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Date : 20020405

Dossier : T-1299-01

OTTAWA (Ontario), le 5 avril 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MacKAY

ENTRE :

                               WILLIAM H. NEWELL, représentant les membres

d'une catégorie de personnes assujetties au Programme

de sanctions administratives de la défenderesse, tel qu'il est

décrit, depuis 1994, à Terre-Neuve

                                                                                                                                        demandeur

ET

SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                  défenderesse

                                                              ORDONNANCE


La défenderesse, Sa Majesté la Reine, ayant présenté une requête en vue de faire radier la déclaration modifiée qui a été déposée dans une action intentée par le demandeur, William H. Newell, en son propre nom et au nom des autres pêcheurs qui ont été assujettis au Programme de sanctions administratives mis en oeuvre par le ministre des Pêches et des Océans (Canada) ou pour le compte de celui-ci, en vue de l'obtention de dommages-intérêts fondés sur une atteinte délictuelle aux intérêts financiers de ces personnes, laquelle a occasionné une perte financière d'un montant représentant la valeur de la « prise perdue » par suite de l'attribution de contingents inférieurs à ceux qui avaient été attribués en 1999 et auparavant pour la pêche au crabe;

L'avocate de la défenderesse ayant été entendue à l'audience qui a eu lieu à Halifax le 20 septembre 2001, audience à laquelle l'avocat du demandeur a participé par téléphone, et les observations écrites qui ont été présentées pour le compte des parties ainsi que les observations qui ont été faites oralement pendant l'audience ayant été examinées;

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          La demande est accueillie;

2.          La déclaration modifiée qui a été déposée le 17 août 2001 est radiée.

3.          Chaque partie supportera ses propres dépens.

« W. Andrew MacKay »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad.a., LL.L.


Date : 20020405

Dossier : T-1299-01

Référence neutre : 2002 CFPI 373

ENTRE :

                               WILLIAM H. NEWELL, représentant les membres

d'une catégorie de personnes assujetties au Programme

de sanctions administratives de la défenderesse, tel qu'il est

décrit, depuis 1994, à Terre-Neuve

                                                                                                                                        demandeur

ET

SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                  défenderesse

                                               MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY

        Il s'agit d'une requête présentée par la défenderesse (la Couronne) en vue de l'obtention d'une ordonnance radiant la déclaration du demandeur sans autorisation de la modifier pour le motif qu'elle ne révèle aucune cause d'action valable.

Les faits


        Le demandeur est un pêcheur qui réside à Terre-Neuve. Pendant les saisons de pêche 1999 et 2000, il était titulaire d'un permis de pêche au crabe. Le 18 février 2000, un représentant du ministère fédéral des Pêches et des Océans (le MPO) a informé par écrit le demandeur qu'il avait dépassé son contingent individuel pour les débarquements de crabe en 1999. L'auteur de la lettre demandait au demandeur d'examiner ses dossiers et d'indiquer au MPO tout écart découvert au plus tard le 3 mars 2000. Il ajoutait ce qui suit :

[TRADUCTION] [...] Si vous ne nous répondez pas d'ici cette date, les lignes directrices administratives de 1999 relatives à la pêche au crabe s'appliqueront et toute attribution à laquelle vous pourriez avoir droit en l'an 2000 sera réduite, par zone, des quantités [...] [ces quantités étant alors indiquées].

        Apparemment, le demandeur n'a pas signalé d'écart au MPO. Ses attributions pour le permis saisonnier de pêche au crabe des neiges de l'an 2000 ont alors été réduites de 5 268 livres, comparativement à ses contingents pour l'année 1999, soit un peu plus que la réduction mentionnée dans la lettre du 18 février.

        Par la déclaration qui a été déposée le 16 juillet 2001, le demandeur a intenté cette action et par la déclaration modifiée en date du 17 août 2001, le demandeur sollicite pour lui-même des dommages-intérêts, représentant la valeur de la prise perdue par suite de [TRADUCTION] « l'atteinte délictuelle [de la part de la défenderesse] à ses intérêts financiers » . Il sollicite également des dommages-intérêts pour une catégorie de pêcheurs qui étaient assujettis au Programme des sanctions administratives du MPO à Terre-Neuve.


        La déclaration initiale du demandeur était fondée sur le motif que la réduction du contingent n'était pas autorisée par la Loi sur les pêches, L.R.C. (1985), ch. F-14 (la Loi) et sur le fait qu'elle était de nature punitive. Le demandeur a également plaidé que les peines infligées au moyen des sanctions administratives l'empêchaient d'invoquer des moyens de défense dont il aurait pu se prévaloir s'il avait fait l'objet de poursuites pour infraction à la Loi ou à ses règlements, y compris une violation des conditions du permis (art. 78.4). Dans la déclaration modifiée, le demandeur sollicite des dommages-intérêts fondés sur l'atteinte délictuelle délibérée à ses intérêts financiers de la part de la Couronne, laquelle lui a fait subir une perte financière. Selon le demandeur, cette perte, ses dommages, s'élèvent à 13 170 $, soit la valeur de la prise perdue, c'est-à-dire 5 268 livres de crabe des neiges en l'an 2000. En plus des dommages-intérêts sollicités pour son compte, le demandeur sollicite également des dommages-intérêts pour le compte d'une catégorie de personnes compte tenu de la « prise perdue » à la suite de l'application du Programme des sanctions administratives.

Points litigieux


        La Couronne soutient que la déclaration modifiée devrait être radiée pour le motif qu'elle ne révèle aucune cause d'action valable (Règles de la Cour fédérale (1998), alinéa 221a); Hunt c. Carey Can. Inc., [1990] 2 R.C.S. 959). En premier lieu, il est affirmé que le demandeur ne peut pas exercer un recours au civil parce que, selon la loi, aucun droit d'obtenir un permis de pêche du ministre en vertu de l'article 7 de la Loi ne lui est conféré. Il est en outre soutenu qu'aucune action ne peut être intentée tant que la Cour, dans l'exercice de la compétence qu'elle possède en matière de contrôle judiciaire, n'aura pas statué que la décision contestée est invalide ou illégale ou qu'elle devrait être annulée ou infirmée ou qu'elle est par ailleurs illégitime.

Analyse

        En déterminant si la déclaration révèle une cause d'action valable, la Cour suppose que tous les faits qui y sont énoncés peuvent être établis à l'instruction. Si ces faits ne permettent pas de fonder une cause d'action, la Cour radiera la déclaration.

        Le fondement de la demande est énoncé comme suit dans la déclaration modifiée :

[TRADUCTION]

6a)            Le demandeur allègue que la défenderesse n'est pas légalement autorisée à imposer et à appliquer la sanction administrative susmentionnée à son encontre étant donné que l'article 7 de la Loi sur les pêches, L.R.C. (1985), ch. F-14, ne l'autorise pas à imposer ces autres sanctions pénales par suite de la violation des conditions de son permis de pêche. Subsidiairement, le demandeur allègue en outre que les mesures prises par la défenderesse constituaient une atteinte à ses droits économiques. Subsidiairement encore, le demandeur allègue que le programme des sanctions administratives visait à lui infliger des peines par suite de la violation des conditions de son permis, soit un but qui ne relève pas des pouvoirs conférés à la défenderesse en vertu de l'article 7 de la Loi sur les pêches. Le demandeur allègue en outre que le programme des sanctions administratives lui déniait des garanties procédurales associées au processus judiciaire, et l'empêchait notamment de plaider des moyens de défense reconnus par la loi, comme la diligence, alors que la Loi sur les pêches permet d'invoquer pareils moyens.


6b)            Subsidiairement encore, le demandeur allègue qu'aux articles 78 à 79.7 de la Loi sur les pêches, le législateur a prévu une procédure à l'égard de présumées violations commises et qu'il n'a pas autorisé la prise de règlements ou la mise en oeuvre d'un programme permettant l'imposition de peines par des procédures autres que celles qui sont prévues par la Loi sur les pêches, de sorte que les mesures prises par la défenderesse sont ultra vires.

7a)            Le demandeur allègue que par suite de l'atteinte délictuelle à ses intérêts financiers de la part de la défenderesse, il a subi des dommages en raison de la prise perdue, à savoir 5 268 livres de crabe des neiges en l'an 2000, et il sollicite le paiement par la défenderesse de la somme de 13 170 $ représentant la valeur de la prise perdue.

7b)            Le demandeur réitère les allégations susmentionnées et réclame en outre des dommages-intérêts pour le compte de la catégorie de personnes dont il est fait mention au premier paragraphe des présentes, et ce, en raison de la prise perdue par suite de l'application du Programme des sanctions administratives et de l'atteinte délictuelle à leurs intérêts financiers de la part de la défenderesse, depuis que le Programme a été mis en oeuvre, les montants y afférents devant être déterminés.


        Au paragraphe 6a) de sa demande, le demandeur plaide que les sanctions administratives qui lui ont été imposées sont des sanctions pénales de rechange qui ont été imposées afin de lui infliger des peines par suite de la violation des conditions de son permis de pêche. Cette description de la nature et du but des réductions administratives des contingents de crabe attribués au demandeur n'est pas par ailleurs étayée par les faits qui sont allégués dans la déclaration. Dans la lettre qui a été envoyée au demandeur au mois de février 2000, laquelle est citée dans cette déclaration, on informait celui-ci que s'il ne signalait pas tout écart au MPO au plus tard le 3 mars 2000 [TRADUCTION] « les lignes directrices administratives de 1999 relatives à la pêche au crabe s'appliquer[aient] et [que] toute attribution à laquelle [il] pourr[ait] avoir droit en l'an 2000 sera[it] réduite [...] » . Les lignes directrices ne sont pas énoncées dans la déclaration. Dans la lettre en question, il n'est pas fait mention des réductions en tant que peines. Le but des réductions n'est pas précisé dans la déclaration, si ce n'est que le demandeur dit que le but visé et les réductions sont de nature pénale. À mon avis, cette description n'est pas une question de fait. Il s'agit plutôt d'une question à trancher compte tenu de la preuve et des arguments qui seront avancés, si l'action se poursuit.

      Il est possible de faire une distinction entre les faits de la présente espèce et ceux de l'affaire Matthews c. Canada (Procureur général), (1996), 118 F.T.R. 81 (1re inst.), confirmé (1999), 167 F.T.R. 167, 24 N.R. 1 (C.A.F.), autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée (2000), 255 N.R. 298. Dans cette demande de contrôle judiciaire, j'ai infirmé une décision qui avait été prise pour le compte du ministre, laquelle réduisait la durée de la saison de pêche et le contingent attribué pour les prises de crabe dans le permis délivré à M. Matthews parce que la nature et le but des réductions, en tant que peines découlant du fait que ce dernier avait dépassé le contingent au cours de l'année antérieure, étaient expressément énoncés dans l'avis de réduction des contingents. J'ai conclu que ce but ne relevait pas des pouvoirs conférés au ministre en vertu de l'article 7 de la Loi. Des faits similaires sous-tendent les décisions Thibeault c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), (1996) 123 F.T.R. (1re inst.) confirmé (1999) 246 N.R. 366 (C.A.F.) et Kelly c. Canada (Procureur général), (1997), 136 F.T.R. 186 (1re inst.).


      Le pouvoir du ministre de délivrer des permis de pêche ou d'en autoriser la délivrance en vertu de l'article 7 de la Loi est étendu, comme l'a dit Monsieur le juge Major dans l'arrêt Comeau's Sea Foods Ltd. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), [1997] 1 R.C.S. 12, page 25 :

Je suis d'avis que le pouvoir discrétionnaire d'autoriser la délivrance de permis, qui est conféré au Ministre par l'art. 7, est, à l'instar de son pouvoir discrétionnaire de délivrer des permis, restreint seulement par l'exigence de justice naturelle, étant donné qu'il n'y a actuellement aucun règlement applicable. Le Ministre doit fonder sa décision sur des considérations pertinentes, éviter l'arbitraire et agir de bonne foi. Il en résulte un régime administratif fondé principalement sur le pouvoir discrétionnaire du Ministre [...]

      Selon la loi, le demandeur n'a pas droit à un permis de pêche, dont la violation, par suite d'une réduction du contingent, pourrait donner lieu à une demande d'indemnisation. Dans la décision Radil Brothers Fishing Co. Ltd. c. La Reine et autre, [2000] A.C.F. no 1885 (1re inst.), la demanderesse sollicitait des dommages-intérêts par suite de l'omission du ministre de lui délivrer un permis de pêche particulier et de lui attribuer le contingent prévu compte tenu de négociations préliminaires menées avec l'agent chargé de l'octroi des permis. En accueillant la requête visant la radiation de la déclaration présentée par la défenderesse, Monsieur le juge McKeown a fait les remarques suivantes, paragraphe 36 :

Selon moi, un permis de pêche ne constitue qu'un privilège de participer à la pêche pendant la durée de validité du permis. L'octroi d'un permis de pêche n'emporte la dévolution d'aucun droit ni bien à son titulaire. Il n'existe pas de droit au renouvellement automatique d'un permis de pêche. La jurisprudence, notamment les décisions Joys c. Ministre du Revenu national (1995), 128 D.L.R. (4th) 385 (C.A.F.), aux pages 394 et 399, et Re Bennett and Bennett (1988), 24 B.C.L.R. (2d) 346 (C.S.), aux pages 350 et 351, le confirme.

Le juge a ajouté ceci, paragraphe 40 :


[...] La décision prise par le ministre, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire absolu, de délivrer un permis de pêche dont la Couronne demeure propriétaire, ou d'en autoriser la délivrance, ne crée pas un droit entre le ministre et la demanderesse. Par conséquent, aucune cause d'action ne prend naissance parce que cette décision discrétionnaire peut être révisée sur présentation d'une demande de contrôle judiciaire.

      Étant donné qu'un permis de pêche confère un privilège plutôt qu'un droit, l'allégation du demandeur selon laquelle la Couronne a d'une façon délictuelle porté atteinte à son droit économique ne révèle aucune cause d'action valable, c'est-à-dire aucune demande reconnue en droit.

      Je tiens à faire remarquer qu'en examinant la demande de contrôle judiciaire dans l'affaire Matthews, j'ai fait une distinction à l'égard de l'arrêt Everett c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), (1994), 169 N.R. 100 (C.A.F.), dans lequel Madame le juge Desjardins a expressément dit qu'une recommandation ministérielle qui avait été faite au ministre de ne pas délivrer de permis de pêche à une personne qui, trois ans auparavant, avait dépassé son contingent de 100 p. 100 « n'était pas une procédure pénale » . En outre, dans cet arrêt, Monsieur le juge MacGuigan a fait remarquer que le ministre pouvait à bon droit tenir compte du fait que le demandeur avait dépassé son contingent dans une décision subséquente relative à la délivrance d'un permis. Dans la décision Matthews, j'ai fait les remarques suivantes, paragraphe 28 :

[...] il se peut que l'observation antérieure, par le requérant, des conditions d'un permis soit un facteur pertinent dont le ministre tiendra compte comme un des aspects de la conservation lorsqu'il décidera de l'opportunité de la délivrance d'un permis, comme ce fut le cas dans l'affaire Everett, mais l'article 7 (l'autorité générale en matière de baux, permis et licences) ne peut être appliqué pour la fin principale d'imposer une peine au requérant. [...]


      La Couronne allègue en outre qu'aucune action ne peut être intentée tant que la Cour, dans l'exercice de la compétence qu'elle possède en matière de contrôle judiciaire, n'aura pas statué que la décision administrative contestée est invalide ou qu'elle devrait être annulée. En vertu des paragraphes 18(1) et (3) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, dans sa forme modifiée, une réparation demandée à l'égard d'une décision invalide rendue par un office fédéral est obtenue par présentation d'une demande de contrôle judiciaire. Selon la règle générale qui s'applique en droit public, lorsqu'une décision est écartée au moyen d'un appel ou d'un contrôle judiciaire, il ne devrait pas exister de responsabilité supplémentaire de la part de l'autorité publique concernée ouvrant droit à des dommages-intérêts, mais cette règle comporte des exceptions. Ainsi, des dommages-intérêts peuvent être accordés si l'omission d'agir de bonne foi peut être établie, comme Monsieur le juge Stone l'a dit dans l'arrêt Comeau's Sea Foods Ltd. c. Canada, [1995] 2 C.F. 467, page 486 (C.A.F.). Dans cette affaire-là, aucune circonstance de ce genre n'a été découverte, et la Cour d'appel a confirmé le pouvoir que possédait le ministre, en vertu de l'article 7 de la Loi, de révoquer une autorisation pour un permis de pêche en l'absence de preuve indiquant que le ministre avait été de mauvaise foi.


      Dans la décision Lapointe et autres c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans) et autres (1992), 51 F.T.R. 161, le ministre défendeur avait suspendu et annulé divers permis de pêche détenus par les demandeurs, malgré des notes de service internes qui lui avaient été transmises avant qu'il prenne sa décision, selon lesquelles il n'existait aucun pouvoir légal à cet égard. Après l'annulation de la décision du ministre, le demandeur avait intenté une action en vue d'obtenir des dommages-intérêts généraux et punitifs. Monsieur le juge Collier, de cette cour, a accordé des dommages-intérêts aux demandeurs par suite du manque à gagner ainsi que des dommages-intérêts punitifs, en faisant remarquer ce qui suit, paragraphe 66 :

[...] les mesures prises par les défendeurs en l'espèce étaient non seulement illégales, [...], mais aussi excessives et tyranniques. On ne peut non plus faire abstraction de l'indifférence des défendeurs. [...]

Dans cette action-là, le juge Collier a conclu, compte tenu de la preuve, que le ministre se fondait sur des motifs illégitimes et que, ce faisant, il agissait de mauvaise foi.

      Dans l'arrêt Zarzour c. Canada (2000) 268 N.R. 235 (C.A.F.), Monsieur le juge Létourneau, au nom de la Cour d'appel fédérale, a cité en l'approuvant (paragraphe 49) le passage suivant de la décision Shaw c. Canada (1997), 134 F.T.R. 128, paragraphe 23 :

[...] Je ne pense pas qu'un demandeur soit obligé, dans tous les cas, d'introduire en premier lieu une demande de contrôle judiciaire et ensuite, si la Cour y fait droit, une action en dommages-intérêts. Et ce d'autant plus qu'un jugement déclaratoire ne sert à rien. [...]

Après avoir cité ce passage, le juge Létourneau a fait les remarques suivantes :

Malheureusement, il n'existe pas de formule magique applicable aux situations où une multiplicité de recours existe.    Chaque cas en est un d'espèce et doit être évalué à son mérite pour déterminer la procédure appropriée.


Dans cette affaire-là, la Cour d'appel a annulé la décision du juge de première instance d'accorder les dommages-intérêts demandés par suite de la communication illégale de renseignements personnels concernant le demandeur. La Cour a conclu à l'absence de préjudice étant donné qu'aucune malveillance de la part de l'agent concerné de la Couronne n'avait été établie. Une action en dommages-intérêts avait été intentée sans qu'il soit d'abord établi que la décision de communiquer les renseignements en question était illégale.

      Il se peut que, dans un cas particulier, il ne soit pas nécessaire de demander le contrôle judiciaire avant d'intenter une action en dommages-intérêts contre une autorité publique fédérale par suite d'une perte qui aurait censément été occasionnée par une décision illégale, mais je n'ai pas à déterminer si c'est ici le cas. Je note que dans la décision Radil Brothers Fishing Co. Ltd., précitée, le juge MacKeown dit qu'aucune cause d'action ne prend naissance, et ce, même si une décision relative à la délivrance d'un permis est annulée dans le cadre d'un contrôle judiciaire.

      En l'espèce, il n'y a pas, dans la déclaration, d'allégation de mauvaise foi de la part du ministre en ce qui concerne la délivrance d'un permis au demandeur pour la saison 2000. L'allégation d'atteinte délictuelle aux droits économiques du demandeur n'est pas une allégation de mauvaise foi. En outre, étant donné que le demandeur n'avait pas droit à un permis ou à un contingent particulier, la réduction du contingent qui lui était attribué, par rapport au contingent attribué dans le permis de l'année antérieure, ne portait pas atteinte à un droit conféré par la loi.


      Le demandeur soutient que, dans la décision Matthews, la Cour [TRADUCTION] « a[vait] déjà examiné les pouvoirs conférés au défendeur en vertu de la Loi sur les pêches lorsqu'il s'agissait d'infliger des peines par suite de la violation des conditions du permis » . Je suis d'accord pour dire que la décision Matthews semble établir le droit, mais comme j'en ai fait mention, la déclaration ne renferme pas de fait montrant que dans ce cas-ci les mesures administratives ont été imposées à des fins pénales. On peut inférer qu'en examinant la déclaration, cette Cour est tenue d'examiner les faits qui y sont énoncés et qu'elle ne peut pas inférer des faits qui ne sont pas expressément allégués.

      Pour ces motifs, je fais une distinction à l'égard de la décision Matthews. En outre, je n'ai pu trouver dans la déclaration aucun fondement à l'appui d'une allégation de mauvaise foi de la part de la Couronne, fondement qui serait nécessaire pour justifier une demande de dommages-intérêts.

      Je note pour mémoire qu'aucun argument n'a été avancé au sujet de la question de l'inclusion à titre de demandeurs possibles de la catégorie de personnes mentionnées dans la déclaration modifiée. Je note qu'à ce jour, même si l'on se propose de modifier les Règles de la Cour de façon à faciliter pareille demande, les Règles ne prévoient pas expressément pareille demande à ce stade.


Conclusion

      La requête que la Couronne a présentée en vue de faire radier la déclaration modifiée du demandeur pour le motif qu'elle ne révèle aucune cause d'action valable est accueillie au moyen d'une ordonnance distincte. La défenderesse n'a pas sollicité de dépens et aucuns dépens ne sont adjugés aux parties.

      Une ordonnance distincte radiant la déclaration modifiée est rendue.

« W. Andrew MacKay »

Juge

OTTAWA (ONTARIO)

le 5 avril 2002

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad.a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                      T-1299-01

INTITULÉ :                                                                     William H. Newell

c.

Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                                             Halifax (Nouvelle-Écosse)

DATE DE L'AUDIENCE :                                           le 20 septembre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                           Monsieur le juge MacKay

DATE DES MOTIFS :                                                  le 4 avril 2002

COMPARUTIONS :

M. David L.G. Andrews                                                   POUR LE DEMANDEUR

Mme Kathleen McManus                                                   POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Moores Andrews Collins                                                  POUR LE DEMANDEUR

Bay Roberts (Terre-Neuve)

M. Morris Rosenberg                                                        POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

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