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Date : 20030327

Dossier : IMM-2133-02

Référence neutre : 2003 CFPI 371

Ottawa (Ontario), le 27 mars 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE SNIDER

ENTRE :

                                                        ALWYN LLOYD TOWNSEND

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 M. Alwyn Lloyd (Gary) Townsend (le demandeur), né en Jamaïque, est arrivé au Canada avec sa famille en 1975, à l'âge de 12 ans, et a obtenu le statut d'immigrant admis. Il vit au Canada depuis lors. Au cours des dernières années, le demandeur s'est constitué un casier judiciaire impressionnant comprenant au moins vingt-six condamnations.


[2]                 En raison de son casier judiciaire chargé, une mesure d'expulsion a été prononcée contre le demandeur le 25 novembre 1999. Du 16 novembre 1999 au 7 janvier 2000, le demandeur a été mis en détention à la suite d'un mandat d'immigration décerné en vue de son arrestation. Le 18 février 2000, W.A. Sheppit décidait, en application du paragraphe 70(5) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, que le demandeur constituait un danger pour le public (la « décision initiale de dangerosité » ). Le demandeur introduisit une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de cette décision, demande qui fut rejetée.

[3]                 Le 6 juin 2001, le demandeur priait le défendeur d'annuler la décision initiale de dangerosité. Le 2 mai 2002, Claudette Deschênes (la représentante du ministre) examinait la demande de réexamen présentée par le demandeur et concluait au maintien de la décision initiale de dangerosité. Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de cette décision du 2 mai 2002.

Points en litige

[4]                 Les points en litige qui ont été soulevés par le demandeur peuvent être reformulés ainsi :

           1.         La représentante du ministre a-t-elle commis une erreur parce qu'elle a manqué aux règles de l'équité procédurale telles qu'elles sont énoncées dans l'affaire Bhagwandass c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] 1 C.F. 619 (1re inst.), confirmé [2001] 3 C.F. 3 (C.A.)?


           2.         La représentante du ministre a-t-elle commis une erreur parce qu'elle a dit que la décision de dangerosité ne pouvait être réexaminée et parce qu'elle n'a pas tenu compte de la requête du demandeur en annulation de la décision de dangerosité pour cause de manquement à la justice fondamentale et à l'équité?

           3.         Les motifs donnés par la représentante du ministre sont-ils suffisants?

           4.         La représentante du ministre a-t-elle commis une erreur pour n'avoir pas considéré l'ensemble de la preuve ou pour avoir tiré une conclusion abusive ou arbitraire?

Analyse

[5]                 Pour les motifs qui suivent, je suis d'avis que cette demande est irrecevable.

Point n ° 1 : La représentante du ministre a-t-elle commis une erreur parce qu'elle a manqué aux règles de l'équité procédurale telles qu'elles sont énoncées dans l'affaire Bhagwandass?


[6]                 Selon le demandeur, il y a eu manquement à l'équité procédurale parce qu'on ne lui a pas remis le rapport de décision ministérielle ou la demande de décision ministérielle (les rapports) avant que ne soit prise la décision initiale de dangerosité (Bhagwandass c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] 1 C.F. 619 (1re inst.) [ci-après Bhagwandass (1re inst.)], confirmé [2001] 3 C.F. 3 (C.A.) [ci-après Bhagwandass (C.A.)]). Selon lui, il n'y a aucune différence matérielle entre l'affaire Bhagwandass (C.A.) et la présente affaire (voir aussi l'arrêt Chu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CAF 113, [2001] A.C.F. n ° 554 (QL); et l'arrêt Wishart c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] 4 C.F. 495 (C.A.)). Le jugement Bhagwandass (1re inst.), qui a été confirmé par la Cour d'appel fédérale, a été rendu le 10 décembre 1999, avant que l'avis ne soit communiqué au demandeur. Par conséquent, le défendeur a commis une erreur en n'observant pas les préceptes de la loi telle qu'elle existait lorsqu'a été prise la décision initiale du ministre.

[7]                 Le demandeur conteste dans cette demande de contrôle judiciaire la décision de la représentante du ministre en date du 2 mai 2002, mais ce point se rapporte en réalité à la décision initiale de dangerosité prise le 18 février 2000. Cependant, la question de savoir si un manquement à l'équité procédurale a entaché la décision initiale dépend si la représentante du ministre aurait dû réexaminer et annuler la décision de dangerosité (point n ° 2, ci-après). Par conséquent, il est nécessaire d'examiner cet aspect.

[8]                 Dans l'arrêt Bhagwandass (C.A.), le juge Sharlow, rédigeant l'arrêt de la Cour d'appel fédérale, avait estimé qu'il y avait eu manquement à l'équité procédurale parce que le ministre n'avait pas communiqué les rapports à M. Bhagwandass avant de décider, en application du paragraphe 70(5) et du sous-alinéa 46.01(1)e)(iv) de la Loi sur l'immigration, qu'il constituait un danger pour le public au Canada. En concluant de la sorte, le juge Sharlow confirmait la décision rendue par le juge Gibson dans l'affaire Bhagwandass (1re inst.).

[9]                 Le 18 février 2000, W.A. Sheppit décidait que le demandeur constituait un danger pour le public. Les rapports n'avaient pas été communiqués au demandeur avant cette décision.

[10]            Puisque la décision du juge Gibson dans l'affaire Bhagwandass (1re inst.) a été rendue avant la décision initiale de dangerosité, je suis d'avis que les rapports auraient dû être communiqués au demandeur avant que W.A. Sheppit n'arrive à sa décision concernant la dangerosité du demandeur. En conséquence, il y a eu manquement à l'équité procédurale (affaire Bhagwandass (1re inst.)).

[11]            Cependant, ce manquement à l'équité procédurale ne suffit pas à rendre recevable cette demande de contrôle judiciaire, et cela pour deux raisons. D'abord, comme on l'a vu précédemment, le demandeur ne conteste pas la décision initiale de dangerosité dans cette demande de contrôle judiciaire. La décision contestée par le demandeur est plutôt une autre décision, prise par un autre représentant du ministre plus de deux ans plus tard.

[12]            Deuxièmement, les rapports ont été communiqués au demandeur le 7 juin 2001, avant la décision de la représentante du ministre. Le demandeur a eu l'occasion de présenter des conclusions à propos de ces rapports, mais il ne semble pas avoir tiré pleinement parti de cette possibilité. Conséquemment, le manquement à l'équité procédurale qui a pu entacher la décision initiale de dangerosité a été corrigé par le réexamen effectué par la représentante du ministre.


Point n ° 2 : La représentante du ministre a-t-elle commis une erreur parce qu'elle a dit que la décision de dangerosité ne pouvait être réexaminée et parce qu'elle n'a pas tenu compte de la requête du demandeur en annulation de cette décision pour cause de manquement à la justice fondamentale ou à l'équité?

[13]            Selon le demandeur, la représentante du ministre a commis une erreur de droit parce qu'elle a ignoré sa requête sollicitant le réexamen de la décision initiale de dangerosité au motif qu'elle était contraire à l'équité (Yushchuk c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. n ° 1324 (1re inst.)). Selon le demandeur, un tribunal administratif peut reconsidérer sa décision s'il y a eu manquement à la justice naturelle ou à l'équité (Chandler c. Alberta Association of Architects, [1989] 2 R.C.S. 848; Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Nabiye, [1989] 3 C.F. 424 (C.A.); Longia c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1990] 3 C.F. 288 (C.A.)).


[14]            Le demandeur soutient aussi que la représentante du ministre a commis une erreur parce qu'elle a ignoré les lignes directrices auto-imposées apparaissant dans une note de service sur les opérations publiée en juillet 2001 (dossier du demandeur, pages 100-102; Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 C.S.C. 1, [2002] A.C.S. n ° 3 (QL), aux paragraphes 34 à 38; Varghaei c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 443, [2002] A.C.F. n ° 576 (QL)). Cette note de service mentionne que le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration peut, sans ordonnance judiciaire, reconsidérer une décision de dangerosité.

[15]            Le 6 juin 2001, l'avocat du demandeur écrivait à la Direction générale du règlement des cas du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, la priant d'annuler la décision de dangerosité pour cause de manquement à l'équité procédurale et de donner au demandeur la possibilité de faire réexaminer le dossier. Le 7 juin 2001, le défendeur répondait à cette lettre en annexant à sa réponse un exemplaire des rapports et en indiquant qu'il attendrait les nouvelles conclusions du demandeur avant de soumettre la requête du demandeur à l'attention du représentant du ministre. Le 5 novembre 2001, l'avocat du demandeur transmettait au défendeur des preuves nouvelles qui concernaient surtout la réadaptation du demandeur. Dans cette lettre, l'avocat du demandeur précisait que la requête priait le ministre « de confirmer que la décision selon laquelle M. Townsend constitue un danger pour le public est nulle... »

[16]            La représentante du ministre a réexaminé la décision initiale de dangerosité à la lumière des preuves dont avait disposé W.A. Sheppit et à la lumière des preuves nouvelles produites par le demandeur. Elle n'a pas annulé la décision initiale de dangerosité. Il s'agit de savoir si la représentante du ministre avait la compétence ou l'autorité nécessaire pour annuler la décision initiale de dangerosité et, dans l'affirmative, si elle était tenue de l'annuler.

[17]            Les précédents invoqués par le demandeur au soutien de cet argument ne sont pas à propos. La majorité d'entre eux parlent du pouvoir de la section d'appel de l'immigration et de la section du statut de réfugié de rouvrir un dossier lorsque la décision initiale a été rendue au mépris des règles de la justice naturelle (Nabiye, précité; Longia, précité). L'affaire Yushchuk, précitée, examinait le pouvoir de la section du statut de réfugié de rouvrir une audience avant que ne soit rendue une décision, afin de permettre l'examen de preuves nouvelles. Il semble n'exister aucun précédent portant expressément sur le pouvoir du représentant du ministre d'annuler la décision initiale de dangerosité et de repartir de zéro. Au surplus, la Loi sur l'immigration et ses règlements d'application sont silencieux sur ce point. La note de service sur les opérations qui a été mentionnée par le demandeur n'est d'aucune aide car elle s'applique aux décisions de dangerosité rendues après l'arrêt Bhagwandass (C.A.), et aux affaires transitoires contestées devant la Cour fédérale. Puisque la Cour fédérale a rejeté la requête du demandeur en autorisation de contester la décision initiale de dangerosité, et puisque la note de service sur les opérations ne parle pas des demandes de contrôle judiciaire de décisions issues d'un réexamen, la présente affaire ne relève pas du champ de la note de service sur les opérations.


[18]            D'ailleurs, les précédents invoqués par le demandeur tendent à montrer que la section d'appel de l'immigration et la section du statut de réfugié ont le pouvoir, mais non le devoir (Longia, précité), de rescinder une décision initiale et de reconsidérer l'affaire lorsqu'il y a eu manquement aux principes de justice naturelle. Par conséquent, même si la représentante du ministre avait le pouvoir d'annuler la décision initiale de dangerosité, je suis d'avis qu'elle n'avait aucune obligation d'exercer ce pouvoir.


[19]            La représentante du ministre avait le pouvoir de reconsidérer la décision initiale de dangerosité en se fondant sur des preuves nouvelles qui n'existaient pas au moment de la décision initiale, ou en raison d'un présumé manquement aux principes de justice naturelle (voir Danger pour le public : Politique et procédures, « Réexamen des décisions de dangerosité » ; Nemouchi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] 2 C.F. 528 (1re inst.)). En l'espèce, la représentante du ministre a communiqué les rapports au demandeur et lui a donné la possibilité de présenter des conclusions écrites sur lesdits rapports et sur d'autres points, et elle a reçu des preuves nouvelles se rapportant à la réadaptation du demandeur et à son niveau d'établissement au Canada. La représentante du ministre avait le pouvoir de conclure, après réexamen de la décision initiale de dangerosité et réexamen des preuves nouvelles, que la décision initiale de dangerosité devrait être rescindée; cette conclusion aurait eu pour résultat d'annuler la décision initiale de dangerosité. Cependant, après examen et appréciation de l'ensemble de la preuve dont elle disposait et dont avait disposé W.A. Sheppit, la représentante du ministre a conclu que la décision initiale de dangerosité devrait être maintenue. Je ne vois guère de différence entre ce processus de réexamen et le processus de « rescision et reprise » préconisé par le demandeur, sans compter que de nouveaux rapports seraient probablement rédigés pour ce dernier processus. Conséquemment, je ne vois pas comment elle aurait pu manquer à l'équité procédurale en choisissant un processus plutôt que l'autre ou en n'examinant pas cet aspect dans sa décision, d'autant qu'il n'est pas sûr qu'elle eût même le pouvoir d'annuler la décision initiale de dangerosité et de repartir de zéro.

Point n ° 3: Les motifs de la représentante du ministre sont-ils suffisants?

[20]            Selon le demandeur, la représentante du ministre a commis une erreur parce qu'elle n'a pas motivé suffisamment sa décision de rejeter la requête du demandeur en réexamen (Nemouchi, précité; Suresh, précité; Northwestern Utilities Ltd. c. Ville d'Edmonton, [1979] 1 R.C.S. 684; Desai c. Brantford General Hospital, [1991] O.J. No. 2186 (C. div. Ont.) (QL); VIA Rail Canada Inc. c. Office national des transports, [2001] 2 C.F. 25 (C.A.)).

[21]            Il n'est pas nécessaire de se demander si des motifs étaient requis ici, puisque la représentante du ministre a effectivement motivé sa décision. La seule question est donc de savoir si les motifs étaient suffisants.


[22]            L'exposé de motifs a pour objet d'indiquer à l'intéressé pourquoi une conclusion donnée a été tirée. Les motifs permettent aux parties de constater que les points soulevés ont été minutieusement examinés et d'exercer leur droit d'appel ou de révision judiciaire (Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [1999] 2 R.C.S. 817; VIA Rail, précité). Ce sont les circonstances de chaque cas qui diront si les motifs donnés sont adéquats (VIA Rail, précité). La nécessité d'exposer des motifs au regard du devoir d'équité est assez souple pour que diverses formes d'explications écrites de la décision répondent à cette exigence (Baker, précité, au paragraphe 40). En l'espèce, la représentante du ministre avait ainsi motivé sa décision :

[Traduction] J'ai examiné attentivement tous les renseignements qui avaient été présentés à M. Sheppit et qui l'avaient conduit à conclure que M. Townsend constitue un danger pour le public. J'ai soigneusement passé en revue vos demandes de réexamen datées du 6 juin 2001 et du 5 novembre 2001, avec les pièces qui leur étaient annexées.

Je suis d'avis que, vu la gravité des infractions et vu la surveillance actuellement exercée sur M. Townsend, l'information présentée ne suffit pas à me convaincre que la décision de M. Sheppit selon laquelle M. Townsend constitue un danger pour le public devrait être annulée ici. La décision de M. Sheppit est maintenue.

[23]            À mon avis, la représentante du ministre a suffisamment expliqué pourquoi elle confirmait la décision initiale de dangerosité. Il ressort clairement de cet extrait que la représentante du ministre était préoccupée par la gravité des infractions commises par le demandeur, ainsi que par le fait qu'il était encore en probation au moment de sa décision, et il est clair également que ces facteurs sont à l'origine de sa décision de confirmer la décision initiale de dangerosité prise par M. Sheppit. Les motifs donnés par la représentante du ministre n'étaient pas aussi détaillés qu'ils auraient pu l'être, mais sa décision n'en est pas moins valide.

[24]            Par conséquent, à mon avis, la représentante du ministre a communiqué au demandeur des motifs suffisants pour justifier le maintien de la décision initiale de dangerosité.


Point n ° 4: La représentante du ministre a-t-elle commis une erreur parce qu'elle n'a pas tenu compte de l'ensemble de la preuve ou parce qu'elle a tiré une conclusion abusive ou arbitraire?

[25]            Selon le demandeur, la représentante du ministre a commis une erreur parce qu'elle n'a pas tenu compte de la preuve extrêmement importante qui atteste que le demandeur n'était plus un danger pour le public (Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. n ° 1425 (1re inst.) (QL)). De l'avis du demandeur, il était arbitraire ou abusif pour la représentante du ministre d'affirmer que le demandeur continuait d'être un danger pour le public alors que, de l'avis des agents assurant la surveillance du demandeur, le demandeur avait atteint avec succès les objectifs de la surveillance ainsi exercée.


[26]            Il est d'usage de présumer qu'un décideur prend en compte l'ensemble des preuves produites et qu'il ne lui est pas nécessaire de se référer à l'intégralité des preuves lorsqu'il rend une décision, si la Cour est persuadée que tous les faits pertinents ont été portés à l'attention du décideur et ont été considérés par lui (Sidhu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. n ° 741 (1re inst.) (QL), au paragraphe 15; Florea c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. n ° 598 (C.A.) (QL); Woolaston c. Canada (Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration), [1973] R.C.S. 102). Cependant, « plus la preuve qui n'a pas été mentionnée expressément ni analysée dans les motifs de l'organisme est importante, et plus une cour de justice sera disposée à inférer de ce silence que l'organisme a tiré une conclusion de fait erronée "sans tenir compte des éléments dont il [disposait]" » (Cepeda-Gutierrez, précité, au paragraphe 17). La preuve qui contredit la conclusion de fait tirée par la Commission est considérée comme une preuve importante.


[27]            En l'espèce, la représentante du ministre avait devant elle la preuve relative à la désintoxication du demandeur. Elle avait aussi devant elle certaines parties de la transcription de la cérémonie de remise des diplômes faisant suite au Programme de traitement des toxicomanies, transcription dans laquelle le demandeur était décrit en termes flatteurs par les thérapeutes et par l'avocat de la Couronne. On peut lire par exemple dans les transcriptions que « l'avocat de la Couronne n'a aucune inquiétude en ce qui a trait à la sécurité publique... » . Cette preuve ne contredisait pas la décision de la représentante du ministre; celle-ci n'a pas dit que le demandeur n'était pas réadapté ou qu'il récidiverait à coup sûr. Sa décision révèle plutôt qu'elle a apprécié cette preuve au regard de la gravité des condamnations pénales du demandeur, et au regard du fait qu'il était encore en liberté surveillée à la suite de son infraction la plus récente, et elle a jugé que ces deux facteurs l'emportaient sur le premier. Par ailleurs, la représentante du ministre a clairement indiqué qu'elle avait examiné attentivement tous les renseignements produits, qui se rapportaient tant à la décision initiale de dangerosité qu'à la requête en réexamen. Le juge Evans avait reconnu, dans l'affaire Cepeda-Gutierrez, précitée, au paragraphe 16, qu'une affirmation du décideur selon laquelle il a pris en compte toute la preuve produite suffira souvent à assurer les parties et la juridiction de contrôle que le décideur a fait porter son attention sur la totalité de la preuve. Conséquemment, la représentante du ministre n'était pas tenue de se référer expressément, dans sa décision, à l'information touchant la réadaptation du demandeur, et elle n'a pas commis d'erreur du seul fait qu'elle n'en a pas fait état.

Question à certifier

[28]            Le demandeur voudrait que soit certifiée la question suivante :

S'agissant d'une décision selon laquelle, aux termes du paragraphe 70(5) de la Loi sur l'immigration, une personne constitue un danger pour le public, un demandeur doit-il présenter à la Cour fédérale une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire afin de faire casser la décision pour cause de manquement au devoir d'équité, ou le demandeur peut-il s'adresser directement au représentant du ministre?

[29]            À mon avis, il ne s'agit pas là d'une question grave de portée générale. Le même résultat peut être obtenu par requête en réexamen adressée au représentant du ministre. Par conséquent, je refuse de certifier cette question.


                                           ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que cette demande soit rejetée. Aucune question n'est certifiée.

                « Judith A. Snider »             

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            IMM-2133-02

INTITULÉ :                                           ALWYN LLOYD TOWNSEND

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                   TORONTO

DATE DE L'AUDIENCE :                 le 19 mars 2003

MOTIFS [DE L'ORDONNANCE

ou DU JUGEMENT] :                         MADAME LE JUGE SNIDER

DATE DES MOTIFS :                        le 27 mars 2003

COMPARUTIONS :

M. MICHEAL CRANE                                                                             POUR LE DEMANDEUR

Mme ANN-MARGARET OBERST                                                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MICHEAL CRANE                                                                                   POUR LE DEMANDEUR

AVOCAT

166, RUE PEARL, BUREAU 100

TORONTO (ONTARIO) M5H 1L3

MORRIS ROSENBERG                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

MINISTÈRE DE LA JUSTICE

THE EXCHANGE TOWER

130, RUE KING

BUREAU 3400, CASIER 36

TORONTO (ONTARIO) M5X 1K6

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