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Date : 20000114


Dossier : T-3319-90

Ottawa (Ontario), le vendredi 14 janvier 2000

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE GIBSON


ENTRE :

            

     TRANSALTA UTILITIES CORPORATION,


demanderesse/

requérante,


- et -


SA MAJESTÉ LA REINE

DU CHEF DU CANADA


défenderesse/

intimée.




ORDONNANCE


     VU LA DEMANDE présentée au nom de la demanderesse en vue d"obtenir l"annulation de l"ordonnance par laquelle la protonotaire Rosa Aronovitch a rejeté l"action pour cause de retard, le 13 septembre 1999;



     LA COUR STATUE QUE :

     La demande est rejetée.


Frederick E. Gibson

                                         Juge

Traduction certifiée conforme



Laurier Parenteau, LL.L.




Date : 20000114


Dossier : T-3319-90



ENTRE :

            

     TRANSALTA UTILITIES CORPORATION,


demanderesse/

requérante,


- et -


SA MAJESTÉ LA REINE

DU CHEF DU CANADA


défenderesse/

intimée.




MOTIFS DE L"ORDONNANCE


LE JUGE GIBSON :


[1]      _.Les présents motifs visent une demande présentée au nom de la demanderesse en vue d"obtenir l"annulation de l"ordonnance par laquelle la protonotaire Rosa Aronovitch a rejeté l"action pour cause de retard, le 13 septembre 1999. La demanderesse invoque les moyens suivants à l"appui de sa requête :

[Traduction] La requérante [demanderesse] a répondu à plusieurs Avis d"examen de l"état de l"instance lui enjoignant de donner les raisons pour lesquelles l"action ne devrait pas être rejetée pour cause de retard.
Il existe une raison substantielle pour laquelle l"action ne doit pas être rejetée pour cause de retard du fait que les parties négocient présentement une entente qui réglera la question encore en litige dans l"action.
Il est dans l"intérêt de chacune des parties que l"action demeure en suspens jusqu"à la conclusion de la transaction soit définitive.

[2][3]La demanderesse a produit, à l"appui de sa requête, une preuve documentaire comprenant l"Avis d"examen de l"état de l"instance en date du 11 juin 1998 et la réponse à cet Avis, en date du 8 juillet 1998; un autre Avis d"examen de l"état de l"instance en date du 5 novembre 1998 et la réponse à cet Avis, en date du 4 décembre 1998; une ordonnance de la Cour en date du 19 février 1999 et la réponse à cette ordonnance, en date du 13 avril 1999; une autre ordonnance de la Cour en date du 24 juin 1999 et trois réponses à cette ordonnance, dont la première est en date du 16 juillet et les deux autres du 30 août 1999. Aucun affidavit et aucunes prétentions écrites n"ont été déposés à l"appui de la requête.

[4][5]Lors de l"audition de la requête tenue devant moi à Calgary (Alberta), le 25 octobre 1999, l"avocat de la demanderesse a informé la Cour que l"avocat de la défenderesse consentait à l"ordonnance demandée. L"avocat de la défenderesse n"a pas comparu. J"ai ajourné l"audition de la requête pour donner à l"avocat de la demanderesse la possibilité de présenter des prétentions écrites à la Cour concernant la question de savoir si la Cour avait compétence pour accorder la réparation demandée en regard de la norme de contrôle des ordonnances discrétionnaires des protonotaires établie dans l"arrêt Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd.1, à partir des documents dont disposait la protonotaire. L"ordonnance ajournant l"audition fixait un délai précis à l"intérieur duquel l"avocat devait répondre à cette préoccupation de la Cour. L"ordonnance prévoyait que la requête serait tranchée à partir des documents dont disposerait la Cour à l"expiration de ce délai, sans nouvelle comparution des avocats.

[6][7]L"avocat a déposé des documents écrits en conformité avec l"ordonnance. L"argumentation de la demanderesse énoncée dans les documents déposés porte essentiellement que l"action n"aurait pas dû être rejetée pour cause de retard parce que les parties se sont simplement abstenues de faire progresser l"action en attendant l"issue des négociations menées en vue de conclure une transaction. L"avocat de la demanderesse s"est engagé à fournir, sur demande, d"autres éléments de preuve concernant les " négociations en cours " au moyen d"un affidavit. Une demande à cet égard lui a été transmise par l"intermédiaire du greffe de la Cour à Calgary. Le greffe m"a informé avoir reçu une réponse à cette demande sous forme d"engagement de produire un affidavit au plus tard le 9 décembre 1999. Au moment de la rédaction des présents motifs, la Cour n"avait reçu aucun affidavit.

[8][9]Dans les documents écrits déposés, l"avocat décrit les questions soulevées dans la demande dans les termes qui suivent :

[Traduction]
1.      Un juge de la Cour a-t-il compétence pour annuler l"ordonnance de la protonotaire R. Aronovitch et exercer son pouvoir discrétionnaire de novo ?
2.      Si un juge de la Cour peut exercer son pouvoir discrétionnaire de novo en l"espèce, les parties ont-elles répondu convenablement à l"examen de l"état de l"instance?
3.      Si un juge de la Cour peut exercer son pouvoir discrétionnaire de novo en l"espèce, l"action peut-elle être rétablie aux conditions que la Cour jugera indiquées?

[10][11]Je suis convaincu d"avoir compétence pour annuler l"ordonnance rendue par la protonotaire et exercer mon pouvoir discrétionnaire de novo2.

[12][13]Il reste donc à décider, comme l"a indiqué la demanderesse, s"il convient que j"accorde la réparation demandée compte tenu des réponses fournies aux Avis d"examen de l"état de l"instance en l"espèce.

[14][15]Les pouvoirs conférés à la Cour dans le cadre d"un examen de l"état de l"instance sont énoncés dans la règle 382 des Règles de la Cour fédérale (1998)3, reproduite ci-dessous :

382. (1) A status review shall be conducted by a judge or prothonotary assigned for that purpose.

(2) At a status review, the Court may

(a) require a plaintiff, applicant or appellant to show cause why the proceeding should not be dismissed for delay and, if it is not satisfied that the proceeding should continue, dismiss the proceeding;

(b) require a defendant or respondent to show cause why default judgment should not be entered and, if it is not satisfied that the proceeding should continue, grant judgment in favour of the plaintiff, applicant or appellant or order the plaintiff, applicant or appellant to proceed to prove entitlement to the judgment claimed; or

(c) if it is satisfied that the proceeding should continue, order that it continue as a specially managed proceeding and make an order under rule 385.

382. (1) L'examen de l'état de l'instance est présidé par un juge ou un protonotaire affecté à cette fin.

(2) À l'examen de l'état de l'instance, la Cour peut :

a) exiger que le demandeur ou l'appelant donne les raisons pour lesquelles l'instance ne doit pas être rejetée pour cause de retard et, si elle n'est pas convaincue que l'instance doit être poursuivie, rejeter celle-ci;

b) exiger que le défendeur ou l'intimé donne les raisons pour lesquelles il n'y a pas lieu d'enregistrer un jugement par défaut et, si elle n'est pas convaincue que l'instance doit être poursuivie, rendre un jugement en faveur du demandeur ou de l'appelant, ou ordonner au demandeur ou à l'appelant de démontrer qu'il a droit au jugement demandé;

c) si elle est convaincue que l'instance doit être poursuivie, ordonner qu'elle le soit à titre d'instance à gestion spéciale et rendre toute ordonnance prévue à la règle 385.

[16][17]Dans l"affaire Baroud c. Canada4, monsieur le juge Hugessen a écrit, au paragraphe 4 :

En décidant de la façon dont elle doit exercer le large pouvoir discrétionnaire qu'elle tient de la règle 382 à la fin d'un examen de l'état de l'instance, la Cour doit, à mon avis, se préoccuper principalement de deux questions :
1) Quelles sont les raisons pour lesquelles l'affaire n'a pas avancé plus vite et justifient-elles le retard qui a eu lieu?
2) Quelles mesures le demandeur propose-t-il maintenant pour faire avancer l'affaire?

[18][19]Comme je l"ai déjà mentionné, le premier Avis d"examen de l"état de l"instance a été délivré le 11 juin 1998. L"avocat de la demanderesse y a répondu le 8 juillet 1998, en partie en ces termes :

[Traduction] Nous sommes en mesure de vous informer que TransAlta et la défenderesse ont étudié diverses solutions pour régler l"affaire sans instruction. Nous sommes également en mesure de vous informer que les parties sont parvenues à un accord de principe concernant la transaction, sauf sur un point que les parties continuent d"examiner et qu"elles résoudront vraisemblablement d"ici six mois.
Les avocats de la défenderesse conviennent que l"affaire doit demeurer en suspens jusqu"à ce que le point encore en litige concernant la transaction soit résolu par les parties.

L"avocat a enchaîné en offrant de fournir des renseignements supplémentaires sur demande.

[20][21]La Cour n"a pas exprimé son point de vue relativement à cette réponse.

[22][23]Un deuxième Avis d"examen de l"état de l"instance a été délivré le 5 novembre 1998. L"avocat de la demanderesse a encore répondu, par une lettre en date du 4 décembre 1998, en se reportant à sa réponse antérieure et en précisant que le délai de six mois envisagé pour régler l"affaire qui y était mentionné était optimiste et qu"il " semble qu"un délai plus long sera nécessaire ". Il a offert à nouveau de fournir des renseignements supplémentaires.

[24][25]Dans une ordonnance en date du 19 février 1999, la Cour a statué que l"instance se poursuivrait et demeurerait en suspens pendant deux mois à compter de la date de l"ordonnance, " pendant que les parties négocient en vue conclure une transaction relativement à l"action ".

[26][27]L"avocat de la demanderesse a écrit à nouveau à la Cour le 13 avril 1999. Voici un extrait de sa lettre :

[Traduction] Nous sommes en mesure de vous informer que TransAlta et la défenderesse sont en pourparlers en vue de régler l"affaire sans instruction. Comme dans notre correspondance antérieure, nous pouvons confirmer que les parties sont parvenues à un accord de principe relativement à la transaction, mais qu"elles ne seront pas en mesure de conclure une transaction (incluant le désistement de l"action susmentionnée) dans le délai fixé par l"ordonnance rendue par le juge Denault le 19 février 1999. Il semble que TransAlta et la défenderesse ont besoin d"un délai supplémentaire de deux mois pour arrêter définitivement les stipulations de la transaction.

Une prorogation jusqu"au 19 juin 1999 a été demandée. L"avocat a de nouveau offert de fournir des renseignements supplémentaires, en mentionnant cette fois un examen de l"état de l"instance par voie de téléconférence. La nouvelle prolongation a été approuvée de façon informelle par la protonotaire Aronovitch.

[28] Aucune autre communication n"a été reçue de l"avocat avant le 19 juin 1999. Par conséquent, le 24 juin 1999, la protonotaire Aronovitch a ordonné à la demanderesse de déposer, dans les vingt jours suivant la date de l"ordonnance, soit un désistement résultant de la transaction conclue relativement à l"action, soit ses prétentions concernant l"examen de l"état de l"instance, à défaut de quoi l"action serait rejetée pour cause de retard.

[29][30]De nouvelles prétentions ont été reçues en date du 16 juillet 1999. L"avocat déclarait notamment ce qui suit :

[Traduction] Nous sommes en mesure de vous informer que TransAlta et la défenderesse poursuivent leurs efforts dans le but d"arrêter le libellé définitif de la transaction relative à l"affaire susmentionnée, mais il semble que ce processus ait été légèrement retardé en raison des vacances estivales. Nous nous attendons toutefois à pouvoir régler l"affaire d"ici la fin juillet.

Une fois de plus, l"avocat s"engageait à fournir des renseignements supplémentaires par voie de téléconférence, le cas échéant.

[31][32]L"avocat a de nouveau écrit à la Cour le 30 août 1999 en mentionnant une entente informelle selon laquelle la prorogation demandée jusqu"à la fin juillet avait en fait été accordée jusqu"au 31 août. Voici ce qu"il a écrit :

[Traduction] Nous sommes en mesure de vous informer que TransAlta et la défenderesse poursuivent leurs efforts dans le but d"arrêter le libellé définitif de la transaction relative à l"affaire susmentionnée, mais elles nous ont précisé que la transaction n"est pas encore arrêtée définitivement ni conclue dans une forme qui permettrait à TransAlta de se désister de l"action. Les avocats de la défenderesse ont convenu que l"affaire doit demeurer en suspens jusqu"à la conclusion de la transaction définitive. Il semble toutefois que cette transaction ne sera pas conclue avant le 31 août 1999, de sorte que TransAlta demandera, en vertu des règles 324 et 380 des Règles de la Cour fédérale , que l"ordonnance de la protonotaire Aronovitch soit prolongée à nouveau ou que les parties se soumettent à un examen de l"état de l"instance pour convenir d"un échéancier pour la poursuite de l"action. Nous croyons que les avocats de TransAlta et ceux de la défenderesse seraient disposés à ce que l"examen de l"état de l"instance se fasse par voie de téléconférence.

[33][34]La protonotaire Aronovitch a ensuite prononcé l"ordonnance visée par la demande de contrôle, rejetant l"action pour cause de retard le 13 septembre 1999.

[35][36]Il faut noter que la requête dont la Cour est maintenant saisie s"appuie notamment sur le moyen suivant : [Traduction] " il existe une raison substantielle pour laquelle l"action ne doit pas être rejetée pour cause de retard du fait que les parties négocient présentement en vue de conclure une entente qui réglera les questions encore en litige dans l"action ". Aucun affidavit n"a été produit à l"appui de la requête afin d"expliquer pourquoi les négociations n"ont pas été menées à terme avant l"expiration des différents délais demandés et accordés et afin de fixer une date limite réaliste pour la conclusion d"une transaction après laquelle l"action pourrait être soit rejetée pour cause de retard, soit poursuivie de façon expéditive. À la suite de l"audience tenue relativement à la présente requête, une nouvelle offre de fournir des renseignements supplémentaires " sur demande " a été faite dans de nouvelles prétentions écrites. Des renseignements supplémentaires ont été demandés, mais aucun renseignement supplémentaire n"a été fourni à ce jour.

[37][38]Il ne revient pas à la Cour, dans le cadre d"un examen de l"état de l"instance tenu quelque neuf ans après l"introduction de l"action, de demander des renseignements supplémentaires justifiant un nouveau retard. C"est au demandeur qu"il incombe de fournir cette information pour convaincre la Cour. En l"espèce, la demanderesse ne s"est tout simplement pas acquittée de ce fardeau. Tout au cours de l"instance, la Cour avait droit à davantage qu"à de banales affirmations selon lesquelles les parties négociaient une transaction qui entraînerait un désistement, plus particulièrement dans un cas où les dates fixées par la demanderesse même pour la conclusion d"une transaction ont été régulièrement dépassées sans explication substantielle.

                            

[39][40]Voici à nouveau les questions énoncées dans Baroud c. Canada dont la Cour doit se préoccuper à la fin d"un examen de l"état de l"instance :

1)      Quelles sont les raisons pour lesquelles l'affaire n'a pas avancé plus vite et justifient-elles le retard qui a eu lieu?
2)      Quelles mesures le demandeur propose-t-il maintenant pour faire avancer l'affaire?

[41][42]La demanderesse n"avait pas fourni de réponse satisfaisante à ces deux questions au moment où la protonotaire Aronovitch a rejeté l"action pour cause de retard. La demanderesse persiste à ne pas fournir de réponse satisfaisante à ces questions.

[43][44]En conséquence, la demande d"annulation de l"ordonnance par laquelle la protonotaire Aronovitch a rejeté l"action pour cause de retard, le 13 septembre 1999, est rejetée.

                             _____________________________

                                 Juge

Ottawa (Ontario)

14 janvier 2000

Traduction certifiée conforme


Laurier Parenteau, LL.L.

COUR FÉDÉRALE

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



NUMÉRO DU GREFFE :          T-3319-90
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Transalta Utilities Corporation c. Sa Majesté la Reine du Canada
LIEU DE L"AUDIENCE :          Calgary (Alberta)
DATE DE L"AUDIENCE :          25 octobre 1999

MOTIFS DE L"ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE GIBSON

DATE DES MOTIFS :          14 janvier 2000


ONT COMPARU :

Me Timothy S. Ellam          POUR LA DEMANDERESSE
Aucune comparution          POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McCarthy Tétrault              POUR LA DEMANDERESSE

Calgary (Alberta)

Morris Rosenberg              POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada


__________________

1      [1993] 2 C.F. 425 (C.A.).

2      Voir Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., précité, note 1; Multibond Inc. c. Duracoat Powder Manufacturing Inc., [1999] A.C.F. no 1698 (Q.L.), (C.F. 1re inst.); et Reverend Brother Walter A. Tucker c. Sa Majesté la Reine, [1999] A.C.F. no 1879 (Q.L.), (C.F. 1re inst.).

3      DORS/98-106.

4      (1998), 160 F.T.R. 91 (C.F. 1re inst.)

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