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Date : 20041014

Dossier : T-612-00

Référence : 2004 CF 1423

ENTRE :

                                                          DAVID M. SHERMAN

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                          LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

MADAME LA JUGE LAYDEN-STEVENSON


[1]                Le demandeur, David M. Sherman, est conseiller fiscal et auteur d'ouvrages sur la fiscalité. Il cherche à obtenir la communication de certains renseignements d'ordre statistique de l'Agence du Revenu du Canada (ARC) concernant l'assistance en matière de perception en vertu du paragraphe 1 de l'article XXVII se rapportant à l'article XXVI A du Protocole modifiant la Convention entre le Canada et les États-Unis d'Amérique en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (la Convention). L'article XXVI A vise à permettre au Canada et à l'Internal Revenue Service des États-Unis (IRS) de se prêter mutuellement assistance pour percevoir les impôts. La Convention et le Protocole la modifiant ont été mis en oeuvre par la Loi de 1984 sur la Convention Canada-États-Unis en matière d'impôts, S.C. 1984, ch. 20 et la Loi modifiant la Loi de 1984 sur la Convention Canada-États-Unis en matière d'impôts, L.C. 1995, ch. 34, respectivement.

LES FAITS

[2]                M. Sherman avait demandé à Revenu Canada (maintenant l'ARC), le 19 février 1999, la communication des renseignements suivants :

[traduction] En ce qui concerne l'article XXVI A de la Convention fiscale entre le Canada et les États-Unis, qui permet à Revenu Canada et à l'Internal Revenue Service des États-Unis (l'IRS) de se prêter mutuellement assistance pour percevoir les impôts :

1. Depuis que cette disposition est entrée en vigueur en 1995, combien de demandes Revenu Canada a-t-il faites à l'IRS et combien de demandes l'IRS a-t-il faites à Revenu Canada?

2. Quel est le montant total, en dollars, qui était en cause lorsqu'il s'est agi pour ces deux organismes de se prêter mutuellement assistance pour percevoir les impôts?

3. Dans quelle proportion les demandes ont-elles été acceptées par chacun des deux organismes aux fins de la prise de mesures?

4. Dans quelle proportion les mesures prises par chacun des deux organismes, à la suite d'une demande, ont-elles porté fruit?

5. Quel est le pourcentage des sommes demandées, en dollars, qui ont été perçues et remises par chacun des deux organismes?

6. Est-il possible d'obtenir la répartition annuelle (pour les années 1995, 1996, 1997 et 1998) de chacun des montants susmentionnés?


[3]                Le représentant ministériel de Revenu Canada, le directeur de la Division de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels, a refusé la demande le 10 mai 1999, au motif que les renseignements demandés étaient visés par les exceptions prévues aux alinéas 13(1)a) et 16(1)b) et c) de la Loi sur l'accès à l'information, L. R.C. (1985), ch. A-1 (la Loi). M. Sherman a déposé une plainte auprès du Commissaire à l'information, mais sa plainte a été rejetée. En ce qui concerne l'alinéa 13(1)a) de la Loi, le Commissaire a décidé :

[traduction] Après avoir examiné personnellement le document refusé, je suis d'avis que les renseignements exemptés en vertu de cet alinéa ont été obtenus à titre confidentiel du gouvernement d'un État étranger. Rien n'indique que les renseignements refusés font partie du domaine public et il n'y a pas eu consentement à la communication.

[4]                En ce qui concerne les alinéas 16(1)b) et c), le Commissaire a conclu :

[traduction] Je suis convaincu que la divulgation des renseignements exemptés risquerait vraisemblablement de nuire aux activités destinées à faire respecter les lois au Canada. De plus, je suis convaincu que le pouvoir discrétionnaire prévu dans cette disposition a été exercé de la façon appropriée. Donc, à mon avis, l'alinéa 16(1)c) a été appliqué correctement. Comme l'alinéa 16(1)b) a été appliqué en même temps que celui-ci, je n'ai pas à me prononcer sur l'application de cette exception.

[5]                M. Sherman a demandé le contrôle judiciaire de la décision du ministre. Le 22 mai 2002, la Section de première instance de la Cour fédérale, telle qu'elle était alors constituée, a rejeté la demande au motif que les renseignements demandés étaient visés par l'exception prévue à l'alinéa 13(1)a) de la Loi. Ayant ainsi statué, le juge des demandes n'a pas jugé nécessaire d'examiner la position du ministre à l'égard des alinéas 16(1)b) et c).


[6]                M. Sherman a interjeté appel de la décision de la Section de première instance. La Cour d'appel fédérale a accueilli l'appel et conclu que l'exception prévue à l'alinéa 13(1)a) de la Loi ne pouvait, pour la plus grande partie, se justifier en droit. La Cour d'appel a statué que l'exception ne vise que les renseignements reçus par le Canada des États-Unis. Il n'existe pas d'exception pour tous les renseignements échangés à moins que ces renseignements ne contiennent aussi des renseignements reçus des États-Unis qui seraient révélés du fait de la divulgation des renseignements canadiens. Les statistiques générées par le ministre et tirées de renseignements obtenus des États-Unis ne sont pas visées par l'exception, à moins que leur divulgation ne révèle le contenu des renseignements confidentiels eux-mêmes.

[7]                Les conclusions relatives à chacun des points de la demande de M. Sherman ont été résumées sous forme de schéma au paragraphe 40 de l'arrêt Sherman c. Canada (Ministre du Revenu national), [2003] 4 C.F. 865 (C.A.) (Sherman). Toutefois, par suite d'un malentendu, les renseignements à l'égard desquels les exceptions étaient invoquées n'avaient pas été déposés devant la Cour d'appel. Par conséquent, la Cour d'appel n'était pas en mesure de déterminer si la nature des renseignements était telle qu'ils pouvaient être facilement extraits des renseignements protégés contre la communication. La Cour d'appel ne pouvait non plus déterminer si, malgré la communication qui pourrait être permise en dépit de l'alinéa 13(1)a), les renseignements sont néanmoins protégés par les exceptions prévues aux alinéas 16(1)b) et c) de la Loi.    

[8]                Outre ses conclusions concernant l'alinéa 13(1)a), la Cour d'appel a noté un certain nombre de facteurs ayant leur importance. Je rappelle les éléments suivants :

-          la charge de la preuve nécessaire pour établir une exception à la communication incombe à la partie qui s'oppose à la communication;

-          le droit de se prévaloir d'une exception doit être établi selon la probabilité la plus forte;


-          l'opinion du Commissaire à l'information est un facteur dont la Cour doit tenir compte lorsqu'elle détermine si les renseignements doivent être communiqués;

-          l'objet de la Loi est de conférer un droit étendu à la communication des renseignements contenus dans les documents de l'administration fédérale;

-          toutes les exceptions doivent être précises et limitées et, en cas d'ambiguïté, la Cour devrait choisir l'interprétation qui porte le moins possible atteinte au droit d'accès à l'information reconnu au public;

-          les erreurs de droit doivent être appréciées selon la norme de la décision correcte, tandis que les conclusions de fait ne peuvent pas être infirmées à moins de résulter d'une erreur manifeste et dominante. Les conclusions mixtes de fait et de droit sont régies par un critère fondé sur le caractère raisonnable, mais lorsqu'il est possible de dégager la question de droit de la question de fait dans le cas d'une question mixte, la détermination de la question de droit est susceptible de révision selon la norme de la décision correcte;

-          M. Sherman ne cherche pas à obtenir à des fins personnelles les renseignements refusés. En sa qualité de chercheur et d'auteur, il veut apprécier le système actuel d'assistance à la perception de l'impôt ainsi que son efficience par rapport aux coûts;

-          M. Sherman cherche également à déterminer, selon la perspective canadienne, la mesure dans laquelle le ministre s'acquitte de son obligation publique d'appliquer les lois fiscales au profit des contribuables canadiens;


-          M. Sherman ne cherche pas à obtenir des renseignements personnels au sujet de contribuables, ces renseignements étant de nature confidentielle et devant continuer à l'être. Il veut avoir accès à des renseignements statistiques se rapportant au système conjointement mis en place par les gouvernements américain et canadien;

-          la demande de M. Sherman soulève des questions d'intérêt public pour ce qui est de l'interprétation du paragraphe premier de l'article XXVII de la Convention et de la mesure dans laquelle certaines dispositions relatives aux exceptions s'appliquent, dans le contexte de la Convention en question, aux documents générés par le ministre à partir de renseignements confidentiels obtenus des États-Unis;

-          dans la question no 6, M. Sherman a demandé la répartition annuelle des statistiques se rapportant aux éléments visés par les cinq questions antérieures. Il n'existe aucune répartition annuelle.

LA QUESTION EN LITIGE

[9]                Les renseignements que la Cour a maintenant examinés sont-ils protégés par des exceptions?

LES DISPOSITIONS LÉGALES APPLICABLES

[10]            La portée de l'exception de l'alinéa 13(1)a) a été déterminée par la Cour d'appel fédérale. Ce sont principalement les alinéas 16(1)b) et c) qui sont en litige dans la présente demande. Tous les alinéas mentionnés sont reproduits ci-dessous par souci de commodité.



Loi sur l'accès à l'information,

L.R.C. (1985), ch. A-1

13. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le responsable d'une institution fédérale est tenu de refuser la communication de documents contenant des renseignements obtenus à titre confidentiel :a) des gouvernements des États étrangers ou de leurs organismes;

[...]

16. (1) Le responsable d'une institution fédérale peut refuser la communication de documents :

[...]

b) contenant des renseignements relatifs à des techniques d'enquêtes ou à des projets d'enquêtes licites déterminées;

c) contenant des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de nuire aux activités destinées à faire respecter les lois fédérales ou provinciales ou au déroulement d'enquêtes licites, notamment :

(i) des renseignements relatifs à l'existence ou à la nature d'une enquête déterminée,

(ii) des renseignements qui permettraient de remonter à une source de renseignements confidentielle,

(iii) des renseignements obtenus ou préparés au cours d'une enquête;

[...]                          

Access to Information Act,

R.S.C. 1985, c. A-1

13. (1) Subject to subsection (2), the head of a government institution shall refuse to disclose any record requested under this Act that contains information that was obtained in confidence from

(a) the government of a foreign state or an institution thereof;

[...]

16. (1) The head of a government institution may refuse to disclose any record requested under this Act that contains

[...]

(b) information relating to investigative techniques or plans for specific lawful investigations;

(c) information the disclosure of which could reasonably be expected to be injurious to the enforcement of any law of Canada or a province or the conduct of lawful investigations, including, without restricting the generality of the foregoing, any such information

(i) relating to the existence or nature of a particular investigation,

(ii) that would reveal the identity of a confidential source of information, or

(iii) that was obtained or prepared in the course of an investigation;

[...]


L'ALINÉA 13(1)a)

[11]            Les avocats conviennent que je n'ai à examiner l'alinéa 13(1)a) que si je décide que les exceptions prévues aux alinéas 16(1)b) et c) ne s'appliquent pas. En ce cas, je dois déterminer, selon les critères définis par la Cour d'appel fédérale, quels renseignements sont visés par les exceptions et lesquels ne le sont pas.

L'ALINÉA 16(1)b)


[12]            M. Sherman fait valoir que cet alinéa ne s'applique pas parce qu'il ne cherche pas à obtenir des renseignements du type visé dans cette disposition. Il plaide que le terme « enquête » doit s'interpréter en fonction de la Loi de l'impôt sur le revenu, de la Loi sur la taxe d'accise et de la jurisprudence pertinente. Les mesures de recouvrement en vertu de ces lois ne se rattachent pas à des techniques d'enquêtes ou à des enquêtes futures. À titre subsidiaire, il plaide qu'une mesure de recouvrement ne fait pas intervenir de techniques d'enquêtes et que, à supposer même qu'elle en fasse intervenir, il ne cherche à obtenir que des statistiques concernant le résultat, non des renseignements au sujet des techniques.

[13]            Le ministre défendeur soutient que, conformément à la jurisprudence, la décision de la question de savoir si les renseignements sont visés par une exception se prend selon un processus en deux temps. Pour commencer, le ministre doit décider si les renseignements sont visés par l'exception en cause. Cette décision initiale est contrôlée selon la norme de la décision correcte. Si les renseignements sont visés par l'exception, le ministre doit, dans un deuxième temps, exercer son pouvoir discrétionnaire pour décider si les renseignements devraient être communiqués. En l'espèce, le ministre soutient que les renseignements se rapportent à des techniques d'enquêtes employées dans l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu consistant à demander l'assistance des États-Unis en matière de perception. Le terme « d'enquêtes » ne doit pas être restreint à la façon dont il est employé dans la Loi de l'impôt sur le revenu ou la Loi sur la taxe d'accise. L'exception relative aux techniques d'enquêtes, fait valoir le défendeur, est censée s'appliquer aux enquêtes effectuées en vertu de nombreuses lois fédérales. Le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière appropriée.


[14]            À mon avis, le défendeur a accordé une trop grande importance dans les débats à la question de l'exercice du pouvoir discrétionnaire. M. Sherman n'a contesté à aucun moment la manière dont le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire. Or, la question du pouvoir discrétionnaire ne se pose que si le critère est rempli : il faut que les renseignements en cause soient visés par l'exception. Dans le cas de l'alinéa 16(1)b), il faut que les renseignements soient relatifs à des techniques d'enquêtes ou à des projets d'enquêtes licites déterminées. S'agissant du terme « enquête » , il faut, à mon sens, l'interpréter dans son sens ordinaire. Dans la décision Re. First Investors Corp., [1988] 4 W.W.R. 22 (B.R. Alb.), le juge Berger (tel était alors son titre) a dit au paragraphe 45 :

[traduction] Le terme « enquête » a été défini comme « l'acte d'investiguer, toute recherche ou enquête; un examen systématique, une recherche soigneuse ou minutieuse » (Oxford English Dictionary). Une recherche ou une enquête doit être menée avec un certain objet dans l'esprit. Une enquête systématique suppose un modèle que l'on suit [...]

[15]            On ne trouve dans les renseignements qu'on m'a présentés, confidentiels ou non, pas la moindre idée des techniques d'enquêtes relatives à des enquêtes licites déterminées. Donc, le critère d'exercice du pouvoir discrétionnaire n'est pas rempli. De plus, on ne peut dire que les mesures de recouvrement sont de la nature d'enquêtes. La Convention prévoit un mécanisme de perception de fonds auprès de ceux qui ne sont pas dans le pays. S'il peut y avoir une certaine enquête se rapportant aux allées et venues des personnes en cause, M. Sherman ne cherche pas à obtenir la communication de ces renseignements, et les renseignements en cause ne comportent pas non plus d'information à ce sujet. Les statistiques que cherche à obtenir M. Sherman portent strictement sur les résultats des mesures de recouvrement. On ne peut dire que ces renseignements se rapportent à des enquêtes en un sens quelconque.


L'ALINÉA 16(1)c)

[16]            M. Sherman réitère sa position que les mesures de recouvrement ne sont pas une enquête et fait valoir que la divulgation du degré auquel on a recours à la disposition sur l'assistance en matière de perception ne nuira pas aux activités destinées à faire respecter les lois au Canada. Il souligne le fait qu'il incombe au ministre d'établir le préjudice. Que le recours à la disposition relative à l'assistance en matière de perception soit minime ou très fréquent, cela ne nuit pas aux activités destinées à faire respecter les lois. Par contre, fait-il valoir, le refus de divulguer ces renseignements peut nuire aux activités visant à faire respecter les lois. En se référant aux sous-alinéas de l'alinéa 16(1)c), il soutient que ce texte vise des enquêtes individuelles plutôt que des statistiques. Il plaide, en invoquant l'affaire Rubin c. Canada (Ministre des Transports), [1998] 2 C.F. 430 (C.A.), que l'effet dissuasif sur les enquêtes à venir ne constitue pas un motif valide de refuser la communication.

[17]            Le défendeur plaide que la divulgation de ces renseignements risquerait vraisemblablement de nuire aux activités destinées à faire respecter la Loi de l'impôt sur le revenu. Il demande qui d'autre, à part le directeur, est compétent pour prendre une telle décision. L'avocat du défendeur me presse de ne pas intervenir alors que le directeur, mieux placé que je ne le suis, a décidé qu'il existe des motifs raisonnables de refus de ces renseignements.


[18]            Le défendeur concède que, pour répondre au critère de l'exception, il faut que le préjudice soit déterminé et connu et qu'un effet dissuasif sur les enquêtes à venir ne constitue pas un motif suffisant de refuser des renseignements. Toutefois, en l'espèce, ce n'est pas aux enquêtes à venir mais aux activités à venir destinées à faire respecter les lois auxquelles on nuira comme le prévoit l'alinéa 16(1)c). On nuira à l'application de la Convention et de la Loi de l'impôt sur le revenu, selon le défendeur, et le préjudice est déterminé et connu, à savoir la disposition moins grande des États-Unis à coopérer en matière de perception. Sur ce point encore, c'est la personne qui traite avec l'IRS, fait-on valoir, qui est la mieux placée pour déterminer quel préjudice peut être causé.

[19]            Je note en passant que dans les observations écrites le défendeur plaide aussi que la divulgation des renseignements risquerait vraisemblablement de nuire à la conduite des affaires internationales et que le responsable d'une institution fédérale a donc le pouvoir discrétionnaire de refuser la communication des renseignements en vertu du paragraphe 15(1). Cette position n'a pas été plaidée à l'audience.

[20]            Il me semble que le défendeur caractérise d'un côté les renseignements comme relatifs à des enquêtes et plaide de l'autre que ce n'est pas le cas. Le ministre ne peut avoir raison sur les deux tableaux. J'ai décidé que les mesures de recouvrement ne sont pas de la nature d'enquêtes. Ce qui reste à trancher, c'est de savoir si la divulgation de ces renseignements risque vraisemblablement de nuire à l'application des lois au Canada. Pour traiter cette question, il est utile de passer en revue les principes fondamentaux qui sous-tendent l'accès aux renseignements de l'administration fédérale.


[21]            Le paragraphe 2(1) de la Loi édicte l'objet de celle-ci, assurer au public l'accès aux documents de l'administration fédérale. Les exceptions au droit d'accès doivent être précises et limitées : Canada Packers Inc. c. Canada (Ministre de l'Agriculture), [1989] 1 C.F. 47 (C.A.); Dagg c. Canada (Ministre des Finances), [1997] 2 R.C.S. 403; Sherman, précité. Les tribunaux ne doivent pas restreindre l'accès du public sinon dans les cas où c'est le plus manifestement requis. Le fardeau de persuasion est lourd à cet égard, et incombe à la partie qui s'oppose à la communication : Maislin Industries Limited c. Ministre de l'Industrie et du Commerce, [1984] 1 C.F. 939 (1re inst.); Rubin c. Canada (Société canadienne d'hypothèques et de logement), [1989] 1 C.F. 265 (C.A.). Le droit de se prévaloir d'une exception doit être établi selon la probabilité la plus forte : Sherman, précité.


[22]            La norme est la probabilité, non la possibilité ou la conjecture. Il doit exister, dans la preuve, une explication établissant que le préjudice aux activités destinées à faire respecter les lois risque vraisemblablement de se produire. En l'espèce, la preuve, qu'il s'agisse des renseignements confidentiels ou non, cherchant à établir que la divulgation des renseignements nuira aux relations avec les États-Unis et, par contrecoup, aux activités destinées à faire respecter les lois canadiennes, est au mieux équivoque. Elle est loin de correspondre au critère légal, prévoyant que la divulgation risquerait vraisemblablement de nuire. En outre, ce sont des données canadiennes, non des données américaines, qui seraient communiquées. On ne peut donc admettre les déclarations générales du représentant ministériel compte tenu des conclusions de la Cour d'appel fédérale. L'arrêt Sherman, précité, limite les renseignements demandés qui peuvent être communiqués aux éléments fondés sur des renseignements canadiens ou des statistiques américaines qui ne révèlent pas le contenu de renseignements confidentiels.

[23]            Je ne saurais conclure, sur le fondement de la preuve, que la divulgation de ces renseignements risquent vraisemblablement de nuire aux relations entre le Canada et les États-Unis au point que les États-Unis refuseront d'exercer d'autres mesures de perception.

[24]            Le Commissaire à l'information n'a pas traité de l'exception prévue au paragraphe 15(1) de la Loi et, comme je l'ai indiqué auparavant, l'argument fondé sur le paragraphe 15(1) n'a pas été présenté à l'audience. Toutefois, puisque la preuve n'établit pas de préjudice aux relations entre le Canada et les États-Unis selon l'alinéa 16(1)c), il ne devrait pas y avoir de risque plus vraisemblable de préjudice selon le paragraphe 15(1).


[25]            La demande de contrôle judiciaire de M. Sherman sera accueillie et l'ordonnance portera que la demande est accueillie. Le défendeur a déterminé les renseignements qui sont visés par l'exception conformément aux conclusions de l'arrêt Sherman, précité. J'ai indiqué un autre renseignement qui est visé par l'exception, parce que sa divulgation permettrait à M. Sherman, au moyen d'un simple calcul, d'obtenir la divulgation de renseignements dont la Cour d'appel a statué qu'ils étaient visés par l'exception. Sauf les renseignements indiqués par le défendeur et le renseignement additionnel que je viens d'indiquer, les renseignements seront communiqués. Les avocats ont convenu que je devrais produire, en même temps que l'ordonnance, une version expurgée des renseignements. La version expurgée des renseignements sera fournie sous pli scellé.

[26]            Le pli scellé contenant la version expurgée des renseignements ainsi que l'affidavit et les documents, contenus dans le dossier du défendeur et déposés à titre confidentiel, resteront au greffe sous pli scellé jusqu'à l'expiration du délai d'appel ou, en cas d'appel, jusqu'à ce que le défendeur ait eut la possibilité de présenter à la Cour d'appel fédérale une demande pour que ces documents restent sous pli scellé. À moins que la Cour d'appel fédérale n'ordonne que la version expurgée des renseignements reste sous pli scellé, elle sera communiquée à M. Sherman.

[27]            M. Sherman a droit aux dépens que je fixe à une somme globale de 1 500 $, y compris la TPS et les débours, que le défendeur doit payer au demandeur.

       « Carolyn A. Laydon-Stevenson »        

     Juge

Ottawa (Ontario)

Le 14 octobre 2004

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


Date : 20041014

Dossier : T-612-00

Ottawa (Ontario), le 14 octobre 2004.

En présence de :         MADAME LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

ENTRE :

                                  DAVID M. SHERMAN

                                                                                          demandeur

                                                     et

                  LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                           défendeur

                                        ORDONNANCE


La demande de contrôle judiciaire est accueillie. Le pli scellé contenant la version expurgée des renseignements ainsi que l'affidavit et les documents contenus dans le dossier du défendeur et déposés à titre confidentiel resteront au greffe scellés jusqu'à l'expiration du délai d'appel ou, en cas d'appel, jusqu'à ce que le défendeur ait eu la possibilité de présenter à la Cour d'appel fédérale une demande pour que ces documents restent sous pli scellé. À moins que la Cour d'appel fédérale ordonne que la version expurgée des renseignements reste sous pli scellé, elle sera communiquée au demandeur.

Le demandeur a droit aux dépens que je fixe à une somme de 1 500 $, tout compris, y compris la TPS et les débours, que le défendeur doit payer au demandeur.

       « Carolyn A. Laydon-Stevenson »        

     Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-612-00

INTITULÉ :                                        DAVID M. SHERMAN c. LE MINISTRE                              DU REVENU NATIONAL

                                                     

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                Le 20 septembre 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

DATE :                                                Le 14 octobre 2004

COMPARUTIONS :

David Sherman                                                  POUR SON PROPRE COMPTE

David W. Chodikoff                                                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MORRIS A. ROSENBERG                                         POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Toronto (Ontario)


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