Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

     T-797-96

OTTAWA, LE VENDREDI 13 JUIN 1997

EN PRÉSENCE DU JUGE EN CHEF ADJOINT

ENTRE :

     SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES,

     appelante,

     et

     BIENVENUE CHEZ-NOUS LTÉE et

     LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE,

     intimés.

     JUGEMENT

     VU l'audience tenue à Toronto (Ontario) le 19 février 1997, la Cour, après avoir lu les documents déposés, entendu la preuve ainsi que les arguments de l'avocat de l'appelante, personne n'ayant comparu pour les intimés, et reporté le prononcé de sa décision, rend le jugement suivant conformément aux motifs ci-joints déposés aujourd'hui :

     L'appel est accueilli; aucune ordonnance n'est rendue au sujet des frais.

                             James A. Jerome

                                 Juge en chef adjoint

Traduction certifiée conforme             

                                 Martine Guay, LL.L.

     T-797-96

ENTRE :

     SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES,

     appelante,

     et

     BIENVENUE CHEZ-NOUS LTÉE et

     LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE,

     intimés.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE JEROME, JUGE EN CHEF ADJOINT

     Il s'agit d'un appel d'une décision par laquelle le registraire des marques de commerce a rejeté l'opposition que l'appelante avait formulée à l'encontre de la demande de marque de commerce déposée par l'intimée Bienvenue Chez-Nous Ltée.

     Le 23 novembre 1989, l'intimée Bienvenue Chez-Nous Ltée a déposé une demande visant à enregistrer WAGON POST LTD. comme marque de commerce pour utiliser celle-ci en liaison avec [TRADUCTION] "des services de distribution d'annonces publicitaires, soit l'assemblage et la distribution d'annonces commerciales ainsi que de documents promotionnels et éducatifs". La demande était fondée sur l'emploi au Canada depuis juillet 1987. Elle a subséquemment été publiée à des fins d'opposition le 12 septembre 1990.

     L'appelante, la Société canadienne des postes, a produit le 28 septembre 1990 une déclaration d'opposition dans laquelle elle a invoqué les motifs d'opposition suivants :

     [TRADUCTION]         
     a)      la marque de l'intimée n'est pas enregistrable, car elle donne une description trompeuse et erronée, l'utilisation du mot POST indiquant implicitement que les services seraient rendus par la requérante et ses employés;         
     b)      la marque visée par la demande prête à confusion avec quelques-unes des marques de commerce enregistrées de l'appelante;         
     c)      la marque de l'intimée va à l'encontre de l'article 58 de la Loi sur la Société canadienne des postes;         
     d)      la marque de commerce visée par la demande n'est pas enregistrable selon le sous-alinéa 9(1)n)(iii) et l'alinéa 12(1)e) de la Loi sur les marques de commerce;         
     e)      l'intimée n'a pas droit à l'enregistrement parce que, à la date qu'elle a indiquée comme date de premier emploi, la marque prêtait à confusion avec les marques de commerce ainsi que le nom commercial de l'appelante que celle-ci et son prédécesseur en titre utilisaient;         
     f)      la marque de commerce visée par la demande n'est pas enregistrable parce qu'elle est susceptible d'inciter des personnes à croire que les services en liaison avec lesquels elle est employée ont reçu l'appui, l'approbation ou l'autorisation du gouvernement ou sont produits, vendus ou exécutés suivant cet appui, cette approbation ou cette autorisation;         
     g)      la marque visée par la demande ne comporte aucun attribut distinctif, mais risque plutôt de donner lieu à une confusion qui permettrait à l'intimée de bénéficier de l'achalandage lié au nom, aux marques de commerce, aux marques officielles et aux noms commerciaux de l'appelante.         

     Dans une décision en date du 7 février 1996, l'agent d'audience, soit un membre de la Commission des oppositions des marques de commerce agissant au nom du registraire des marques de commerce, a rejeté l'opposition de la Société canadienne des postes, estimant essentiellement que celle-ci n'avait présenté aucun élément de preuve au soutien de l'opposition. Voici les extraits importants de la décision (p. 7 et 8) :

     [TRADUCTION] L'enregistrement le plus pertinent de l'opposante est l'enregistrement no 304 574 à l'égard de la marque de commerce PRIORITY POST, qui concerne des [TRADUCTION] "services postaux rapides". Un examen de la question de la confusion entre cette marque et la marque de la requérante, "WAGON POST LTD.", permettra donc d'en arriver à une décision au sujet du troisième moyen.         
     En ce qui a trait à l'alinéa 6(5)a) de la Loi, la marque de l'opposante incite fortement à penser qu'elle concerne des "services postaux rapides", notamment des services postaux qui feront l'objet d'un traitement prioritaire. La marque de l'opposante est donc faible en soi. Il n'y a aucune preuve d'emploi de cette marque et je dois donc en arriver à la conclusion qu'elle n'est pas devenue connue au Canada.         
     La marque de la requérante WAGON POST LTD. comporte des attributs foncièrement distinctifs en ce qui a trait aux services demandés. Elle évoque une société qui porte le nom d'un poste ou d'un établissement où les wagons s'arrêtent. À l'audience, l'agent de la requérante a soutenu que la marque semblait faire allusion à un poteau d'attache pour les wagons, mais cette proposition me semble moins plausible. L'argument de l'agent de l'opposante selon lequel la marque évoque la livraison de courrier par wagon est encore moins plausible à notre époque. Par conséquent, la marque de la requérante n'est guère reliée aux services demandés. Étant donné que la requérante n'a présenté aucun élément de preuve, je dois en arriver à la conclusion que sa marque n'est pas devenue connue au Canada aujourd'hui.         
     La période au cours de laquelle les marques ont été utilisées n'est pas un facteur important en l'espèce. Les services des parties semblent différents, ainsi que les activités commerciales qu'elles poursuivent. Même s'il est concevable que la requérante puisse utiliser les services de l'opposante dans le cadre de ses propres services, il est peu probable qu'elle agisse de la sorte, parce qu'il serait vraisemblablement trop coûteux d'utiliser des services postaux rapides pour distribuer du matériel de publicité et de promotion.         

     ...

     Pour appliquer le critère de la confusion, j'ai tenu compte du fait qu'il s'agit d'une question de première impression et de souvenir imparfait. Compte tenu des conclusions que j'ai tirées ci-dessus, notamment en ce qui a trait à la faiblesse inhérente de la marque de l'opposante, à l'absence de renommée de cette marque et aux différences entre les services, les activités commerciales et les marques des parties, je suis d'avis que la marque WAGON POST LTD. de la requérante ne prête pas à confusion avec la marque déposée de l'opposante, soit PRIORITY POST.         

     La Société canadienne des postes interjette maintenant appel de cette décision en raison des erreurs de droit et de fait que le registraire aurait commises.

     Après avoir examiné avec soin la décision attaquée ainsi que la preuve et les arguments de l'appelante, je suis d'avis d'accueillir l'appel pour les raisons suivantes.

     D'abord, la marque de commerce de l'intimée prête à confusion avec plusieurs des marques de commerce et marques officielles de l'appelante. Il est évident que l'utilisation des marques de commerce de la Société canadienne des postes dont la description figure dans la preuve par affidavit est répandue et se fait sur une grande échelle. La Société canadienne des postes utilise depuis longtemps et de façon répandue des marques et des noms comportant le mot "POST", y compris les marques de commerce CANADA POST, POST OFFICE, INTELPOST, MEDIAPOSTE, MAIL POSTE & DESIGN, POSTE MAIL & DESIGN, PRIORITY POST, POSTES PRIORITAIRES, PRIORITY POST COURIER, TELEPOST, ENVOYPOST, OMNIPOST, POSTE MAIL & DESIGN, TELEPOST, POSTE-LETTRE et PRIORITY POST - POSTES PRIORITAIRES.

     Le public canadien a donc l'habitude d'associer à l'appelante les marques de commerce et noms commerciaux comportant le mot "POST". En conséquence, il est probable qu'en voyant la marque de commerce de l'intimée, qui comporte le mot "POST" et qui est destinée à être employée en liaison avec des services de nature postale, le public présumerait que la marque de commerce et les services connexes ont un lien quelconque avec la Société canadienne des postes.

     De plus, compte tenu du fait que toutes les marques de commerce et tous les noms commerciaux susmentionnés de la Société canadienne des postes sont liés entre eux en raison des idées qu'ils suggèrent, il faut accorder une plus grande protection à ces marques. Pour en arriver à cette conclusion, je me fonde sur la décision que la Cour a rendue dans Société canadienne des postes c. Registraire des marques de commerce et al (1991), 40 C.P.R. (3d) 221, où le juge Muldoon s'est exprimé comme suit aux pages 239 et 240 :

     Les manifestations de l'attention toute spéciale et de la protection accordées à Postes Canada abondent dans la L.S.C.P., en particulier dans les passages précités. Ainsi les définitions des termes "envois" ou "courrier", "objets" et "transmission postale" identifient virtuellement Postes Canada à l'envoi de tous les "[m]essages, renseignements, fonds ou marchandises qui peuvent être transmis par la poste".         

     ...

     Compte tenu du statut exceptionnel que le Parlement a conféré à Postes Canada, la COMC ne peut, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire en vertu des Règles, légitimement empêcher la Société de manifester son importance législative considérable, particulièrement en ce qui a trait aux marques et aux mentions, en refusant les modifications projetées à sa déclaration d'opposition, comme si Postes Canada n'était tout bonnement qu'une personne physique ou morale ordinaire. En d'autres termes, la loi exige que Postes Canada soit en mesure de manifester son statut particulier en ce qui concerne son image, de façon à ce que la COMC puisse être saisie de tous les faits relatifs à l'exercice de son monopole, à son statut et à son image de marque à l'encontre de tous ceux et celles qui voudraient devenir titulaires enregistrés d'une marque de commerce similaire ou de nature à faire penser aux marques de Postes Canada, ces marques étant bannies par les dispositions générales et spécifiques de la L.S.C.P.         

                                 (non souligné dans l'original)

     Enfin, contrairement à ce que le registraire a dit, les marques officielles et les noms commerciaux de l'appelante comportent un caractère distinctif très important, qu'il soit inhérent ou acquis, qui découle en partie du droit d'origine législative de l'appelante comme fournisseur exclusif de certains services postaux au Canada. Les services de l'appelante touchent tellement la vie du public canadien et sont tellement utilisés et annoncés que les marques de commerce, marques officielles et noms commerciaux de la Société canadienne des postes sont devenus très connus. Le fait que le nom de l'appelante et ses marques "POST" soient affichés de façon évidente un peu partout au pays amoindrit considérablement le caractère distinctif inhérent que la marque de l'intimée pourrait par ailleurs avoir, compte tenu, surtout, du fait qu'il n'y a aucune preuve indiquant que l'intimée a utilisé sa marque WAGON POST LTD.



     Par ces motifs, l'appel est accueilli. Aucune ordonnance n'est rendue au sujet des frais.

                             James A. Jerome

                                 Juge en chef adjoint

OTTAWA

Le 13 juin 1997

Traduction certifiée conforme             

                                 Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              T-797-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :          Société canadienne des postes,

     appelante,

                     c.

                     Bienvenue Chez-Nous Ltée et

                     Le registraire des marques de commerce,

     intimés.

LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :          19 février 1997

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE EN CHEF ADJOINT

EN DATE DU :              13 juin 1997

ONT COMPARU :

Me Ron Dimock                      POUR L'APPELANTE

Personne n'a comparu                  POUR LES INTIMÉS

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Dimock Stratton Clarizio              POUR L'APPELANTE

Avocats

Toronto (Ontario)

Sim Hughes Ashton & McKay              POUR LES INTIMÉS

Avocats

Toronto (Ontario)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.