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Date : 20031106

Dossier : T-892-02

                                                                                                    Référence : 2003 CF 1296

OTTAWA (ONTARIO), LE JEUDI 6 NOVEMBRE 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

ENTRE :

                                              PAUL VINCENT SHEPHARD

                                                                                                                              demandeur

                                                                    - et -

                                                           J.C.G. FORTIN

                                                                                                                 premier défendeur

                                                                    - et -

                                 G. ZACCARDELLI, COMMISSAIRE DE LA

                                    GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

                                                                                                              deuxième défendeur

                            SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

                                                  REPRÉSENTÉE PAR LA

                                    GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

                                                                                                                                               

                                                                                                         troisième défenderesse

                                                                    - et -

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                              quatrième défendeur


                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LA JUGE SNIDER

[1]         Paul Vincent Shephard (le demandeur ou le gend. Shephard) est un gendarme de la Gendarmerie royale du Canada qui souhaite être promu au grade de caporal. En 2000, la GRC a mis en place un processus comprenant trois étapes pour déterminer si un candidat peut être promu au grade de caporal. La première étape est un examen écrit comportant des réponses à choix multiples, appelé exercice de simulation des fonctions de caporal (l'ESE), qui vise à évaluer la capacité du membre de la GRC d'intervenir dans différentes sortes de situations auxquelles il peut avoir à faire face dans ses fonctions. Le gend. Shephard a passé l'ESE le 8 avril 2000 et obtenu la note de 39 sur un maximum de 48.

[2]         On utilise les résultats de cette première étape pour classer les candidats à la promotion. Au cours de la deuxième étape du processus, on examine le dossier des candidats à la promotion en vue de leur offrir des postes vacants, en fonction de leurs intérêts. À cause du score obtenu à l'ESE, le gend. Shephard n'a pas été placé parmi les premiers sur la liste d'admission.


[3]         Le 1er août 2000, le gend. Shephard a présenté une demande d'intervention conformément aux Consignes du Commissaire (règlement des différends en matière de promotions et d'exigences de postes), DORS/2000-141 (Consignes relatives aux promotions), parce qu'il estimait qu'il aurait dû obtenir un score plus élevé à l'ESE. Comme nous l'examinons plus loin, les Consignes relatives aux promotions, qui sont des ordonnances prises aux termes de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. 1985, ch. R-10, et ses modifications (la Loi), sont entrées en vigueur le 6 avril 2000 et mettent en place un processus de traitement des griefs relatifs aux questions de promotion pour les membres de la Gendarmerie. Dans sa demande d'intervention, le gend. Shephard demandait la divulgation complète des notes obtenues à l'examen écrit. Plus précisément, il voulait savoir quelles étaient les réponses qui avaient été jugées fausses par le correcteur, les raisons pour lesquelles les questions avaient été jugées fausses et une copie de la liste régionale d'admission aux promotions. L'inspecteur Pat McCloskey (l'arbitre), un des arbitres de la région de l'Atlantique, a été chargé d'examiner la demande d'intervention du gend. Shephard et celles de 12 autres gendarmes. Dans une décision datée du 15 avril 2002, l'arbitre a rejeté les 13 DI, en déclarant : « Je suis convaincu qu'aucune décision, acte ou omission n'a entraîné d'erreur et par conséquent, je rejette les 13 demandes » . La décision de l'arbitre est conforme à la politique D.7 du Commissaire de la GRC, qui énonce que le demandeur n'a pas le droit de consulter les documents d'examen de l'ESE.

[4]         Le gend. Shephard demande le contrôle judiciaire de cette décision; il pense qu'il aurait dû avoir accès aux résultats de l'ESE et aux motifs pour lesquels le correcteur a considéré que ses réponses étaient fausses.


Questions en litige

[5]         La présente demande soulève les questions suivantes :

1.          a) Les parties des Consignes relatives aux promotions qui suppriment le droit d'appel prévu à la partie III de la Loi et les droits d'un membre d'avoir accès aux résultats et aux renseignements concernant son examen, et b) la partie de la politique D.7 qui interdit l'accès aux résultats des examens sont-elles ultra vires des pouvoirs que la Loi attribue au Commissaire?

2.          Si la réponse à la première question est « non » , la décision de l'arbitre est-elle erronée pour un des motifs suivants :

a.          la décision a-t-elle été prise de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments présentés?

b.          l'arbitre a-t-il irrégulièrement limité son pouvoir discrétionnaire et omis d'exercer ses pouvoirs en se considérant comme lié par la politique D.7?


c.          l'arbitre a-t-il respecté les droits qu'attribuent au demandeur les principes de l'équité procédurale et de la justice naturelle parce qu'il lui a refusé l'accès aux renseignements et aux documents pertinents qu'il avait besoin de consulter pour présenter sa défense?

d.          le fait que l'arbitre ait consulté d'autres arbitres, qu'il ait demandé et examiné des renseignements obtenus auprès du bureau du Commissaire donne-t-il naissance à une crainte raisonnable de partialité?

Question en litige n ° 1 : Certaines parties desConsignes relatives aux promotions et de la politique D.7 sont-elles ultra vires des pouvoirs que la Loi attribue au Commissaire?

[6]         L'application de la partie III de la Loi aux Consignes du Commissaire et à la politique D.7 est un élément central de la thèse du demandeur. Il faut donc examiner le régime législatif applicable aux promotions et aux griefs découlant de celles-ci pour être en mesure d'examiner cette question de façon satisfaisante.


Le régime législatif relatif aux promotions au sein de la Gendarmerie

a)          Les pouvoirs du Commissaire

[7]         Le Commissaire de la GRC possède un pouvoir très large en matière de promotions au sein de la Gendarmerie (à l'exception des officiers) conformément à l'alinéa 7(1)a) de la Loi, qui énonce :


7. (1) Le commissaire peut :

a) nommer les membres qui ne sont pas

officiers;

7. (1) The Commissioner may

(a) appoint members of the Force other than officers


[8]         La Loi ne contient pas de dispositions ayant pour but de guider l'exercice de ce pouvoir.

[9]         Le paragraphe 21(2) de la Loi confère au Commissaire le pouvoir de prendre des règles :


(2) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi et de ses règlements, le commissaire peut établir des règles :

(2) Subject to this Act and the regulations, the Commissioner may make rules

a) concernant le renvoi, par mesure administrative, des membres;

(a) respecting the administrative discharge of members; and

b) sur l'organisation, la formation, la conduite, l'exercice des fonctions, la discipline, l'efficacité et la bonne administration de la Gendarmerie.

(b) for the organization, training, conduct, performance of duties, discipline, efficiency, administration or good government of the Force.



[10]       Aux termes du paragraphe 2(2) de la Loi, ces règles sont désignées sous le nom de Consignes du Commissaire. Aucun règlement limitant le pouvoir du Commissaire d'établir des règles n'a été adopté.

b)          Le rôle de la partie III

[11]       La partie III de la Loi traite des griefs. La première disposition de la partie III est le paragraphe 31(1) de la Loi, qui décrit les droits des membres aux termes de la partie III (non souligné dans l'original) :


31. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), un membre à qui une décision, un acte ou une omission liés à la gestion des affaires de la Gendarmerie causent un préjudice peut présenter son grief par écrit à chacun des niveaux que prévoit la procédure applicable aux griefs prévue à la présente partie dans le cas où la présente loi, ses règlements ou les consignes du commissaire ne prévoient aucune autre procédure pour corriger ce préjudice.

31. (1) Subject to subsections (2) and (3), where any member is aggrieved by any decision, act or omission in the administration of the affairs of the Force in respect of which no other process for redress is provided by this Act, the regulations or the Commissioner's standing orders, the member is entitled to present the grievance in writing at each of the levels, up to and including the final level, in the grievance process provided for by this Part.


[12]       Conformément au paragraphe 31(4) de la Loi, le membre concerné doit pouvoir consulter les renseignements, de la façon suivante :



(4) Sous réserve des restrictions prescrites conformément à l'alinéa 36b), le membre qui présente un grief peut consulter la documentation pertinente placée sous la responsabilité de la Gendarmerie et dont il a besoin pour bien présenter son grief.

(4) Subject to any limitations prescribed pursuant to paragraph 36(b), any member presenting a grievance shall be granted access to such written or documentary information under the control of the Force and relevant to the grievance as the member reasonably requires to properly present it.


c)          Les Consignes relatives aux griefs

[13]       Jusqu'en 2000, les griefs concernant les promotions étaient régis par les Consignes de 1990 du Commissaire (griefs), DORS/90-117, telles que modifiées (Consignes relatives aux griefs). Ces Consignes s'appliquaient à de nombreux types de griefs ainsi qu'à ceux qui étaient reliés aux promotions; par exemple, les Consignes relatives aux griefs sont applicables aux différends concernant l'arrêt de salaire, le renvoi d'un membre de la Gendarmerie et l'évaluation du rendement des membres. Les Consignes relatives aux griefs étaient muettes au sujet du droit du membre lésé de consulter les documents se rapportant à son grief. Étant donné que ces Consignes relatives aux griefs ne visaient pas à remplacer la partie III, il semble que l'accès à l'information accordée aux membres de la Gendarmerie était régi par le paragraphe 31(4) de la Loi, sous réserve des limites apportées par l'alinéa 36b) de la Loi. Les Consignes relatives aux griefs ne sont plus en vigueur depuis le 26 mai 2003, date de l'entrée en vigueur des Consignes du Commissaire (griefs), DORS/2003-181.


d)          Les Consignes relatives aux promotions

[14]       Les Consignes relatives aux promotions sont entrées en vigueur le 6 avril 2000. Elles ont été adoptées conformément aux paragraphes 21(2) et 31(1) de la Loi et leur champ d'application est précisé de la façon suivante (non souligné dans l'original) :


2. (1) Les présentes consignes s'appliquent, à la place de la partie III de la Loi, à la présentation et au règlement des griefs suivants :

(2) 2. (1) These Standing Orders apply instead of Part III of the Act to the presentation and resolution of all grievances of members in respect of

a) ceux ayant trait à une décision, un acte ou une omission liés aux processus de sélection en vue de la promotion des membres et causant un préjudice à un membre;

(a) a decision, act or omission made in the course of the selection processes for the promotion of members, by which decision, act or omission a member has been aggrieved; or

b) ceux ayant trait aux exigences de postes - à l'exception des exigences en matières de langues officielles - qui sont arrêtées à la suite d'une décision, d'un acte ou d'une omission, lesquels causent un préjudice à un membre.

(b) job requirements, other than official languages requirements, established for a position through a decision, act or omission, by which decision, act or omission a member has been aggrieved.

(2) Les présentes consignes ne s'appliquent qu'au règlement des griefs pour lesquels une demande d'intervention est présentée aux termes des présentes consignes à la date de leur entrée en vigueur ou après celle-ci.

(2) These Standing Orders apply only to the resolution of grievances initiated by a request for intervention submitted in accordance with these Standing Orders on or after the day on which these Standing Orders come into force.

(3) Les présentes consignes ne s'appliquent pas aux griefs portant sur l'à-propos du système de promotions de la Gendarmerie.

(3) These Standing Orders do not apply to grievances with respect to the appropriateness of the promotional system in the Force.


[15]       Les Consignes relatives aux promotions ne contiennent pas de disposition qui autorise le membre concerné à consulter des documents, même si l'article 19 des Consignes énonce que l'arbitre d'un différend peut « ordonner au demandeur ou au défendeur de fournir des précisions au sujet de toute prétention » .


e)          Directives

[16]       Le Commissaire émet également des directives concernant les promotions et d'autres sujets touchant l'administration de la GRC. Ces politiques sont regroupées dans un manuel administratif général, le Manuel d'administration II.30. La politique relative aux promotions en vigueur actuellement, la politique D, a été adoptée en même temps que les Consignes relatives aux promotions. La politique D.7 intéresse particulièrement la présente espèce et se lit ainsi :

D.7.     Afin de tenter de régler un différend à l'amiable ou de permettre au demandeur de présenter une demande d'intervention, le défendeur ou l'arbitre accorde au demandeur le droit de consulter les renseignements qui sont pertinents au différend et qui relèvent de la GRC, sauf :

D.7.     a. les questions d'examen d'avancement, les grilles de notation et les justifications des meilleurs et des moins bons choix de réponses;

D.7.      b. les questions d'entrevue dirigée, les grilles de notation et les bandes sonores des entrevues;

D.7.      c. les statistiques liées aux examens d'avancement et aux questions d'entrevue dirigée;

D.7.      d. les documents utilisés dans l'élaboration des examens d'avancement et des entrevues dirigées, y compris, mais non exclusivement, les exemples de travail, les projets de question et les choix de réponses.


La norme de contrôle

[17]       Dans Dr Q. c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] S.C.J. No. 18 (QL), au paragraphe 21, la juge McLachlin, parlant au nom de la Cour, a expliqué qu'il fallait adopter une analyse pragmatique et fonctionnelle chaque fois qu'une loi délègue un pouvoir à un décideur administratif. En l'espèce, cela veut dire procéder à une analyse de chacune des principales questions en litige puisqu'elles concernent toutes des décideurs différents. La première question touche les décisions du Commissaire et la deuxième celles de l'arbitre.

[18]       La première question à trancher est donc de savoir quelle est la norme de contrôle qui s'applique aux décisions suivantes du Commissaire :

·            La suppression du droit d'appel prévu à la partie III de la Loi dans les Consignes relatives aux promotions

·          L'application des Consignes relatives aux promotions au lieu de la partie III de la Loi à la présentation et au règlement de tous les griefs des membres ayant trait « à une décision, à un acte ou à une omission liés aux processus de sélection en vue de la promotion des membres »


·            L'adoption de la partie de la politique D.7 qui refuse l'accès aux résultats des examens.

Ces trois décisions soulèvent des questions de l'interprétation de la Loi. À ce titre, le gend. Shephard m'invite à appliquer la norme de contrôle de la décision correcte.

[19]       Je note aux fins de mon analyse que la Loi ne contient pas de clause privative qui s'appliquerait aux décisions de cette nature. Le Commissaire est certes mieux à même que la Cour de traiter les questions de politique mais celui-ci n'est pas mieux placé que la Cour pour trancher les questions de compétence qui touchent l'interprétation de la Loi. L'objectif de la Loi, prise dans son ensemble, semble appeler une attitude de retenue. Je note que le Commissaire dispose de larges pouvoirs en matière d'établissement de consignes, qui sont semblables à des règlements, et d'administration de la Loi. Cela vaut particulièrement pour les promotions au sein des rangs de la GRC. Le problème soulevé, à savoir une question d'interprétation législative, n'est pas un aspect technique ou relié à la gestion. C'est une question de droit, un domaine qui relève traditionnellement des tribunaux.


[20]       Compte tenu de tous ces facteurs, j'estime qu'il y a lieu d'appliquer aux décisions du Commissaire la norme de contrôle de la décision correcte. Comme cela est mentionné plus loin dans les motifs, la même analyse appliquée à la deuxième question en litige débouche sur le choix d'une autre norme de contrôle.

Analyse

a)         La position du demandeur

[21]       Le gend. Shephard soutient que la Loi n'accorde pas au Commissaire le pouvoir d'adopter les Consignes relatives aux promotions, pour les motifs suivants :

·           La partie III de la Loi crée un mécanisme de présentation des griefs par les membres de la GRC, qui comprend plusieurs niveaux, et qui prévoit expressément que le membre qui présente un grief peut consulter la documentation pertinente dont il a besoin pour bien présenter son grief.

·            Les Consignes relatives aux promotions et la politique D.7 vont à l'encontre de l'objectif recherché dans la partie III de la Loi, puisqu'elles sont incompatibles avec cette partie III et qu'elles suppriment des droits accordés par les dispositions de cette partie; elles doivent donc être déclarées invalides.


·           Si le Commissaire avait eu l'intention de limiter le droit que possèdent les membres de consulter certains renseignements comme il l'a fait aux termes des Consignes relatives aux promotions et de la politique connexe, il aurait été facile d'insérer dans la partie III de la Loi des dispositions à cet effet. En fait, le texte de la partie III reflète l'intention d'autoriser la consultation des documents pertinents, sous réserve de restrictions soigneusement circonscrites (alinéa 36b) de la Loi). Les Consignes relatives aux promotions et la politique connexe sont donc incompatibles avec la partie III de la Loi.

·            Les règles adoptées par le Commissaire doivent respecter la Loi et ses règlements, et toute incompatibilité entre les règles et la Loi ou les règlements a pour effet de rendre les règles en question nulles et sans effet (paragraphe 21(2) de la Loi; Jesso c. Workers Compensation Commission of Newfoundland (2001), 206 Nfld. & P.E.I.R. 275 (C.A. T.-N. et Labrador). Ce principe touche en particulier l'article 25 des Consignes relatives aux promotions et la politique D.7.


b)          L'interprétation des Consignes relatives aux promotions

[22]       L'application de la partie III aux Consignes relatives aux promotions est un argument central de la thèse du gend. Shephard. Si le Commissaire a régulièrement adopté les Consignes relatives aux promotions et si la partie III de la Loi ne s'applique pas aux Consignes relatives aux promotions, tous ses arguments doivent alors être écartés. Pour les motifs qui suivent, j'en suis arrivé à la conclusion que la partie III de la Loi ne s'appliquait pas à ces textes.

[23]       Comme cela a été exposé plus haut, le paragraphe 31(1) de la Loi énonce expressément que la partie III de la Loi s'applique uniquement dans le cas où la Loi, ses règlements ou les consignes du Commissaire ne prévoient aucun autre recours. Le législateur a dû envisager la situation où, comme en l'espèce, les dispositions de la partie III ne conviendraient pas pour résoudre certains conflits et il a autorisé le Commissaire à décider quels pourraient être ces cas.


[24]       Les Consignes relatives aux promotions en litige ici sont des consignes du Commissaire, au sens de la Loi. Comme l'indique le préambule, les Consignes relatives aux promotions ont été adoptées en vertu des paragraphes 21(2) et 31(1) de la Loi. Ces consignes créent un mécanisme pour la présentation et le règlement de tous les griefs des membres concernant les exigences de postes et le processus de sélection en vue de leur promotion. Le résumé de l'étude d'impact de la réglementation expose l'objectif recherché par les Consignes relatives aux promotions; ce résumé se lit en partie comme suit :

La procédure applicable aux griefs prévue à la partie III est devenue extrêmement lourde et inefficace pour régler les différends liés aux promotions et c'est pour cette raison que les présentes consignes offrent une procédure plus simplifiée et plus efficace, pour corriger les préjudices du genre. Ces consignes établiront une « autre procédure pour corriger ce préjudice » relativement aux différends liés aux promotions, lesquels engloberont une procédure d'examen à un niveau, sans qu'il soit nécessaire de réunir un comité consultatif sur les griefs. Les droits des membres seront respectés et les différends liés aux promotions pourront en même temps être réglés plus rapidement, ce qui devrait avoir à son tour des répercussions positives sur le moral des membres.

[25]       Ce résumé de l'étude d'impact ne fait pas partie des Consignes relatives aux promotions, mais il peut être utilisé comme un guide pour cerner l'objectif et l'effet des Consignes (Pfizer Canada c. Apotex Inc., [2002] A.C.F. no 1078, au paragraphe 63 (1re inst.) (QL)). Les Consignes relatives aux promotions et le résumé de l'étude d'impact indiquent que les règles contenues dans ces Consignes ont pour but d'améliorer l'efficacité de la GRC et d'en faciliter l'administration. Par conséquent, le Commissaire avait le pouvoir d'établir ces règles en vertu de l'alinéa 21(2)b) de la Loi. J'estime que les Consignes relatives aux promotions ont été régulièrement adoptées, puisqu'elles sont visées par l'alinéa 21(2)b) de la Loi.


[26]       En outre, il ressort clairement de la Loi, des Consignes relatives aux promotions et du résumé de l'étude d'impact que ces consignes ont été établies à titre d'autre procédure au sens du paragraphe 31(1) de la Loi. Le paragraphe 2(1) des Consignes relatives aux promotions, qui traite de l'application de ces Consignes, énonce expressément qu'elles s'appliquent à la place de la partie III de la Loi.

[27]       Par conséquent, la Loi attribuait au Commissaire le pouvoir d'adopter les Consignes relatives aux promotions. Ces Consignes devaient s'appliquer au lieu de la partie III de la Loi à certains griefs concernant le processus de promotion et les exigences de postes (paragraphe 2(1) des Consignes). Le Commissaire avait le pouvoir d'établir ces Consignes en vertu de l'alinéa 21(2)b) de la Loi.

[28]       Étant donné que j'en suis arrivée à la conclusion que le Commissaire avait le pouvoir d'établir les Consignes relatives aux promotions et que ces consignes prévoyaient un autre recours comme l'envisage le paragraphe 31(1), il en résulte que la partie III n'est plus applicable aux différends qui sont visés par les Consignes relatives aux promotions. J'estime que cela s'applique directement au différend dont il s'agit ici, étant donné qu'il porte sur la possibilité de consulter les documents relatifs aux examens.


[29]       Le fait que les Consignes relatives aux promotions diffèrent de la partie III de la Loi en matière de divulgation et de droit d'appel n'est pas, d'après moi, important. La Loi elle-même, en son paragraphe 31(1), envisage la création d'un autre mécanisme de grief qui peut accorder, peut-on penser, des droits différents de ceux que reconnaît la partie III de la Loi. Par conséquent, les Consignes relatives aux promotions ne sont pas visées par les dispositions de la partie III, en raison de l'exception qui figure au paragraphe 31(1) de la Loi. Enfin, étant donné que les Consignes ont été régulièrement adoptées en vertu de la Loi, ce sont elles qui précisent la nature des droits procéduraux et des recours que peuvent exercer les plaignants (Ocean Port Hotel Ltd. c. Colombie-Britannique (General Manager, Liquor Control and Licensing Branch), [2001] 2 R.C.S. 781; Armstrong c. Canada (Commissaire de la GRC), [1998] 2 C.F. 666 (C.A.)).

[30]       En outre, contrairement à l'argument présenté par le gend. Shephard, cette interprétation des Consignes relatives aux promotions n'a pas pour effet de contourner ou d'annuler les dispositions de la partie III. La partie III continue de s'appliquer aux affaires graves qui touchent les membres de la Gendarmerie. De nombreux différends, comme ceux qui touchent la cessation de salaire, le renvoi d'un membre et les évaluations du rendement d'un membre, continuent d'être assujettis à la partie III de la Loi.


[31]       On pourrait soutenir que les examens font partie intégrante du système de promotions et que, par conséquent, ils ne sont même pas visés par la procédure de grief décrite dans les Consignes relatives aux promotions. Le paragraphe 2(3) de ces Consignes énonce expressément qu'elles ne s'appliquent pas aux griefs « portant sur l'à-propos du système de promotions de la Gendarmerie » . Cette disposition soulève, d'après moi, la question de savoir si l'ESE fait partie du système de promotions. Si la réponse à cette question est « oui » , le différend dont je suis saisie n'est donc pas visé par ces consignes et la demande devrait être rejetée pour cette raison. Cependant, étant donné qu'aucun argument n'a porté sur cet aspect, j'ai tenu pour acquis que le paragraphe 2(3) ne s'appliquait pas au présent litige.

c)          L'interprétation de la politique D.7

[32]       La loi n'attribue pas expressément au Commissaire le pouvoir d'adopter la politique D.7. Cette politique n'est pas un texte réglementaire. Il est bien établi que les décideurs peuvent adopter des directives de ce genre dans le but de communiquer aux personnes touchées par leurs décisions la façon dont il convient d'interpréter certaines dispositions législatives. Il existe cependant un principe de droit administratif fondamental selon lequel les décideurs ne peuvent faire par voie de directives ce que leurs lois habilitantes ne les autorisent pas à faire.

[33]       Le gend. Shephard affirme qu'en l'espèce, en adoptant la politique D.7, le Commissaire a fait exactement ce que la Loi n'autorise pas à faire. Plus précisément, le gend. Shephard soutient que le Commissaire interdit dans la politique en question la divulgation de renseignements concernant l'examen dans le cadre d'un grief, une mesure qui est directement contraire au paragraphe 31(4) de la Loi. Je ne souscris pas à la façon dont le gend. Shephard conçoit la politique D.7.


[34]       Aux termes du paragraphe 7(1) de la Loi, le Commissaire dispose de très larges pouvoirs pour ce qui est de la promotion des membres de la GRC qui ne sont pas des officiers. Le législateur a décidé d'attribuer au Commissaire un large pouvoir discrétionnaire dans ce domaine sans inclure dans la Loi des dispositions apportant des restrictions directes ou formulant des directives qui viendraient circonscrire ces pouvoirs. Par conséquent, l'adoption de la politique D.7 n'est pas interdite par la loi habilitante. Je reconnais avec le demandeur que, dans la mesure où la politique D.7 est incompatible avec d'autres dispositions de la Loi ou des Consignes relatives aux promotions, elle ne peut être appliquée. Cependant, je ne vois aucun conflit. La politique D.7 concerne uniquement les Consignes relatives aux promotions et en découle. Comme nous l'avons examiné ci-dessus, les Consignes relatives aux promotions ont pour effet de soustraire les griefs portant sur les promotions à l'application de la partie III. Si la partie III ne s'applique pas aux aspects qui relèvent de la politique D.7, il ne saurait y avoir de conflit entre ces textes.


Questions en litige n ° 2 : L'arbitre a-t-il commis une erreur susceptible d'être révisée?

La norme de contrôle

[35]       Il convient de procéder à une deuxième analyse pragmatique et fonctionnelle pour préciser la norme de contrôle qui s'applique à la décision de l'arbitre de refuser de donner suite à la demande du gend. Shephard. Aux fins de cette analyse, le régime examiné est celui des Consignes relatives aux promotions. Les erreurs qu'allègue le gend. Forsyth peuvent être qualifiées de contestation de la façon dont l'arbitre a appliqué les dispositions des Consignes relatives aux promotions aux faits de l'espèce. Voici quels sont les éléments de l'analyse pragmatique et fonctionnelle :

1.         Les Directives relatives aux promotions contiennent une clause privative à l'article 25 qui énonce : « La décision que l'arbitre rend à la suite d'une demande d'intervention n'est pas susceptible d'appel ou de révision ultérieure » . Cette disposition semble constituer une invitation à la retenue.


2.          La nomination des arbitres fait partie des fonctions du Commissaire. La Loi, ni les Consignes relatives aux promotions ne contiennent une « description de travail » précise pour les arbitres mais je note que les politiques D.2 et D.3 énoncent les critères appliqués pour le choix des arbitres. Les arbitres doivent être des officiers ou des cadres supérieurs de la Gendarmerie (politique D.2) et « formés en droit ou formés à l'interne comme arbitre ou doivent avoir de l'expérience dans le processus d'arbitrage » (politique D.3.b). Je conclus qu'en raison de leur ancienneté dans les grades de la GRC et des connaissances particulières qu'ils apportent au processus de traitement des griefs, ces personnes possèdent une expertise spéciale à l'égard des questions qui leur sont soumises. Cela touche, à mon avis, aussi bien les aspects substantiels que procéduraux. Il a été reconnu que l'expertise de l'arbitre ne s'étendait pas au domaine de la conception des examens mais la question de savoir s'il y avait lieu de communiquer au gend. Shephard les renseignements concernant l'ESE n'exigeaient pas que la personne chargée de prendre cette décision soit en mesure d'évaluer la conception ou l'à-propos des questions d'examen. Sur ce point et à l'égard de cette question, j'estime que l'arbitre est mieux placé que la Cour pour prendre ce genre de décision et qu'il convient de faire preuve d'une grande retenue à l'égard de ses décisions.


3.          Les questions en litige découlent d'un texte réglementaire qui a pour but de mettre en place un processus simple et efficace pour le règlement des litiges découlant du processus de sélection en vue des promotions au sein de la GRC. En adoptant les Consignes relatives aux promotions, le Commissaire donnait aux arbitres de larges pouvoirs en matière de règlement de ces différends. Cet aspect invite également les tribunaux à faire preuve de retenue.

4.          La question précise de savoir si les renseignements relatifs à l'ESE devraient être divulgués est une question qui englobe un examen de la politique et des motifs qui la sous-tendent ainsi que des raisons particulières qui écarteraient son application dans les circonstances particulières de la présente affaire. Cet aspect relève directement de l'expertise de l'arbitre. Ce n'est pas une question de droit qu'il serait plus approprié de confier à la Cour plutôt qu'à un arbitre.


[36]       En résumé, tous les facteurs qui ressortent de l'analyse pragmatique et fonctionnelle débouchent sur la conclusion qu'il y a lieu de faire preuve d'une grande retenue à l'égard des décisions de l'arbitre dans ce domaine. Je conclus que la norme de contrôle applicable à cette question est celle de la décision manifestement déraisonnable. C'est-à-dire que la décision ne devrait être annulée que si l'arbitre l'a fondée sur une application des Consignes relatives aux promotions qui était manifestement déraisonnable ou sur des conclusions de fait qui ne reposaient sur aucune preuve. Une autre façon d'exprimer cette norme est celle que l'on trouve à l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7, et ses modifications, à savoir que la décision peut être annulée si elle a été prise « de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il [l'office fédéral] dispose » .

[37]       Le gend. Shephard soutient que la décision de l'arbitre concernait l'étendue de ses pouvoirs et que, par conséquent, il y avait lieu d'appliquer la norme de la décision correcte. Cet argument repose néanmoins de façon implicite sur la présomption que la partie III de la Loi s'applique aux décisions de l'arbitre. Cependant, comme je l'ai mentionné sous la question en litige n ° 1, ce n'est pas le cas. La partie III n'est pas applicable ici.

La décision est-elle manifestement déraisonnable?

[38]       L'arbitre a décidé qu'il y avait lieu de refuser la mesure demandée par le gend. Shephard. Manifestement, la politique D.7 a joué un rôle important dans cette décision.


[39]       Il ressort de l'examen du dossier qu'auparavant, les questions et réponses des examens étaient habituellement divulguées et par conséquent, ne pouvaient être réutilisées. Il fallait donc préparer de nouvelles questions d'examen pour chaque session, ce qui coûtait en moyenne annuellement 408 540 $. Avec le système actuel, les questions et les réponses de l'examen ne sont pas communiquées, ce qui permet de les réutiliser et de les réviser continuellement de façon à améliorer la précision du test et l'intégrité de l'examen. La réutilisation des questions d'examen est également une mesure rentable. La GRC prévoit devoir doter quelque 750 à 850 postes par an, à cause du nombre des membres de la Gendarmerie qui vont prendre leur retraite dans les années qui viennent. Le système actuel a été établi pour mettre en place un système fiable, efficace, rentable permettant de doter ces postes et de régler les différends découlant de ce processus. La politique D.7 et les motifs qui la sous-tendent constituent un élément important susceptible de justifier l'interdiction de consulter les documents se rapportant à l'ESE.

[40]      En outre, le gend. Shephard était tout à fait au courant de la nouvelle politique et de ses conséquences. Les membres de la GRC ont été informés de ce processus en trois étapes dans plusieurs bulletins d'information. Entre les mois de juillet 1999 et juillet 2000, il y a eu au moins quatre avis qui indiquaient clairement que les documents concernant l'ESE ne seraient pas communiqués. En outre, une note expliquant le processus d'examen a été publiée en février 2000. Ce document devait aider les candidats à se préparer à l'examen. En particulier, ce document contenait ce qui suit :

[traduction] Soyez prudent lorsque vous comparez les scénarios proposés avec des situations que vous avez vécues... N'oubliez pas que la meilleure réponse pour chacune des questions a été élaborée par des comités de membres réguliers de la Gendarmerie en tenant compte des détails particuliers présentés dans chacun des scénarios.


[41]      Dans un système de ce genre, il est tout à fait raisonnable de conclure que le matériel demandé ne doit être divulgué que dans des cas exceptionnels. L'arbitre a conclu en l'espèce que le gend. Shephard n'avait pas démontré l'existence de circonstances extraordinaires.


[42]       Il y a lieu de concilier les intérêts en jeu pour décider si les avantages de la divulgation l'emportent sur le coût et l'aggravation du fardeau administratif associés à cette divulgation (Brown & Evans, précité; Gallant c. Canada (Sous-commissaire, Service correctionnel Canada), [1989] 3 C.F. 329 (C.A.)). La création d'un mécanisme de traitement des griefs distincts dans les Consignes relatives aux promotions visait à mettre sur pied un processus distinct et efficace pour le traitement des griefs relatifs aux promotions au sein de la GRC; en alourdissant ce processus par des dispositions procédurales détaillées, on risque d'empêcher la réalisation de ces objectifs. En outre, la communication des documents ne serait pas d'une grande utilité pour le gend. Shephard. La feuille de réponse contient uniquement des cases représentant les choix multiples où le demandeur a grisé les réponses qu'il a choisies. L'arbitre n'a pas la compétence voulue pour dire si une réponse est bonne ou fausse et s'il convient de modifier la note obtenue à l'examen. Si l'on contestait la réponse fournie à une question, l'arbitre aurait besoin du témoignage d'autres spécialistes, ce qui transformerait la demande d'intervention en un examen des délibérations et des conclusions du comité d'élaboration des examens et non pas en un examen de la correction, un processus que n'envisagent pas les Consignes relatives aux promotions. La conciliation des intérêts en jeu démontre ainsi qu'un système interdisant la divulgation de ces éléments offre des avantages pour toutes les parties concernées.

[43]       J'estime que la décision de l'arbitre montre qu'il a examiné la question de la divulgation des renseignements et des documents demandés par le demandeur. À la page 3 de sa décision, l'arbitre affirme avoir examiné les brèves observations du plaignant, les arguments de l'intimé au sujet de la divulgation des renseignements, la politique de la GRC, les Communiqués et les Bulletins du Manuel de gestion des carrières du Commissaire et la brochure qui avait été insérée dans le numéro de février 2000 du Pony Express pour expliquer la façon dont les examens avaient été préparés. L'arbitre a conclu que « certains membres pourraient critiquer certaines "bonnes" réponses, mais qu'il est évident qu'il s'agit là d'un exercice de nature subjective et qu'il faut se fier aux conseils fournis par les équipes chargées de préparer les examens destinés aux membres réguliers et par les professionnels embauchés par la GRC pour effectuer cette opération » . Il conclut finalement que, d'après tous les renseignements fournis, les plaignants ont été traités de façon équitable et conformément aux Consignes relatives aux promotions et à la politique applicable.


[44]      Le gend. Shephard soutient que l'arbitre n'a pas examiné la question de la divulgation des renseignements pertinents, et qu'il s'est contenté de déclarer que la politique lui interdisait d'ordonner la divulgation de ces renseignements. Je ne suis pas d'accord avec lui. Le texte de la décision indique que l'arbitre savait qu'il pouvait demander ces renseignements à l'intimé conformément à l'article 19 des Consignes relatives aux promotions et qu'il s'est demandé s'il y avait lieu d'accorder ce qui était demandé.

[45]       Le gend. Shephard soutient également que, puisque l'arbitre pensait apparemment que les renseignements demandés étaient pertinents, il a refusé d'exercer les pouvoirs qu'il possédait aux termes des Consignes relatives aux promotions en refusant de communiquer ces renseignements au demandeur. Le problème que soulève cet argument est que la pertinence n'est pas la seule question qui avait été soumise à l'arbitre. Les renseignements concernant l'ESE concernent bien entendu la note obtenue par le gend. Shephard à l'ESE. L'arbitre devait non seulement décider si ces renseignements étaient pertinents mais également s'ils devaient être communiqués, une fois leur pertinence reconnue. Sur ce point, il existait des éléments convaincants, sous la forme de la politique D.7 et de la raison qui sous-tendait cette politique, pour autoriser l'arbitre à conclure qu'il ne devait pas demander les renseignements souhaités et que ces renseignements ne devaient pas être transmis au gend. Shephard.


[46]       Pour ces motifs, je suis convaincue que la décision de l'arbitre n'était pas manifestement déraisonnable ou n'a pas été prise de façon arbitraire ou abusive.

L'arbitre a-t-il irrégulièrement limité son pouvoir discrétionnaire?

[47]       Le gend. Shephard soutient que l'arbitre a irrégulièrement limité son pouvoir discrétionnaire parce qu'il s'est contenté d'appliquer la politique D.7 (Fedoriuk c. Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, [1988] A.C.F. no 924 (C.A.) (QL); Jesso, précité). Je ne peux retenir cet argument.

[48]       D'après le traité de D.J.M Brown et J.M. Evans, Judicial Review of Administrative Action in Canada, classeur à feuilles mobiles (Toronto (Ontario) : Canvasback Publishing, 1998) (Brown et Evans), le décideur limite son pouvoir discrétionnaire s'il applique automatiquement des politiques, même si celles-ci ont été adoptées régulièrement. Les décideurs ne peuvent limiter leur pouvoir discrétionnaire en refusant d'examiner d'autres facteurs qui sont juridiquement pertinents, notamment celui de savoir si une politique donnée s'applique au cas dont ils sont saisis. Rien n'interdit cependant au décideur de prendre en considération des directives et des politiques dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, pourvu qu'il tienne compte des circonstances particulières de chaque affaire.


[49]       En l'espèce, la politique D.7.a prévoit que l'arbitre accorde au plaignant le droit de consulter les renseignements qui sont pertinents au différend et qui relèvent de la GRC sauf les questions d'examen d'avancement, les grilles de notation et les justifications des meilleurs et des moins bons choix de réponses. Étant donné que le demandeur sollicitait la communication de ces renseignements, il est évident que la politique D.7.a s'appliquait directement à cette affaire.

[50]       J'estime que l'arbitre n'a pas limité son pouvoir discrétionnaire en refusant au demandeur le droit de consulter ces documents. Dans sa décision, l'arbitre n'a pas, d'après moi, fait une application servile de la politique D.7.a. Il a plutôt examiné les arguments des parties sur les questions de la divulgation et de l'application de la politique ainsi que la raison d'être qui sous-tend cette politique.


[51]       Je reconnais aussi avec l'arbitre qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer sur l'à-propos des Consignes relatives aux promotions, de la politique ou du processus de promotion (paragraphe 2(3) des Consignes). Les dispositions des Consignes précisent clairement que le rôle de l'arbitre consiste à se prononcer sur toutes les questions reliées à une demande d'intervention et à ordonner que soit corrigé la décision, l'acte ou l'omission déclaré erroné. Si l'arbitre avait conclu, malgré la politique D.7, que les documents relatifs à l'ESE devaient être divulgués, il aurait pu l'ordonner. Cette décision n'aurait pas voulu dire que la politique ou le processus utilisé pour les promotions n'était pas approprié mais que, dans les circonstances de l'affaire, il y avait lieu de demander les documents souhaités.

Y a-t-il eu violation de l'équité procédurale et de la justice naturelle?

[52]       Même lorsque la décision prise par un décideur n'est pas manifestement déraisonnable, celle-ci peut néanmoins être annulée si la procédure utilisée par le décideur ne respecte pas les règles de la justice naturelle.

[53]       Le demandeur soutient que la politique qui figure dans le Manuel d'administration de la GRC a supprimé son droit à la justice et à l'équité. Le gend. Shephard soutient en outre que notre Cour a reconnu, dans le contexte des concours relatifs à un poste tenus aux termes des dispositions de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-33, que les règles de la justice naturelle et de l'équité procédurale exigeaient que soient divulguées les questions d'examen et les grilles de notation (Barton c. Canada (P.G.), [1993] A.C.F. no 746 (1re inst.) (QL); Kaczmar c. Canada (Revenu), [1999] A.C.F. no 1189 (1re inst.) (QL)). En outre, le gend. Shephard soutient que l'information demandée était essentielle pour que l'arbitre puisse se prononcer sur le fond de l'affaire (voir Jain c. Canada (Revenu), [1999] A.C.F. no 1201 (1re inst.) (QL); Magnasonic Canada Ltd. c. Canada (Anti-Dumping Tribunal), [1972] C.F. 1239 (C.A.)).


[54]       Il y a lieu de décider si l'équité procédurale exigeait qu'en l'espèce, l'arbitre communique les questions d'examen, les réponses et les raisons qui les sous-tendent et d'autre part, si l'arbitre n'a pas respecté l'équité procédurale lorsqu'il a pris sa décision concernant le gend. Shephard. Il est utile de commencer par examiner les critères énoncés par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817. La juge L'Heureux-Dubé, écrivant au nom d'une majorité des juges de la Cour déclare, aux paragraphes 22 à 27, que le contenu de l'obligation d'équité est influencé par la nature de la décision prise, le processus utilisé pour prendre la décision, la nature du régime législatif en question, le mandat confié au décideur, l'importance de la décision pour la personne concernée, les attentes légitimes à l'égard de la procédure suivie, le choix de procédure que fait l'organisme et l'expertise qu'il possède dans le choix de la procédure appropriée. La juge L'Heureux-Dubé a décidé, au paragraphe 22 de l'arrêt Baker, précité :

Je souligne que l'idée sous-jacente à tous ces facteurs est que les droits de participation faisant partie de l'obligation d'équité procédurale visent à garantir que les décisions administratives sont prises au moyen d'une procédure équitable et ouverte, adaptée au type de décision et à son contexte légal, institutionnel et social, comprenant la possibilité donnée aux personnes visées par la décision de présenter leurs points de vue complètement ainsi que des éléments de preuve de sorte qu'ils soient considérés par le décideur. [Non souligné dans l'original]


[55]       L'application de ces critères à la décision examinée ici entraîne les résultats suivants :

a)          La nature de la décision et du régime législatif

En l'espèce, il y a lieu d'apprécier la nature de la décision et le régime législatif en se référant aux Consignes relatives aux promotions et à la Loi. Le processus dont il s'agit ici ne ressemble pas étroitement au processus judiciaire. Les Consignes énoncent que les prétentions doivent être présentées par écrit (art. 18), et le seul type de mesure de redressement que peut obtenir le demandeur est une mesure corrective ordonnée par l'arbitre (art. 22 et 23). Les Consignes autorisent l'arbitre à demander aux parties de fournir des précisions et de présenter d'autres documents (art. 19 et 20), mais elles ne prévoient pas le genre de droit que l'on retrouve habituellement dans le processus judiciaire de communication de la preuve, comme les contre-interrogatoires au sujet des affidavits. L'arbitre a pour tâche de décider si le demandeur a été traité de façon équitable au cours du processus d'examen et de corriger les actes, omissions ou décisions erronés ayant entaché le processus. Ces éléments semblent indiquer un degré de protection procédurale relativement faible.


b)          L'importance de la décision pour la personne concernée

La décision de l'arbitre n'est pas susceptible d'appel (art. 25 des Consignes) mais la décision examinée ici ne constitue qu'un aspect d'un processus de promotion qui comprend trois étapes et elle n'est pas une décision qui porte sur un emploi ou une promotion particulière. S'il est vrai que le membre doit réussir l'ESE pour obtenir une promotion, il est également vrai que le fait de réussir l'ESE ne garantit pas cette promotion. La note d'examen n'est qu'un des facteurs qui déterminent le moment où le candidat sera considéré pour une promotion. Le demandeur peut également repasser chaque année l'ESE de caporal pour améliorer sa note. Par conséquent, si l'absence d'appel semble exiger des garanties procédurales plus généreuses (Baker, précité), il existe un nombre de facteurs qui militent en sens contraire. Ces facteurs indiquent également que la décision ne peut être assimilée au rejet d'une demande d'emploi et ne touche pas non plus le statut, les fonctions et les conditions d'emploi actuelles du demandeur; elle ne revêt donc pas une importance essentielle pour celui-ci. Par conséquent, ce critère appelle l'adoption d'une norme moins rigoureuse en matière de protection procédurale (Baker, précité).


c)          L'attente légitime

Dans les affaires qui concernent des politiques ou des pratiques traditionnelles, une modification soudaine et imprévue du processus antérieur pourrait entraîner une violation de l'équité procédurale. Cependant, en l'espèce, les Consignes relatives aux promotions créent un mécanisme nouveau qui n'existe pas depuis suffisamment longtemps pour avoir donné naissance à des pratiques établies. Il semble également qu'avant la mise en oeuvre de ces Consignes, la GRC se soit efforcée d'informer ses membres de cette nouvelle politique de non-divulgation. Les attentes légitimes que le gend. Shephard a pu avoir à l'égard de la procédure de la partie III ne vise pas le mandat particulier confié à l'arbitre dans cette affaire.

d)          Le choix de la procédure et l'expertise de l'arbitre

Comme cela a été examiné plus haut, les arbitres apportent à l'exercice de leurs fonctions des années d'expérience et d'expertise au sein de la GRC. Il convient donc de leur laisser le soin de mettre sur pied un processus de traitement des griefs et non pas de leur en imposer un.


[56]       Après avoir effectué cette analyse, je conclus qu'en l'espèce, l'obligation d'équité n'était pas très onéreuse et après avoir examiné la façon dont l'arbitre a prononcé sa décision, je suis convaincue que l'arbitre a respecté cette obligation. Plus précisément, je suis convaincue que le gend. Shephard connaissait les arguments qu'il devait réfuter et a eu une possibilité raisonnable de répondre à ce qui lui était reproché.

[57]       Le gend. Shephard cite un certain nombre de décisions qui concernent des concours tenus aux termes de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-33 (LEFP). Il soutient que ces décisions permettent d'affirmer que les règles de la justice naturelle et de l'équité procédurale exigent que soient communiquées les questions d'examen et les grilles de notation et que ces renseignements sont essentiels au traitement d'un grief. J'estime qu'il est facile de montrer que ces décisions ne s'appliquent pas aux faits de la présente espèce.


[58]       La première est une décision de la Cour dans l'affaire Barton c. Canada (P.G.), [1993] A.C.F. no 746 (1re inst.) (QL), dans laquelle le comité d'appel établi aux termes de la LEFP avait décidé d'autoriser la communication de documents relatifs à l'examen à une personne possédant des compétences dans le domaine de l'évaluation. La Cour a jugé que le comité d'appel avait commis une erreur lorsqu'il avait refusé de divulguer ces renseignements au représentant de l'appelant. La décision a été annulée et l'affaire renvoyée au comité d'appel pour nouvel examen. Cette affaire ne montre pas, comme le soutient le gend. Shephard, que les documents relatifs à un examen doivent être divulgués. Étant donné que le comité d'appel avait déjà autorisé la divulgation du matériel à un psychologue agréé, la seule question en litige devant la Cour était de savoir si le représentant des demandeurs aurait également dû être autorisé à prendre connaissance de ces renseignements. En fait, je note que le juge Rothstein (maintenant juge à la Cour d'appel) a mentionné que le comité d'appel aurait pu refuser de divulguer des renseignements confidentiels au représentant des demandeurs. L'affaire Barton ne peut donc être invoquée à l'appui des arguments du gend. Shephard.

[59]       Les deux autres affaires qu'a citées le gend. Shephard sont Kaczmar c. Canada (Revenu), [1999] A.C.F. no 1189 (1re inst.) (QL) et Jain c. Canada (Revenu), [1999] A.C.F. no 1201 (1re inst.) (QL), des décisions portant sur l'interprétation et l'application de certaines dispositions du Règlement sur l'emploi dans la fonction publique, 1993, DORS/93-286, modifiées par DORS/96-482. L'article 24 de ce Règlement crée un mécanisme réglementaire détaillé pour la divulgation des renseignements relatifs à un concours de la fonction publique fédérale. Le paragraphe 24(1) du Règlement énonce que l'appelant (habituellement un candidat malheureux à une dotation de poste) a le droit de recevoir les renseignements le concernant ou concernant un candidat ayant obtenu un poste. Ces deux affaires portaient sur les obligations découlant des dispositions réglementaires. En l'espèce, il n'existe pas de disposition équivalente à l'article 24 dans les Consignes. Ces décisions ne sont donc pas applicables à mon analyse.


[60]       Enfin, après avoir examiné le dossier, je suis convaincue que le gend. Shephard connaissait les renseignements dont faisaient état les observations présentées à l'arbitre. Il connaissait donc les arguments qu'il lui fallait réfuter. En particulier, j'ai soigneusement examiné le courriel envoyé par M. Gilbert Groulx, daté du 22 mars 2001, et les commentaires détaillés du surintendant J.C.G. Fortin, qui n'ont peut-être pas été communiqués officiellement au gend. Shephard. Je reconnais que l'arbitre a peut-être commis une erreur sur ce point. Cependant, aucun de ces documents ne contenait de renseignements que le gend. Shephard ne connaissait pas. Compte tenu de la norme d'équité procédurale peu onéreuse applicable en l'espèce et du contenu de ces documents, je suis convaincue que, même si ces documents n'ont pas été directement transmis au gend. Shephard, cette erreur ne peut fonder l'annulation de la décision attaquée. Le gend. Shephard a eu la possibilité de prendre connaissance des arguments qu'il devait réfuter.

Les actes qu'a posés l'arbitre donnent-ils naissance à une crainte raisonnable de partialité?


[61]       Le demandeur met en doute l'impartialité de l'arbitre étant donné la relation étroite qui existe entre les arbitres, qui sont membres de la direction de la GRC, le défendeur. Sur ce point, il soutient que la présente affaire est comparable à l'affaire 2747-3174 Québec Inc. c. Québec (Régie des permis d'alcool), [1996] 3 R.C.S. 919, où la question centrale portait sur le fait que l'avocat poursuivant avait participé au processus décisionnel. En outre, le gend. Shephard fait remarquer que l'avocat du défendeur a participé, à titre d' « avocat poursuivant » , au processus d'arbitrage, comme le montrent les conseils juridiques fournis par M. Gilbert Groulx, avocat des Services juridiques de la GRC et le fait que les arbitres semblent s'être consultés.

[62]       L'impartialité reflète l'idée que la justice doit non seulement être rendue mais qu'elle doit aussi paraître avoir été rendue (Mullan, David J., Administrative Law (Toronto : Irwin Law, 2001) page 322). La partialité réelle ou apparente peut compromettre l'impartialité d'un tribunal (Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone, [2003] A.C.S. n ° 36 (QL), à la page 18, citant le juge Gonthier dans Régie, précité, citant le juge Le Dain dans Valente c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 673, à la page 685).

[63]       La Cour suprême du Canada a, dans Comm. for Justice c. L'Office national de l'énergie, [1978] 1 R.C.S. 369, à la page 394, exposé le critère qu'il convient d'appliquer pour décider de l'existence d'une crainte raisonnable de partialité :

. . . à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [le tribunal], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste?


[64]       Le gend. Shephard compare sa cause à la situation dont il s'agissait dans Régie, précité. Dans Régie, précité, la Cour a jugé qu'il existait une crainte raisonnable de partialité institutionnelle. Cette partialité découlait du fait que la loi en cause autorisait les employés de la Régie à participer à toutes les étapes du processus, depuis l'enquête jusqu'à la décision finale. Par exemple, les avocats de la Régie étaient appelés à conseiller la Régie sur les mesures juridiques à prendre, à rédiger des avis de sommation, à présenter des arguments aux arbitres et à préparer des opinions. Aucun mécanisme n'empêchait le même avocat d'agir comme « avocat poursuivant » pour la Régie et de rédiger des opinions à l'intention des arbitres sur les mêmes questions. En l'espèce, M. Groulx a pris des précautions pour prendre ses distances avec le processus décisionnel. Il a refusé de participer à une vidéoconférence organisée par les arbitres. Il semble en outre que les conseils obtenus par les arbitres sur leurs demandes aient été fournis aux parties et que les consultations approfondies au sujet des répercussions de cette décision ont été faites ouvertement et que toutes les parties y ont participé. C'est pourquoi je ne considère pas que la situation en l'espèce ressemble à celle de l'affaire Régie, précitée.


[65]       Ce n'est pas non plus un cas où l'arbitre a aveuglément appliqué une politique et où ses pouvoirs n'étaient pas clairement encadrés. C'est plutôt le contraire qui s'est produit. Le rapport existant entre les Consignes relatives aux promotions et la politique D.7 a fait l'objet d'un large débat. Le fait que l'arbitre ait décidé d'appliquer la politique en matière de non-divulgation ainsi que la règle à ce sujet, conformément aux conseils juridiques fournis par M. Gilbert Groulx, n'entraîne pas inexorablement la conclusion qu'il existait une crainte de partialité. Pour décider s'il est possible de penser que l'arbitre n'a pas fait preuve de l'indépendance nécessaire dans sa réflexion, il faut examiner sa décision non seulement à la lumière des conseils juridiques fournis par M. Groulx mais aussi dans le contexte du large débat qui a eu lieu à ce sujet.

[66]       L'arbitre a pu tirer profit du large débat qu'ont suscité les Consignes relatives aux promotions et la question de la divulgation au sein de la Gendarmerie. Le dossier montre que l'arbitre a obtenu le point de vue de nombreux éléments de la GRC, notamment : le demandeur, le défendeur pour la plainte initiale, les RDRF (défenseurs des plaignants au sein de la GRC, y compris du demandeur), la direction des politiques nationales en affectation, les services juridiques, les réviseurs des griefs et autres arbitres. Tout cela constituait une consultation légitime à laquelle participaient plusieurs parties dans les limites établies par SITB c. Consolidated-Bathurst Packaging Ltd., [1990] 1 R.C.S. 282; Ellis-Don Ltd. c. Ontario (Commission des relations de travail), [2001] 1 R.C.S. 221).


[67]       Dans les arrêts SITB, précité et Ellis-Don, précité, les membres d'une formation de la Commission des relations de travail (la Commission) qui avaient entendu ces affaires avaient participé à des réunions plénières de la Commission au cours desquelles les règles de droit et les politiques touchant leurs décisions avaient fait l'objet d'un débat approfondi. La Cour suprême a approuvé ces pratiques à titre de consultations légitimes tenues dans le souci d'assurer l'uniformité de la jurisprudence de la Commission et parce que les faits concernant les affaires soumises à ces formations n'avaient pas été débattus. Les décideurs étaient les membres de la formation qui avaient entendu cette affaire et le débat n'a pas fait apparaître de faits nouveaux auxquels les parties n'auraient pas eu la possibilité de répondre. Par conséquent, les deux principes de la justice naturelle, soit le droit de réfuter les arguments de la partie adverse et celui d'être entendu par un décideur impartial, n'avaient pas été violés.

[68]       Il est vrai qu'en l'espèce la consultation n'a pas été limitée aux arbitres mais a été étendue à d'autres parties mais il n'y existe aucune raison de ne pas suivre le raisonnement tenu dans ces deux affaires. Les arbitres ont tout simplement fait de leur mieux pour appliquer le nouveau mécanisme. Les consultations ont uniquement porté sur l'application des Consignes et de la politique D.7 et non pas sur la situation particulière d'un des plaignants. Au lieu de trancher eux-mêmes ces questions, ils ont communiqué avec tous les groupes touchés par la décision et ils ont collaboré avec eux pour examiner cette question. Ils devraient être félicités d'avoir pris cette initiative. J'aurais certainement pris une décision différente s'il était démontré qu'ils avaient obtenu des conseils provenant d'une seule partie à ce différend et s'ils s'étaient fondés sur ces conseils. Ce n'est pas ce qu'ils ont fait.


[69]       Il convient également de rappeler qu'il s'agit ici d'un mécanisme décisionnel interne. Comme nous l'avons examiné plus haut, les règles de l'équité procédurale sont moins exigeantes dans ce cas-ci qu'elles le sont pour un organisme administratif quasi judiciaire, comme l'Office national de l'énergie, la Commission dont il était question dans Committee for Justice and Liberty, précité. Il ne serait pas souhaitable d'imposer des règles rigoureuses et injustifiées pour la procédure de grief. Cela ne veut pas dire que les personnes touchées par les décisions des arbitres prises aux termes des Consignes relatives aux promotions peuvent être traitées de façon abusive ou inéquitable. Cependant, comme cela a été examiné plus haut, je ne vois pas d'élément indiquant que cela ait été le cas.

[70]       Pour ces motifs, je pense qu'une personne informée, qui examinerait la question de façon réaliste et pratique, conclurait que l'arbitre trancherait de façon équitable la question qui lui est soumise. Il n'y a donc pas de raison de conclure qu'il existait une crainte raisonnable de partialité de la part du décideur.

Conclusion

[71]       Pour les motifs exposés précédemment, la présente demande est rejetée en raison des conclusions qui suivent :


1.          Le Commissaire n'a pas excédé les pouvoirs que lui attribuait la Loi lorsqu'il a adopté les parties des Consignes relatives aux promotions qui a) suppriment le droit d'appel accordé dans la partie III de la Loi et le droit d'un membre de consulter les résultats de son examen et les documents s'y rapportant et b) la partie de la politique D.7 qui interdit l'accès aux résultats d'un examen.

2.          L'arbitre n'a pas commis d'erreur lorsqu'il a pris sa décision, à savoir :

a.          la décision n'a pas été prise de façon arbitraire ou abusive ou sans tenir compte des éléments de preuve présentés;

b.          l'arbitre n'a pas indûment limité son pouvoir discrétionnaire ou omis d'exercer ses pouvoirs en se considérant comme tenu d'appliquer la politique D.7;

c.          l'arbitre a respecté les obligations que lui imposait l'équité à l'égard du gend. Shephard;


d.          le fait que l'arbitre ait consulté d'autres arbitres et qu'il ait demandé des renseignements au bureau du Commissaire et qu'il les ait pris en considération n'a pas donné naissance à une crainte raisonnable de partialité.

Les dépens

[72]       Sur consentement, la Cour autorise, le 29 octobre 2003, les parties à présenter des observations à la Cour pour demander des directives concernant l'ordonnance relative aux dépens datée du 23 septembre 2003 ainsi que des observations générales relatives aux dépens de la présente instance, après le prononcé de la décision. Par conséquent, les parties auront jusqu'au 21 novembre 2003 pour signifier et déposer des observations sur les dépens en la présente instance et jusqu'au 28 novembre 2003 pour signifier et déposer une réponse, le cas échéant.

                                                          ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.


2.        Les parties ont jusqu'au 21 novembre 2003 pour signifier et déposer des observations concernant les dépens et jusqu'au 28 novembre 2003 pour signifier et déposer une réponse, le cas échéant.

                                                                                                                  _ Judith A. Snider _              

                                                                                                                                         Juge                          

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                       COUR FÉDÉRALE

                                        AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-892-02

INTITULÉ :                                        PAUL VINCENT SHEPHARD c.

J.C.G. FORTIN ET AL.

LIEU DE L'AUDIENCE :                 ST. JOHN'S (T.-N.)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE LUNDI 20 OCTOBRE 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LA JUGE SNIDER

DATE DES MOTIFS :                       LE JEUDI 6 NOVEMBRE 2003

COMPARUTIONS :

AUGUSTINE F. BRUCE ET                                                          POUR LE DEMANDEUR

SHEILA OSBORNE-BROWN

JAMES GUNVALDSEN-KLAASSEN                                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

BENSON, MYLES                                                                         POUR LE DEMANDEUR

ST. JOHN'S (T.-N.)

MORRIS ROSENBERG                                                                  POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

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