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Date : 20040302

Dossier : T-1955-00

Référence : 2004 CF 307

Ottawa (Ontario), le 2 mars 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE                                   

ENTRE :

                                                               OAKLEY, INC. et

OAKLEY CANADA INC.

                                                                                                                                  demanderesses

                                                                          - et -

                                                  SHOPPERS DRUG MART INC.

                                                                                                                                      défenderesse

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                Oakley, Inc. et Oakley Canada Inc. (les demanderesses) ont intenté une action contre la défenderesse, notamment pour violation de droit d'auteur et de marque de commerce. La présente requête des demanderesses vise à obtenir un jugement sommaire contre la défenderesse pour violation du droit d'auteur. Les demanderesses allèguent que la défenderesse a reproduit l'ellipse d'Oakley lorsqu'elle a créé son dessin Shoppers OPTIMUM.


Ordonnance sollicitée

[2]                Les demanderesses sollicitent une ordonnance fondée sur l'article 213 des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, faisant droit en partie à leur demande, notamment :

1.          une déclaration portant que la demanderesse, Oakley, Inc. est titulaire du droit d'auteur au Canada sur l'oeuvre artistique visée par l'enregistrement du brevet canadien no 447,604, l'ellipse d'Oakley, et qu'elle possède le droit exclusif de produire ou reproduire la totalité ou une partie importante de celle-ci;

2.          une déclaration portant que la défenderesse a, par l'adoption, l'usage, la production et la reproduction du dessin Shoppers OPTIMUM, violé le droit d'auteur de la demanderesse, Oakley, Inc.;

3.          une injonction permanente interdisant à la défenderesse, à ses dirigeants, administrateurs, mandataires, préposés, employés et à toutes les personnes sur qui elle exerce un contrôle de produire ou reproduire, directement ou indirectement, la totalité ou une partie importante du dessin Shoppers OPTIMUM;

4.          une ordonnance enjoignant à la défenderesse de remettre ou de détruire, sous la foi du serment, tout matériel, notamment les étiquettes, les affiches, le matériel publicitaire, les documents imprimés et les autres documents en sa possession ou sous son contrôle, affichant ou reproduisant le dessin Shoppers OPTIMUM;

5.          une ordonnance fondée sur l'article 213 rejetant intégralement la défense présentée par la défenderesse;


6.          en application de l'article 107, des directives concernant les procédures à suivre pour établir le montant des dommages subis par les demanderesses et des profits réalisés par la défenderesse par suite des actes de contrefaçon de cette dernière, le montant des dommages punitifs et exemplaires auxquels ont droit les demanderesses, y compris les intérêts y afférents;

7.          une ordonnance portant que les dépens réclamés dans la présente requête et dans l'action sont accordés aux demanderesses.

[3]                La défenderesse sollicite une ordonnance fondée sur l'article 216 des Règles de la Cour fédérale (1998) visant à obtenir ce qui suit :

1.          une ordonnance rejetant la requête en jugement sommaire des demanderesses avec dépens en sa faveur sur la base avocat-client;

2.          un jugement sommaire portant que la défenderesse n'a pas, par la création et l'usage du dessin Shoppers OPTIMUM, violé le droit d'auteur dont la demanderesse, Oakley, Inc., est titulaire sur l'oeuvre visée par l'enregistrement no 447,604, avec dépens en sa faveur sur la base avocat-client quant à l'action en violation du droit d'auteur.

[4]                Subsidiairement, la défenderesse demande à la Cour de prononcer une ordonnance, conformément à l'article 216 des Règles de la Cour fédérale (1998), rejetant la présente requête en jugement sommaire des demanderesses et accordant à la défenderesse les dépens de la présente requête sur la base avocat-client.


Contexte

Les demanderesses                                                       

[5]                La demanderesse, Oakley, Inc., est la titulaire enregistrée du droit d'auteur sur l'oeuvre artistique, le « dessin d'ellipse » , enregistrée au Canada le 14 novembre 1995 (enregistrement no 447,604). Elle est aussi propriétaire de la marque de commerce du dessin d'ellipse. Les demanderesses fabriquent des lunettes (p.ex. lunettes de soleil et de protection), des vêtements, des sacs, des montres, des chaussures et divers autres accessoires. L'ellipse d'Oakley a été publiée pour la première fois aux États-Unis le 1er décembre 1993.

L'ellipse d'Oakley

[6]                L'ellipse d'Oakley est illustrée ci-dessous :

[7]                L'ellipse d'Oakley est censée notamment constituer une représentation stylisée du « O » du mot Oakley.


La défenderesse

[8]                La défenderesse, Shoppers Drug Mart Inc., a lancé un programme de fidélisation de sa clientèle. Le logo destiné à ce programme a été créé en décembre 1998 et la carte sur laquelle figure le logo a été conçue au début janvier 1999 (contre-interrogatoire de Frank Casera).

[9]                En mai 1999, un programme-pilote Shoppers OPTIMUM visant la fidélisation de la clientèle a été lancé. C'est en septembre 2000 que le lancement général du programme a eu lieu à travers le Canada. Le dessin Shoppers OPTIMUM a été utilisé sur les cartes de fidélité remises aux clients, ainsi que sur divers documents de promotion et de publicité.

Le dessin Shoppers OPTIMUM

[10]            Le dessin Shoppers OPTIMUM est illustré ci-dessous :


Le dessin est composé : (i) d'une ellipse centrale, représentant le « O » stylisé du mot OPTIMUM; (ii) un motif rappelant la surface de l'eau consistant en une représentation stylisée d'une gouttelette qui, en touchant la surface de l'eau, produit des ondulations à partir de son centre, le tout étant représenté par deux chevrons encadrant le « O » stylisé sur fond d'ondulations ou de remous; et (iii) le mot « OPTIMUM » placé sous le « O » stylisé. Le mot « SHOPPERS » placé au-dessus du « O » stylisé a été ajouté dans une des dernières versions. Des modifications ont aussi été apportées à la couleur en arrière-plan. La version finale du dessin Shoppers OPTIMUM a été terminée le 19 mars 1999.

Le créateur du dessin Shoppers OPTIMUM

[11]            Le créateur du dessin Shoppers OPTIMUM, Frank Casera, a travaillé pour l'agence de publicité embauchée par la défenderesse, TBWA/Chiat/Day (Chiat/Day). Selon les demanderesses, après la publication initiale de l'ellipse d'Oakley, en 1993, l'agence de publicité et de création Chiat/Day aurait aussi travaillé pour Oakley, Inc. pendant un certain temps. La défenderesse fait valoir que c'est seulement avec le bureau et le personnel de Chiat Daily à Los Angeles que les demanderesses ont eu antérieurement des rapports.

Septembre 2000

[12]            En septembre 2000, les demanderesses ont appris l'existence du dessin Shoppers OPTIMUM et de son utilisation en liaison avec le programme de fidélisation de la clientèle. Elles se sont plaintes à Shoppers Drug Mart Inc. de ce que le dessin Shoppers OPTIMUM reproduisait le dessin d'ellipse employé par Oakley, Inc. Elles ont par la suite déposé une déclaration introductive d'instance à l'encontre de la défenderesse.


Observations des demanderesses

[13]            Les demanderesses prétendent que la défenderesse a violé le droit d'auteur de la demanderesse Oakley, Inc., par l'adoption, l'usage, la production et la reproduction d'une oeuvre artistique qui est une copie de la totalité ou d'une partie importante de l'oeuvre artistique protégée par le droit d'auteur dont Oakley, Inc. est titulaire.

[14]            Les demanderesses font valoir que la défenderesse savait qu'elle violait leurs droits dès le 25 janvier 1999, soit avant le lancement et le premier emploi commercial de son logo. Elles soutiennent que la défenderesse, par l'entremise de son agence de publicité et de création, a reproduit l'ellipse d'Oakley pour la première fois au début de l'an 2000, et qu'elle connaissait l'ellipse d'Oakley au moment de l'adoption et de l'emploi du dessin en cause.

[15]            Les demanderesses soutiennent qu'un jugement sommaire devrait être prononcé en l'espèce.

Observations de la défenderesse                                                                                          


[16]            La défenderesse soutient que la seule question en litige dans la présente requête consiste à savoir si le créateur du dessin Shoppers OPTIMUM a reproduit l'ellipse d'Oakley. Elle fait valoir que la date pertinente dont il faut tenir compte est celle de la création du dessin Shoppers OPTIMUM, soit décembre 1998.

[17]            La défenderesse soutient que les demanderesses n'ont fourni aucun preuve établissant qu'elle a reproduit l'ellipse d'Oakley. Elle fait valoir que le dessin Shoppers OPTIMUM a été créé de façon tout à fait indépendante de l'ellipse d'Oakley et n'a pas été copié sur celle-ci.

[18]            La défenderesse soutient que la preuve n'étaye pas l'allégation selon laquelle l'ellipse d'Oakley est bien connue au Canada. Elle fait valoir que les demanderesses n'ont soumis aucune preuve d'expert ou preuve empirique quant au degré de notoriété de l'ellipse d'Oakley au Canada.

[19]            La défenderesse soutient qu'il est classique et courant d'utiliser une ellipse ou un « O » stylisé. Elle fait valoir que ce procédé n'est pas exclusif à l'ellipse d'Oakley et que les demanderesses ne devraient pas pouvoir prétendre à un monopole sur un élément de dessin aussi courant. Elle soutient que de nombreux dessins faits par des tiers sont très semblables, sinon identiques, à l'ellipse d'Oakley.


[20]            La défenderesse soutient que la Cour ne peut conclure en faveur des demanderesses dans le cadre de la présente requête qu'en concluant à la non-crédibilité du témoignage du créateur du dessin Shoppers OPTIMUM. Elle fait valoir que si une question sérieuse est soulevée au sujet de la crédibilité, le tribunal devrait instruire l'affaire parce que celui-ci doit avoir la possibilité d'observer le témoin pendant son interrogatoire et son contre-interrogatoire.

[21]            La défenderesse soutient qu'il n'existe aucune véritable question litigieuse relative à la violation du droit d'auteur. Elle fait valoir qu'il ressort clairement de la preuve qu'il ne s'agit pas d'une reproduction et qu'elle n'a donc pas violé le droit d'auteur dont Oakley, Inc. est titulaire. Par conséquent, elle soutient que la Cour devrait prononcer un jugement sommaire et rejeter l'action en contrefaçon des demanderesses ainsi que leur requête connexe en jugement sommaire.

[22]            La défenderesse fait valoir que si la Cour rejette sa requête en jugement sommaire, il faut que la question du droit d'auteur puisse être instruite par le tribunal, vu que la crédibilité du témoignage du créateur du dessin Shoppers OPTIMUM se retrouve au coeur du litige et vu la preuve sous forme d'opinion des trois témoins des demanderesses.


Questions en litige

[23]            Les demanderesses formulent ainsi les questions en litige en l'espèce :

1.          Par l'adoption et l'usage du dessin Shoppers OPTIMUM, la défenderesse a-t-elle violé le droit d'auteur protégé par l'enregistrement dont Oakley, Inc. est titulaire sur l'ellipse d'Oakley?

2.          Le dessin Shoppers OPTIMUM constitue-t-il une reproduction de la totalité ou d'une partie importante de l'ellipse d'Oakley?

3.          L'affaire se prête-t-elle à un jugement sommaire quant aux questions de droit d'auteur soulevées dans le cadre de la présente action?

[24]            La défenderesse formule ainsi les questions en litige soulevées en l'espèce :

1.          À la date de la création du dessin Shoppers OPTIMUM (décembre 1998), son créateur a-t-il reproduit l'ellipse d'Oakley et, de ce fait, violé le droit d'auteur dont Oakley, Inc. est titulaire?

2.          La preuve de reproduction présentée par les demanderesses est-elle solide au point qu'il n'existe aucune véritable question litigieuse à trancher ou, même en présence d'une véritable question litigieuse quant à savoir si la défenderesse a violé le droit d'auteur dont la demanderesse est titulaire, la preuve soumise par cette dernière est-elle à ce point douteuse que la question litigieuse ne mérite pas d'être examinée par le tribunal?

3.          La crédibilité du témoin de la défenderesses est-elle en cause?


Dispositions législatives et réglementaires pertinentes

[25]            Les dispositions pertinentes des Règles de la Cour fédérale (1998) sont ainsi rédigées :

3. Les présentes règles sont interprétées et appliquées de façon à permettre d'apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible.

. . .

213. (1) Le demandeur peut, après le dépôt de la défense du défendeur - ou avant si la Cour l'autorise - et avant que l'heure, la date et le lieu de l'instruction soient fixés, présenter une requête pour obtenir un jugement sommaire sur tout ou partie de la réclamation contenue dans la déclaration.

. . .

3. These Rules shall be interpreted and applied so as to secure the just, most expeditious and least expensive determination of every proceeding on its merits.

. . .

213. (1) A plaintiff may, after the defendant has filed a defence, or earlier with leave of the Court, and at any time before the time and place for trial are fixed, bring a motion for summary judgment on all or part of the claim set out in the statement of claim.

. . .


214. (1) Toute partie peut présenter une requête pour obtenir un jugement sommaire dans une action en signifiant et en déposant un avis de requête et un dossier de requête au moins 20 jours avant la date de l'audition de la requête indiquée dans l'avis.

(2) La partie qui reçoit signification d'une requête en jugement sommaire signifie et dépose un dossier de réponse au moins 10 jours avant la date de l'audition de la requête indiquée dans l'avis de requête.

215. La réponse à une requête en jugement sommaire ne peut être fondée uniquement sur les allégations ou les dénégations contenues dans les actes de procédure déposés par le requérant. Elle doit plutôt énoncer les faits précis démontrant l'existence d'une véritable question litigieuse.

216. (1) Lorsque, par suite d'une requête en jugement sommaire, la Cour est convaincue qu'il n'existe pas de véritable question litigieuse quant à une déclaration ou à une défense, elle rend un jugement sommaire en conséquence.

(2) Lorsque, par suite d'une requête en jugement sommaire, la Cour est convaincue que la seule véritable question litigieuse est :

a) le montant auquel le requérant a droit, elle peut ordonner l'instruction de la question ou rendre un jugement sommaire assorti d'un renvoi pour détermination du montant conformément à la règle 153;

b) un point de droit, elle peut statuer sur celui-ci et rendre un jugement sommaire en conséquence.

214. (1) A party may bring a motion for summary judgment in an action by serving and filing a notice of motion and motion record at least 20 days before the day set out in the notice for the hearing of the motion.

(2) A party served with a motion for summary judgment shall serve and file a respondent's motion record not later than 10 days before the day set out in the notice of motion for the hearing of the motion.

215. A response to a motion for summary judgment shall not rest merely on allegations or denials of the pleadings of the moving party, but must set out specific facts showing that there is a genuine issue for trial.

216. (1) Where on a motion for summary judgment the Court is satisfied that there is no genuine issue for trial with respect to a claim or defence, the Court shall grant summary judgment accordingly.

(2) Where on a motion for summary judgment the Court is satisfied that the only genuine issue is

(a) the amount to which the moving party is entitled, the Court may order a trial of that issue or grant summary judgment with a reference under rule 153 to determine the amount; or

(b) a question of law, the Court may determine the question and grant summary judgment accordingly.


(3) Lorsque, par suite d'une requête en jugement sommaire, la Cour conclut qu'il existe une véritable question litigieuse à l'égard d'une déclaration ou d'une défense, elle peut néanmoins rendre un jugement sommaire en faveur d'une partie, soit sur une question particulière, soit de façon générale, si elle parvient à partir de l'ensemble de la preuve à dégager les faits nécessaires pour trancher les questions de fait et de droit.

(4) Lorsque la requête en jugement sommaire est rejetée en tout ou en partie, la Cour peut ordonner que l'action ou les questions litigieuses qui ne sont pas tranchées par le jugement sommaire soient instruites de la manière habituelle ou elle peut ordonner la tenue d'une instance à gestion spéciale.

217. Le demandeur qui obtient un jugement sommaire aux termes des présentes règles peut poursuivre le même défendeur pour une autre réparation ou poursuivre tout autre défendeur pour la même ou une autre réparation.

218. Lorsqu'un jugement sommaire est refusé ou n'est accordé qu'en partie, la Cour peut, par ordonnance, préciser les faits substantiels qui ne sont pas en litige et déterminer les questions qui doivent être instruites, ainsi que :

a) ordonner la consignation à la Cour d'une somme d'argent représentant la totalité ou une partie de la réclamation;

b) ordonner la remise d'un cautionnement pour dépens;

(3) Where on a motion for summary judgment the Court decides that there is a genuine issue with respect to a claim or defence, the Court may nevertheless grant summary judgment in favour of any party, either on an issue or generally, if the Court is able on the whole of the evidence to find the facts necessary to decide the questions of fact and law.

(4) Where a motion for summary judgment is dismissed in whole or in part, the Court may order the action, or the issues in the action not disposed of by summary judgment, to proceed to trial in the usual way or order that the action be conducted as a specially managed proceeding.

217. A plaintiff who obtains summary judgment under these Rules may proceed against the same defendant for any other relief and against any other defendant for the same or any other relief.

218. Where summary judgment is refused or is granted only in part, the Court may make an order specifying which material facts are not in dispute and defining the issues to be tried, including an order

(a) for payment into court of all or part of the claim;

(b) for security for costs; or


c) limiter la nature et l'étendue de l'interrogatoire préalable aux questions non visées par les affidavits déposés à l'appui de la requête en jugement sommaire, ou limiter la nature et l'étendue de tout contre-interrogatoire s'y rapportant, et permettre l'utilisation de ces affidavits lors de l'interrogatoire à l'instruction de la même manière qu'à l'interrogatoire préalable.

219. Lorsqu'elle rend un jugement sommaire, la Cour peut surseoir à l'exécution forcée de ce jugement jusqu'à la détermination d'une autre question soulevée dans l'action ou dans une demande reconventionnelle ou une mise en cause.

(c) limiting the nature and scope of the examination for discovery to matters not covered by the affidavits filed on the motion for summary judgment or by any cross-examination on them and providing for their use at trial in the same manner as an examination for discovery.

219. In making an order for summary judgment, the Court may order that enforcement of the summary judgment be stayed pending the determination of any other issue in the action or in a counterclaim or third party claim.

[26]            Les dispositions pertinentes de la Loi sur le droit d'auteur sont ainsi rédigées :

3. (1) Le droit d'auteur sur l'oeuvre comporte le droit exclusif de produire ou reproduire la totalité ou une partie importante de l'oeuvre, sous une forme matérielle quelconque, d'en exécuter ou d'en représenter la totalité ou une partie importante en public et, si l'oeuvre n'est pas publiée, d'en publier la totalité ou une partie importante; ce droit comporte, en outre, le droit exclusif :

. . .

Est inclus dans la présente définition le droit exclusif d'autoriser ces actes.

. . .

27. (1) Constitue une violation du droit d'auteur l'accomplissement, sans le consentement du titulaire de ce droit, d'un acte qu'en vertu de la présente loi seul ce titulaire a la faculté d'accomplir.

3. (1) For the purposes of this Act, "copyright", in relation to a work, means the sole right to produce or reproduce the work or any substantial part thereof in any material form whatever, to perform the work or any substantial part thereof in public or, if the work is unpublished, to publish the work or any substantial part thereof, and includes the sole right

. . .

and to authorize any such acts.

. . .

27. (1) It is an infringement of copyright for any person to do, without the consent of the owner of the copyright, anything that by this Act only the owner of the copyright has the right to do.


34. (1) En cas de violation d'un droit d'auteur, le titulaire du droit est admis, sous réserve des autres dispositions de la présente loi, à exercer tous les recours - en vue notamment d'une injonction, de dommages-intérêts, d'une reddition de compte ou d'une remise - que la loi accorde ou peut accorder pour la violation d'un droit.

34.1 (1) Dans toute procédure pour violation du droit d'auteur, si le défendeur conteste l'existence du droit d'auteur ou la qualité du demandeur :

a) l'oeuvre, la prestation, l'enregistrement sonore ou le signal de communication, selon le cas, est, jusqu'à preuve contraire, présumé être protégé par le droit d'auteur;

b) l'auteur, l'artiste-interprète, le producteur ou le radiodiffuseur, selon le cas, est, jusqu'à preuve contraire, réputé être titulaire de ce droit d'auteur.

35. (1) Quiconque viole le droit d'auteur est passible de payer, au titulaire du droit qui a été violé, des dommages-intérêts et, en sus, la proportion, que le tribunal peut juger équitable, des profits qu'il a réalisés en commettant cette violation et qui n'ont pas été pris en compte pour la fixation des dommages-intérêts.

. . .

34. (1) Where copyright has been infringed, the owner of the copyright is, subject to this Act, entitled to all remedies by way of injunction, damages, accounts, delivery up and otherwise that are or may be conferred by law for the infringement of a right.

34.1 (1) In any proceedings for infringement of copyright in which the defendant puts in issue either the existence of the copyright or the title of the plaintiff thereto,

(a) copyright shall be presumed, unless the contrary is proved, to subsist in the work, performer's performance, sound recording or communication signal, as the case may be; and

(b) the author, performer, maker or broadcaster, as the case may be, shall, unless the contrary is proved, be presumed to be the owner of the copyright.

35. (1) Where a person infringes copyright, the person is liable to pay such damages to the owner of the copyright as the owner has suffered due to the infringement and, in addition to those damages, such part of the profits that the infringer has made from the infringement and that were not taken into account in calculating the damages as the court considers just.

. . .


39. (1) Sous réserve du paragraphe (2), dans le cas de procédures engagées pour violation du droit d'auteur, le demandeur ne peut obtenir qu'une injonction à l'égard de cette violation si le défendeur prouve que, au moment de la commettre, il ne savait pas et n'avait aucun motif raisonnable de soupçonner que l'oeuvre ou tout autre objet du droit d'auteur était protégé par la présente loi.

(2) Le paragraphe (1) ne s'applique pas si, à la date de la violation, le droit d'auteur était dûment enregistré sous le régime de la présente loi.

. . .

53. (1) Le registre des droits d'auteur, de même que la copie d'inscriptions faites dans ce registre, certifiée conforme par le commissaire aux brevets, le registraire des droits d'auteur ou tout membre du personnel du Bureau du droit d'auteur, fait foi de son contenu.

(2) Le certificat d'enregistrement du droit d'auteur constitue la preuve de l'existence du droit d'auteur et du fait que la personne figurant à l'enregistrement en est le titulaire.

39. (1) Subject to subsection (2), in any proceedings for infringement of copyright, the plaintiff is not entitled to any remedy other than an injunction in respect of the infringement if the defendant proves that, at the date of the infringement, the defendant was not aware and had no reasonable ground for suspecting that copyright subsisted in the work or other subject-matter in question.

(2) Subsection (1) does not apply if, at the date of the infringement, the copyright was duly registered under this Act.

. . .

53. (1) The Register of Copyrights is evidence of the particulars entered in it, and a copy of an entry in the Register is evidence of the particulars of the entry if it is certified by the Commissioner of Patents, the Registrar of Copyrights or an officer, clerk or employee of the Copyright Office as a true copy.

(2) A certificate of registration of copyright is evidence that the copyright subsists and that the person registered is the owner of the copyright.

Question en litige

[27]            Y a-t-il lieu de prononcer un jugement sommaire?


Analyse et décision

[28]            Dans Granville Shipping co. c. Pegasus Lines Ltd., [1996] 2 C.F. 853 (1re inst.), au paragraphe 8, la Cour a énoncé les principes généraux suivants au sujet des jugements sommaires :

1. ces dispositions ont pour but d'autoriser la Cour à se prononcer par voie sommaire sur les affaires qu'elle n'estime pas nécessaire d'instruire parce qu'elles ne soulèvent aucune question sérieuse à instruire (Old Fish Market Restaurants Ltd. c. 1000357 Ontario Inc. et al);

2. il n'existe pas de critère absolu (Feoso Oil Ltd. c. Sarla (Le)), mais le juge Stone J.C.A. semble avoir fait siens les motifs prononcés par le juge Henry dans le jugement Pizza Pizza Ltd. v. Gillespie. Il ne s'agit pas de savoir si une partie a des chances d'obtenir gain de cause au procès, mais plutôt de déterminer si le succès de la demande est tellement douteux que celle-ci ne mérite pas d'être examinée par le juge des faits dans le cadre d'un éventuel procès;

3. chaque affaire devrait être interprétée dans le contexte qui est le sien (Blyth et Feoso);

4. les règles de pratique provinciales (spécialement la Règle 20 des Règles de procédure civile de l'Ontario, [R.R.O. 1990, Règl. 194]) peuvent faciliter l'interprétation (Feoso et Collie);

5. saisie d'une requête en jugement sommaire, notre Cour peut trancher des questions de fait et des questions de droit si les éléments portés à sa connaissance lui permettent de le faire (ce principe est plus large que celui qui est posé à la Règle 20 des Règles de procédure civile de l'Ontario) (Patrick);

6. le tribunal ne peut pas rendre le jugement sommaire demandé si l'ensemble de la preuve ne comporte pas les faits nécessaires pour lui permettre de trancher les questions de fait ou s'il estime injuste de trancher ces questions dans le cadre de la requête en jugement sommaire (Pallman et Sears);

7. lorsqu'une question sérieuse est soulevée au sujet de la crédibilité, le tribunal devrait instruire l'affaire parce que les parties devraient être contre-interrogées devant le juge du procès (Forde et Sears). L'existence d'une apparente contradiction de preuves n'empêche pas en soi le tribunal de prononcer un jugement sommaire; le tribunal doit « se pencher de près » sur le fond de l'affaire et décider s'il y a des questions de crédibilité à trancher (Stokes).

[29]            Toujours à ce sujet, dans Inhesion Industrial Co. c. Anglo Canadian Mercantile Co., [2000] A.C.F. no 491 (QL) (1re inst.), j'ai dit ceci au paragraphe 19 :

Dans le cadre d'une requête en jugement sommaire, chaque partie doit produire sa meilleure preuve. Bien entendu, la requérante doit présenter une preuve qu'elle croit susceptible de convaincre la Cour qu'il est opportun qu'elle rende un jugement en sa faveur. Cependant, l'intimée doit elle aussi mettre de l'avant sa meilleure preuve. Cette question a été examinée par le juge Evans dans la décision F. von Langsdorff Licensing Limited c. S.F. Concrete Technology, Inc., [1999] F.C.J. no 526, (8 avril 1999), dossier T-335-97 (C.F.1re inst.) :

En conséquence, l'intimée doit s'acquitter du fardeau de la preuve consistant à démontrer qu'il existe une question sérieuse à juger : Feoso Oil Ltd. c. Sarla (Le), [1995] 3 C.F. 68, aux pages 81-82 (C.A.F.). Cet état de fait n'enlève rien au principe que le requérant a la charge ultime d'établir les faits nécessaires pour obtenir un jugement sommaire : Succession Ruhl c. Mannesmann Kienzle GmbH (1997), 80 C.P.R. (3d) 190, 200 (C.F. 1re inst.), Kirkbi AG c. Ritvik Holdings Inc., [1998] F.C.J. no 912, (C.F. 1re inst.; T-2799-96; 23 juin 1998). Les deux parties doivent donc « présenter leurs meilleurs arguments » pour permettre au juge saisi de la requête de déterminer s'il existe une question litigieuse qui mérite d'être instruite : Pizza Pizza Ltd. c. Gillespie (1990), 33 C.P.R. (3d) 515, aux pages 529-530 (Cour Ont. Div. gén.).

[30]            Les paragraphes 216(2) et 216(3) des Règles de la Cour fédérale (1998) prévoient :

216.(2) [Somme d'argent ou point de droit] Lorsque, par suite d'une requête en jugement sommaire, la Cour est convaincue que la seule véritable question litigieuse est :

a) le montant auquel le requérant a droit, elle peut ordonner l'instruction de la question ou rendre un jugement sommaire assorti d'un renvoi pour détermination du montant conformément à la règle 153;

b) un point de droit, elle peut statuer sur celui-ci et rendre un jugement sommaire en conséquence.

216.(3) [Jugement de la Cour] Lorsque, par suite d'une requête en jugement sommaire, la Cour conclut qu'il existe une véritable question litigieuse à l'égard d'une déclaration ou d'une défense, elle peut néanmoins rendre un jugement sommaire en faveur d'une partie, soit sur une question particulière, soit de façon générale, si elle parvient à partir de l'ensemble de la preuve à dégager les faits nécessaires pour trancher les questions de fait et de droit.


[31]            Dans J.H.C. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 263, A.C.F. no 566 (1re inst.), la Cour a conclu que les Règles de la Cour fédérale (1998) permettaient qu'un jugement sommaire soit fondé sur des faits contestés. Cependant, dans Warner-Lambert c. Concord Confections Inc., 2001 CFPI 139, A.C.F. no 287 (1re inst.), la Cour a conclu qu'il n'y a pas lieu de prononcer un jugement sommaire lorsqu'il reste de sérieuses questions de fait ou de droit à trancher.

[32]            C'est dans ce contexte que la présente requête doit être examinée.

Droit d'auteur

Introduction

[33]            Le paragraphe 3(1) de la Loi sur le droit d'auteur prévoit :

3.(1)[Droit d'auteur sur l'oeuvre] Le droit d'auteur sur l'oeuvre comporte le droit exclusif de produire ou reproduire la totalité ou une partie importante de l'oeuvre, sous une forme matérielle quelconque, d'en exécuter ou d'en représenter la totalité ou une partie importante en public et, si l'oeuvre n'est pas publiée, d'en publier la totalité ou une partie importante; ce droit comporte, en outre, le droit exclusif :_

a) . . .

. . .

Est inclus dans la présente définition le droit exclusif d'autoriser ces actes,

Le paragraphe 27.(1) de la Loi sur le droit d'auteur prévoit :

27.(1) [Règle générale] Constitue une violation du droit d'auteur l'accomplissement, sans le consentement du titulaire de ce droit, d'un acte qu'en vertu de la présente loi seul ce titulaire a la faculté d'accomplir.


Enregistrement du « dessin d'ellipse » par Oakley, Inc.

[34]            Oakley, Inc. est titulaire du droit d'auteur sur l'oeuvre artistique protégée par l'enregistrement appelée le « dessin d'ellipse » (enregistrement no 447,604). Enregistrée le 14 novembre 1995, l'oeuvre a pour auteur James Jannard. M. Jannard est le fondateur et le directeur général de Oakley Inc., et il est président de son conseil d'administration.

[35]            Par conséquent, Oakley, Inc. a le « droit exclusif de produire ou reproduire la totalité ou une partie importante du [dessin d'ellipse] sous une forme matérielle quelconque » . Oakley a aussi le droit « d'autoriser ces actes » .

[36]            La défenderesse soutient que son dessin Shoppers « Optimum » a été créé en décembre 1998 ou au début janvier 1999 par Frank Casera, employé de Chiat/Day à Toronto. Shopper's Drug Mart Inc. (Shoppers) avait choisi le nom « optimum » pour son programme de fidélisation de la clientèle et avait ensuite demandé à Chiat/Day de concevoir un logo qui pourrait être associé au mot « optimum » .

[37]            L'extrait suivant est tiré du paragraphe 8 de l'affidavit de M. Casera :    

[traduction] [. . .] Entre la fin décembre1998 et le début janvier1999, à la suite de discussions avec d'autres membres de TBWA/Chiat/Day et de SDM [Shoppers Drug Mart, Inc.], il a été décidé d'adopter un logo de ma création consistant en une ellipse centrale flanquée de deux chevrons, le tout surmontant le nom OPTIMUM.


M. Casera aurait selon lui fait une présentation devant les représentants de Shoppers au début du mois de janvier 1999. Le 21 janvier 1999, le service juridique de Shoppers lui a envoyé une télécopie sur laquelle figurait le dessin original du logo conçu par Chiat/Day. D'autres retouches ont été apportées au logo.

[38]            M. Casera explique quels sont les éléments composant le logo au paragraphe 13 de son affidavit, dont voici un extrait :

. . .

[traduction]

(i) une ellipse centrale, représentant le « O » stylisé du mot OPTIMUM; et

(ii) une représentation stylisée d'une gouttelette qui, en touchant la surface de l'eau produit des ondulations à partir de son centre, le tout étant réalisé au moyen d'un « O » stylisé et de chevrons sur fond d'ondulations et de remous, comme nous l'avons vu sur les différentes cartes. L'eau symbolise la nature et la vie, et les chevrons représentent le caractère universel du programme de fidélité qui offre à la clientèle de SDM [Shoppers Drug Mart Inc.] la gamme complète des produits et services SDM.

[39]            Au paragraphe 14 de son affidavit, M. Casera explique comment il a créé le logo Shoppers :

[traduction] En ce qui concerne la création du logo OPTIMUM actuel, j'ai commencé par dessiner quelques esquisses à la main. Une fois rendu à un certain stade dans la réalisation du dessin, j'ai eu recours à un ordinateur qui m'a permis de l'améliorer grâce à un progiciel infographique courant, l'ILLUSTRATOR, offert sur le marché. Avec ce progiciel, j'ai commencé par dessiner un cercle que j'ai modifié jusqu'à ce l'obtention de l'ellipse centrale figurant actuellement sur le logo OPTIMUM. J'ai alors ajouté les chevrons et le fond d'ondulations comme on le voit sur les divers échantillons de cartes annexés à mon affidavit.


[40]            M. Casera affirme qu'il ne se souvient pas s'il connaissait même l'existence de l'ellipse d'Oakley lorsqu'il a créé le dessin original de Shoppers OPTIMUM, qu'il ne s'est pas inspiré de cette ellipse et n'y a pas pensé pendant le processus de création. M. Casera déclare aussi qu'[traduction] « il est faux de prétendre qu'[il] a reproduit l'ellipse d'Oakley, directement ou indirectement » .

[41]            Stanley Thomas, ancien membre du comité de direction de Shoppers Drug Mart Inc., organisme principalement responsable d'approuver toutes les décisions importantes concernant l'entreprise, y compris tous les aspects du programme OPTIMUM, et Richard Schenker, directeur du programme OPTIMUM, ont déclaré dans leur affidavit qu'ils ne connaissaient pas non plus l'ellipse d'Oakley à la date de la création du dessin Shoppers OPTIMUM et qu'ils ne se souviennent pas qu'il en ait été question jusqu'à ce jour.

[42]            Les demanderesses ont accordé une grande importance au courriel suivant, adressé directement à M. Casera ou dont il a reçu une copie. Le courriel est ainsi rédigé :

[Traduction]

Imprimé par : Gloria Florio                              page : 1                                 1/25/99 10 h 11

De : Melanie Schmarje (1/25/99)

À : Sally Benson, Duncan Bruce, Frank Casera, Gloria Florio

CC : Norris Blaxall, Wells Davis, Richard Fisher, Christina Hill, Nancy Karpus, Jeff Norton

Objet : Logos fidélisation . . . 1/25/99

Vous pouvez voir le logo d'Oakley à www.oakley.com - Il est presque identique au « O » du logo - sans les crochets.

Je pense qu'il nous faudra parler avec leur service juridique pour savoir si notre logo est suffisamment différent.

Il existe plusieurs logos ayant pour thème un « O » ou une boucle, espérons que ça ne posera pas de problème.


Gloria Florio a écrit :

Neil a demandé une autre version. . .une où est écrit « Shoppers Drug Mart » avec la même police que le mot « Optimum » .

Frank, nous devons régler ce problème aussitôt que possible puisqu'ils tentent d'enregistrer toutes les versions de la marque de commerce.

De plus, pvi - Neil nous a aussi demandé de vérifier le logo des lunettes de soleil « Oakley » - apparemment, le « O » est très semblable à notre dessin.

À lundi. . .

Merci,

Gloria

La date de ce courriel est postérieure à la date de création du logo de Shoppers par M. Casera.

[43]            Les demanderesses ont produit en preuve l'affidavit de James H. Jannard, directeur général de Oakley, Inc. et créateur de l'ellipse d'Oakley. De plus, elles ont produit le témoignage de Martin Bell, opticien à Waterloo (Ontario), qui vend au détail les lunettes Oakley et les connaît très bien, et celui de Grant McLean, acheteur pour un magasin d'articles de sport à Toronto. C'est lui qui achète les produits Oakley vendus par le magasin. Leur témoignage porte sur la renommée du dessin d'Oakley au Canada ou, autrement dit, sur sa notoriété auprès de la population canadienne.

[44]            De plus, Frank Casera et Richard Alderson, témoins de Shoppers, ont déclaré qu'ils ne connaissaient pas le dessin d'Oakley.


[45]            Les demanderesses ont aussi soulevé la question de l'interprétation de l'article 39 de la Loi sur le droit d'auteur, affirmant que la disposition porte sur la question des dommages-intérêts et de l'admissibilité à ceux-ci, et sur la question de la connaissance présumée de la défenderesse au moment de la création du dessin. La défenderesse déclare que cette disposition ne concerne que les mesures de réparation, alors que les demanderesses affirment que, en raison du paragraphe 39(2) de la Loi, même si l'oeuvre est créée de façon indépendante, le créateur serait quand même coupable de violation de droit d'auteur.

[46]            Pour pouvoir prononcer un jugement sommaire à l'égard de l'oeuvre de M. Casera, je dois conclure à l'absence de crédibilité de ce dernier. M. Casera a déclaré dans son affidavit qu'il n'avait pas reproduit directement ou indirectement le dessin d'Oakley. Il déclare ce qui suit aux paragraphes 16, 18 et 19 de son affidavit :

[traduction] Je ne me souviens pas si je connaissais même l'existence du dessin d'ellipse d'Oakley au moment où j'ai créé le logo original Shoppers OPTIMUM à la fin décembre 1998 ou au début janvier 1999. À aucun moment, au cours du processus de création du logo OPTIMUM, je ne me suis inspiré du dessin d'ellipse d'OAKLEY ou je ne n'y ai pensé. De plus, jamais personne chez TBWA/Chiat/Day ou chez SDM n'a évoqué ou mentionné le dessin d'ellipse d'Oakley en ma présence à cette époque.

En gros, j'ai créé le dessin OPTIMUM en me servant de mon expérience acquise dans le cadre du programme HEALTHWATCH de SDM, des buts et objectifs du programme OPTIMUM de SDM et surtout, de la stratégie et des concepts de création originale précédemment décrits.

Il est faux de prétendre que j'ai reproduit l'ellipse d'Oakley, directement ou indirectement. La réputation d'un graphiste est d'une importance capitale dans le monde de la publicité, c'est son seul bien de valeur sur le marché. Aucun graphiste digne de ce nom n'essaierait de reproduire l'oeuvre d'un autre. Les clients nous engagent parce que, en tant qu'artistes, nous sommes capables de créer des oeuvres d'art et des dessins originaux qui communiqueront efficacement aux consommateurs le message qu'ils souhaitent leur transmettre.

[47]            Comme je l'ai dit au paragraphe 20 de la décision Inhesion, précitée :


Il est reconnu que les règles sur le jugement sommaire ont été interprétées libéralement par la Cour. L'intimée doit s'acquitter du fardeau de la preuve consistant à démontrer qu'il y a une question sérieuse à juger et la requérante a la charge ultime d'établir les faits nécessaires pour obtenir un jugement sommaire. Si, après avoir examiné l'ensemble de la preuve, les faits nécessaires ne peuvent être établis, un jugement sommaire ne peut être rendu.

[48]            Dans Granville Shipping Co. c. Pegasus Lines Ltd., précité, la Cour a déclaré au paragraphe 8 :

7. lorsqu'une question sérieuse est soulevée au sujet de la crédibilité, le tribunal devrait instruire l'affaire, parce que les parties devraient être contre-interrogées devant le juge du procès (Forde et Sears). L'existence d'une apparente contradiction de preuves n'empêche pas en soi le tribunal de prononcer un jugement sommaire; le tribunal doit « se pencher de près » sur le fond de l'affaire et décider s'il y a des questions de crédibilité à trancher (Stokes).

[49]            Je suis d'avis qu'il existe une question sérieuse au sujet de la crédibilité du témoignage de M. Casera. Par conséquent, le tribunal devrait instruire la présente affaire parce que le témoin devrait être contre-interrogé devant le juge du procès. Le témoignage de M. Casera est au coeur de la question de la violation du droit d'auteur.

[50]            Quant à l'allégation de contrefaçon relative aux deux autres oeuvres ou dessins, je ne dispose pas d'une preuve suffisante pour rendre une décision dans le cadre d'une procédure de jugement sommaire et, quoi qu'il en soit, cette allégation est étroitement liée à l'autre allégation de contrefaçon.

[51]            La question de l'application de l'article 39 de la Loi sur le droit d'auteur est une question de droit complexe qui ne devrait pas être traitée dans le cadre d'une requête en jugement sommaire, mais au procès.

[52]            La requête en jugement sommaire des demanderesses est rejetée puisqu'il existe une question sérieuse à trancher.                           

[53]            La défenderesse a proposé que je prononce un jugement sommaire en sa faveur et je ne suis pas disposé à le faire.

[54]            La défenderesse a droit aux dépens de la requête.


ORDONNANCE

[55]            LA COUR ORDONNE :

1.          La requête en jugement sommaire des demanderesses est rejetée.

2.          La défenderesse a droit aux dépens de la requête.

                                                                            « John A. O'Keefe »              

Juge                   

Ottawa (Ontario)

Le 2 mars 2004

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.


                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                    SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     T-1955-00

INTITULÉ :                                                    OAKLEY, INC. et

OAKLEY CANADA INC.

- et -

SHOPPERS DRUG MART INC.

                                                     

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        Le mardi 2 septembre 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE : LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                                               Le mardi 2 mars 2004

COMPARUTIONS :

Kenneth D. McKay                   POUR LES DEMANDERESSES

Stephen B. Garland

POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sim, Hughes, Ashton & McKay s.r.l.

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDERESSES

Smart & Biggar

Ottawa (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE


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