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                                                                                                                              Date : 20020514

                                                                                                                        Dossier : T-1967-01

                                                                                              Référence neutre : 2002 CFPI 558

ENTRE :

RONALD G. MAHEU

                                                                                                                                        demandeur

et

IMS HEALTH CANADA et

LE COMMISSAIRE À LA PROTECTION DE LA

VIE PRIVÉE DU CANADA

                                                                                                                                        défendeurs

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE HARGRAVE


[1]                 La requête de la défenderesse IMS Health Canada (IMS) comporte deux volets : en premier lieu, elle vise la radiation de l'avis de demande de contrôle judiciaire (la demande) pour le motif qu'il y a abus de procédure; subsidiairement, elle vise à obliger le demandeur à fournir un cautionnement pour les dépens compte tenu du fait qu'il est indigent et que l'instance est frivole et vexatoire. Une procédure abusive est essentiellement une procédure frivole et vexatoire : il serait intéressant de savoir si, lorsqu'il est conclu que la demande ne constitue pas un abus de procédure, dans la mesure où elle ne devrait pas être radiée parce qu'elle sera clairement, de toute évidence et hors de tout doute rejetée, cette décision porte un coup fatal à une demande qui est fondée sur l'alinéa 416(1)g) des Règles, qui prévoit que le demandeur indigent doit fournir un cautionnement pour dépens lorsqu'il paraît évident qu'il y a lieu de croire que l'action est frivole et vexatoire. Il n'existe plus d'interdiction en ce qui concerne l'adjudication de dépens dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire, car l'article 400 des Règles et les dispositions suivantes confèrent à la Cour entière discrétion en matière de dépens : voir McCormick c. Canada (1999) 164 F.T.R. 155, page 157 (1re inst.). Par conséquent, rien n'empêche l'application à la demande ici en cause de l'article 416 des Règles, qui porte sur le cautionnement pour dépens, le demandeur et la défenderesse dans la requête étant substitués au demandeur et à la défenderesse dans l'action tel qu'il est prévu à l'article 415 des Règles.


[2]                 Selon la défenderesse, cette demande est fondamentalement axée sur le fait que le demandeur abuse de la procédure de la Cour fédérale en sollicitant ce qui semble être un examen, en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, L.C. 2000, ch. 5 (la Loi), des mesures qu'IMS a prises en recueillant et en communiquant des renseignements, examen qui constitue, selon IMS, [TRADUCTION] « une tentative à peine voilée visant la poursuite des intérêts commerciaux de Pharma Communication » . IMS soutient que la demande devrait être radiée parce qu'elle constitue un abus de la procédure de la Cour fédérale : je n'irais pas jusqu'à radier l'instance, mais il s'agit d'un abus justifiant la fourniture d'un cautionnement pour dépens en faveur de la défenderesse, conformément à l'alinéa 416(1)g) des Règles.

LES FAITS

[3]                 Les parties, Ronald Maheu et IMS, sont des concurrents dans le secteur de la vente aux fabricants de produits de prescription de renseignements relatifs aux ordonnances rédigées par les médecins.

[4]                 Au mois de janvier de l'année en cours, la société du demandeur, Pharma Communications Group Inc., s'est plainte au Commissaire à la protection de la vie privée du Canada de ce qui lui semblait être une violation de la Loi, à savoir qu'IMS aurait vendu des renseignements au sujet des pratiques suivies par les médecins relativement aux ordonnances sans leur consentement. Cette plainte a été rejetée par le Commissaire à la protection de la vie privée. Le demandeur, Ronald Maheu, en sa qualité de président et de directeur général de Pharma Communications Group Inc., a engagé la présente instance le 2 novembre 2001, en alléguant que le Commissaire à la protection de la vie privée avait commis une erreur en concluant que les renseignements recueillis et communiqués par IMS n'étaient pas des renseignements personnels en vertu de la Loi.


[5]                 L'instance dont la Cour fédérale est ici saisie n'est pas l'unique litige qui oppose les parties. Il existe un litige commercial devant les cours de l'Ontario se rapportant à la présumée violation, par M. Maheu, d'un contrat de licence conclu avec IMS et à l'utilisation non autorisée par Pharma Communications Group Inc. d'une banque de données d'IMS, instance dans laquelle une injonction est en vigueur, interdisant à M. Maheu d'adresser des envois aux médecins, pratique qu'IMS juge répréhensible, les tribunaux de l'Ontario souscrivant à l'avis de cette dernière. Le litige devant les tribunaux de l'Ontario influe d'une façon indirecte sur le litige dont la Cour fédérale est ici saisie, car il étaye la prétention d'IMS selon laquelle une question commerciale est à l'origine du litige devant la Cour fédérale.

[6]                 Sans entrer dans les détails, qui sont énoncés par IMS dans son affidavit de documents, des documents qui n'ont pas fait l'objet d'un contre-interrogatoire et qui sont essentiellement non contestés, la présente instance porte la marque d'un litige commercial. Toutefois, il n'existe apparemment aucune décision portant sur la question de savoir si la portée et l'objet de la Loi s'étendent à pareil litige.

[7]                 De plus, et la chose n'est pas contestée, le demandeur est un failli non réhabilité : la demande qu'il a faite pour qu'une faillite soit déclarée indique qu'il détient des actifs d'une valeur de 15 000 $, que ses dettes fiscales s'élèvent à 886 998,36 $ et que son revenu mensuel, au 31 mai 2000, suffisait à peine à couvrir ses dépenses.


[8]                 En ce qui concerne la Loi, l'article 3 prévoit notamment que la Loi a pour objet « [...] de fixer [...] des règles régissant la collecte, l'utilisation et la communication de renseignements personnels [...] » . La Loi établit un code visant à protéger les renseignements personnels, c'est-à-dire les renseignements concernant un individu identifiable (à l'exclusion du nom et d'autres renseignements indiquant son identité). Elle énonce les règles qui s'appliquent aux organisations privées qui recueillent, utilisent ou communiquent des renseignements personnels dans le cadre d'activités commerciales. IMS soulève ici deux points : en premier lieu, le demandeur n'est pas lui-même un fournisseur de soins de santé; en second lieu, IMS ne recueille pas de renseignements au sujet de M. Maheu. IMS soutient plutôt que M. Maheu utilise la Loi afin d'obtenir un avantage concurrentiel pour sa société et que cela constitue en soi un abus de la procédure de la Cour. J'examinerai maintenant toutes ces questions.

EXAMEN


[9]                 En exerçant un contrôle sur leurs propres procédures, les cours de justice sont autorisées à empêcher qu'on fasse obstacle à leurs actes de procédure ou qu'on en abuse : je mentionnerai ici les arrêts British Columbia Government Employees' Union c. Colombie-Britannique [1988] 2 R.C.S. 214, page 240, et Prassad c. Canada [1989] 1 R.C.S. 560, page 568. Dans le premier arrêt, la Cour suprême parle de la compétence inhérente des cours; dans le dernier arrêt, elle traite des pouvoirs des tribunaux administratifs en tant que maîtres de leurs procédures. La Cour d'appel fédérale a examiné la question de l'abus de procédure dans l'arrêt Levi Strauss & Co. c. Roadrunner Apparel Inc. (1998) 221 N.R. 93, tant dans le contexte du droit délictuel substantiel en cas d'usage abusif d'un tribunal que dans le cas où le tribunal défend sa procédure afin de se protéger contre les abus commis par les plaideurs. Je crois que, dans ce dernier contexte, Monsieur le juge Létourneau songeait à ce que, dans le cadre de sa compétence implicite, la Cour fédérale exerce un contrôle sur sa propre procédure en appliquant le principe de la prévention des abus sur le plan de la procédure. Il importe de se rappeler que cette compétence implicite que possède la cour, aux fins du contrôle de sa propre procédure, diffère de la compétence précise qui est conférée à celle-ci en matière de radiation d'actes de procédure abusifs, en vertu de l'alinéa 221(1)f) des Règles et dans la catégorie connexe des instances frivoles et vexatoires, alinéa 221(1)c) des Règles.

[10]            La prévention de l'abus de procédure comporte la prise de mesures par lesquelles [TRADUCTION] « la cour empêche l'utilisation irrégulière de ses mécanismes, et empêche sommairement le cas échéant ses mécanismes d'être utilisés comme moyen vexatoire et comme moyen d'oppression dans le cadre d'un litige [...] » (The White Book of Supreme Court Practice, Sweet & Maxwell, édition de 1993, page 332). J'ai examiné la question de l'abus de procédure dans la décision Margem Chartering Co. c. le « Bosca » , [1997] 2 C.F. 1101, page 1013 et pages suivantes : j'ai expressément fait remarquer que les mots « futile » et « vexatoire » et l'expression « emploi abusif des procédures de la Cour » sont interchangeables.


[11]            De même, dans la décision British Columbia Native Women's Society c. Canada [2001] 4 C.F. 191, page 205, j'ai fait remarquer que les actes de procédure frivoles et vexatoires ou constituant un abus de procédure sont étroitement liés puisque font également partie des actes de procédure frivoles ou vexatoires les actes de procédure qui constituent un abus de procédure; à cet égard, je m'étais fondé sur l'arrêt Ashmore c. British Coal Corporation [1990] 2 Q.B. 338 (C.A.), page 347.

[12]            Une action vexatoire peut également inclure une action qui a été intentée à des fins illégitimes : voir Re Lang Michener et Fabian (1987) 37 D.L.R. (4th) 685, page 691, décision dans laquelle Monsieur le juge Henry, de la Haute cour de l'Ontario, résume un certain nombre de décisions sur ce point.

[13]            Bref, les concepts de caractère frivole ou vexatoire et d'abus sont étroitement liés et sont bien souvent interchangeables. En outre, l'abus de procédure, dans cette cour, comporte deux aspects : l'un se rapporte à la compétence procédurale implicite par laquelle la Cour exerce un contrôle sur sa propre procédure et l'autre est tiré des alinéas 221(1)c) et 221(1)f) des Règles de la Cour fédérale, portant sur les procédures frivoles, vexatoires et abusives, qui peuvent être radiées lorsqu'il est clair, évident et hors de tout doute qu'une demande ou une défense, le cas échéant, ne sera pas acceptée.


[14]            En l'espèce, la portée de la Loi n'a pas encore été déterminée. Utiliser la Loi en vue d'obtenir un avantage commercial concurrentiel semblerait constituer un abus, ou être vexatoire ou frivole, mais en l'absence de décisions concernant la portée de la Loi, je ne radierai pas l'acte de procédure ici en cause, et ce, pour deux raisons. En premier lieu, la Cour a compétence pour rejeter sommairement une demande de contrôle judiciaire, mais il s'agit d'une mesure qui peut uniquement être prise lorsque l'acte introductif d'instance est manifestement irrégulier au point de n'avoir aucune chance d'être accueilli; il s'agit d'une mesure qui, en fait, ne peut être prise qu'exceptionnellement : voir David Bull Laboratories (Canada) c. Pharmacia Inc. [1995] 1 C.F. 588, page 600 (C.A.F.).

[15]            En second lieu, la demande ici en cause ne devrait pas être radiée parce que les questions de droit sérieuses ne devraient pas être tranchées dans le cadre d'une requête sommaire à moins d'être absolument futiles au point de justifier la radiation : voir Hodgson c. bande indienne d'Ermineskin, décision non publiée du 10 septembre 1999 confirmée (2001) 267 N.R. 143 (C.A.F.), paragraphe 14, où il est fait mention de l'arrêt Vulcan Equipment Co. Ltd. c. Coats Co. Inc. [1982] 2 C.F. 77 (C.A.F.), page 78, autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada refusée (1982) 63 C.P.R. (2d) 261n.

[16]            L'avocat de M. Maheu soutient que, puisque j'ai conclu que l'instance n'en est pas une qui devrait être radiée pour le motif qu'elle constitue un abus, ou qu'elle est frivole ou vexatoire, la question du cautionnement pour dépens ne se pose plus, conformément à l'alinéa 416(1)g) des Règles, qui est ainsi libellé :

416. (1) Cautionnement - Lorsque, par suite d'une requête du défendeur, il paraît évident à la Cour que l'une des situations visées aux alinéas a) à h) existe, elle peut ordonner au demandeur de fournir le cautionnement pour les dépens qui pourraient être adjugés au défendeur :

[...]

g) il y a lieu de croire que l'action est frivole ou vexatoire et que le demandeur ne détient pas au Canada des actifs suffisants pour payer les dépens s'il lui est ordonné de le faire; [...]


[17]            Il est possible de répondre à cet argument, à savoir que le rejet d'une requête en radiation fondée sur l'abus de procédure empêche la fourniture d'un cautionnement pour dépens fondée sur le fait que la procédure est frivole et vexatoire, en disant que l'alinéa 416(1)g) des Règles ne s'appliquerait presque jamais dans le contexte d'une action, car l'action serait d'abord radiée. De même, il pourrait être difficile de trouver une application de la règle, même dans le cadre d'un contrôle judiciaire. Par conséquent, étant donné que les personnes qui ont rédigé la règle voulaient qu'elle ait une application, la norme du caractère frivole et vexatoire donnant lieu à des dépens doit être moins rigoureuse que celle qui s'applique à la radiation d'une procédure.

[18]            Une deuxième approche plus raisonnée, en ce qui concerne l'argument selon lequel la question du cautionnement pour dépens ne se pose plus, est fondée sur les éléments nécessaires de l'alinéa 416(1)g) des Règles. Il s'agit des éléments suivants : il doit paraître évident à la Cour, en premier lieu, qu'il y a lieu de croire que l'action est frivole et vexatoire et, en second lieu, que le demandeur ne détient pas, au Canada, d'actifs suffisants pour payer les dépens. Ce libellé, le caractère vexatoire ou frivole apparent, est fort différent de la norme absolue relative au caractère frivole et vexatoire que la Cour a employée en appliquant l'article 221 des Règles dans le cadre d'une demande de radiation.


[19]            En l'espèce, les documents semblent indiquer qu'il y a lieu de croire que l'instance est frivole et vexatoire en ce sens qu'il n'est pas juste et honnête d'utiliser la procédure de la Cour afin d'étendre l'application de la Loi à des fins fort probablement irrégulières, à savoir l'obtention d'un avantage commercial. Je mentionnerai ici par analogie la décision Re Bankruptcies of Down (2000) 189 D.L.R. (4th) 709 (C.S. C.-B.), dans laquelle Monsieur le juge en chef Brenner a fait remarquer qu'un tribunal judiciaire canadien ne permettrait pas l'utilisation de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité (la LFI) à des fins indirectes irrégulières :

[TRADUCTION] Les cours canadiennes ne permettront pas que la LFI soit utilisée à des fins irrégulières. Une fin irrégulière est une fin qui va à l'encontre du but dans lequel la législation a été édictée par le législateur. Lorsqu'il est constaté qu'une partie utilise la LFI à des fins irrégulières, la pétition visant une ordonnance de séquestre sera rejetée (pages 715-716).

Ce concept n'est pas limité aux procédures de faillite, car elles sont semblables à toute autre procédure dans laquelle la législation ne peut pas être menacée ou utilisée aux fins de la réalisation de fins indirectes irrégulières :

[TRADUCTION] Il existe de nombreuses décisions faisant autorité à l'appui de la thèse générale selon laquelle les procédures de faillite, comme toute autre procédure, ne peuvent pas être menacées ou utilisées aux fins de la réalisation d'un but indirect ou de l'obtention d'un avantage de la part du pétitionnaire plutôt que conformément au but que pareilles procédures visent à atteindre [...] (Re Fengar Investments Corporation (1993) 17 C.B.R. (3d) 167, page 188, Division générale de l'Ontario).

                                                                                                                         [Non souligné dans l'original.]


[20]            Je poursuivrai cette analyse au moyen d'une analogie, et je mentionnerai en outre l'arrêt Re Laserworks Computer Services Inc. (1998) 6 C.B.R. (4th) 69, dans lequel Monsieur le juge Freeman, au nom de la Cour, a fait remarquer que le critère préliminaire qui s'applique à une injustice flagrante, qui donnerait lieu à une mesure réparatrice de la part d'un tribunal, est établi lorsque la Loi sur la faillite et l'insolvabilité est utilisée à des fins irrégulières : [TRADUCTION] « Une fin irrégulière est une fin indirecte par rapport au but dans lequel le législateur a édicté la législation sur la faillite et l'insolvabilité » (page 85). Dans l'arrêt Laserworks, lors d'une assemblée des créanciers, un concurrent du débiteur avait voté au moyen d'une procuration obtenue de créanciers non garantis et avait ainsi fait échouer la proposition. Il a été statué qu'il s'agissait d'un objectif [TRADUCTION] « [...] qui constituait un abus du but de la législation au point de déclencher la compétence des cours en matière de contrôle [...] » (pages 87 et 88).

[21]            Partant, IMS, qui allègue qu'on a détourné le but de la Loi afin d'obtenir un avantage commercial, soutient que le cas est clairement visé par l'alinéa 416(1)g) des Règles, car il suffit de démontrer qu' « il paraît évident » qu' « il y a lieu de croire » que cette demande « est frivole et vexatoire » . Il ressort clairement de la simple lecture de la règle qu'IMS n'a pas à démontrer d'une façon absolue que la demande de M. Maheu est de fait frivole et vexatoire. Il s'agit d'une norme fort différente de celle qui s'applique à la radiation d'un acte de procédure. De fait, telle est l'approche qui a été adoptée en Ontario, où une règle parallèle qui se rapproche fort de l'alinéa 416(1)g) des Règles a été établie :

56.01(1) Le tribunal peut, sur motion du défendeur ou de l'intimé dans l'instance, rendre une ordonnance de cautionnement pour dépens juste s'il est établi :

e) qu'il existe de bonnes raisons de croire que l'action ou la requête est frivole et vexatoire et que le demandeur ou le requérant n'a pas suffisamment de biens en Ontario pour payer les dépens du défendeur ou de l'intimé.


La seule différence importante est qu'en Ontario, il doit exister de « bonnes raisons » de croire que l'instance est frivole et vexatoire. Cette disposition de l'Ontario relative au cautionnement pour dépens a été examinée dans la décision Hallum c. Canadian Memorial Chiropratic College (1989) 70 O.R. (2d) 119. Monsieur le juge Doherty a fait remarquer qu'en demandant un cautionnement pour les dépens, la défenderesse [TRADUCTION] « [...] devait uniquement démontrer qu'il existait de bonnes raisons de croire que l'action était frivole ou vexatoire. Elle n'était pas tenue de démontrer que l'action était de fait frivole » (page 123).

[22]            En l'espèce, il semble objectivement qu'il y ait lieu de croire que le demandeur utilise la Loi à des fins indirectes irrégulières plutôt qu'aux fins énoncées à l'article 3 de la Loi. Comme il en a été fait mention, la Loi vise à réglementer la collecte, l'utilisation et la communication de renseignements personnels générés dans le cadre d'activités commerciales. Dans ce cas-ci, les propres renseignements personnels du demandeur ne sont aucunement en cause.

[23]            En l'espèce, IMS a réussi à établir qu'il y a lieu de croire que la demande est frivole et vexatoire, soit une norme moins stricte que celle qui s'applique à la radiation d'un acte de procédure, mais une norme clairement suffisante aux fins du cautionnement pour dépens.


[24]            Quant à la question de la capacité de payer les dépens, advenant qu'il est ordonné de les payer, il incombe à IMS de fournir une preuve prima facie montrant que M. Maheu ne détient pas suffisamment d'actifs pour payer les dépens, s'il est obligé de le faire. Le fardeau de la preuve, ou plus exactement, comme je l'ai souligné dans la décision Early Recovery Resources Inc. c. Gulf Log Salvage Co-op Association, décision non publiée du 24 mai 2001 rendue dans le dossier T-588-00, l'obligation pour la demanderesse dans l'action « [...] de contrebalancer cette preuve et de démontrer qu'elle détient bel et bien des actifs réalisables suffisants pour se conformer à une ordonnance de dépens » (paragraphe 2) passe alors à la demanderesse dans la requête. Dans ce cas-ci, la défenderesse IMS a fourni une preuve prima facie, au moyen de la production de documents dans la faillite de M. Maheu. Or, M. Maheu n'a fourni aucune preuve pour contrebalancer la preuve de la défenderesse.

CONCLUSION

[25]            La défenderesse IMS a clairement établi qu'il paraît évident qu'il y a lieu de croire que l'instance est frivole et vexatoire et que M. Maheu ne détiendrait pas suffisamment d'actifs au Canada pour payer ses dépens. Il est donc approprié d'ordonner qu'un cautionnement pour dépens soit fourni.


[26]            Le projet de mémoire de frais préparé par IMS, à supposer qu'une instruction d'une durée de trois jours ait lieu à Toronto, s'élève en tout à un peu plus de 19 000 $. D'une part, le projet de mémoire de frais est fort raisonnable, les frais réels pouvant s'élever à un montant encore plus élevé. D'autre part, de nombreuses instances sont réglées avant l'instruction. Il est donc souvent plus approprié de rendre une ordonnance provisoire au sujet des dépens, avec possibilité de présenter une demande. Dans ce cas-ci, une ordonnance provisoire sera rendue, un cautionnement pour dépens d'un montant de 12 000 $ devant être fourni au plus tard le 28 juin 2002.

   

« John H. Hargrave »

Protonotaire

Vancouver (Colombie-Britannique),

le 14 mai 2002.

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad.a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

DOSSIER :                                                                      T-1967-01

INTITULÉ :                                                                     Ronald G. Maheu

c.

IMS Health Canada et autre

LIEU DE L'AUDIENCE :                                            Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                                           le 6 mai 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                           Monsieur le protonotaire Hargrave

DATE DES MOTIFS :                                                  le 14 mai 2002

  

COMPARUTIONS :

M. Paul Bigioni                                                                  POUR LE DEMANDEUR

M. T. Murray Rankin, c.r.                                                 POUR LA DÉFENDERESSE, IMS

M. Christopher Jones                                                        HEALTH CANADA

M. Steve Welchner                                                            POUR LE DÉFENDEUR, LE COMMISSAIRE À LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE DU CANADA

  

- 2 -

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bigioni                                                                               POUR LE DEMANDEUR

Markham (Ontario)

Arvay Finlay                                                                      POUR LA DÉFENDERESSE, IMS

Victoria (C.-B.)                                                                HEALTH CANADA

Nelligen O'Brien Payne LLP                                            POUR LE DÉFENDEUR,

Ottawa (Ontario)                                                               LE COMMISSAIRE À LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE DU CANADA

  
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