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Date : 20020816

Dossier : IMM-4509-00

Référence neutre : 2002 CFPI 881

Ottawa (Ontario), le 16 août 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

YOGARATNAM KANVATHIPILLAI

BOONGOTHAI YOGARATNAM

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE


[1]                Yogaratnam Kanvathipillai et son épouse Boongothai Yogaratnam (les demandeurs) sont des revendicateurs du statut de réfugié originaires du Sri Lanka. Lorsque leur première revendication du statut de réfugié fut rejetée, ils se sont prévalus de la possibilité offerte[1] par l'alinéa 46.01(1)c) et le paragraphe 46.01(5) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, et ont séjourné aux États-Unis pendant 90 jours, ce qui eut pour effet de les rendre admissibles à la présentation d'une nouvelle revendication du statut de réfugié. La section du statut de réfugié (SSR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR) rejeta de nouveau leur revendication, estimant qu'elle n'offrait pas un minimum de fondement. Les revendicateurs sollicitent aujourd'hui le contrôle judiciaire de cette décision.

[2]                Le demandeur a quitté le Sri Lanka en novembre 1995 et est arrivé au Canada en janvier 1996. La demanderesse a rejoint son mari au Canada en janvier 1998. Après le rejet de leur revendication du statut de réfugié et l'épuisement de leurs autres recours, ils quittèrent tous deux le Canada pour les États-Unis le 23 novembre 1999. Ils sont revenus au Canada le 23 février 2000, soit 90 jours exactement après leur départ du Canada. Leur petite fille, qui avait précédemment été envoyée aux États-Unis avec la soeur de la demanderesse, est revenue au Canada avec eux à ce moment-là. Au soutien de leur nouvelle revendication du statut de réfugié, ils ont produit les formulaires de renseignements personnels qu'ils avaient produits lors de leur première revendication, et auxquels chacun d'eux avait ajouté les paragraphes suivants :

[Traduction] Mon père Nagamuthu Kanapathipillai a été tué durant les attaques à l'obus menées au Sri Lanka en décembre 1999. Ma mère a été blessée à ce moment-là. Ma mère avait des problèmes avec les LTTE, qui l'ont menacée à la pointe du fusil en exigeant d'elle 200 000 roupies et en exigeant que notre famille se joigne au groupe. Après cela, l'EPRLF a eu connaissance de l'affaire. L'EPRLF est arrivé et a exigé de l'argent de ma mère, à la pointe du fusil, et ils lui ont demandé où étaient son fils Yogaratnam et sa famille. En raison de cette crainte de devoir rester dans une région quelconque du Sri Lanka, ils se sont rendus en Inde et m'ont envoyé la lettre selon laquelle le LTTE était à ma recherche, et j'ai perdu mon frère, qui avait disparu aux mains du groupe Torrest en 1993. Souvent ils avaient menacé ma mère et mes soeurs en exigeant d'elles beaucoup d'argent.


Souvent les LTTE et les Forces armées du Sri Lanka se livraient des combats. Nous étions des populations innocentes qui craignaient les attaques à l'obus et qui étaient privées de nourriture et de médicaments. Les LTTE nous soupçonnaient de soutenir les FALS (Forces armées du Sri Lanka) et ils nous ont harcelés et torturés. Il nous est impossible de retourner vivre au Sri Lanka.

Je crains les Forces armées, les LTTE, l'EPRLF, l'ENDLF, et le PLOTE et je ne souhaite pas retourner au Sri Lanka. Nos vies ont été menacées par ces gens. Nous ne pouvons vivre en sécurité au Sri Lanka. Il nous est impossible d'y retourner. Ces groupes nous tueraient certainement. Je ne me sens pas en sécurité au Sri Lanka. Ayez la bonté de nous accepter comme réfugiés et de nous autoriser à demeurer en permanence au Canada.

[3]                Le ministre est intervenu durant l'audience des demandeurs devant la SSR en déposant certains documents, mais il n'a pas pris part à l'audience. La SSR a rejeté la revendication des demandeurs. Bien qu'elle eût affirmé ne pas avoir directement évalué la crédibilité des demandeurs, la SSR a jugé que les demandeurs n'étaient pas sincères. Elle leur a demandé s'ils avaient présenté une revendication aux États-Unis. Les demandeurs ont répondu que non. La SSR leur a alors dit qu'elle savait que les revendicateurs refusés qui retournent aux États-Unis obtiennent une date d'audience devant un juge de l'immigration au cours de laquelle ils exposent leur crainte de retourner dans leur pays d'origine. Le demandeur a témoigné qu'une audience avait été prévue pour avril 2000 mais qu'il ne s'y était pas présenté.


[4]                Le ministre a joint aux documents qu'il a déposés un affidavit non daté que les demandeurs ont utilisé pour permettre à la soeur de la demanderesse d'emmener leur jeune enfant aux États-Unis avec elle. L'affidavit indiquait que l'enfant resterait aux États-Unis pendant environ trois semaines, mais il devint évident que l'idée était que l'enfant retourne au Canada avec ses parents à la fin de leur séjour de 90 jours aux États-Unis. La SSR a trouvé que c'était là une tromperie qui « mettait directement en cause la crédibilité de leurs revendications » .

[5]                Les demandeurs furent alors interrogés sur les événements postérieurs au rejet de leur revendication initiale du statut de réfugié. Le demandeur s'est référé à une lettre en date du 14 avril 2000 envoyée par sa soeur qui se trouvait dans un camp en Inde, lettre dans laquelle elle le met en garde de retourner au Sri Lanka en raison de la guerre civile. La lettre mentionne que divers groupes terroristes ainsi que l'armée avaient menacé, détenu et battu à plusieurs reprises la mère et la soeur du demandeur, et ils se rendirent donc en Inde. Puis elle mentionne que, si le demandeur devait retourner au Sri Lanka, tous ces groupes exigeraient de l'argent et chacun le soupçonnerait de travailler pour les autres.

[6]                La SSR a jugé que cette lettre ne corroborait pas les renseignements figurant dans le Formulaire de renseignements personnels du demandeur. Elle a aussi jugé révélateur que cette lettre, qui semble-t-il était la première communication écrite entre le demandeur et sa soeur depuis la mort de son père, ne fasse pas état du décès de celui-ci.


[7]                La SSR s'est informée auprès du demandeur s'il s'agissait là de la lettre mentionnée dans son Formulaire de renseignements personnels, qui indiquait que les Tigres étaient à sa recherche. Il a confirmé que c'était bien cette lettre. Lorsqu'on lui indiqua que son Formulaire de renseignements personnels portait la date du 25 mars 2000 et que la lettre était datée du 14 avril 2000, il s'est souvenu que les renseignements lui avaient été communiqués par téléphone et non par lettre.

[8]                Finalement, la SSR n'a accordé aucun poids au contenu de la lettre.

[9]                La SSR a conclu que les demandeurs n'étaient pas crédibles et qu'ils ne s'étaient pas acquittés de la charge de prouver qu'ils avaient une crainte fondée de persécution pour le cas où ils retourneraient au Sri Lanka. La SSR a jugé aussi que la revendication des demandeurs n'offrait pas un minimum de fondement, conclusion qui entraîne certaines conséquences pour leurs recours.

[10]            Les demandeurs contestent la décision de la SSR en faisant observer qu'elle n'avait devant elle aucune preuve de la loi américaine sur l'immigration ni des procédures suivies lorsqu'un revendicateur débouté est renvoyé aux États-Unis. Les demandeurs nient que la SSR ait une connaissance spécialisée des procédures d'immigration appliquées aux États-Unis, et ils citent à l'appui l'affaire Appau c. M.E.I. (1995), 91 F.T.R. 225. Dans cette affaire, la SSR prétendait être bien au fait des procédures de sécurité et de filtrage appliquées dans les aéroports suisses. Les demandeurs nient que les procédures suivies aux États-Unis intéressent de quelque façon le fond de leur revendication du statut de réfugié au Canada.


[11]            Les demandeurs contestent aussi l'analyse de la SSR à propos de l'incident concernant l'entrée de leur enfant aux États-Unis. Ils affirment que rien ne prouve que l'enfant est demeurée aux États-Unis illégalement, une question qui de toute manière dépasse la compétence de la SSR.

[12]            Finalement, les demandeurs affirment que le critère à appliquer dans une revendication réitérée du statut de réfugié lorsque les demandeurs ne sont pas retournés dans leur pays d'origine est un critère « objectif » . Selon ce critère, des revendicateurs dans la position des demandeurs peuvent s'en remettre uniquement à une preuve objective et à une preuve de la situation qui a cours dans le pays.

[13]            Quant à la conclusion d'absence d'un minimum de fondement, les demandeurs affirment que la SSR devait motiver cette conclusion. Ils disent que la SSR a confondu la crédibilité et _ l'absence de minimum de fondement _. Au soutien de cette affirmation, les demandeurs s'en remettent au texte du paragraphe 69.1(9.1) de la Loi sur l'immigration et à l'arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Baker c. Canada, [1999] 2 R.C.S. 817.


[14]            Le défendeur adopte la position selon laquelle la conclusion de la SSR à propos de la crédibilité des demandeurs était justifiée et qu'elle est soustraite au contrôle judiciaire. Le défendeur affirme que le critère à appliquer à une deuxième revendication du statut de réfugié est le même critère que pour la revendication initiale, la question étant de savoir si le revendicateur a raison de craindre la persécution dans le pays où il ne veut pas être renvoyé. Cependant, dans le cas d'une deuxième revendication, la SSR ne peut considérer que les événements qui se sont produits après le rejet de la première revendication.

[15]            Le défendeur nie que la SSR ait cru que les demandeurs avaient revendiqué le statut de réfugié aux États-Unis. Il soutient la prétention de la SSR selon laquelle la SSR dispose de connaissances spécialisées, et il fait observer que les demandeurs étaient représentés par un avocat à l'audience et que les dispositions réglementaires en matière d'avis ont été observées.

[16]            Le défendeur nie qu'une conclusion d'_ absence de minimum de fondement _ doive être motivée. Il s'appuie sur l'arrêt rendu par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Mathiyabaranam c. Canada, [1997] A.C.F. no 1676. Cette affaire concernait l'obligation de donner avis d'une intention de conclure à _ l'absence de minimum de fondement _. Il ressort clairement du raisonnement de la Cour, d'affirmer le défendeur, qu'une telle conclusion ne doit pas nécessairement s'accompagner de motifs au-delà des motifs concluant à l'absence de crédibilité.

[17]            En guise de préliminaires, je ne suis pas tout à fait sûr de souscrire à l'idée selon laquelle les membres de la SSR n'ont pas une connaissance spécialisée des procédures américaines d'immigration. Étant donné le volume du trafic d'un côté et de l'autre de notre frontière commune, il m'apparaît raisonnable que les membres de la SSR finissent par se familiariser quelque peu avec le fonctionnement du système américain d'immigration.


[18]            Le juge Rothstein (tel était alors son titre) a abordé, dans l'affaire Vasquez c. Canada, [1998] A.C.F. no 1769, la question de la preuve dont la SSR doit tenir compte lorsqu'elle instruit une revendication réitérée du statut de réfugié. Il s'était exprimé ainsi :

[par. 8]      Le principe veut qu'une partie, après avoir reçu une décision définitive, ne peut porter de nouveau une affaire en justice, même si elle a trouvé des arguments supplémentaires qu'elle aurait pu invoquer à l'époque du litige initial. C'est ce que le demandeur a tenté de faire devant la SSR.

[19]            Il semblerait en résulter qu'un revendicateur du statut de réfugié qui présente une deuxième revendication doit se limiter aux événements survenus après la décision concernant la première revendication. C'est là la signification des mots « arguments supplémentaires qu'elle aurait pu invoquer à l'époque du litige initial » . Dans la présente affaire, il a été disposé de la revendication initiale des demandeurs en février 1999 (dossier du tribunal, p. 194). Les seuls aspects qui intéressaient la deuxième revendication sont ceux qui sont survenus après cette date. Les renseignements supplémentaires que les demandeurs ont annexés à leurs Formulaires de renseignements personnels concernaient le décès du père du demandeur en décembre 1999, un événement postérieur à l'audience initiale. Cependant, les renseignements restants des formulaires sont vagues et imprécis. Dans la mesure où la SSR a tenu compte d'événements survenus après février 1999, elle a bien circonscrit la période à considérer.


[20]            Les arguments des demandeurs donnent à entendre que, lorsqu'un demandeur n'est pas retourné dans son pays d'origine, le critère du statut de réfugié est le critère de la situation qui a cours dans le pays, étant donné qu'il ne peut y avoir eu de nouveaux cas de persécution si le demandeur n'est pas retourné dans son pays. Cela équivaut à dire que tout ce qu'un demandeur doit montrer, c'est l'élément objectif de sa crainte de persécution. Mais, puisque la définition de l'expression « réfugié au sens de la Convention » comporte un volet subjectif et un volet objectif (P.G. Canada c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689), une décision selon laquelle une personne est un réfugié uniquement en raison de la preuve de l'élément objectif aurait pour effet d'écarter l'élément subjectif de la définition. Il serait étrange qu'une personne qui présente une première revendication du statut de réfugié doive prouver à la fois l'élément subjectif et l'élément objectif de sa crainte de persécution, mais que, après un séjour de 90 jours aux États-Unis, elle puisse obtenir gain de cause dans sa deuxième revendication en se limitant à montrer pourquoi elle craint objectivement d'être persécutée.

[21]            Le jugement Yusuf c. Canada, [1992] 1 C.F. 629, est invoqué au soutien de la position adoptée par les demandeurs. Cette affaire concernait une Somalienne qui avait revendiqué le statut de réfugié parce qu'elle craignait d'être persécutée en Somalie. Devant la Cour d'appel, on avait fait valoir que la SSR avait jugé, compte tenu de la situation ayant cours dans le pays, que la crainte de la demanderesse était objectivement fondée mais que subjectivement elle ne l'était pas. Le juge Hugessen avait exprimé des doutes sur le rôle de l'élément subjectif lorsque l'élément objectif était démontré :


Pour ma part, j'avoue que je trouverais du mérite dans cette attaque si réellement la section avait conclu à la non-existence d'une crainte subjective alors que la crainte objective avait été établie au-delà de tout doute. Il est vrai, évidemment, que la définition de réfugié au sens de la Convention a toujours été interprétée comme comportant un élément subjectif et un élément objectif. L'utilité de cette dichotomie provient du fait qu'il arrive souvent qu'une personne puisse craindre subjectivement d'être persécutée alors que cette crainte n'est pas bien fondée dans les faits, c'est-à-dire, qu'elle est objectivement sans raison. L'inverse, toutefois, est beaucoup plus discutable. En effet je conçois difficilement dans quelles circonstances on pourrait affirmer qu'une personne qui, par définition, n'oublions pas, revendique le statut de réfugié, puisse avoir raison de craindre d'être persécutée et se voir quand même refusée parce que l'on prétend que cette crainte n'existe réellement pas dans son for intérieur. La définition de réfugié n'est certainement pas conçue pour exclure les personnes courageuses ou simplement stupides au profit de celles qui sont plus timides ou plus intelligentes. D'ailleurs, il répugne de penser que l'on pourrait rejeter une demande de statut de réfugié au seul motif que le revendicateur, étant un enfant de bas âge ou une personne souffrant d'une débilité mentale, était incapable de ressentir la crainte dont les éléments objectifs sont manifestement bien fondés.

[22]            Il ne m'appartient guère de commenter les propos d'un magistrat aussi éminent, mais l'on a raison d'insister sur la présence d'une crainte subjective de persécution, même si cela signifie que les robustes et les faibles d'esprit pourraient de ce fait être exclus de la définition de « réfugié » . La raison en est que le système des revendications du statut de réfugié a pour objet de protéger ceux qui craignent la persécution et pour lesquels il n'existe pas de protection d'État. Ceux dont l'absence de crainte s'explique par une incapacité de comprendre leur environnement peuvent être fondés à une protection pour d'autres motifs, tandis que ceux qui sont suffisamment robustes pour se protéger eux-mêmes n'ont pas besoin de la protection de la communauté internationale. C'est pour maintes raisons que l'on quitte des régions troublées, mais seules les personnes qui le font en raison d'une crainte fondée de persécution peuvent prétendre à une protection internationale. Ceux qui partent pour d'autres raisons n'ont pas le droit d'appeler à la rescousse la communauté internationale du seul fait qu'ils auraient pu ou auraient dû avoir des craintes, même si tel n'était pas le cas.


[23]            En l'espèce, le premier tribunal qui a entendu la revendication des demandeurs a jugé qu'ils n'avaient pas de crainte subjective de persécution et a rejeté leur revendication (dossier du tribunal, p. 195-201). Une réévaluation de la situation qui a cours dans le pays n'apporte pas l'élément subjectif de la crainte. Les motifs de la SSR ne sont pas un modèle de clarté, mais ils abordent la question de la crainte fondée de persécution en s'appuyant sur des événements survenus après le rejet de la première revendication des demandeurs.


[24]            Le deuxième grief de contrôle invoqué par les demandeurs est que la SSR n'a pas motivé sa conclusion selon laquelle la revendication des demandeurs était dépourvue d'un minimum de fondement. Il y a, au sein de la Section de première instance, deux écoles de pensées sur la question de savoir si des motifs distincts sont requis lorsque la SSR conclut à l'absence d'un minimum de fondement. Parmi les précédents où elle a jugé que le tribunal n'était pas tenu de donner de motifs lorsqu'il concluait à l'absence d'un minimum de fondement, citons Nizeyimana c. Canada, 2001 CFPI 259, [2001] A.C.F. no 472 (QL), au par. 9 (le juge Pinard), et Sarker c. Canada, 2001 CFPI 526, [2001] A.C.F. no 806 (QL), au par. 58 (le juge Blais). Un exposé lucide du raisonnement au soutien de la position contraire apparaît dans les motifs exposés par le juge Denault dans l'affaire Foyet c. Canada, [2000] A.C.F. no 1591. Le juge Blanchard est arrivé à la même conclusion dans l'affaire Geng c. Canada, 2001 CFPI 257, [2001] A.C.F. no 488 (QL). Dans l'affaire Rahaman c. Canada, 2002 CAF 89, [2002] A.C.F. no 302 (QL), la Cour d'appel fédérale a approuvé l'analyse du juge Denault à propos des circonstances dans lesquelles le tribunal peut conclure à l'absence d'un minimum de fondement, mais n'a pas abordé la question de savoir si des motifs devaient accompagner une telle conclusion.

[25]            L'argument de ceux qui estiment qu'il n'est pas nécessaire de motiver une telle conclusion est que, pour démontrer le bien-fondé de sa revendication du statut de réfugié, le revendicateur doit produire une preuve crédible au soutien de cette revendication. Par conséquent, lorsque la SSR rédige des motifs exposant les éléments qui l'autorisent à conclure à l'absence de crédibilité, elle expose nécessairement les éléments qui l'autorisent à conclure à l'absence d'un minimum de fondement. Le juge Pinard s'exprimait ainsi sur la question dans l'affaire Nizeyimana, précitée :

[par. 9]      Cette disposition de la Loi [paragraphe 69.1(9.1)] requiert clairement qu'une conclusion d'absence de minimum de fondement fasse partie de la même décision que celle ayant trait à la revendication du statut de réfugié. Si une décision distincte sur la question du minimum de fondement n'est pas requise, il en découle que des motifs distincts ne sont pas davantage exigés. L'obligation imposée au tribunal par le paragraphe 69.1(11) de la Loi de fournir des motifs écrits au soutien d'une décision à l'encontre d'un revendicateur de statut de réfugié étant remplie, il suffit simplement de s'assurer, alors, que ces motifs appuient bien les conclusions de la décision en cause, incluant, s'il y a lieu, la conclusion relative à l'absence minimum de fondement.

[par. 10]      Dans l'affaire M.E.I. c. Mathiyabaranam (5 décembre 1997), A-223-95, [[1997] A.C.F. no 1676], le juge Linden, pour la Cour d'appel fédérale, a écrit :

                                [10]      N'importe quel revendicateur est « ou devrait être » conscient du risque que l'on conclue à une absence de minimum de fondement, même s'il n'y a pas d'autre avis donné sur cette issue éventuelle. Le revendicateur du statut de réfugié doit être conscient qu'il lui faut établir, dans le cadre de sa revendication, un minimum de fondement pour cette dernière. On ne peut établir une revendication du statut de réfugié sans établir d'abord, pour cette dernière, un minimum de fondement; l'une est tout à fait subordonnée à l'autre, et incluse en elle. Je ne puis imaginer ce qu'un revendicateur, à qui l'on a donné un avis spécial, pourrait bien ajouter à sa cause. Tous les éléments de preuve disponibles devraient déjà avoir été soumis à la Commission dans le cadre de la revendication du statut de réfugié.


[par. 11]      Dans l'affaire Gomez c. M.C.I., (29 avril 1999), IMM-1826-98, [[1999] A.C.F. no 600 (Q.L.)], au paragraphe [7], j'ai eu l'occasion d'exprimer ce qui suit :

[Traduction]

... l'avocat du demandeur a soutenu pour la première fois que la Commission avait commis une erreur de droit « lorsqu'elle a omis de motiver sa conclusion selon laquelle la revendication n'a pas un minimum de fondement » . Ce nouvel argument est rejeté au motif que la conclusion de la Commission selon laquelle la revendication n'avait pas un minimum de fondement est étayée par les mêmes motifs suffisants fournis dans la décision pour étayer la conclusion selon laquelle le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention. Le principe qui sous-tend ce motif est compatible avec les remarques suivantes que le juge Linden de la Cour d'appel a faites dans Mathiyabaranam c. M.E.I. (1997), 221 N.R. 351, à la page 354 :

... une détermination relative au minimum de fondement est un aspect inhérent de la définition d'un réfugié au sens de la Convention. Elle n'impose pas au revendicateur un fardeau de preuve qui est distinct du fardeau principal qu'impose la définition elle-même ou qui s'y ajoute.

[par. 12]      Enfin, dans l'affaire Barua c. M.C.I. (27 octobre 2000), IMM-5146-99, [[2000] A.C.F. no 1744 (QL)], j'ai aussi écrit :

                                [7]      En outre, comme il a jugé que le témoignage du demandeur n'était pas crédible, le tribunal avait le droit de conclure à l'absence de minimum de fondement. Dans Sheikh c. M.E.I. (1990), 112 N.R. 61, la Cour d'appel fédérale a établi que quand un tel tribunal conclut qu'un revendicateur n'est pas crédible, il peut conclure qu'il n'y a pas de preuve crédible en fonction de laquelle le revendicateur pourrait être considéré comme un réfugié. De plus, dans M.E.I. c. Mathiyabaranam (5 décembre 1997), A-223-95, la Cour d'appel fédérale a confirmé que cette règle est valide pour le paragraphe 69.1(9.1) de la Loi, relativement à la question du minimum de fondement.

[par. 13]      Dans l'affaire Sheikh c. M.E.I., [1990] 3 C.F. 238, la Cour d'appel fédérale, sous la plume du juge MacGuigan, avait déclaré, à la page 244 :

                                Le concept de la crédibilité des éléments de preuve et celui de la crédibilité du demandeur sont évidemment deux choses différentes, mais il est évident que lorsque la seule preuve soumise au tribunal qui relie le demandeur à sa demande est celle que ce dernier fournit lui-même (outre, peut-être, les dossiers sur différents pays dont on ne peut rien déduire directement à l'égard de la revendication du demandeur), la perception du tribunal que le demandeur n'est pas un témoin crédible équivaut en fait à la conclusion qu'il n'existe aucun élément crédible sur lequel pourrait se fonder le second palier d'audience pour faire droit à la demande.


[26]            L'argument en faveur d'une conclusion motivée est résumé dans le passage suivant du jugement Foyet, précité :

[par. 21]      Dans l'affaire Mahanandan, [[1994] A.C.F. no 1228], la Cour d'appel fédérale a par ailleurs affirmé que lorsqu'une preuve est apte à influer sur l'appréciation de la revendication qui est introduite à l'audience, la Commission doit indiquer l'impact que cette preuve a eu sur la revendication. Le juge en chef Isaac a écrit ceci :

Lorsqu'au cours d'une audience, la Commission admet une preuve documentaire du genre de celle qui est en cause en l'espèce, soit une preuve susceptible d'influer considérablement sur son appréciation de la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention d'un appelant, il nous semble que la Commission doive dépasser la simple constatation de son admission de la preuve documentaire et qu'elle soit tenue aussi de préciser dans ses motifs l'impact, s'il en est, que cette preuve a eu sur la revendication du requérant. Comme je l'ai déjà dit, la Commission a omis de ce faire en l'espèce, et cette omission, à notre avis, porte un coup fatal à sa décision, qui ne peut être maintenue.

[par. 22]      À mon avis, avant de conclure à une absence de minimum de fondement, le tribunal doit, en tout temps, examiner l'ensemble de la preuve. L'interprétation libérale de Sheikh ne peut se concilier avec l'alinéa 69.1(9.1) de la Loi sur l'immigration.

[par. 23]      Certes, le tribunal n'a pas à évaluer chaque élément de preuve explicitement dans ses motifs, mais étant donné la portée de la disposition en cause qui, rappelons-le, a été adoptée quelques années après l'affaire Sheikh, il faut tenir compte du contexte dans lequel Sheikh a été rendu. À mon avis, cet arrêt ne doit être suivi qu'avec circonspection lorsqu'un tribunal décide d'y référer pour conclure à une absence de minimum de fondement. Le fait pour le tribunal de conclure à la non-crédibilité du témoignage d'un demandeur ne peut engendrer, de facto, la mise en oeuvre de l'alinéa 69.1(9.1) de la Loi sur l'immigration. Comme l'a souligné le juge Tremblay-Lamer dans l'affaire Seevaratnam :

À mon avis, la Commission a omis d'examiner toute la preuve soumise. Elle a simplement rejeté la demande de la demanderesse principale parce qu'elle a jugé qu'elle n'était pas crédible. Dans les circonstances de l'espèce, il existait d'autres éléments de preuve susceptibles d'influer sur l'appréciation de la demande. Ces autres éléments de preuve auraient donc dû être appréciés expressément.

[par. 24]      Ainsi, pour établir la pertinence de la preuve documentaire, il faut dans tous les cas procéder à une analyse in extenso. Dans les cas où la preuve documentaire est pertinente, le tribunal est tenu de motiver expressément, à la lumière de la preuve objective, les raisons qui ont mené à l'application de l'alinéa 69.1(9.1) de la Loi sur l'immigration. Comme devait le mentionner le juge Evans dans l'affaire Cepeda-Gutierrez :


Toutefois, plus la preuve qui n'a pas été mentionnée expressément ni analysée dans les motifs de l'organisme est importante, et plus une cour de justice sera disposée à inférer de ce silence que l'organisme a tiré une conclusion de fait erronée « sans tenir compte des éléments dont il [disposait] » : Bains c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 63 F.T.R. 312 (C.F. 1re inst.). Autrement dit, l'obligation de fournir une explication augmente en fonction de la pertinence de la preuve en question au regard des faits contestés. Ainsi, une déclaration générale affirmant que l'organisme a examiné l'ensemble de la preuve ne suffit pas lorsque les éléments de preuve dont elle n'a pas discuté dans ses motifs semblent carrément contredire sa conclusion. Qui plus est, quand l'organisme fait référence de façon assez détaillée à des éléments de preuve appuyant sa conclusion, mais qu'elle passe sous silence des éléments de preuve qui tendent à prouver le contraire, il peut être plus facile d'inférer que l'organisme n'a pas examiné la preuve contradictoire pour en arriver à sa conclusion de fait.

[par. 25]      Dans la présente affaire, le tribunal a conclu que la revendication du demandeur ne possédait pas, aux termes de l'alinéa 69.1(9.1) un minimum de fondement après qu'il eut estimé que le demandeur n'avait présenté à l'audience aucun élément de preuve crédible ou digne de foi sur lequel il aurait pu se fonder pour lui reconnaître le statut de réfugié.

[par. 26]      Pour ce faire, la section du statut avait l'obligation d'apprécier l'ensemble de la preuve et d'expliciter de façon expresse les raisons qui l'ont poussée à conclure à l'absence de minimum de fondement. En négligeant d'évaluer expressément l'ensemble de la preuve tant subjective qu'objective, et en se concentrant exclusivement sur le témoignage du demandeur, le tribunal a commis une erreur donnant ouverture au contrôle judiciaire. Par conséquent, sa décision quant à l'application de l'alinéa 69.1(9.1) de la Loi sur l'immigration doit être annulée.

[27]            Ces longs extraits exposent les résultats divergents auxquels sont arrivés mes collègues sur cette question. Comme je l'ai indiqué ci-dessus, la Cour d'appel fédérale, dans l'affaire Rahaman, précitée, a approuvé l'analyse du juge Denault concernant les circonstances dans lesquelles la SSR pourrait conclure qu'une revendication donnée est dépourvue d'un minimum de fondement, mais elle ne s'est pas expressément demandé si la SSR doit motiver une telle conclusion. Il s'agissait dans l'affaire Rahaman de définir les cas où le tribunal pouvait conclure à l'absence d'un minimum de fondement; le demandeur soutenait qu'une telle conclusion devrait se limiter aux cas que l'on pourrait qualifier de « manifestement non fondés » par opposition aux cas où la SSR juge qu'une revendication n'est pas appuyée par une preuve crédible.


[28]            Les tenants de l'argument selon lequel la SSR est tenue d'exposer des motifs lorsqu'elle conclut à l'absence d'un minimum de fondement invoquent l'arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Baker c. Canada, [1999] 2 R.C.S. 817, et plus précisément le passage suivant, où le juge L'Heureux-Dubé examine les fonctions que servent des motifs écrits :

¶ 39       On a soutenu que la rédaction de motifs favorise une meilleure prise de décision en ce qu'elle exige une bonne formulation des questions et du raisonnement et, en conséquence, une analyse plus rigoureuse. Le processus de rédaction des motifs d'une décision peut en lui-même garantir une meilleure décision. Les motifs permettent aussi aux parties de voir que les considérations applicables ont été soigneusement étudiées, et ils sont de valeur inestimable si la décision est portée en appel, contestée ou soumise au contrôle judiciaire : R. A. Macdonald et D. Lametti, « Reasons for Decision in Administrative Law » (1990), 3 C.J.A.L.P. 123, à la p. 146; Williams c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] 2 C.F. 646 (C.A.), au par. 38. Il est plus probable que les personnes touchées [page 846] ont l'impression d'être traitées avec équité et de façon appropriée si des motifs sont fournis : de Smith, Woolf, & Jowell, Judicial Review of Administrative Action (5e éd. 1995), aux p. 459 et 460. Je suis d'accord qu'il s'agit là d'avantages importants de la rédaction de motifs écrits.

[29]            La conclusion de Madame le juge L'Heureux-Dubé sur la nécessité de motifs écrits dans les décisions relatives à des demandes fondées sur des considérations humanitaires n'est pas sans résonnance en ce qui concerne les décisions où le tribunal conclut à l'absence d'un minimum de fondement.


¶ 43       À mon avis, il est maintenant approprié de reconnaître que, dans certaines circonstances, l'obligation d'équité procédurale requerra une explication écrite de la décision. Les solides arguments démontrant les avantages de motifs écrits indiquent que, dans des cas comme en l'espèce où la décision revêt une grande importance pour l'individu, dans des cas où il existe un droit d'appel prévu par la loi, ou dans d'autres circonstances, une forme quelconque de motifs écrits est requise. Cette exigence est apparue dans la common law ailleurs. Les circonstances de l'espèce, à mon avis, constituent l'une de ces situations où des motifs écrits sont nécessaires. L'importance cruciale d'une décision d'ordre humanitaire pour les personnes visées, comme celles dont il est question dans les arrêts Orlowski, Cunningham et Doody, milite en faveur de l'obligation de donner des motifs. Il serait injuste à l'égard d'une personne visée par une telle décision, si essentielle pour son avenir, de ne pas lui expliquer pourquoi elle a été prise.

[30]            Par ailleurs, la portée des décisions où il est conclu à l'absence d'un minimum de fondement a été examinée dans l'arrêt Rahanam, où la Cour d'appel fédérale est arrivée à la conclusion suivante :

[par. 33]      En d'autres termes, bien qu'une conclusion d' « absence de minimum de fondement » expose indubitablement l'intéressé à un renvoi relativement rapide, ce renvoi peut, dans les faits, être retardé. Il existe des mesures de protection juridiques et administratives contre le renvoi des personnes qui sont susceptibles d'être persécutées si elles sont refoulées, ces mesures n'étant cependant pas aussi favorables que celles dont bénéficient les revendicateurs déboutés lorsque chacun des membres de la Commission n'a pas conclu à l' « absence de minimum de fondement » en application du paragraphe 69.1(9.1).

[31]            L'on devrait aussi prendre note de la réponse de la Cour à la question certifiée :

La question de savoir si une conclusion qu'un revendicateur du statut de réfugié n'est pas un témoin crédible entraîne l'application du paragraphe 69.1(9.1) dépend d'une évaluation de tous les témoignages et documents produits en preuve. S'il n'y a aucun élément de preuve crédible ou digne de foi sur lequel chacun des membres de la Commission aurait pu se fonder pour reconnaître le statut de réfugié au revendicateur, une conclusion que ce dernier n'était pas un témoin crédible justifiera la conclusion d'absence de minimum de fondement.


[32]            Selon moi, l'avis de la Cour d'appel sur la portée d'une décision qui conclut à l'absence d'un minimum de fondement, ainsi que son arrêt à propos des cas où la SSR pourrait arriver à une telle conclusion, militent contre la rédaction de motifs distincts au soutien d'une décision où la SSR conclut à l'absence d'un minimum de fondement. Les conséquences d'une telle décision sont importantes, mais elles sont circonscrites par des sauvegardes procédurales et juridiques contre l'expulsion vers un endroit où il y a véritablement un risque de traitements inhumains. Lorsque les commissaires de la SSR évaluent l'ensemble de la preuve dans une affaire donnée, notamment les témoignages et les documents, les motifs qu'elle aura de conclure que la revendication n'est pas appuyée par une preuve digne de foi indiqueront nécessairement pourquoi elle conclut à l'absence d'un minimum de fondement. Par conséquent, je suis d'avis que l'application du critère énoncé par la Cour d'appel à propos des cas où la SSR peut disposer d'une revendication en concluant à l'absence d'un minimum de fondement dispensera la SSR d'exposer des motifs distincts justifiant une telle conclusion.

[33]            Finalement, les deux moyens soulevés par les demandeurs sont irrecevables et leur demande sera donc rejetée. Si les parties souhaitent qu'une question soit certifiée, elles devront la présenter au greffe dans un délai de 10 jours après la date des présents motifs. Une ordonnance rejetant la demande sera rendue à la fin de cette période.

                                                                                                              « J.D. Denis Pelletier »           

                                                                                                                                         Juge                          

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                           COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                      SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                        AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                        IMM-4509-00

INTITULÉ :                                Yogaratnam Kanvathipillai et Boongothai Yogaratnam

                                                     c. Le Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :               le 12 juin 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE : Monsieur le juge Pelletier

DATE DES MOTIFS :                      le 16 août 2002

COMPARUTIONS :

M. Joyce Yedid                                                                   POUR LES DEMANDEURS

Me Martine Valois                                                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :                                                                              

M. Joyce Yedid                                                                   POUR LES DEMANDEURS

Montréal (Québec)

M. Morris Rosenberg                                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada



[1] Le juge McGillis s'est exprimé ainsi sur cette procédure dans l'affaire Jmakina c. Canada, [1999] A.C.F. no 1680, au paragraphe 29 :

Les revendications du statut de réfugié à répétition portent gravement ombrage à notre régime d'immigration, imposent un fardeau inutile aux contribuables canadiens, retardent l'audition des revendications fondées et constituent un abus scandaleux de nos frontières.


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