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Date : 19990602


Dossier : T-1868-98



ENTRE :


     DENHARCO INC.,

     demanderesse

     (défenderesse reconventionnelle),


     et


     FORESPRO INC.,

     défenderesse

     (demanderesse reconventionnelle).



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE DUBÉ


[1]      La demanderesse souhaite obtenir une ordonnance enjoignant à la défenderesse de fournir des précisions relativement à certains paragraphes de sa défense et demande reconventionnelle et plus précisément en ce qui concerne les paragraphes 19, 20, 21, 22, 23, 28, 29, 30, 31 et 32. Il s'agit en l'espèce d'une action intentée par la demanderesse pour contrefaçon de deux brevets touchant du matériel de foresterie et plus particulièrement des ébrancheuses.

1. Dispositions législatives et jurisprudence

[2]      La règle 174 des Règles de la Cour fédérale (1998) est ainsi rédigée : " Tout acte de procédure contient un exposé concis des faits substantiels sur lesquels la partie se fonde; il ne comprend pas les moyens de preuve à l'appui de ces faits ". Selon la règle 181, l'acte de procédure contient des précisions sur chaque allégation et la Cour peut, sur requête, ordonner à une partie de signifier et de déposer des précisions supplémentaires.

[3]      Dans l'arrêt Gulf Canada Limited c. Le " Mary Mackin "1, la Cour d'appel fédérale a adopté les six fonctions des précisions telles qu'elles sont présentées dans Supreme Court Practice, 1982, vol. 1, page 318 :

(1)      informer l'autre partie de la nature des arguments auxquels elle devra faire face, à distinguer de la manière dont ces arguments seront prouvés...
(2)      empêcher que l'autre partie ne soit prise par surprise à l'instruction...
(3)      permettre à l'autre partie de savoir quelle preuve devrait être prévue et de se préparer pour l'instruction...
(4)      limiter la généralité des plaidoiries...
(5)      déterminer les points à instruire et ceux pour lesquels un interrogatoire est requis...
(6)      enlever toute liberté d'action à la partie de manière à ce qu'elle ne puisse, sans autorisation, examiner les questions qui ne font pas partie des plaidoiries...

[4]      Il est établi par la jurisprudence qu'il ne suffit pas qu'un acte de procédure énonce les dispositions législatives visées et qu'il n'est pas acceptable de simplement alléguer une conclusion de droit sans invoquer les faits sur lesquels se fonde cette prétention2. On ne peut se contenter de renvoyer à une liste de brevets ou à d'autres publications lorsqu'il y a allégation d'absence de nouveauté ou d'évidence. La partie qui invoque la nouveauté ou l'évidence doit fournir des précisions exactes sur les documents auxquels on renvoie dans les allégations3.

[5]      L'article 34 de la Loi sur les brevets4 (la Loi) fait état de la description et des explications que le demandeur doit fournir dans le mémoire descriptif de son invention5. Le paragraphe 34(1) énonce cinq exigences particulières. Le paragraphe 34(2) prévoit que le mémoire descriptif mentionné au paragraphe 34(1) se termine par une ou plusieurs revendications exposant distinctement les combinaisons que le demandeur considère comme nouvelles. Lorsque la défenderesse invoque les dispositions de l'article 34 comme motif justifiant que le brevet soit déclaré invalide, elle doit donner des précisions sur les parties des revendications et des descriptions qui étayent ses allégations. Il ne suffit pas de simplement avancer que la demanderesse a omis de faire certaines choses qu'on exigeait d'elle.

2. Allégations et précisions en litige

[6]      Aux paragraphes 19 et 28 de son acte de procédure, la défenderesse allègue que les revendications 1 à 5 des deux brevets sont invalides suivant le paragraphe 34(2) susmentionné de la Loi parce qu'elles sont ambiguës et qu'elles n'exposent pas distinctement et en des termes explicites l'objet de l'invention. Cette prétention n'est pas suffisante. La défenderesse doit montrer à quel égard les éléments particuliers de la revendication sont ambigus et donner les faits sur lesquels se fondent ses prétentions.

[7]      Aux paragraphes 20 et 29, la défenderesse allègue que les revendications 1 à 5 des brevets vont au-delà de ce qui est exposé dans la description, mais elle ne fournit aucune précision sur les éléments qui, selon elle, font l'objet d'une revendication sans être exposés dans la description. La demanderesse a besoin de faits plus précis pour être en mesure de déposer sa réponse.

[8]      Aux paragraphes 21 et 30, la défenderesse allègue que les revendications 1 à 5 du brevet vont au-delà de ce que l'inventeur a inventé. Or, la défenderesse ne fournit aucune précision sur ce qui, exactement, n'aurait pas été inventé par l'inventeur mais serait visé par les revendications. Manifestement, des précisions supplémentaires sont requises.

[9]      Aux paragraphes 22 et 31, la défenderesse allègue que les brevets sont invalides en ce qu'ils ne respectent pas les dispositions du paragraphe 34(1) de la Loi. Toutefois, elle omet de donner des précisions expliquant pourquoi, à son avis, la description ne décrit pas l'invention de façon exacte et complète. La défenderesse doit établir en quoi et à quel égard la description fait défaut de décrire l'invention.

[10]      Aux paragraphes 23 et 32, la défenderesse allègue que les brevets sont invalides en ce qu'ils ne décrivent pas la meilleure manière de mettre en oeuvre l'invention, mais ces paragraphes ne fournissent aucune précision montrant en quoi la description n'explicite pas le processus en question. D'autres précisions sont nécessaires.

3. Conclusion

[11]      Revenons maintenant aux fonctions que, de l'avis général, remplissent les précisions et qui sont énoncées dans Supreme Court Practice. Selon moi, la défenderesse ne peut se contenter de formuler des allégations en des termes généraux, ni d'emprunter le libellé des dispositions législatives pour ensuite affirmer simplement que l'autre partie n'a pas satisfait aux exigences de la loi. Habituellement, les précisions ont pour objet d'éviter que l'autre partie ne soit prise au dépourvu et donc d'informer celle-ci de la nature de la preuve qu'elle aura à réfuter de sorte qu'elle puisse mieux se préparer pour l'instruction. Les précisions obligent en outre les parties à circonscrire leur preuve autour d'un domaine bien défini. Il est arrivé à la Cour de se demander pourquoi les parties persistent à cacher leur jeu avec autant de méfiance. Pourtant, ces dernières devront bien en bout de ligne dévoiler leurs éléments de preuve, que ce soit lors de la communication préalable ou de l'instruction. Alors, pourquoi ne pas le faire maintenant de façon à accélérer le traitement du litige et à mieux exploiter leurs ressources de même que celles de la Cour?

[12]      La défenderesse devra donc fournir des précisions supplémentaires relativement aux paragraphes 19, 20, 21, 22, 23, 28, 29, 30, 31 et 32, dans les 30 jours suivant la date des présents motifs.

[13]      La défenderesse s'est déjà engagée à fournir des réponses en ce qui a trait aux paragraphes 17, 18, 26 et 27. Elle demande qu'un délai de 45 jours lui soit accordé. La demanderesse souhaite obtenir les réponses dans un délai de 14 jours. La Cour ordonne que ces réponses soient produites dans un délai de 30 jours.

[14]      La demanderesse a retiré sa demande touchant le paragraphe 25b).



OTTAWA (ONTARIO)

Le 2 juin 1999


    

     Juge



Traduction certifiée conforme


Richard Jacques, LL. L.





Date : 19990602


Dossier : T-1868-98


OTTAWA (ONTARIO), LE 2 JUIN 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE J.E. DUBÉ

ENTRE :


     DENHARCO INC.,

     demanderesse

     (défenderesse reconventionnelle),


     et


     FORESPRO INC.,

     défenderesse

     (demanderesse reconventionnelle).



     ORDONNANCE

     La défenderesse doit produire des précisions relativement aux paragraphes 19, 20, 21, 22, 23, 28, 29, 30, 31 et 32 de même qu'aux paragraphes 17, 18, 26 et 27 dans les trente (30) jours suivant la date de la présente ordonnance.

     _______________________________

     Juge

Traduction certifiée conforme


Richard Jacques, LL. L.


     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



NO DE GREFFE :              T-1868-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :      DENHARCO INC. c. FORESPRO INC.

LIEU DE L'AUDIENCE :      OTTAWA (ONTARIO)
                     LE 20 MAI 1999


MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE DUBÉ EN DATE DU 2 JUIN 1999.



ONT COMPARU :

DAVID AITKEN                      POUR LA DEMANDERESSE

ALLAN MILLARD

MARC-ANDRÉ HUOT                  POUR LA DÉFENDERESSE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

OSLER, HOSKIN ET HARCOURT          POUR LA DEMANDERESSE

OTTAWA (ONTARIO)

SMART ET BIGGAR                  POUR LA DÉFENDERESSE

MONTRÉAL (QUÉBEC)

__________________

     1      [1984] 1 C.F. 884.

     2      Cremco Supply Ltd. c. Canada Pipe Co. (1998), 79 C.P.R. (3d) 84 (C.F. 1re inst.), p. 89, et B & J Manufacturing Co. c. Canadian Pneumatic Tool Co. Ltd. (1984), 77 C.P.R. (2d) 257 (C.F. 1re inst.), p. 259.

     3      Machineries Tenco Ltée c. Weldco-Beales Manufacturing Ltd. (1997), 69 C.P.R. (3d) 78 (C.F. 1re inst.), p. 79; Wellcome Foundation Ltd. c. Novopharm Ltd. (1992), 44 C.P.R. (3d) 456, p. 458 et 459; Mitten c. P.H. Tech Inc. (1982), 63 C.P.R. (2d) 232 (C.F. 1re inst.), p. 223, et Zamboni v. Town of Preston, 61 C.P.R. 233 (C. de l'É.), p. 234.

     4      L.R.C. (1985), ch. P-4.

     5      Cremco Supply Ltd. c. Canada Pipe Co., supra, note 2, p. 92; Omark Industries Inc. c. Windsor Machine Co. Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 111 (C.F. 1re inst.), p. 114; Outboard Marine Corp. c. Sabre Saw Chain Ltd. (1976), 30 C.P.R. (2d) 95 (C.F. 1re inst.), p. 95 et 96, et CSI Manufacturing and Distribution Inc. c. Astroflex Inc. (1992), 45 C.P.R. (3d) 195 (C.F. 1re inst.).

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