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Date : 19981118


Dossier : T-1676-98

ENTRE :

MICHAEL SCHEMMANN,

demandeur,

- et -


MILTON R. GLUPPE, DAVE OWEN, GREG LEE,

SHARON HICKEY, MARIE RESANOVIC,

FRASER SIMMONS, JACK STEWART,

SANDRA THIESSEN, TERRY ELLIOTT,

CHERYL MACDONALD et SA MAJESTÉ LA REINE,

défendeurs.


MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE JOHN HARGRAVE

[1]      Les présents motifs visent une requête présentée par le demandeur le 13 octobre 1998, qui aurait pour effet, si elle était accueillie, de transformer une action en demande de contrôle judiciaire. J'ai rejeté la requête parce que ni la Loi sur la Cour fédérale, ni les Règles de la Cour fédérale ne confèrent à la Cour le pouvoir discrétionnaire de traiter une action comme s'il s'agissait d'une demande de contrôle judiciaire. Voici le raisonnement qui m'a mené à cette conclusion.

LE CONTEXTE

[2]      Le demandeur a déposé une déclaration le 21 août 1998. Les 62 paragraphes de la déclaration ne sont pas faciles à lire. Toutefois, il semble que la demande découle de l'obligation, pour le demandeur, de suivre une thérapie obligatoire pour délinquants sexuels, de conclusions portant qu'il n'a pas observé les conditions de sa libération conditionnelle, de plaintes concernant des limites qui lui seraient imposées quant à ses déplacements et de la révocation de sa libération d'office. Le demandeur réclame des dommages-intérêts de 690 000 $ qui continueraient de s'accumuler au taux de 3 000 $ par jour ouvrable et de 1 500 $ par jour pendant la fin de semaine et les congés fériés. Les défendeurs ont déposé, le 21 septembre 1998, une défense dans laquelle non seulement ils nient le bien-fondé de la demande, mais encore ils invoquent le principe de la préclusion en raison d'une procédure antérieure, ils soutiennent que l'affaire devrait être examinée par voie de contrôle judiciaire et ils qualifient l'ensemble de l'action de redondante, scandaleuse, frivole et vexatoire.

[3]      Le demandeur a ensuite déposé trois requêtes, sous-jacentes à la présente requête. Ces trois requêtes, que je désignerai par leur date, plutôt que par la date de leur dépôt, sont les suivantes :

         17 septembre 1998 : requête sollicitant une injonction interlocutoire interdisant au Service correctionnel du Canada et à la Commission nationale des libérations conditionnelles d'empêcher le demandeur de rester dans la vallée du bas Fraser en Colombie-Britannique au moment de sa libération d'office;         
         18 septembre 1998 : modification à la requête du 17 septembre 1998 par laquelle le demandeur s'engage à se conformer à toute ordonnance concernant les dommages-intérêts en application du paragraphe 373(2) des Règles de la Cour fédérale;         
         26 septembre 1998 : nouvelle injonction interlocutoire interdisant au Service correctionnel du Canada et à la Commission nationale des libérations conditionnelles d'obliger le demandeur à respecter une condition de sa libération d'office selon laquelle il serait contraint de demeurer dans une résidence communautaire, sans privilège de sortie.         

[4]      Ce sont ces trois requêtes que le demandeur souhaite que la Cour considère comme des avis de demande de contrôle judiciaire prévus par la règle 301.

ANALYSE

[5]      Le paragraphe 18(3) de la Loi sur la Cour fédérale prévoit clairement que les recours extraordinaires dirigés contre tout office fédéral, y compris les demandes d'injonction, ne peuvent être exercés que par voie de demande de contrôle judiciaire conformément à l'article 18.1 de la Loi : voir par exemple, Mobarakizadeh c. Canada (1994), 72 F.T.R. 30, à la page 33, et Machado c. La Reine, décision non publiée rendue par le juge Muldoon le 20 décembre 1996. Mis à part le fait que l'injonction demandée par le demandeur est très différente de la réparation qu'il demande dans sa déclaration, il est clair que les injonctions visées en l'espèce ne peuvent être demandées au moyen d'une déclaration. D'où la présente demande afin que les requêtes sollicitant une injonction dans le cadre de l'action soient traitées comme des demandes de contrôle judiciaire. Toutefois, la présente requête aurait pour effet de transformer l'action en instance en une procédure de contrôle judiciaire.

[6]      Dans la décision Lameman c. Gladue (1995), 95 F.T.R. 220, j'ai examiné une demande visant à changer une action en procédure de contrôle judiciaire. Dans cette affaire, les demandeurs faisaient face à un problème similaire à celui que M. Schemmann doit surmonter en l'espèce. Dans Lameman, les demandeurs avaient intenté une action. Ils ont ensuite constaté qu'ils devaient demander une injonction et un jugement déclaratoire contre la Première Nation de Beaver Lake, réparations qu'ils ne pouvaient obtenir que par voie de contrôle judiciaire. J'ai précisé, notamment, que la demande d'injonction dirigée contre la Bande indienne, qui est un office fédéral, ne pouvait être présentée qu'au moyen d'une demande de contrôle judiciaire. J'ai ensuite noté que cette obligation en vertu de la Loi sur la Cour fédérale d'introduire une demande de contrôle judiciaire au moyen d'un avis de requête introductif d'instance - maintenant au moyen d'une demande -, n'était pas une exigence purement procédurale ou technique, mais qu'elle touchait la nature même de la procédure. J'ai fait remarquer que, bien que la Loi sur la Cour fédérale confère à la Cour le pouvoir discrétionnaire de traiter une demande de contrôle judiciaire comme une action, lorsque les circonstances le permettent, la Cour n'avait pas le pouvoir discrétionnaire inverse de traiter une action comme une demande de contrôle judiciaire. Dans Lameman, j'ai rejeté la demande visant à assimiler la déclaration à une demande de contrôle judiciaire. Voir aussi la remarque formulée par la suite par le juge Robertson de la Cour d'appel à la page 4 de l'arrêt Williams c. Thomas, non publié, prononcé le 5 février 1996, dans le dossier A-649-95 :

         Compte tenu du paragraphe 18.4(2) de la Loi sur la Cour fédérale, il ne semble pas possible de convertir une action en une demande de contrôle judiciaire, ...         

[7]      Il est clair que la requête de M. Schemmann, visant à faire traiter ses trois requêtes antérieures comme des demandes de contrôle judiciaire, entre dans la portée des faits examinés et des conclusions formulées dans Lameman, à plus forte raison si l'on tient compte de l'arrêt Williams de la Cour d'appel. La requête est donc rejetée.



[8]      Je n'ai pas à me prononcer sur la question de savoir si les trois requêtes sollicitant une injonction, qui ne peut être accordée dans le cadre d'une action, subsistent. Elle devra toutefois être tranchée à une date ultérieure.

     (Signature) " John A. Hargrave "

                                     protonotaire

Vancouver (Colombie-Britannique)

18 novembre 1998

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE DE LA COUR FÉDÉRALE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :          T-1676-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      MICHAEL SCHEMMANN

                     c.

                     MILTON R. GLUPPE, DAVE OWEN, GREG LEE, SHARON HICKEY, MARIE RESANOVIC, FRASER SIMMONS, JACK STEWART, SANDRA THIESSEN, TERRY ELLIOTT, CHERYL MACDONALD et SA MAJESTÉ LA REINE

REQUÊTE PRÉSENTÉE PAR ÉCRIT SANS COMPARUTION DES AVOCATS

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE PROTONOTAIRE JOHN A. HARGRAVE le 18 novembre 1998

OBSERVATIONS ÉCRITES PRÉSENTÉES PAR :

     Michael Schemmann      en son propre nom

     Me Donnaree Nygard      pour les défendeurs

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

     Morris Rosenberg          pour les défendeurs

     Sous-procureur général

     du Canada

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