il n'a été convenu d'aucune condition de ce genre.

[29]      L'avocat des défendeurs a soutenu que la Municipal Act ne s'appliquait pas aux eaux de marée, mais je reconnais que cette loi définissait la capacité de la demanderesse de conclure des ententes juridiques.

(ii)      Quel était l'effet du bail de 1982?

[30]      Les principales conditions du bail de 1982 sont ci-après énoncées :

     a)      Article 2.02 -- Le bail remplaçait complètement et d'une façon absolue tous les baux antérieurs conclus entre le propriétaire et le locataire (S.S. Marina Ltd.) au sujet de la totalité ou d'une partie des terres ainsi que toutes les modifications y afférentes, et ces baux et modifications n'avaient plus aucune force exécutoire. Dans le bail, les terres étaient définies de façon à inclure le plan d'eau.
     b)      Article 8.01 -- À l'expiration du bail et du sous-bail se rapportant au plan d'eau ou au moment de leur résiliation, le locataire devait remettre le plan d'eau sans avoir droit à une indemnité.
     c)      Article 8.03 -- À l'expiration du sous-bail ou de la dernière période de renouvellement, le locataire devait enlever le traversier.
     d)      Article 13.02 -- La ville pouvait résilier le bail dans un certain nombre de cas, notamment si le loyer n'était pas payé et si le locataire violait ses obligations et ne remédiait pas à la situation.
     e)      Article 15.01 -- En cas d'occupation après terme, le locataire était réputé être locataire au mois.
     f)      Article 16.05 -- Le locataire reconnaissait que le propriétaire n'avait pas fait de représentations, n'avait pas pris d'engagements, n'avait pas fourni de garanties et n'avait pas fait de promesses et qu'aucune entente « accessoire » ne liait le propriétaire à moins d'avoir été conclue par écrit et d'avoir été signée par ce dernier; il reconnaissait en outre que le bail constituait toute l'entente conclue entre le propriétaire et le locataire.
     g)      Article 16.13 -- Le locataire pouvait renouveler le sous-bail pour la période que la ville pourrait négocier avec le Conseil des ports nationaux ou jusqu'à la fin du bail, la période la moins longue devant en pareil cas s'appliquer.
     h)      Article 16.14 -- Le locataire avait le droit de renouveler le bail pour deux périodes additionnelles de cinq ans et, après la seconde période, il n'y aurait plus aucun droit de renouvellement.

[31]      À mon avis, compte tenu des articles 2.02 et 16.05, l'argument de la demanderesse selon lequel le bail de 1982 remplaçait toutes les ententes antérieures conclues entre les parties doit être retenu en l'absence de considérations contraires. Les défendeurs n'ont pas présenté de preuve de l'existence d'autres ententes et ils n'ont donc pas démontré qu'il existait des considérations contraires.

[32]      Les défendeurs ont soutenu que le bail de 1982 avait pour effet d'éteindre tous les baux antérieurs, mais non le droit créé dans la convention d'achat de 1959; toutefois, je n'ai pu constater l'existence d'aucun droit créé par la convention d'achat de 1959 qui n'aurait pas été prévu dans la convention écrite ou dans le bail qui y était joint. En outre, les défendeurs n'ont pas démontré qu'il existait une entente dans laquelle ils avaient une connexité d'intérêts, ou dont ils bénéficiaient de quelque autre façon, leur conférant un droit d'amarrage permanent.

[33]      En ce qui concerne les autres arguments avancés par les défendeurs, leur avocat a confirmé, dans son argumentation orale, qu'ils étaient tous fondés sur l'hypothèse selon laquelle, en 1959, les parties avaient conclu une entente en vertu de laquelle le locataire devait obtenir un droit permanent d'amarrer le navire sur le plan d'eau. J'ai conclu que tel n'était pas le cas. Cela suffit pour régler tous les autres arguments, mais j'aimerais faire les brèves remarques additionnelles suivantes.

(iii)      Les défendeurs peuvent-ils faire valoir un droit analogue au droit de créer une pêcherie exclusive dans les eaux de marée?

[34]      Comme l'avocat de la demanderesse l'a fait remarquer, les défendeurs n'ont jamais exercé d'activités de pêche. On n'a pas réussi à me convaincre du bien-fondé de cette analogie.

(iv)      Le droit public autorisant la navigation dans les eaux de marée aide-t-il les défendeurs?

[35]      Le droit public de navigation ne permet à personne d'amarrer en permanence un navire dans un endroit particulier. Voir Campbell's Trustees v. Sweeney (1911), S.C. 1319, à la page 1324 (C.L.). Comme on l'a dit en des termes clairs dans le jugement Iveagh v. Martin, [1961] Q.B. 232, à la page 273 : [TRADUCTION] « On ne peut pas se servir de la route pour loger son cheval. »

(v)      L'allégation des défendeurs est-elle étayée par la doctrine de la fiducie d'utilité publique?

[36]      Les défendeurs ont fait remarquer qu'en droit canadien, on a fort peu examiné la doctrine de la fiducie d'utilité publique. Ils ont cité la décision rendue par la Cour suprême américaine dans le jugement Illinois Central Railroad Company v. People of the State of Illinois (1892), 146 U.S. 1018. Dans cette affaire, la Cour examinait une demande découlant du fait que l'assemblée législative de l'Illinois avait accordé à une compagnie de chemin de fer une concession en fief simple sur des terres submergées situées dans le lac Michigan. Par la suite, l'assemblée législative de l'État avait intenté une action en vue d'annuler cette concession et la Cour suprême américaine avait confirmé la demande de l'État en disant, à la page 1042, que les terres submergées situées dans le lac Michigan étaient:

[TRADUCTION]
[...] détenues en fiducie pour la population de l'État, de façon qu'elle puisse se livrer à la navigation et au commerce et qu'elle ait la faculté de pêcher sans obstruction ou ingérence de la part de particuliers.

La Cour suprême a ensuite ajouté ce qui suit, à la page 1043 :

[TRADUCTION]
         Toute concession de ce genre est nécessairement révocable, et l'État peut à n'importe quel moment assumer de nouveau la fiducie en vertu de laquelle la propriété est détenue. Sans aucun doute, il se peut que des frais aient été engagés en vue d'effectuer des améliorations en vertu de pareille concession et que l'État doive les rembourser; cependant, quoi qu'il en soit, le pouvoir d'assumer de nouveau la fiducie dès que l'État le juge bon est à notre avis incontestable.

[37]      À mon avis, cette doctrine n'aide pas les défendeurs. Si, en droit, la doctrine s'applique, et je ne tire aucune conclusion à ce sujet, il me semblerait qu'elle aurait le résultat contraire à celui que les défendeurs prônent en l'espèce. La doctrine est incompatible avec l'existence d'un droit privé permanent sur des eaux publiques. L'État doit exercer son contrôle sur ces eaux en vue de promouvoir l'intérêt du public.

[38]      Par conséquent, pour les motifs susmentionnés :


ORDONNANCE

[39]      Il est par les présentes ordonné de répondre par l'affirmative au point de droit énoncé au paragraphe [1] de ces motifs.

[40]      Les défendeurs verseront à la demanderesse les frais de la présente requête, lesquels seront taxés conformément à la colonne III du tarif B des Règles.





                             « Eleanor R. Dawson »                                      Juge


Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., trad. a.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE LA PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU DOSSIER :                  T-503-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :          THE CORPORATION OF THE CITY OF NORTH VANCOUVER c. LE NAVIRE « SEVEN SEAS S.R. » ET AUTRES

LIEU DE L'AUDIENCE :              VANCOUVER

DATE DE L'AUDIENCE :              LE 3 AOÛT 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE DAWSON EN DATE DU 13 SEPTEMBRE 2000.


ONT COMPARU :

CHRISTOPHER WILSON              POUR LA DEMANDERESSE

K. JOSEPH SPEARS              POUR LES DÉFENDEURS


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

BULL HOUSSER & TUPPER,          POUR LA DEMANDERESSE

VANCOUVER

K. JOSEPH SPEARS                  POUR LES DÉFENDEURS

VANCOUVER


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