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Date : 20020515

Dossier : IMM-4009-01

Toronto (Ontario), le mercredi 15 mai 2002

EN PRÉSENCE DE :      MONSIEUR LE JUGE MacKAY

ENTRE :

                                  TRUONG NHU TRUONG

                                                                                                 demandeur

                                                         et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

ORDONNANCE

Sur présentation d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision en date du 3 janvier 2001 rejetant la demande que le demandeur, qui était parrainé par sa conjointe, avait présentée en vue d'obtenir le droit d'établissement depuis le Canada pour des raisons d'ordre humanitaire;


Les avocats des parties ayant été entendus à Toronto le 14 mai 2002 et la Cour ayant ensuite rendu une décision orale, laquelle est par les présentes confirmée;

LA COUR ORDONNE ET CONFIRME :

1.    La demande est accueillie.

2.    La décision contestée en date du 3 janvier 2001 est annulée.

3.          La demande du demandeur, y compris les arguments supplémentaires que celui-ci a présentés au mois de mai 2000 à la demande de l'agente concernée et dont il n'a pas été tenu compte au moment où la décision a été prise, est renvoyée pour qu'un représentant différent du défendeur la réexamine.

4.          L'examen de la demande sera effectué aux conditions suivantes :

i)                      il sera pleinement et équitablement tenu compte de l'intérêt des enfants du demandeur ainsi que de ceux de sa conjointe et des autres membres de la famille qui sont au Canada, étant donné que le renvoi du demandeur peut influer sur ces intérêts;


ii)                     le représentant du défendeur pourra décider de tenir compte des arguments que les parties auront présentés au sujet des événements pertinents qui se sont produits depuis le mois de mai 2000, de façon que la décision, lorsqu'elle sera prise, ait un rapport avec les renseignements pertinents récemment obtenus.

     

                     « W. Andrew MacKay »             

Juge

  

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


    

Date : 20020515

Dossier : IMM-4009-01

Référence neutre : 2002 CFPI 570

ENTRE :

                                  TRUONG NHU TRUONG

                                                                                                 demandeur

  

                                                         et

  

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY

[1]         Dans cette demande de contrôle judiciaire, les circonstances inhabituelles dans lesquelles la décision en cause a été prise, décision qui a été communiquée au demandeur par une lettre en date du 3 janvier 2001, justifient à mon avis le réexamen de la demande que le demandeur a présentée en vue d'obtenir la résidence permanence depuis le Canada pour des raisons d'ordre humanitaire.


[2] Les faits fondamentaux concernant le demandeur et la façon dont la décision relative à la demande d'ordre humanitaire a été prise ne sont pas contestés.

[3] Le demandeur a quitté le Vietnam à titre de réfugié en 1985; il a été admis au Canada en tant qu'immigrant ayant obtenu le droit d'établissement en 1986, lorsqu'il avait environ 16 ans. Il a été déclaré coupable de vol qualifié et de possession de biens volés et s'est vu infliger une peine à cet égard. Par suite de la déclaration de culpabilité, le demandeur a été frappé d'une mesure d'expulsion en 1993. Le demandeur a fait l'objet d'une mise en liberté conditionnelle, mais il a de nouveau eu des démêlés en justice. Lorsqu'il a finalement été mis en liberté, le demandeur a été détenu par les autorités de l'Immigration pendant plus de deux ans, à compter du mois de novembre 1994.

[4] La mesure d'expulsion dont le demandeur avait été frappé en 1993 a fait l'objet d'un appel, mais il a été déclaré que l'appel avait été abandonné au mois de décembre 1994, le demandeur ayant omis de comparaître. Le demandeur affirme ne pas avoir été avisé de la tenue de l'audience même si, à ce moment-là, il était détenu par les autorités de l'Immigration.


[5]         En 1997, le demandeur et sa conjointe, que le demandeur avait initialement rencontrée en 1993 et qui avait eu un enfant en 1994, ont commencé à cohabiter en tant que conjoints de fait et, au mois de décembre 1998, il se sont mariés. Le couple a eu un deuxième enfant au mois de janvier 1999. Au mois de décembre 1999, le demandeur, qui était parrainé par sa conjointe, a présenté une demande en vue de résider en permanence au Canada. Les conjoints ont été convoqués à une entrevue le 11 avril 2000. À ce moment-là, le casier judiciaire du demandeur n'indiquait aucune infraction depuis 1994. Le demandeur avait un emploi stable, il subvenait fondamentalement aux besoins de sa famille, et gagnait environ les trois quarts du revenu familial total destiné à sa conjointe, à ses deux enfants et à lui-même. Les parents du demandeur ainsi que deux frères et quatre soeurs résident au Canada et il ne reste aucun membre de la famille au Vietnam.

[6]         Le jour de l'entrevue, au mois d'avril 2000, l'agente concernée a écrit au demandeur pour l'informer qu'il devait fournir des renseignements additionnels en vue de permettre l'appréciation de la demande d'ordre humanitaire et lui demander de retourner dans un délai de 30 jours un formulaire de demande d'approbation de la réadaptation qui était joint à la lettre et qui devait être utilisé aux fins de l'appréciation seulement. La demande ainsi que les renseignements demandés ont été retournés et reçus au CIC d'Etobicoke le 5 mai 2000. Pour des raisons inexpliquées, ces renseignements n'ont été versés au dossier de la demande d'ordre humanitaire que plusieurs mois plus tard.


[7]         Le 30 novembre 2000, l'agente concernée chargée de la demande d'ordre humanitaire a examiné le dossier. Elle a noté que le demandeur n'avait pas répondu à la demande qu'elle avait faite au mois d'avril, à savoir qu'il retourne une [TRADUCTION] « trousse de demande d'approbation de la réadaptation » remplie, et qu'en l'absence de motifs suffisants permettant d'apprécier les raisons pour lesquelles le demandeur se livrait à des activités criminelles, elle n'était pas convaincue que les infractions commises n'étaient pas graves et que le demandeur éprouvait des remords. Dans les notes de l'agente, il est également brièvement fait mention de la situation de la famille; l'agente a conclu qu'il n'était pas justifié de renoncer à l'application du paragraphe 9(1) de la Loi sur l'immigration, selon lequel un visa en vue de l'établissement à titre de résident permanent doit être obtenu à l'extérieur du Canada. La décision de l'agente n'a pas été communiquée au demandeur à ce moment-là. Le demandeur a uniquement été mis au courant des notes qui avaient été prises le 30 novembre 2000 lorsque le dossier de son cas a été produit par le ministère dans le cadre du présent contrôle judiciaire.

[8]         Le 3 janvier 2001, une lettre a été envoyée au demandeur pour l'informer du rejet de la demande qu'il avait présentée afin de faire traiter sa demande depuis le Canada pour des raisons d'ordre humanitaire. Dans cette lettre, il est dit que le cas avait été examiné le 30 novembre 2000 et qu'il avait alors été décidé qu'une dispense de l'exigence voulant que la demande soit présentée depuis l'étranger [TRADUCTION] « ne sera[it] pas accordée » . Les notes que l'agente concernée avait prises le 30 novembre 2000, même si elles étaient intitulées [TRADUCTION] « Décision et motifs » , n'avaient pas été envoyées au demandeur. C'est la décision dont fait état la lettre du 3 janvier, adressée au demandeur, qui fait l'objet du présent contrôle judiciaire. Aucun motif n'est énoncé dans la lettre à l'appui de la décision.


[9]         Le 11 avril 2001, l'agente qui avait refusé la demande d'ordre humanitaire a été informée que la [TRADUCTION] « trousse de demande d'approbation de la réadaptation » qu'elle avait demandée au demandeur de retourner, le 11 avril 2000, avait été reçue par le ministère le 5 mai 2000 et qu'elle avait été versée au dossier du demandeur après que la décision défavorable eut été prise. L'agente, qui reconnaissait que le demandeur n'était aucunement fautif, a décidé d'examiner les arguments qu'elle n'avait pas lus ou appréciés [TRADUCTION] « afin de prendre une décision éclairée » comme elle l'a dit dans un [TRADUCTION] « Addenda » écrit joint au dossier de la demande d'ordre humanitaire. Dans cet [TRADUCTION] « Addenda » , il était déclaré que tous les renseignements avait été examinés; l'agente ajoutait ce qui suit :

[TRADUCTION] [...] Les nouveaux renseignements ne m'ont pas fait changer d'idée et ne m'amènent pas à penser que les infractions commises ne sont pas suffisamment graves pour l'emporter sur le fait qu'il a une conjointe, des enfants et une famille au Canada. Je ne suis donc pas convaincue qu'il existe suffisamment de raisons d'ordre humanitaire pour qu'il soit possible de renoncer à l'application du paragraphe 9(1) et, à ce jour, la décision défavorable que j'ai prise est encore valable.

[10]       Comme c'était le cas pour la [TRADUCTION] « Décision et [les] motifs » du mois de novembre 2000, [TRADUCTION] l' « Addenda » n'avait pas été communiqué au demandeur ou à son avocat, ceux-ci n'ayant été mis au courant de son existence qu'au moment où le dossier du décideur a été produit dans la présente instance. À l'audience, les avocats des deux parties ont initialement interprété ces deux documents comme constituant les motifs de la décision de l'agente.


[11]       Je ne doute pas des bonnes intentions de l'agente concernée lorsqu'elle a examiné le cas du demandeur en apprenant qu'après avoir pris sa décision défavorable le 3 janvier 2001, les renseignements demandés, que le demandeur avait fournis, n'avaient pas été pris en considération de la façon appropriée. Néanmoins, la procédure suivie eu égard aux circonstances de l'affaire était à mon avis essentiellement inéquitable parce que le personnel du défendeur avait transmis à l'agente concernée pour examen les arguments du demandeur, qui avaient été demandés et qui avaient été reçus dans le délai imparti de 30 jours huit mois après que l'agente eut pris sa décision, par une lettre en date du 3 janvier 2001.

[12]       Lorsque l'agente a examiné l'affaire au mois d'avril 2001 après que la décision défavorable eut été prise, l'examen de la situation du demandeur sur le plan humanitaire semble avoir été effectué selon une norme différente de celle qui avait initialement été utilisée. Si je comprends bien les déclarations plutôt contradictoires que l'agente a faites dans [TRADUCTION] l' « Addenda » susmentionné, la norme au moment de l'examen du mois d'avril était de savoir si les [TRADUCTION] « nouveaux renseignements » avaient réussi à convaincre l'agente que les infractions qui avaient été commises n'étaient pas suffisamment graves pour l'emporter sur les facteurs d'ordre humanitaire justifiant une décision favorable. À mon avis, malgré les bonnes intentions de l'agente, la procédure par laquelle la demande d'ordre humanitaire avait été examinée était inéquitable. En outre, les renseignements essentiels, soumis au défendeur, n'ont pas été pris en considération lorsque la décision en question a été prise. La décision sera annulée et la demande sera réexaminée par un agent différent.


[13]       J'ordonne que, dans le cadre de ce réexamen, il soit pleinement et équitablement tenu compte de l'intérêt des enfants du demandeur ainsi que de ceux des autres membres de la famille si le demandeur était renvoyé du Canada. La question de savoir si la chose a été faite dans le cadre de la décision du 3 janvier 2001 est en litige, mais je n'ai pas à régler cette question. Toutefois, je note que l'évolution de la jurisprudence depuis que cette décision a été prise peut indiquer la façon dont il devrait être maintenant tenu compte de ces intérêts.

[14]       Enfin, l'ordonnance qui est rendue prévoit qu'en examinant la demande, le représentant du défendeur pourra décider d'examiner les arguments que les parties ont présentés au sujet des événements qui se sont produits depuis le mois de mai 2000 lorsque le demandeur a fourni pour la dernière fois des renseignements pour examen, de façon que la décision qui sera prise se rapporte aux renseignements pertinents récemment obtenus, et ce, peu importe qu'ils soient favorables ou non à la demande d'ordre humanitaire.

[15]       Une ordonnance est rendue conformément à ces conclusions.

  

                    « W. Andrew MacKay »                

Juge

  

Toronto (Ontario)

Le 15 mai 2002

  

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                              COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

DOSSIER :                                                         IMM-4009-01

INTITULÉ :                                                        TRUONG NHU TRUONG

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

  

LIEU DE L'AUDIENCE :                                TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                              LE MARDI 14 MAI 2002

  

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              MONSIEUR LE JUGE MacKAY

DATE DES MOTIFS :                                     LE MERCREDI 15 MAI 2002

  

COMPARUTIONS :

M. Marvin Moses                                                POUR LE DEMANDEUR

M. James Todd                                                   POUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Moses et associés                                                POUR LE DEMANDEUR

Avocats

48, avenue University

Bureau 610

Toronto (Ontario)

M5G 1V2

Morris Rosenberg                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

    

Date : 20020515

Dossier : IMM-4009-01

  

ENTRE :

  

             TRUONG NHU TRUONG

  

                                                           demandeur

  

                                     et

  

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                            

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                           

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