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     IMM-3947-96

Ottawa (Ontario), le mardi 16 septembre 1997

En présence de Monsieur le juge Gibson

ENTRE

     FADI TIRAWI,

                                         requérant,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

                                         intimé.

     ORDONNANCE

         La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié examinée est annulée et l'affaire est renvoyée à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pour être entendue de nouveau et tranchée par une formation différente.

                                 FREDERICK E. GIBSON
                            
                                     Juge
Traduction certifiée conforme :     
                             F. Blais, LL.L.

     IMM-3947-96

ENTRE

     FADI TIRAWI,

                                         requérant,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

                                         intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

         Les présents motifs découlent d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section du statut de réfugié (la SSR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié par laquelle la SSR a déterminé que le requérant n'était pas un réfugié au sens de la convention selon le paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration1. La décision de la SSR est datée du 30 septembre 1996. Elle est signée par un seul membre de la SSR.

         Les motifs de la décision de la SSR fournissent l'explication suivante à l'égard du fait qu'elle est signée par un seul membre :

         [TRADUCTION]
         À l'audience, la formation était constituée des membres George A. Griffith et Doug Millar. À la conclusion de l'audience, elle a sursis au prononcé de sa décision et a par la suite déterminé que les requérants [sic] n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention. Depuis cette décision, le membre Millar a quitté la section du statut et n'est pas en mesure de signer les motifs écrits. Les présents motifs constituent la décision de la formation en l'espèce, conformément au paragraphe 63(2) de la Loi sur l'immigration.                 

La SSR a déterminé que le requérant n'était pas un réfugié au sens de la Convention sur le fondement qu'elle n'a pas jugé son témoignage crédible et digne de foi. Elle a écrit :

         [TRADUCTION]                 
         Le requérant n'était pas franc lorsqu'il a présenté son témoignage et il semblait inventer ses réponses au fur et à mesure pour expliquer les incohérences qui lui était soulignées.                 

         Deux questions ont été soulevées devant moi. Premièrement, l'avocat du requérant a soutenu qu'il n'était pas loisible à la SSR de prendre une décision contre le requérant sur le fondement de la crédibilité. Deuxièmement, l'avocat a soutenu que la décision rendue par un membre constituait une erreur de droit.

         Il est facile de trancher la première question. Sur le fondement de l'ensemble des documents qui m'ont été présentés et des arguments des avocats, je conclus qu'il était raisonnablement loisible à la SSR de prendre la décision contre le requérant sur le fondement de la crédibilité.

         Je parviens à une conclusion différente en ce qui a trait à la question de la formation constituée d'un seul membre.

         Dans l'arrêt Weerasinge c. Canada (Ministre de l'emploi et de l'immigration),2 Monsieur le juge Mahoney a écrit :

         En droit, et afin de garantir que justice paraisse avoir été rendue, lorsque l'on fait régulièrement intervenir le paragraphe 63(2), on doit verser au dossier une déclaration détaillée des circonstances pertinentes. Une telle déclaration peut, bien sûr, être incluse dans les motifs de la décision.                 
                     [Non souligné dans l'original.]

Voici le texte de l'art. 63 de la Loi sur l'immigration :

         63.(1) Le membre de la section du statut ou de la section d'appel qui a cessé d'exercer sa charge par suite de démission ou pour tout autre motif peut, à la demande du président et dans un délai de huit semaines après la cessation de ses fonctions, participer aux décisions à rendre sur les affaires qu'il avait préalablement entendues. Il conserve à cette fin sa qualité de membre.                 
         (2) En cas de décès ou d'empêchement du membre visé au paragraphe (1), ou de tout autre membre y ayant participé, les autres membres qui ont également entendu l'affaire peuvent rendre la décision, et sont, à cette fin, réputés constituer la section d'appel ou du statut ...                 

L'article 63 doit être lu avec le paragraphe 69.1(8) dont voici le texte :

         (8) Si l'intéressé y consenti, son cas peut être jugé par un seul membre de la section du statut; le cas échéant, les dispositions de la présente partie relatives à la section s'appliquent à ce membre et la décision de celui-ci vaut décision de la section.                 
                     [Non souligné dans l'original.]

         La revendication par le requérant du statut de réfugié au sens de la convention a été entendue le 11 mai 1995 et le 8 novembre 1995. Les motifs sont datés du 30 septembre 1996. Après la séance du 8 novembre 1995, la SSR a demandé à l'agent chargé de la revendication d'examiner plus à fond la revendication afin de corroborer le témoignage du requérant sur la fréquentation de l'école secondaire par celui-ci et pour confirmer l'authenticité de son identité palestinienne. Les renseignements demandés ont été obtenus et transmis aux avocats sous pli daté du 24 janvier 1996. Le 23 février 1996, l'avocat du requérant a présenté ses arguments écrits à la SSR. Le 28 mars 1996, l'avocat du requérant a obtenu la signification des observations de l'agent chargé de la revendication. Le 29 mars 1996, l'avocat du requérant a présenté d'autres arguments par écrit. Par conséquent, ce n'est que le 29 mars 1996 ou peu de temps après cette date que la SSR a obtenu l'ensemble des éléments de preuve et des arguments pour lui permettre de régler la revendication de réfugié au sens de la convention présentée par le requérant.

         Dans l'arrêt Odameh c. Ministre de l'emploi et de l'immigration,3 Monsieur le juge MacGuigan a clarifié l'expression " ... une description complète des circonstances matérielles... " dans la citation de l'arrêt Weerasinge cité précédemment. Il a écrit :

         Si ce membre [seul et permanent] invoque le paragraphe 63(2) ..., cette indication signifie que le président n'a effectivement pas participé à la décision, que ce soit à ce moment ou avant.                 

Cette affirmation ne peut s'appliquer aux faits de l'espèce. Il ressort de la citation des motifs de la SSR qui paraissent précédemment dans les présents motifs, que le membre permanent indique que la " formation " a déterminé que le requérant n'était pas un réfugié au sens de la Convention et que [TRADUCTION] " ... [depuis] cette décision, le membre Millar a démissionné de la section du statut de réfugié et n'est pas en mesure de signer les motifs écrits. "

         Il n'y a rien dans le dossier relatif à cette question qui indiquerait la date à laquelle les deux membres de la SSR ont déterminé que le requérant n'était pas un réfugié au sens de la convention. Il ressort clairement de la citation des motifs mentionnés précédemment que cette date était postérieure à la conclusion de l'audience. Il n'est pas clair que c'était après la date à laquelle tous les éléments de preuve et les arguments ont finalement été présentés devant la SSR, c'est-à-dire le ou vers le 29 mars 1996. Il ne ressort même pas clairement du dossier que la date de la démission de M. Millar était postérieure au 29 mars 1996. Par conséquent, il est impossible de déterminer d'après le dossier que, lorsque M. Millar a participé à la décision, il avait devant lui tous les éléments de preuve et les arguments qui ont éventuellement été présentés devant la SSR.

         En conséquence donc, et par renvoi aux termes de M. le juge Mahoney dans l'arrêt Weerasinge cité précédemment, à titre de question de droit et pour veiller à ce que justice paraisse avoir été rendue, l'explication fournie par l'invocation du paragraphe 63(2) de la Loi sur l'immigration pour justifier la décision d'un seul membre est simplement inadéquate. L'explication fournie est entièrement conforme avec la conclusion selon laquelle le paragraphe 69.1(8) de la Loi sur l'immigration plutôt que le paragraphe 63(2) s'applique aux faits de l'espèce étant donné qu'il se peut très bien qu'un seul membre de la SSR ait entendu l'ensemble des arguments du requérant. Si c'était le cas, le consentement du requérant serait nécessaire. Il n'y a absolument aucune indication que le requérant ait consenti à ce que sa demande soit entendue et tranchée par un seul membre.

         Dans l'arrêt Brailko c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l'immigration),4 Mme le juge Reed a écrit :

         À mon avis, l'audition d'une affaire n'est pas terminée tant que toute la preuve n'a pas été déposée et que les observations à son égard n'ont pas toutes été faites, et la " décision " ne comprend pas l'admission de la preuve. Donc, selon mon interprétation du paragraphe 63(2), il ne s'applique pas aux circonstances de l'espèce. C'est le paragraphe 69.1(8) qui s'applique, et non le paragraphe 63(2). Puisque le requérant n'a donné aucun consentement, la Commission n'avait pas compétence et sa décision doit être annulée.                 

Je fais miens les motifs de Mme le juge Reed. Bien que, d'après les faits de l'espèce, je ne puisse affirmer avec certitude que le paragraphe 63(2) ne s'applique pas et que c'est le paragraphe 69.1(8) qui régit l'espèce, il est suffisant que cela puisse être le cas. En l'absence d'une déclaration suffisante au dossier pour établir que le paragraphe 63(2) s'applique et non le paragraphe 69.1(8), je ne peux tout simplement pas déterminer que la SSR n'a pas commis d'erreur de droit et je ne peux veiller à ce que justice a été rendue encore moins qu'elle paraisse avoir été rendue en donnant au requérant une décision rendue par un seul membre.

         Pour les motifs qui précèdent, la présente demande de contrôle judiciaire sera accueillie, la décision de la SSR sera annulée et l'affaire sera renvoyée à la Commission de l'immigration et du statut des réfugiés pour qu'elle soit entendue de nouveau et tranchée par une formation différente.

         Les avocats n'ont pas recommandé la certification d'une question en l'espèce. Aucune question ne sera certifiée.

                                 FREDERICK E. GIBSON
                            
                                     Juge

Ottawa (Ontario)

16 septembre 1997

Traduction certifiée conforme :     
                             F. Blais, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                      Imm-3947-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :              Fadi Tirawi c. MCI
LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :              10 septembre 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE de Monsieur le juge Gibson en date du 16 septembre 1997

ONT COMPARU :

M. Howard P. Eisenberg              POUR LE REQUÉRANT
M. Brian Frimeth                  POUR L'INTIMÉ

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Adler & Eisenberg                  POUR LE REQUÉRANT

Hamilton (Ontario)

M. George Thomson                  POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général

du Canada

__________________

     1      L.R.C. (1985), ch. I-2

     2      (1993), 22 Imm. L.R. (2d) 1 (C.A.F.)

     3      (1995), 185 N.R. 9 (C.A.F.)

     4      [1995] J.C.F. No 1011, 30 juin 1995 (C.F. 1re inst.)

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