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     Date : 1998.03.17

     T-2265-97


E n t r e :

     CREMCO SUPPLY LTD.,

     et

     CREMCO COUPLINGS

     (entreprise en participation de

     CANKOVIC MANAGEMENT LTD.,

     BERNOR INDUSTRIES LTD. et

     AD CRONK ENTERPRISES LTD.),

     demanderesses,

     et

     CANADA PIPE COMPANY LTD., faisant affaire sous

     la raison sociale de BIBBY STE-CROIX FOUNDRIES,

     défenderesse.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE JOHN A. HARGRAVE

[1]      La demanderesse Cremco Couplings, une entreprise en participation, est titulaire d'un brevet qui a été redélivré en 1997 et qui porte sur un dispositif de raccordement de tuyaux de descente. Le brevet initial a été demandé en 1987; c'est la raison pour laquelle ce sont les articles de la Loi sur les brevets de 1970 (la Loi) qui sont cités dans les présents motifs.

[2]      Le raccord breveté consiste en un manchon interne élastique en élastomère qui sert de joint d'étanchéité et de manchon ou de collet en acier inoxydable destiné à renforcer et à aligner les tuyaux à raccorder, le tout étant maintenu en place et comprimé de manière à assurer l'étanchéité de la jonction au moyen de colliers de serrage en acier inoxydable ou de colliers en fonte segmentés à boulons. Cremco Supply Ltd. est titulaire d'une licence.

[3]      La défenderesse Canada Pipe Company Ltd. produirait et vendrait un raccord de tuyaux semblable sans l'autorisation des demanderesses. Les demanderesses réclament donc le jugement déclaratoire et l'injonction habituelles, ainsi que des dommages-intérêts et une reddition de comptes. Canada Pipe a produit une défense et une demande reconventionnelle. En l'espèce, le litige porte sur la requête qui a été présentée en vue de faire radier certaines parties de la demande reconventionnelle ou, à titre subsidiaire, en vue d'obtenir des précisions.

GENÈSE DE L'INSTANCE

Parties de la demande reconventionnelle en litige

[4]      La requête vise essentiellement à obtenir la radiation des paragraphes 23 et 26 à 29a) de la demande reconventionnelle. À titre subsidiaire, les demanderesses réclament des précisions au sujet de ces paragraphes et du paragraphe 30 de la demande reconventionnelle.

[5]      Au paragraphe 23 de sa demande reconventionnelle, la défenderesse allègue que les demanderesses ne se sont pas conformées au paragraphe 36(1) de la Loi. Voici le libellé du paragraphe 23, qui reprend essentiellement les dispositions du paragraphe 36(1) de la Loi :

     [TRADUCTION]
     Le mémoire descriptif du brevet ne respecte pas les dispositions du paragraphe 36(1) de la Loi sur les brevets. En effet, le mémoire descriptif :
         a)      ne décrit pas d'une façon exacte et complète l'invention présumée et son application ou exploitation, telles que les ont conçues ses inventeurs;
         b)      n'expose pas clairement le mode de construction, de confection, de composition ou d'utilisation des produits dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l'art ou la science dont relèvent les produits de les confectionner, de construire, composer ou utiliser;
         c)      n'explique pas clairement le principe de l'invention présumée et la meilleure manière dont ses inventeurs en ont conçu l'application;
         d)      ne définit pas distinctement et en des termes explicites l'objet " éléments, améliorations ou combinaisons " de l'invention revendiquée.

La défenderesse fait également état, au paragraphe 23 de sa demande reconventionnelle, d'onze variantes de raccords qui ne sont pas l'oeuvre des inventeurs et qui, si j'ai bien compris, sont des raccords qui ne sont pas dotés de certaines caractéristiques.

[6]      Aux paragraphes 26 à 29a) de sa demande reconventionnelle, la défenderesse conclut à l'invalidité de l'invention au motif que celle-ci n'est pas nouvelle et qu'elle a déjà été décrite dans des brevets et des publications antérieures, qu'elle était utilisée et vendue au Canada depuis plus de deux ans au moment du dépôt du brevet et qu'elle constitue de toute évidence un simple perfectionnement des 45 brevets, publications et produits qui sont énumérés à l'annexe de la défense et demande reconventionnelle. Ces conclusions reprennent en gros le libellé du paragraphe 28(1) de la Loi, sauf pour ce qui est du paragraphe 29a) de la demande reconventionnelle, qui énonce le concept qui, à l'époque en cause, constituait la doctrine de l'évidence, à savoir que l'invention [TRADUCTION] " [...] est évidente et qu'elle ne témoigne d'aucune ingéniosité compte tenu de l'état des connaissances chez les personnes versées dans l'art à l'époque en cause [...] "

[7]      Au paragraphe 30 de sa demande reconventionnelle, la défenderesse conclut également à l'invalidité de l'invention des demanderesses en faisant valoir que le dispositif qui a été produit par les inventeurs par suite des changements survenus dans les techniques employées en matière de fabrication des raccords de tuyaux n'est pas une invention, mais le produit de simples modifications et de l'habileté normale dont on peut s'attendre de la part de personnes versées dans l'art.

Précisions fournies jusqu'à maintenant

[8]      Dans leur demande initiale de précisions portant sur le paragraphe 23, les demanderesses ont exigé de la défenderesse qu'elle leur précise en quoi leur mémoire descriptif ne respectait pas les diverses dispositions citées du paragraphe 36(1) de la Loi. Quant aux paragraphes 27 et 29a), les demanderesses ont requis la défenderesse de leur préciser sur quels éléments des 45 brevets et publications énumérés à l'annexe de la défense et demande reconventionnelle la défenderesse se fondait, compte tenu du fait qu'un de ces brevets concernait un dessin ornemental de robinet. Finalement, pour ce qui est du paragraphe 28 de la demande reconventionnelle, les demanderesses désirent savoir où, quand et par qui l'invention a été utilisée avant le dépôt de la demande portant sur le brevet initial, compte tenu du fait que la liste que l'on trouve au paragraphe 28 est une liste non limitative.

[9]      En réponse à la demande de précisions, la défenderesse a, le 7 janvier 1998, fourni des précisions évasives au sujet du paragraphe 23 de la demande reconventionnelle et a renvoyé les demanderesses à des paragraphes subséquents de sa demande reconventionnelle dans lesquels elle se contente de reprendre certaines dispositions de la Loi. Je pense particulièrement au paragraphe 24 de la demande reconventionnelle, qui, selon la défenderesse, fournirait des précisions au sujet du paragraphe 23, mais qui reprend en fait le libellé du paragraphe 36(2) de la Loi.

[10]      En ce qui concerne les précisions demandées au sujet des allégations contenues aux paragraphes 27 et 29 de la demande reconventionnelle, la défenderesse répond qu'elle s'appuie sur tous les éléments de tous les documents annexés à la défense et demande reconventionnelle. Cette réponse est insuffisante, même en supposant que tous les éléments de tous les documents annexés soient pertinents. En effet, le paragraphe 27 est rédigé en des termes vagues et non limitatifs. La défenderesse y affirme que l'emploi et la vente auxquels les demanderesses, les inventeurs, titulaires de brevets, fabricants, usagers et vendeurs énumérés dans la longue annexe se sont livrés sont publics. Finalement, en ce qui concerne le paragraphe 28 de la demande reconventionnelle, la défenderesse déclare que diverses catégories d'entités ont utilisé et vendu le raccord dans diverses provinces déterminées entre 1960 et 1985.

Requête des demanderesses

[11]      Pour ce qui est de la présente requête, les demanderesses soutiennent que les précisions initiales, qui concernent le paragraphe 23 de la demande reconventionnelle, c'est-à-dire le non-respect des dispositions du paragraphe 36(1) de la Loi, reprennent en partie le libellé du paragraphe 36(2), qu'elles concluent de façon péremptoire qu'en droit, un dispositif doit être utile pour être brevetable et, finalement, qu'elles sont tout à fait évasives.

[12]      Quant au paragraphe 26 de la demande reconventionnelle, l'allégation que l'invention n'est pas nouvelle et que d'autres personnes, dont celles qui sont énumérées dans une des annexes à la défense et demande reconventionnelle, ont utilisé l'invention présumée avant 1987, les demanderesses désirent connaître les faits précis qui sont invoqués dans chacun des documents annexés. De même, en ce qui a trait au paragraphe 27 de la demande reconventionnelle, les demanderesses demandent à la défenderesse de leur préciser les faits précis qu'elle invoque en ce qui concerne chacun des brevets et chacune des publications annexés au soutien de son exception d'invalidité. Quant au paragraphe 28 de la demande reconventionnelle, les demanderesses exigent de la défenderesse qu'elle précise à quelles dates et à quels endroits ont eu lieu l'emploi et la vente des raccords et par qui ils ont été faits. De fait, l'annexe de la défense et demande reconventionnelle contiendrait des explications au sujet des moyens d'invalidité qui sont énoncés non seulement aux paragraphes 26, 27 et 28, mais également au paragraphe 29a). Les demanderesses affirment que, pour pouvoir répondre de façon intelligente à la demande reconventionnelle, il faut qu'elles aient une certaine idée des personnes, des dates et des lieux concernant l'emploi antérieur et quels sont les éléments des documents annexés qui sont pertinents à la question de l'invalidité.

[13]      Les plus amples précisions qui sont réclamées en ce qui concerne le paragraphe 29a) de la demande reconventionnelle permettraient aux demanderesses de mieux connaître les faits, les emplois et les ventes énumérés à l'annexe qui sont invoqués au soutien de l'exception d'invalidité et de l'argument que l'invention est évidente et qu'elle ne témoigne d'aucune ingéniosité.

[14]      Finalement, les demanderesses formulent une nouvelle demande en ce qui concerne le paragraphe 30 de la demande reconventionnelle. Dans ce paragraphe, la défenderesse affirme qu'aucune invention n'a été réalisée et que toute différence qui peut exister entre l'invention présumée et ce qui relève de l'état antérieur des connaissances et de la technique s'explique uniquement par une habileté ordinaire et par de simples modifications. Les demanderesses demandent à la défenderesse de leur préciser les faits qui justifient l'affirmation suivant laquelle aucune invention n'a de fait été réalisée, compte tenu de l'état antérieur de la technique exposé dans l'annexe de la demande reconventionnelle. Cette demande de plus amples précisions fait de tout évidence suite aux précisions initiales fournies par la défenderesse, qui affirmait que les connaissances révélées par les brevets, publications et autres documents énumérés à l'annexe A faisaient partie de l'état antérieur de la technique.

ANALYSE

[15]      La défenderesse a répondu de façon évasive à la demande de précisions des demanderesses, du moins en ce qui concerne les paragraphes 23 à 28. Qui plus est, un acte de procédure dans lequel une partie se contente de reprendre le libellé de la loi ou de le formuler en des termes légèrement différents est insatisfaisant. Finalement, bien que cela soit concevable, il semble effectivement assez évasif d'affirmer que tout le contenu de tous les documents et brevets annexés est pertinent. Toutefois, compte tenu du fait que la défenderesse a fourni certaines précisions qui pourraient théoriquement servir de fondement à une demande reconventionnelle, je ne suis pas disposé à dire qu'il est incontestable que les paragraphes en question sont mal fondés et qu'ils sont futiles. Malgré le fait que la défenderesse a déjà eu l'occasion de fournir des précisions suffisantes, radier même en partie un acte de procédure, niant ainsi à la défenderesse la possibilité de faire valoir ses meilleurs arguments et éléments de preuve dans le cadre d'une demande reconventionnelle, constitue une mesure radicale. Le déclaration ne sera donc pas radiée. Les précisions relèvent d'un régime différent.

[16]      Pour trancher une requête en précisions, il importe de ne pas oublier le rôle que celles-ci jouent. La décision de principe de notre Cour en la matière est l'arrêt Le " Mary Mackin ", [1984] 1 C.F. 884, à la page 889, dans lequel la Cour a cité et approuvé un extrait du " livre blanc ", English Supreme Court Practice . Les précisions qui doivent être fournies sont celles qui sont nécessaires à la fois pour pouvoir plaider et pour le procès. Dans le cas d'une demande visant à obtenir des précisions en vue de plaider, il est nécessaire que la partie adverse soit mise au courant de la nature des arguments auxquels elle devra répondre et que le débat soit circonscrit en se limitant aux questions qui seront abordées lors de l'interrogatoire préalable. J'ajouterais qu'à l'étape des plaidoiries, les précisions sont nécessaires pour faciliter une réponse intelligente à une déclaration ou, comme c'est le cas en l'espèce, à une demande reconventionnelle (voir, par exemple, Embee Electronic Agencies Ltd. c. Agence Sherwood Agencies Inc. (1979), 43 C.P.R. (2d) 285, à la page 287). Évidemment, ce principe est tempéré par l'admonition suivant laquelle la partie qui demande des précisions a uniquement le droit de connaître la nature des arguments de la partie adverse et non la façon dont celle-ci entend en faire la preuve (ibid., aux pages 286 et 287).

[17]      L'avocat de la défenderesse soutient que les demanderesses essaient de restreindre la marge de manoeuvre de la défenderesse en réclamant des précisions à cette étape-ci. Il semble que ce soit effectivement le cas et c'est précisément le rôle que jouent les précisions. L'avocat poursuit en affirmant que les demanderesses ne peuvent agir de la sorte que lors de l'interrogatoire préalable. Ainsi, dans le jugement Bror With c. Ruko of Canada Ltd. (1977), 31 C.P.R. (2d) 3 (C.F. 1re inst.), qui portait sur une demande de précisions en vue de plaider, le juge Walsh a souligné, à la page 7, que l'objet du débat était le caractère suffisant des actes de procédure, et non l'enquête préalable. C'est également le cas en l'espèce.

[18]      Une des difficultés que soulèvent le passage de la demande reconventionnelle en litige et les précisions qui ont été fournies est le fait que les extraits des actes de procédure qui sont contestés reprennent le texte de la Loi ou énoncent sans autre justification une définition ou une condition juridiques au lieu d'établir un lien entre, d'une part, la Loi et, d'autre part, les actes et les faits invoqués au soutien de l'acte de procédure. Le juge en chef adjoint Jerome a examiné ce concept en détail dans le jugement B & J Manufacturing Co. c. Canadian Pneumatic Tool Co. Ltd. (1984), 77 C.P.R. (2d) 257, aux pages 259 et suivantes. Voici les deux courts extraits de ce jugement qui nous intéressent :


     Il ne suffit pas d'alléguer simplement une conclusion de droit ou un moyen de défense légal. La défenderesse doit articuler les faits sur lesquels elle s'appuie en essayant d'invoquer la défense dans cette action particulière, et ordonnance sera donc rendue dans ce sens [...]
     En plaidant les défenses, les défenderesses ont suivi la pratique habituelle d'employer, dans la mesure du possible, les termes mêmes de la loi ou de la jurisprudence, selon le cas. Franchement, le fait que les avocats aient constamment répugné à rattacher de façon plus directe ces défenses générales aux questions particulières litigieuses m'a rendu quelque peu perplexe, et, en principe et en bonne pratique, il semble bien établi qu'on devrait exiger qu'ils le fassent. (À la page 259.)

La requête présentée dans l'affaire B & J Manufacturing visait à obtenir des précisions au sujet notamment de l'emploi antérieur, de la publication antérieure, des connaissances générales et du défaut de révéler en termes clairs les traits distinctifs de l'invention. Le juge en conclu en condamnant les défenderesses à fournir ces précisions et en faisant remarquer que " dans les plaidoiries, la mention du texte législatif est inévitable, mais il faut préciser le rapport avec l'action et les faits invoqués à l'appui de la défense " (à la page 261). Pour en venir à cette conclusion, le juge en chef adjoint Jerome s'est fondé en partie sur le jugement Omark Industries Ltd. c. Windsor Machine Co. Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 111, une décision du juge Mahoney, qui était alors juge à la Section de première instance.

[19]      Dans le jugement Omark Industries, la Cour a souligné que les précisions portant sur l'emploi antérieur devaient être fournies, dans cette affaire, en partie pour expliquer les dix-huit brevets antérieurs qui étaient annexés à la défense. La demanderesse voulait que la défenderesse précise les parties de ces brevets sur lesquelles elle se fondait pour prétendre que le public avait employé au Canada les inventions en question plus de deux ans avant la présentation de la demande de brevet portant sur ces inventions. Pour ordonner à la défenderesse de fournir des précisions, le juge Mahoney a fait remarquer que, normalement, les brevets eux-mêmes ne révèlent pas le genre d'emploi nécessaire pour établir l'invalidité sous le régime de l'article 28 de la Loi :


     Le paragraphe 4 donne des détails, y compris lesdits dix-huit brevets antérieurs, sur le prétendu emploi au Canada par le public des inventions plus de deux ans avant que n'ait été faite une demande de brevets pour ces inventions. Bien que je n'aie pas vu les 18 brevets susmentionnés, les brevets ne doivent normalement pas révéler le genre d'emploi nécessaire pour établir l'invalidité sous le régime de l'alinéa 28(1)c) de la Loi sur les brevets, S.R.C. 1970, chap. P-4. En l'espèce, il ne suffit pas d'indiquer simplement les 18 brevets. D'autres détails devraient être donnés.

L'article 28 de la Loi est en litige et est cité, indirectement, aux paragraphes 27 et 28 de la demande reconventionnelle de Canada Pipe.

[20]      En l'espèce, les demanderesses contestent également les allégations de non-respect des paragraphes 36(1) et 36(2) de la Loi en soulignant que le paragraphe 23 de la demande reconventionnelle reprend presque textuellement le libellé du paragraphe 36(1) de la Loi et que le paragraphe 24, qui est censé contenir des précisions, s'inspire du paragraphe 36(2) de la Loi, mais qu'en réalité, aucune précision n'est fournie. Voici les commentaires que le juge Mahoney a formulés au sujet de ce genre de situation :


     Le paragraphe 6 étaie l'allégation d'inobservation des par. 36(1) et (2) de la Loi sur les brevets. Les seuls détails avancés sont l'allégation que le mémoire descriptif de chacun des brevets contestés omet " d'exposer distinctement et en termes explicites " ce que l'inventeur considérait comme nouveau et dont il réclamait le monopole. C'est pratiquement paraphraser certaines parties de l'article. De même, le par. 11 affirme abruptement que les revendications des brevets ne sont pas étayées par la divulgation de leurs mémoires descriptifs. La défenderesse soutient que ces paragraphes doivent faire l'objet d'un débat et d'une décision de la Cour et que ni l'un ni l'autre n'est susceptible de détails. L'argument revêt un intérêt intellectuel considérable et pourrait être accepté n'eussent été les nombreux précédents où cette Cour a ordonné de fournir des détails. On devrait persuader une instance plus élevée de la validité de l'argument de la défenderesse. (Ibid. , à la page 114.)

En conséquence, la Cour a, dans l'affaire Omark Industries, ordonné à la défenderesse de fournir des précisions.

[21]      À ce moment-ci, il convient d'examiner l'argument de l'avocat de la défenderesse, qui affirme que celle-ci peut invoquer tous les documents annexés sans préciser quels sont les éléments pertinents de ces documents, qui ne sont ni longs ni complexes. L'avocat de la défenderesse cite plusieurs passages tirés de diverses décisions, dont l'extrait précité du jugement Omark Industries (précité, à la page 113) est représentatif. Dans cette affaire, 18 brevets étaient énumérés dans une annexe et le débat tournait autour de la communication de précisions sur le lien qui existait entre ces documents et les moyens tirés de l'évidence, de l'état des connaissances et de l'antériorité. Le juge Mahoney a déclaré que les inventions étaient relativement simples et qu'il en inférait que les brevets visés n'étaient ni longs, ni complexes, étant donné que les brevets en litige, qui comportaient sept ou huit pages de texte et trois pages d'illustrations, étaient relativement brefs. En l'espèce, le brevet en litige compte 26 pages de texte et trois pages de dessins passablement détaillés. La défenderesse n'a produit aucun élément de preuve pour illustrer la longueur ou la complexité des brevets et documents incorporés par renvoi dans sa demande reconventionnelle. Je présume donc qu'ils se comparent au brevet en litige. Dans ces conditions, obliger les demanderesses à opérer un tri parmi le nombre considérable de documents mentionnés à l'annexe de la demande reconventionnelle et à se livrer à des hypothèses en ce qui concerne les aspects que la défenderesse pourrait invoquer pour justifier diverses propositions serait une mesure injustifiée et un gaspillage de temps.

[22]      L'avocat de la défenderesse fait également remarquer que les documents mentionnés dans l'annexe n'ont pas été soumis à la Cour. Ils sont toutefois certainement incorporés par renvoi et sont invoqués tant dans la demande de précisions que dans les précisions fournies. Il est plus logique de penser que, si la défenderesse a l'intention de les invoquer, de les incorporer dans un acte de procédure et de mentionner les précisions qu'elle fournira, les précisions en question feront partie des actes de procédure au même titre que les précisions qui, aux termes de l'article 2 des Règles, sont assimilées à un " acte de procédure ", que l'article 2 définit comme un acte dans lequel les prétentions d'une partie sont énoncées ou une réponse est donnée. D'ailleurs, dans l'affaire Omark Industries (précitée), la Cour a de toute évidence considéré que les 18 brevets qui étaient mentionnés dans les précisions mais qu'elle n'avait pas vus avaient été portés à sa connaissance, étant donné qu'elle a effectivement ordonné la fourniture de certaines précisions déterminées (voir le dernier paragraphe, à la page 113).

[23]      À cette étape-ci, il est évident qu'un moyen comme celui qui est invoqué au paragraphe 23 de la demande reconventionnelle et qui s'inspire du libellé du paragraphe 36(1) de la Loi doit être précisé. On ne peut, pour ce faire, se contenter de renvoyer au paragraphe 24 de la demande reconventionnelle, qui reprend lui-même en partie le libellé du paragraphe 36(2) de la Loi. Il est également inacceptable de prévoir la possibilité d'ajouter les précisions qui pourraient découler implicitement du paragraphe 36(2), car un plaideur ne doit pas formuler un acte de procédure en des termes vagues en employant des mots comme " par exemple " ou " notamment ", comme c'est le cas en l'espèce avec le mot " notamment " (voir, par exemple, les jugements Doris Hosiery Mills Ltd. c. Victoria's Secret Stores Inc. (1995), 58 C.P.R. (3d) 62, à la page 67 (C.F. 1re inst.), et McConway & Torley Corporation c. Maritime Steel & Foundaries Ltd. (1997), 72 C.P.R. (3d) 181, à la page 186 (C.F. 1re inst.)). Le fait de relever l'absence de divers éléments, comme la défenderesse l'a fait dans ses actes de procédure, peut constituer un pas dans la bonne direction, mais n'est pas suffisant. La défenderesse doit fournir des précisions au sujet du paragraphe 23 de sa demande reconventionnelle en précisant et circonscrivant les façons dont le mémoire descriptif ne respecte pas chacune des dispositions citées des paragraphes 36(1) et 36(2) de la Loi.

[24]      Pour ce qui est maintenant des paragraphes 26 à 29a) et 30 de la demande reconventionnelle dans lesquels la défenderesse affirme que l'invention n'est pas nouvelle, qu'elle était déjà connue et utilisée par d'autres personnes ainsi qu'il est précisé à l'annexe A de la demande reconventionnelle et qu'elle ne constitue qu'une simple modification d'un procédé technique antérieur, il est de jurisprudence constante que " si d'autres procédés techniques antérieurs sont invoqués par la défenderesse, alors la défenderesse doit produire des détails complets, en indiquant à quel moment ces procédés ont été utilisés et par qui [...] " (McConway & Torley , précité, à la page 186). D'ailleurs, le demandeur a le droit de savoir avec précision, et non sous une forme tronquée, les moyens sur lesquels le défendeur se fonde pour contester la validité d'un brevet, sans toutefois aller jusqu'à obliger le défendeur à divulguer sa preuve (voir, par exemple, le jugement Superseal Corporation c. Glaverbel-Mecaniver Canada Limitée (1977), 30 C.P.R. (2d) 97, à la page 99, un jugement du juge Marceau). On trouve à la page 100 du même jugement un passage encore plus pertinent où le juge Marceau exprime son point de vue au sujet d'une demande de précisions portant sur l'emploi antérieur fait par des fabricants et sur les produits commercialisés par ces derniers. Dans cette affaire, la demanderesse avait été informée du lieu d'affaires des fabricants en question :


     Elle [la demanderesse] a toutefois le droit de savoir en outre où, quand, comment et sous quelle forme, documents, écrits, dessins ou produits ainsi que le numéro de modèle du produit, s'il y a lieu, chacune des sociétés identifiées dans le paragraphe g) sous les numéros 1 à 12 inclusivement, ont connu, divulgué ou exploité l'invention de telle manière qu'elle était devenue accessible au public.

De toute évidence, la partie demanderesse a le droit de connaître, de manière très détaillée, tous les détails concernant les fabricants antérieurs, ainsi que les lieux, les dates, les modalités et tout autre élément portant sur les connaissances antérieures, l'emploi et la fabrication. Cette exigence va bien au-delà de la réponse qui a été donnée en l'espèce, en l'occurrence que diverses entités nommément désignées ont fabriqué une sorte de raccord de tuyaux pendant certaines parties des années 1960 à 1985 et qu'elles ont vendu ces dispositifs en Colombie-Britannique, au Québec et dans les provinces qui se trouvent entre ces deux provinces.

[25]      Une autre décision pertinente est le jugement Wellcome Foundation Ltd. c. Novopharm Ltd. (1992), 44 C.P.R. (3d) 456, aux pages 458 et 459, où le juge en chef adjoint Jerome fait remarquer que le défendeur qui se contente d'annexer une liste de brevets et d'articles et d'affirmer que le demandeur connaissait bien chacun d'entre eux ne s'acquitte pas de l'obligation qui lui incombe de démontrer que le brevet n'était ni nouveau, ni évident, ni inventif :


     En l'espèce, la défenderesse a l'obligation d'établir les faits sur lesquels elle appuie ses allégations selon lesquelles l'invention décrite et revendiquée dans le brevet des demanderesses n'est pas nouvelle, qu'elle a un caractère évident et qu'elle n'implique pas une activité inventive. Le simple renvoi à une liste d'autres inventions et à de nombreux articles publiés dans divers périodiques (qui forment l'annexe 1 de l'exposé de l'opposition), joint à la prétention que les demanderesses les connaissent et qu'ils leur sont familiers, ne suffit pas à décharger la défenderesse de l'obligation qui est la sienne.

L'argument de Canada Pipe suivant lequel les demanderesses connaissaient certains des documents, par exemple le document 77-GP-2 de l'Office des normes du gouvernement canadien et la norme 301-64T régissant les tuyaux de descente en fonte, n'est pas d'une grande utilité pour les demanderesses.

[26]      En l'espèce, la défenderesse a annexé à sa défense et demande reconventionnelle une liste des entreprises, inventeurs et brevetés qui ont inventé, fabriqué, utilisé ou vendu un produit similaire. À titre de précisions, la défenderesse déclare que les entreprises énumérées ont fabriqué, vendu et utilisé des raccords semblables entre 1960 et le 7 octobre 1985 et que divers inventeurs et titulaires de brevets ont utilisé et vendu l'invention [TRADUCTION] " entre la date du dépôt de la demande à l'origine du brevet et le 7 octobre 1985 ". La défenderesse affirme que ces précisions sont suffisantes. Ce n'est toutefois pas l'état actuel du droit, tel que je le comprends, car le demandeur a le droit de connaître tous les faits pertinents que le défendeur connaît et qu'il a l'intention d'invoquer à l'appui de ses allégations d'antériorité d'invention, de fabrication, d'usage et d'état des connaissances.


     Le ou les noms du premier inventeur, usager ou connaisseur, selon le cas, représentent les seules précisions communiquées. Quand une partie plaide usage antérieur, par exemple, il est raisonnable de supposer qu'elle sait non seulement qui a utilisé la chose auparavant, mais aussi quand et où elle l'a été. De telles déductions apparaissent raisonnables dans les cas de plaidoyers de connaissance antérieure et d'antériorité d'invention. Je crois que la demanderesse a droit à un exposé de tous les faits pertinents dont la défenderesse a eu connaissance et par lesquels elle a l'intention d'appuyer ces allégations d'antériorité d'invention, d'usage et de connaissance et c'est ce que j'ordonne. (Amerace Corporation c. Minnesota Mining & Manufacturing Corporation (1975), 20 C.P.R. (2d) 105, à la page 107).

[27]      La défenderesse affirme que tous les documents et brevets énumérés à l'annexe de la défense et demande reconventionnelle sont pertinents. Une telle affirmation est pour le moins un peu trop évasive, notamment dans le cas assez évident du brevet américain 224 403. À titre d'exemple supplémentaire, l'avocat des demanderesses, Me Lee, souligne, dans son affidavit du 13 janvier 1998, que le document no 20 des documents annexés concerne un joint d'étanchéité statique d'une dureté Shore maximale de 70; pourtant, le brevet des demanderesses porte sur un manchon d'une dureté Shore maximale d'environ 95. On pourrait fort bien se demander si le document 20 est pertinent en tout ou en partie, compte tenu du fait que l'invention des demanderesses dépend, du moins en grande partie, de la comprimabilité d'un jointoiement relativement plus rigide. La même remarque vaut pour les documents annexés 21, 22, 23 et 25. Dans le même ordre d'idées, plusieurs des brevets mentionnés ne se rapporteraient aucunement, selon les demanderesses, à leur jointoiement d'une dureté Shore d'environ 95. L'avocat de la défenderesse affirme que les opinions exprimées au nom des demanderesses au sujet de la nature de l'invention ne sont d'aucun secours et, par là, je crois qu'il entend le degré de rigidité du jointoiement des demanderesses, une question qui, selon lui, devrait être confiée aux experts au procès. Il s'agirait d'une solution coûteuse qui nécessiterait beaucoup de temps. Qui plus est, ainsi que le juge en chef Jacket l'a souligné dans le jugement Leithiser c. Pengo Hydra-Pull of Canada Ltd. (1975), 17 C.P.R. (2d) 110, à la page 116, cette question ne devrait pas être laissée en suspens jusqu'au procès. Au mieux, la critique formulée par l'avocat porte sur la valeur à accorder à l'affidavit, bien que je constate que l'affidavit de Me Lee n'a pas été contredit.

[28]      Les demanderesses ont le droit d'être informées au sujet des éléments des brevets antérieurs qui sont invoqués. La défenderesse ne peut se défiler en laissant entendre qu'il suffit aux demanderesses d'examiner les brevets. En agissant ainsi, elle ne s'acquitte pas de l'obligation qui lui est incombe d'informer avec précision les demanderesses des arguments auxquels elles devront répondre. Ce concept est énoncé dans la décision Mitten c. P.H. Tech Inc. (1982), 63 C.P.R. (2d) 232, à la page 233 :


     Il me semble que les demandeurs ont le droit de savoir sur quelles parties des brevets antérieurs la défenderesse se fonde pour démontrer que l'invention décrite dans le brevet en cause est de caractère manifeste. Les demandeurs ne devraient pas être mis dans l'obligation de lire et d'étudier attentivement tous ces documents sur les réalisations antérieures, qui comprennent des centaines de pages, afin de déterminer si quelque partie, lue en corrélation avec une autre, pourrait donner lieu à un argument permettant de conclure au caractère manifeste. Les demandeurs ont le droit d'être informés avec plus de précision de l'argument auquel ils auront à répondre. En l'espèce, il me semble que la particularisation des réalisations antérieures sur lesquelles se fonde la défenderesse est nécessaire pour satisfaire aux exigences d'une bonne plaidoirie et ne devrait pas être considérée comme faisant simplement partie de la procédure de l'examen préalable.

Le juge Marceau [maintenant juge à la Cour d'appel] a poursuivi en obligeant la défenderesse à fournir des précisions au sujet des brevets ou parties des brevets annexés à la défense que la défenderesse invoquait pour établir l'évidence de l'invention.

[29]      Dans les brefs motifs qu'il a rédigés dans le jugement Mitten, le juge Marceau n'a pas cité l'arrêt Leithiser c. Pengo Hydra-Pull of Canada Ltd. (précité), qui avait été rendu quelques années plus tôt par la Cour d'appel fédérale. La Cour d'appel avait formulé une opinion à peu près identique au sujet des précisions relatives à l'évidence de l'invention. Le juge en chef Jacket, qui avait rédigé un jugement concourant, avait souligné que la partie qui se contentait de plaider l'évidence et l'absence d'ingéniosité risquait de voir son allégation contestée dans le cadre d'une procédure préalable :


     Toutefois, dès qu'un brevet est accordé, il est prima facie valide. D'après la pratique qui semble avoir toujours été suivie en cas de contestation sur la validité du brevet pour manque d'ingéniosité inventive, pratique suivie en l'espèce, il s'agit simplement d'indiquer au cours des plaidoiries que la " prétendue invention " était " évidente " et [TRADUCTION] " n'impliquait aucune activité inventive ". Dans cette optique, cette allégation n'est pas suffisante, à mon avis, dans l'hypothèse où elle est contestée par voie de procédure préalable. La question de savoir si la prétendue invention implique une ingéniosité inventive ne peut être tranchée qu'en examinant l'invention (telle qu'elle figure dans le mémoire descriptif) en regard de l'état des choses existant juste avant la date où elle aurait été inventée, cet état de choses étant généralement appelé " état antérieur de la technique " dans le jargon des brevets. Cependant, bien que l'interprétation du mémoire descriptif soit une question de droit, " l'état de la technique ", selon moi, est une question de fait qui devrait être invoquée, de sorte que les questions en litige à cet égard peuvent (avant l'audience, grâce aux plaidoiries) être réduites à leurs aspects, quels qu'ils soient, faisant l'objet d'un litige réel entre les parties. Je suggère aux membres de la profession intéressés à ce type de litige ainsi qu'à la Division de première instance de prêter une attention toute particulière à l'application des Règles de cette cour concernant cette partie des plaidoiries lorsque des affaires de ce genre se présenteront, même si, à d'autres époques plus calmes, il convenait de laisser ces questions en suspens jusqu'à ce qu'elles soient soumises au tribunal de dernière instance. (Leithiser , aux pages 115 et 116).

Les reproches que, déjà en 1974, le juge en chef Jacket adressait à la pratique qui consistait, à d'autres époques plus calmes, à reporter à plus tard l'examen de la question des précisions sont encore plus justifiés aujourd'hui, compte tenu des frais considérables que représentent non seulement les mesures prises pour faire instruire une affaire, mais également l'instruction elle-même. Dans le contexte de la plaidoirie, il est par ailleurs important que les éléments concernant l'état antérieur de la technique soient exposés avec précision de manière à ce que l'action puisse être instruite avec le moins de pertes de temps et d'énergie possibles.

[30]      Le fait que je mette en doute l'intention de la défenderesse de s'appuyer sur la totalité des brevets n'a rien d'original. Le juge Walsh s'est montré lui aussi plutôt incrédule face à la même question dans l'affaire Bror With c. Ruko of Canada Ltd., précitée, dans laquelle la défenderesse invoquait l'état antérieur de la technique et des connaissances en se fondant sur de nombreux brevets antérieurs. Le juge Walsh a souligné, aux pages 5 et 6, que c'est au défendeur qu'il incombe de démontrer l'invalidité du brevet du demandeur et qu'il est insuffisant et inacceptable de refuser de fournir de plus amples précisions, même lorsque certains des brevets invoqués par le défendeur appartiennent au demandeur ou que celui-ci connaît bien les brevets en question. Une telle assertion ne libère pas la partie défenderesse de son obligation de fournir de plus amples précisions. Le juge Walsh cite ensuite à la page 8 l'extrait suivant de l'arrêt Heathfield v. Greenway (1893), 11 R.P.C. 17, à la page 19 :

     [TRADUCTION]
     J'ai du mal à croire [...] qu'on puisse opposer l'antériorité à tous ces 16 ou 18 mémoires descriptifs [...] De prime abord, il est à mon sens impossible pour une partie d'affirmer qu'elle s'appuie sur la totalité des brevets; dans ces conditions, la partie doit préciser sur quel élément elle s'appuie.

Pour sa part, le juge Walsh a jugé mal fondé le moyen par lequel la défenderesse prétendait s'appuyer sur la totalité des brevets. Mon collègue le protonotaire Morneau a repris et précisé cette thèse dans la décision Machineries Tenco Ltée c. Eeldco-Beales Manufacturing Ltd. (1997), 69 C.P.R. (3d) 78, dans laquelle il a fait remarquer que, si un défendeur invoque divers brevets en entier, l'avocat du demandeur ne devrait pas se voir obligé d'examiner chaque brevet avec le plus grand soin pour vérifier ce qui pourrait se rapporter à la question de l'évidence :


     Les demanderesses ont, par le biais de leurs avocats, réclamé ces détails auprès de l'avocat de la défenderesse. Ce dernier a fait savoir que la défenderesse a l'intention de s'appuyer sur la totalité des brevets. L'avocat des demanderesses a soutenu à l'audition de la requête qu'une telle réponse n'était pas utile et qu'en termes pratiques, la défenderesse devait s'appuyer sur certaines parties de ces brevets pour établir sa défense de caractère évident. L'avocat des demanderesses a ensuite affirmé qu'il ne devait pas se retrouver avec l'obligation de prendre connaissance des brevets antérieurs et de les examiner avec le plus grand soin afin de vérifier si une partie de ceux-ci, lue conjointement avec une autre partie, ne pouvait donner lieu à un argument susceptible d'être présenté comme aboutissant à une conclusion de caractère évident.
     Je conviens avec l'avocat des demanderesses que le fait que la défenderesse invoque tous les brevets ensemble ne constitue pas un plaidoyer adéquat. (À la page 79).

[31]      Ainsi que je l'ai déjà fait remarquer, la défenderesse, par l'intermédiaire de son avocat, déclare qu'elle se fonde [TRADUCTION] " [...] sur tous les éléments de tous les documents énumérés à l'annexe A de la défense [...] " pour justifier ses allégations d'invalidité. La défenderesse devrait réexaminer sa position tant sur le plan général que sur le plan pratique, particulièrement en ce qui concerne le brevet relatif au robinet d'évier sur lequel elle se fonde, en l'occurrence le brevet américain 224 403, et les autres exemples explicites cités dans l'affidavit de Me Lee que j'ai déjà mentionnés. Il se peut que la défenderesse croie que la totalité de chaque brevet est pertinente pour démontrer l'évidence de l'invention, mais si tel n'est pas le cas et si les demanderesses devaient consacrer du temps et des frais supplémentaires pour examiner chaque brevet en détail afin d'en déterminer la pertinence, des frais considérables pourraient être engagés.

DISPOSITIF

[32]      Bien que les précisions qui doivent être fournies pour permettre à la partie adverse de plaider ne soient pas aussi complètes que celles qui peuvent être nécessaires au procès et bien qu'elles ne doivent pas avoir pour effet de révéler des éléments qui doivent régulièrement être présentés en preuve au procès, une partie doit fournir suffisamment de détails au sujet des prétentions auxquelles l'autre partie doit répondre pour que cette dernière puisse plaider intelligemment et que la portée de l'enquête préalable demeure raisonnable. Ce sont là les objectifs fondamentaux à cette étape-ci. En l'espèce, les actes de procédure et les documents annexés qui ont été produits et les précisions qui ont été fournies ne respectent pas ces objectifs fondamentaux. Qui plus est, le type de précisions réclamées par les demanderesses est justifié par la jurisprudence, et les précisions demandées devront être communiquées intégralement. La défenderesse est condamnée aux dépens, indépendamment de l'issue de la cause.


                             (signature) " John A. Hargrave "
                                     Protonotaire

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 17 mars 1998.



Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :              A-2265-97


INTITULÉ DE LA CAUSE :      CREMCO SUPPLY LTD. et al.
                     c.
                     CANADA PIPE COMPANY LTD. et al.

DATE DE L'AUDIENCE :      19 janvier 1998


LIEU DE L'AUDIENCE :          Vancouver (C.-B.)


MOTIFS DE L'ORDONNANCE prononcés par le protonotaire John A. Hargrave

                 en date du 17 mars 1998


ONT COMPARU :

     Me Michael Manson                  pour les demanderesses

     Me Brian Edmonds                  pour la défenderesse


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

     Smart & Biggar                  pour les demanderesses
     Vancouver (C.-B.)

     McCarthy, Tétrault                  pour la défenderesse
     Toronto (Ontario)
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