Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20001128

Dossier : T-1804-98

Ottawa (Ontario), le 28novembre 2000

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PELLETIER

Entre

LE MÉTIS NATIONAL COUNCIL OF WOMEN et

SHEILA D. GENAILLE

demandeurs

- et -

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

ORDONNANCE ET MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PELLETIER


[1]    Dans leur déclaration, le Métis National Council of Women, Sheila Genaille, Joyce Gus et Doreen Fleury affirment que la Couronne fait preuve de discrimination sexuelle à leur égard, en violation des articles 15 et 28 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) en ce que Sa Majesté la Reine, défenderesse, a refusé de négocier avec la personne morale demanderesse au sujet de la formation professionnelle des femmes métisses, alors qu'elle a signé des accords en la matière avec d'autres organisations autochtones, dont une qui prétend représenter tous les Métis. Les demandeurs sollicitent un jugement déclarant que la conduite de la défenderesse constitue de la discrimination sexuelle en violation de l'article 15 de la Charte, des ordonnances portant que les accords signés par la défenderesse et d'autres organisations doivent s'interpréter comme prévoyant la formation professionnelle pour les femmes comme pour les hommes au sein des communautés métisses, une ordonnance portant que la personne morale demanderesse doit être considérée comme une signataire de certains accords conclus entre la défenderesse et d'autres, une ordonnance de nommer des femmes métisses aux conseils créés en application des accords ci-dessus, et une injonction à la défenderesse de ne pas signer d'autres accords en attendant que soit établie la validité constitutionnelle des accords existants.

[2]    La défenderesse soutient que puisque les demandeurs sollicitent un jugement déclaratoire, une injonction et peut-être même une ordonnance de mandamus (au fond sinon dans la forme), et que leur action tend essentiellement à contester des programmes administrés par l'État fédéral, c'est l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale qui s'applique. En particulier, le paragraphe 18(3) de cet article, aux termes duquel les jugements déclaratoires et injonctions ne peuvent être demandés contre un office fédéral que par voie de recours en contrôle judiciaire, impose le rejet de l'action puisque la Loi ne permet pas qu'elle se poursuive à ce titre.


[3]    L'affaire a été entendue par le protonotaire adjoint qui, après avoir soigneusement examiné les faits, a conclu que les demandeurs « ne s'en prennent pas à la Couronne, au Parlement, par suite de l'adoption d'une loi, mais à l'office fédéral qui ne les a pas inclus dans ses projets » . L'action tombait donc sous le coup du paragraphe 18(3) de la Loi et, en conséquence, il l'a rejetée. Après avoir examiné les actes de procédure de part et d'autre, je juge que le protonotaire adjoint a judicieusement qualifié la nature de l'action.

[4]    La défenderesse fait observer, à l'audition de sa requête, que la fin de non-recevoir était uniquement tirée de ce que la Cour fédérale n'a pas compétence pour juger la demande sous forme d'action, puisque les chefs de demande en question doivent être présentés par voie de recours en contrôle judiciaire. Cette fin de non-recevoir n'était pas motivée par le défaut de cause d'action.

[5]    Il semble que le protonotaire adjoint n'avait pas à l'esprit les précédents où les dispositions de la règle 57 des Règles de la Cour fédérale (1998) ont été appliquées au problème :


La Cour n'annule pas un acte introductif d'instance au seul motif que l'instance aurait dû être introduite par un autre acte introductif d'instance.

An originating document shall not be set aside only on the ground that a different originating document should have been used.



[6]                 Par acte introductif d'instance, on entend aussi la déclaration et l'avis de demande. La fin de non-recevoir n'est donc pas recevable et doit être rejetée. Une fois jugé que la procédure n'a pas été engagée en la forme appropriée, elle peut être changée en conséquence. Le droit de convertir un recours en contrôle judiciaire en action est prévu au paragraphe 18.4(2) de la Loi. Le droit de convertir une action en recours en contrôle judiciaire a été dégagé des termes de la règle 57 dans MacLean c. Canada, [1999] A.C.F. no 400, (1999) 164 F.T.R. 208, Niederauer c. Canada, [2000] A.C.F. no 928, et Khaper c. Canada, [1999] A.C.F. no 2014.

[7]                 Dans deux de ces causes, il a été jugé que l'action en jugement déclaratoire n'avait été intentée en la forme appropriée, et ordonné à la partie demanderesse de faire valoir ses prétentions selon la procédure appropriée. Dans MacLean, ostensiblement une action en renvoi injustifié, le juge Lutfy a donné à la partie demanderesse 30 jours pour intenter la procédure convenable. Dans Niederauer, qui était une affaire d'impôt, le demandeur s'est vu donner un délai pour faire valoir ses prétentions en la forme appropriée. Dans la troisième affaire, l'action a été rejetée parce que la partie demanderesse n'a pu convaincre le juge qu'il fallait lui accorder une prorogation de délai pour introduire un recours. Il était sous-entendu qu'après le rejet de l'action, il lui serait permis de poursuivre le recours en la forme appropriée.   


[8]                 Pour ces motifs, l'ordonnance du protonotaire adjoint sera modifiée par l'addition d'une disposition autorisant les demandeurs à déposer un avis de demande et une requête en prorogation du délai durant lequel leurs chefs de demande seront reformulés sous forme de recours en contrôle judiciaire. Afin que la question de la prorogation de délai ne soit pas affectée par l'intervalle de temps qui s'est écoulé avant que cette question ne soit abordée ou que les présents motifs ne soient donnés, l'avis de demande et la requête en prorogation de délai sont réputés, aux fins de cette dernière, avoir été déposés à la date de délivrance de la déclaration.

ORDONNANCE

La Cour fait droit en partie à l'appel formé contre l'ordonnance en date du 7 janvier 2000, par laquelle le protonotaire a rejeté l'action des demandeurs, et ajoute le paragraphe suivant à la même ordonnance :


Nonobstant le rejet de leur action, les demandeurs auront jusqu'au 3 janvier 2001 pour déposer un avis de demande et un avis de requête en prorogation du délai d'introduction d'un recours en contrôle judiciaire, par lequel ils pourront solliciter les redressements recherchés en l'espèce, par voie d'avis de demande, toujours sous réserve de la Loi sur la Cour fédérale et des Règles de la Cour fédérale (1998). La Cour ordonne en outre qu'aux fins de l'avis de requête en prorogation du délai, l'avis de demande et l'avis de requête seront réputés avoir été déposés le 2 septembre 1998. L'une et l'autre parties ayant partiellement gain de cause, elles assumeront leurs propres frais et dépens de la requête devant le protonotaire adjoint et de la requête en instance.

         « J.D. Denis Pelletier »          

Juge                         

Traduction certifiée conforme,

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


                                   COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER No :                                     T-1804-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :             Le Métis National Council of Women et al.

c.

Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                 8 juin 2000

ORDONNANCE (MOTIFS ET DISPOSITIF) PRONONCÉE PAR LE JUGE PELLETIER

LE :                                                          28 novembre 2000

ONT COMPARU:

Mme Kathleen Lahey                                             pour les demandeurs

Mme Gail Sinclair                                                   pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Mme Kathleen A. Lahey                                       pour les demandeurs

Avocate

Kingston (Ontario)

M. Morris Rosenberg                                           pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada


Ottawa (Ontario)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.