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Date : 20011018

Dossier : T-806-01

Référence neutre : 2001 CFPI 1130

ENTRE :

                                                 FAITH S. BRADLEY-SHARPE

                                                                                                                                 demanderesse

                                                                            et

                                             LA COMMISSION CANADIENNE

DES DROITS DE LA PERSONNE

                                                                                                                                  défenderesse

                                                                            et

LA BANQUE ROYALE DU CANADA

                                                                                                                                  défenderesse

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS

LES FAITS

[1]                 La demanderesse, Mme Bradley-Sharpe, qui agit pour son propre compte présente la requête ici en cause parce qu'elle veut obtenir les renseignements figurant dans les dossiers de la CCDP (la Commission) afin de préparer son affidavit et son contre-interrogatoire. La Commission défenderesse se fonde sur le paragraphe 318(2) des Règles en vue de s'opposer à la requête.


[2]                 Au paragraphe 4 des « Observations présentées par la Commission canadienne des droits de la personne conformément au paragraphe 318(2) des Règles de la Cour fédérale » , la défenderesse déclare ce qui suit :

[TRADUCTION] La Commission canadienne des droits de la personne confirme de nouveau que les documents certifiés conformes qui ont été envoyés à la demanderesse et à la défenderesse et qui ont été transmis à la Cour fédérale le 21 juillet 2001 conformément à l'article 318 des Règles de la Cour fédérale constituent le dossier complet de documents dont elle disposait lorsqu'elle a rendu, le 30 octobre 2000, en vertu du sous-alinéa 44(3)b)(i) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, la décision contestée à la suite de la plainte déposée par Mme Bradley-Sharpe.

[3]                 En ce qui concerne la requête que la demanderesse a présentée conformément à l'article 317 des Règles, la défenderesse s'oppose à la production des documents et éléments matériels énumérés aux alinéas a) à e); pour ce faire, elle se fonde sur le paragraphe 318(2) des Règles.

[4]                 Les articles 317 et 318 des Règles de la Cour fédérale (1998) sont ainsi libellés :



317. (1) Une partie peut demander que des documents ou éléments matériels pertinents à la demande qui sont en la possession de l'office fédéral dont l'ordonnance fait l'objet de la demande lui soient transmis en signifiant à l'office fédéral et en déposant une demande de transmission de documents qui indique de façon précise les documents ou éléments matériels demandés.

(2) Un demandeur peut inclure sa demande de transmission de documents dans son avis de demande.

318. (1) Dans les 20 jours suivant la signification de la demande de transmission visée à la règle 317, l'office fédéral transmet :a) au greffe et à la partie qui en a fait la demande une copie certifiée conforme des documents en cause;

b) au greffe les documents qui ne se prêtent pas à la reproduction et les éléments matériels en cause.

(2) Si l'office fédéral ou une partie s'opposent à la demande de transmission, ils informent par écrit toutes les parties et l'administrateur des motifs de leur opposition.

(3) La Cour peut donner aux parties et à l'office fédéral des directives sur la façon de procéder pour présenter des observations au sujet d'une opposition à la demande de transmission.

(4) La Cour peut, après avoir entendu les observations sur l'opposition, ordonner qu'une copie certifiée conforme ou l'original des documents ou que les éléments matériels soient transmis, en totalité ou en partie, au greffe.

317. (1) A party may request material relevant to an application that is in the possession of a tribunal whose order is the subject of the application and not in the possession of the party by serving on the tribunal and filing a written request, identifying the material requested.

(2) An applicant may include a request under subsection (1) in its notice of application.

318. (1) Within 20 days after service of a request under rule 317, the tribunal shall transmit

(a) a certified copy of the requested material to the Registry and to the party making the request; or

(b) where the material cannot be reproduced, the original material to the Registry.

(2) Where a tribunal or party objects to a request under rule 317, the tribunal or the party shall inform all parties and the Administrator, in writing, of the reasons for the objection.

Directions as to procedure

(3) The Court may give directions to the parties and to a tribunal as to the procedure for making submissions with respect to an objection under subsection (2).

(4) The Court may, after hearing submissions with respect to an objection under subsection (2), order that a certified copy, or the original, of all or part of the material requested be forwarded to the Registry.


[5]              Le sous-alinéa 44(3)b)(i) de la Loi canadienne sur les droits de la personne est ainsi libellé :



44. (1) L'enquêteur présente son rapport à la Commission le plus tôt possible après la fin de l'enquête.

[...]

(3) Sur réception du rapport d'enquête prévu au paragraphe (1), la Commission_:

[...]

b) rejette la plainte, si elle est convaincue_:

[...]

(i) soit que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l'examen de celle-ci n'est pas justifié,

[...]

44. (1) An investigator shall, as soon as possible after the conclusion of an investigation, submit to the Commission a report of the findings of the investigation.

[...]

(3) On receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission

[...]

(b) shall dismiss the complaint to which the report relates if it is satisfied

[...]


LE POINT LITIGIEUX

[6]                 En l'espèce, il s'agit essentiellement de déterminer si les documents ou éléments matériels demandés par la demanderesse satisfont au critère de la pertinence aux fins de l'octroi de la présente requête, à savoir s'ils sont pertinents à la demande de contrôle judiciaire.

ANALYSE

Article 317 des Règles de la Cour fédérale (1998)

[7]                 Dans l'ouvrage intitulé Federal Court Practice (Sgayias 2002), page 651, les notes se rapportant à l'article 317 des Règles disent ce qui suit :

[TRADUCTION] En vertu de l'article 317 des Règles, une partie peut demander à l'office de lui transmettre ainsi qu'au greffe les documents ou éléments matériels en sa possession. Les documents ou éléments matériels demandés doivent être pertinents à la demande et ne doivent pas être déjà en la possession de la partie qui les demande.


[8]                 Pour que l'article 317 des Règles s'applique, les documents et éléments matériels demandés par le demandeur doivent être pertinents à la demande de contrôle judiciaire et ne doivent pas être en la possession du demandeur. Quant au dernier critère, il est clair que les documents ou éléments matériels demandés ne sont pas en la possession de la demanderesse.

[9]                 J'ai reproduit la liste de documents et d'éléments matériels demandés et les motifs invoqués à l'appui du contrôle judiciaire.

Documents et éléments matériels demandés

[10]            Voici la liste de documents et d'éléments matériels que la demanderesse a demandés, liste qui figure à la page 8 de son affidavit :

[TRADUCTION] Les notes de service et autres, documents et lettres ainsi que les autres renseignements versés aux dossiers tenus par la Commission canadienne des droits de la personne en ce qui concerne la plainte que la demanderesse a déposée dans le dossier de la Commission no A49752, notamment :

a) les documents certifiés conformes qui étaient en la possession de la Commission lorsqu'elle a rendu sa décision, en plus des documents qui ont été offerts à la Commission (mais que cette dernière n'avait pas demandés) qui se rapportent à la demande de contrôle judiciaire, auraient dû comprendre les documents suivants :

b) les déclarations des témoins que la Commission avait recueillies dans le cadre de l'enquête, y compris les noms des déclarants, la date ou les dates auxquelles les déclarations ont été recueillies et le nom de l'agent ou les agents qui avaient consigné les déclarations;

c) les documents se rapportant à l'exposé, aux projets de notes et aux notes finales, aux commentaires et aux questions préparés par l'agent ou par les agents qui ont établi le rapport, que la Commission a transmis à la demanderesse avec la lettre d'envoi du 26 août 2000;


d) les notes de service, avis, lettres ou documents juridiques ayant trait à la plainte déposée par la demanderesse ou aux questions y afférentes;

e) les documents qui ont été fournis à la Commission en vue de lui permettre de rendre une décision en vertu de l'article 44 de la Loi sur les droits de la personne.

Les motifs invoqués à l'appui de la demande de contrôle judiciaire

[11]            En l'espèce, la demande de contrôle judiciaire vise à faire examiner la décision par laquelle la Commission a rejeté, le 30 octobre 2000, la plainte que la demanderesse avait déposée parce que, compte tenu de la preuve, l'allégation de discrimination n'était pas fondée en vertu du sous-alinéa 44(3)b)(i) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la Loi). En l'espèce, les motifs d'examen, qui sont mentionnés à la page 4 de l'avis de demande de la demanderesse, sont les suivants :

[TRADUCTION]

a) la Commission a outrepassé sa compétence;

b) la Commission a agi ou omis d'agir en raison d'une fraude ou de faux témoignages;

c) la Commission a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait;

d) la Commission n'a pas observé un principe de justice naturelle ou d'équité procédurale ou toute autre procédure qu'elle était légalement tenue de respecter;

e) la Commission a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier;

f) la Commission a agi de toute autre façon contraire à la loi.


Critère applicable à la pertinence

[12]            Dans la décision Friends of the West Country Assn. c. Canada (Ministre des Pêches et Océans), [1997] A.C.F. no 557, la Cour a conclu ce qui suit :

[28] L'arrêt Pathak indique clairement que le critère applicable à la pertinence consiste à déterminer de quelle façon le document se rattache aux motifs énoncés dans l'avis de requête introductif d'instance et l'affidavit produits à l'appui.

[13]            La défenderesse mentionne l'arrêt Canada (Commission des droits de la personne) c. Pathak, [1995] 2 C.F. 455 (C.A.F.) en ce qui concerne le critère de la pertinence. Les faits de l'affaire Pathak sont fort semblables à ceux de la présente espèce. Dans l'affaire Pathak, le demandeur avait déposé auprès de la Commission une plainte dans laquelle il alléguait avoir été victime d'actes discriminatoires de la part de la Banque Royale du Canada. La Commission a décidé de rejeter la plainte parce que, compte tenu de la preuve, l'allégation de discrimination n'était pas fondée. Les juges Pratte, MacGuigan et Décary ont conclu ce qui suit :

[10] Un document intéresse une demande de contrôle judiciaire s'il peut influer sur la manière dont la Cour disposera de la demande. Comme la décision de la Cour ne portera que sur les motifs de contrôle invoqués par l'intimé, la pertinence des documents demandés doit nécessairement être établie en fonction des motifs de contrôle énoncés dans l'avis de requête introductif d'instance et l'affidavit produits par l'intimé.

[11] [...] L'article 44 de la Loi prévoit clairement que la Commission doit rendre sa décision sur la foi du rapport de l'enquêteur. La Loi présume en effet que le rapport de l'enquêteur présente fidèlement toute la preuve produite aux fins de l'enquête. Cette présomption doit être prise en considération dans l'évaluation de la pertinence des documents demandés par l'intimé.


[12] L'intimé demande la production de tous les documents utilisés par l'enquêteur dans la préparation de son rapport. L'avis de requête introductif d'instance de l'intimé, son affidavit ou les autres pièces en la possession de la Cour ne laissent rien voir qui permette de douter de l'exactitude ou de l'intégralité du rapport de M. Fagan. Il s'ensuit que l'on doit considérer les moyens invoqués par l'intimé dans son avis de requête introductif d'instance et évaluer la pertinence des documents demandés en énonçant pour hypothèse que le rapport de l'enquêteur est un résumé fidèle et complet de la preuve produite aux fins de l'enquête. La production des documents ne servirait donc manifestement aucune fin utile.

[...]

[23] Seuls le rapport de l'enquêteur et les observations des parties sont nécessaires pour la décision de la Commission. Tout le reste est laissé au bon plaisir de la Commission. Si la Commission choisit donc de ne pas demander tel ou tel document, alors on ne peut dire que ce document se trouve devant la Commission à l'étape de la décision, par opposition à l'étape de l'enquête. Ledit document ne saurait donc faire l'objet d'une demande de production à titre de document utilisé par la Commission dans sa décision, même s'il a fort bien pu être utilisé par l'enquêteur dans son rapport. Ce sont là deux moments différents de la vie de la Commission, des moments distincts qui ne sauraient être confondus par l'effet d'une fiction juridique.

[24] Par ailleurs, il semble que l'intention évidente de l'article 44 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, c'est que les membres de la Commission ne sont pas tenus d'examiner le dossier complet de l'enquête, mais sont censés se fonder uniquement sur le rapport. [...]

Tout arrive lorsque le rapport est reçu. Le rapport n'est pas seulement ce qui déclenche l'action de la Commission, c'est aussi le seul document formant la base de la décision de la Commission sur la manière de régler la plainte.

[14]            Dans l'arrêt 1185740 Ont. Ltd. c. MRN, [1999] A.C.F. no 1432 (C.A.F.), la Cour d'appel a mentionné la décision du juge de première instance, laquelle a par la suite été infirmée par la Cour d'appel :

[3] Le juge Nadon a rejeté la demande de l'appelant. Il a statué que le critère applicable pour décider si une partie pouvait être contrainte de produire des documents en vertu de l'ancienne règle 1612 [maintenant règle 317] était de savoir si l'office s'était "servi" des documents "dans son enquête, ses délibérations et sa décision". Par conséquent, le juge Nadon était d'avis que l'appelant n'avait droit d'obtenir que les documents que le ministre avait en sa possession lorsqu'il a pris sa décision. [...]


[4] En appel, l'appelant ne demande plus que les documents qui sont mentionnés dans les deux notes de service, documents qui n'étaient manifestement pas en la possession du ministre lorsqu'il a pris sa décision.

[5] Dans Canada (Commission des droits de la personne) c. Pathak, [1995] 2 C.F. 455 (C.A.), la Cour a statué que seuls les documents qui étaient en la possession de la Commission des droits de la personne lorsqu'elle a pris sa décision devaient être produits. À défaut d'une preuve que l'enquêteur avait mal résumé les autres documents sur lesquels il s'appuyait, il n'était pas nécessaire de les produire. La décision de la Cour dans Terminaux portuaires du Québec Inc. c. Canada (Conseil canadien des relations du travail) 17 Admin. L.R. (2d) 16 va dans le même sens. J'accepte ces décisions et je les applique.

[15]            En l'espèce, la Commission s'est fondée sur le rapport de l'enquêteur. Ce rapport est l'unique document servant de fondement à la décision de la Commission, et ce, conformément à l'arrêt Pathak, précité. De toute évidence, la demanderesse aimerait être en mesure d'obtenir tout autre élément de preuve ayant trait au rapport de l'enquêteur afin de renforcer sa preuve; pour ce faire, elle invoque l'article 317 des Règles.

[16]            À mon avis, les documents et éléments matériels demandés sont de fait pertinents à la demande de contrôle judiciaire parce qu'il n'existe tout simplement aucune façon pour la demanderesse de prouver les motifs qu'elle allègue à l'appui du contrôle judiciaire. La demanderesse a besoin des documents et éléments matériels en question afin de bien plaider l'affaire au fond et notamment de préparer un affidavit et un contre-interrogatoire détaillés.


Communication ou examen « à l'aveuglette »

[17]            Je me fonde sur la jurisprudence pertinente qui est citée ci-dessous lorsque je conclus que la requête est rejetée parce que la demanderesse cherche à obtenir communication de certains documents ou à effectuer un examen « à l'aveuglette » . La portée de la demande est beaucoup trop générale pour que l'article 317 des Règles s'applique. De plus, une demande de contrôle judiciaire n'est pas le recours qu'il convient d'exercer aux fins du réexamen d'éléments de preuve autres que les éléments précis que la Commission avait à sa disposition lorsqu'elle a rendu sa décision, soit en l'espèce le rapport de l'enquêteur.

[18]            Dans la décision Société canadienne des postes c. Alliance de la fonction publique du Canada (1999), 164 F.T.R. 288 (C.F. 1re inst.), Monsieur le juge Gibson a statué ce qui suit :

[6] Il est de droit constant que des preuves nouvelles qui n'ont pas été produites devant l'autorité saisie en première instance ne sont pas admissibles sur recours en contrôle judiciaire, et la règle 317 n'a pas pour objet de permettre à une partie de remédier au défaut de produire toutes les preuves pertinentes qui auraient pu ou auraient dû être administrées devant cette autorité.

[19]            Dans la décision Territoires du Nord-Ouest c. Alliance de la fonction publique du Canada, [1999] A.C.F. no 1970 (C.F. 1re inst.), Monsieur le juge Dubé a statué ce qui suit :


[7] En l'espèce, la Cour n'est pas convaincue que les documents demandés aient un rapport avec les motifs de contrôle judiciaire invoqués dans la demande. En fait, la Cour n'est même pas convaincue qu'ils existent. Je pense qu'avec cette demande, le demandeur va simplement à la pêche. Et cela, la Cour ne saurait l'autoriser.

[20]                         Dans la décision Atlantic Prudence Fund Corp. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [2000] A.C.F. no 1156 (C.F. 1re inst.), Monsieur le juge Hugessen a fait les remarques suivantes :

[11] [...] La règle 317 n'a pas le même fondement théorique et ne produit pas les mêmes résultats que la communication de documents. Elle n'exige pas (contrairement à ce qui se produit pour un défendeur dans une action) que l'office se lance dans une recherche étendue et exhaustive d'éléments matériels dont la pertinence peut, au mieux, être négligeable et dont le choix nécessite absolument d'exercer son jugement. [...]

[21]                         Dans la décision Canada (P.G.) c. Canada (Commissaire à l'information), [1998] 1 C.F. 337 (C.F. 1re inst.), Monsieur le juge MacKay a tiré la conclusion suivante au sujet de l'article 317 des Règles :

[...] Elle n'a pas pour but de faciliter la communication préalable de tous les documents pouvant se trouver en la possession de l'instance décisionnelle ou de tous les documents pouvant avoir été obtenus au cours d'une enquête.

[22]                         Dans la décision Beno c. Létourneau, [1997] A.C.F. no 535 (C.F. 1re inst.), le juge MacKay a dit ce qui suit :

[23] Le principe est depuis longtemps établi que la procédure de contrôle judiciaire est une procédure sommaire où il n'y a ni communication préalable, ni plaidoiries écrites et que les règles applicables dans de telles procédures, y compris les Règles 1612 et 1613 [maintenant règles 317 et 318], ne doivent pas servir à faire se prolonger une procédure sommaire ou à autoriser des "fouilles à l'aveuglette" dans la recherche de certains renseignements.


[...]

[24] J'estime que toutes les demandes visant la production de pièces s'apparentent plutôt à des demandes de communication préalable. S'il s'agissait d'un procès, les commissaires intimés seraient dans l'obligation de produire une liste de tous les documents pertinents et d'indiquer, parmi ceux-ci, ceux qui sont tenus pour privilégiés. Mais il ne s'agit pas d'un procès et les requérants n'ont pas le droit d'exiger cette communication préalable. J'estime que, dans le cadre de ces demandes de contrôle judiciaire, les demandes visant la production de divers documents tendent à une "fouille à l'aveuglette" devant permettre de découvrir s'il n'existerait pas des documents susceptibles d'étayer les arguments invoqués par les requérants dans le cadre de leurs demandes de contrôle judiciaire, mais, précisons-le, de documents qui leur restent pour l'instant inconnus.

[23]            La demanderesse a demandé une multitude de documents et d'éléments matériels dont la portée et le but sont trop vagues et ambigus : elle cherche à effectuer un examen « à l'aveuglette » dans les dossiers de la Commission.

[24]            La preuve à cet égard ressort clairement du libellé que la demanderesse a employé dans la liste de documents et d'éléments matériels demandés. La demanderesse emploie le mot « all » (tous) six (6) fois, ce mot voulant dire, selon l'Oxford English Dictionary On-line : [TRADUCTION] « la collection au complet; toute l'étendue, la substance ou la portée; l'ensemble. » À mon avis, la demanderesse cherche à fouiller dans les dossiers de la Commission pour y trouver des renseignements parce que la décision de cette dernière ne lui plaît pas. Je suis donc d'accord avec la défenderesse lorsqu'elle déclare ce qui suit, au paragraphe 10 de ses observations :

[TRADUCTION] Il semble que la demande par laquelle la demanderesse cherche à profiter des fruits de l'enquête vise à lui permettre d'obtenir communication des documents sous-tendant le rapport que l'enquêteur de la Commission a préparé, cette demande n'étant donc pas pertinente à la demande de contrôle judiciaire au sens de l'article 317 des Règles de la Cour fédérale.


[25]                         Pour que l'article 317 des Règles s'applique, il doit exister une fin précise. Or, la demande de la demanderesse ne semble pas précise; elle a plutôt une portée générale. Cela me permet d'inférer que la demande vise à permettre d'obtenir communication de certains documents ou d'effectuer un examen « à l'aveuglette » , ce qui n'est tout simplement pas permis dans une demande de contrôle judiciaire.

Article 318 des Règles de la Cour fédérale (1998)

[26]                         Dans l'ouvrage intitulé Federal Court Practice (Sgayias 2002), à la page 654, les notes se rapportant à l'article 318 des Règles disent ce qui suit :

[TRADUCTION] Selon l'article 318 des Règles, l'office à qui une demande a été signifiée en vertu de l'article 317 des Règles doit transmettre les documents et éléments matériels au greffe et à la partie qui en a fait la demande dans un délai de 20 jours. [...]

Si l'office fédéral ou une partie s'oppose à la demande, ils informent par écrit les autres parties et l'administrateur des motifs de leur opposition.

[...] la partie qui en a fait la demande et le greffe sont les seuls à recevoir directement de l'office fédéral des copies des documents en question. La partie qui veut se fonder sur les documents à l'audition de la demande doit les inclure dans le dossier de la demande.


[27]            L'article 318 des Règles est une disposition procédurale qui n'a pas à être interprétée. Plus précisément, c'est le paragraphe 318(2) des Règles qui permet le dépôt d'une opposition pour le compte du défendeur. Le paragraphe 318(4) des Règles prévoit la délivrance d'une ordonnance selon laquelle des copies certifiées conformes ou les originaux des documents demandés doivent être transmis au greffe.

CONCLUSION

[28]            Je conclus que les documents et éléments matériels ici en cause sont pertinents à la demande de contrôle judiciaire, mais je conclus également que la tentative que la demanderesse a faite en invoquant l'article 317 des Règles en vue d'amasser une multitude de renseignements est trop générale et que la demanderesse tente ainsi d'obtenir communication ou d'effectuer un examen « à l'aveuglette » .

[29]            J'ajouterai enfin que la présente cour considérera peut-être d'une façon plus favorable toute requête que la demanderesse pourra présenter en donnant une liste plus précise et plus détaillée des documents et éléments matériels demandés.


                                                    ORDONNANCE

[30]            Par conséquent, la requête est rejetée.

« Pierre Blais »

Juge

OTTAWA (ONTARIO),

le 18 octobre 2001.

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., trad.a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                      T-806-01

INTITULÉ :                                                                     Faith S. Bradley-Sharpe et la Commission canadienne des droits de la personne et la Banque Royale du Canada

LIEU DE L'AUDIENCE :                                             S/O

DATE DE L'AUDIENCE :                                           S/O

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :                           Monsieur le juge Blais

DATE DES MOTIFS :                                                  le 18 octobre 2001

COMPARUTIONS :

Mme Faith Bradley-Sharpe

(506) 459-3537                                                                POUR SON PROPRE COMPTE

M. R. Daniel Pagowski

(613) 943-9167

Commission canadienne des droits

de la personne                                                                  POUR LA DÉFENDERESSE

Mme Karin A. McCaskill

(902) 420-3327

Banque Royale du Canada                                                POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mme Faith S. Bradley-Sharpe

(506) 459-3537                                                                POUR SON PROPRE COMPTE


                                                                                                                           Page : 2

M. R. Daniel Pagowski

(613) 943-9167

Commission canadienne des droits

de la personne                                                                  POUR LA DÉFENDERESSE

Mme Karin A. McCaskill

(902) 420-3327

Banque Royale du Canada                                                POUR LA DÉFENDERESSE

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