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Date : 19980601


Dossier : IMM-1431-97

ENTRE :


DR YIU CHOW KOO,


demandeur,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.


MOTIFS D"ORDONNANCE

LE JUGE MULDOON

[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 82.1(2) de la Loi sur l"immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, de la décision, datée du 4 mars 1997, par laquelle une agente des visas (B030449403) a rejeté la demande de résidence permanente que le demandeur avait déposée dans le cadre de la catégorie applicable aux investisseurs.

[2]      Le demandeur est médecin. Il a reçu son diplôme de l"Université médicale de Henan, en Chine, en 1961. Après avoir reçu son diplôme, il a pratiqué la médecine en Chine, jusqu"en 1976. De 1977 à 1982, il a travaillé dans une clinique d"acuponcture à Hong Kong. De 1982 à 1985, il a travaillé en tant qu"agent de premiers soins lors de la construction d"un chemin de fer de transport en commun à Hong Kong. En 1985, il a débuté sa carrière chez Jardine Matheson, dans le service des ventes. En 1993, il a été muté chez Inchcape JDH Limited, où il occupe présentement le poste de directeur des ventes de la division Danby.

[3]      Le demandeur est en charge de la vente de matériel de laboratoire médical en Chine. Ses fonctions comprennent l"élaboration de plans stratégiques pluriannuels et de plans d"exploitation annuels, la direction d"un personnel de sept employés (trois techniciens d"entretien, trois représentants de commerce et une secrétaire), la préparation de prévisions financières, l"établissement de budgets, la gestion de la mise en marché et des ventes, ce qui comprend la négociation de contrats, et l"élaboration de sondages en vue d"évaluer le taux de satisfaction des clients de sa division. En 1994 et 1995, sa division a vendu 17 000 000 $HKG (2 982 456,14 $CAN) de matériel. Le demandeur relève directement du directeur général de Inchcape JDH Limited.

[4]      Le 5 juillet 1996, le demandeur a signé une entente de souscription avec le British Columbia Investment Fund. À la suite de l"examen de son dossier, le demandeur a été convoqué à une entrevue le 14 février 1997. À l"entrevue, l"agente des visas a confirmé que l"avoir net du demandeur s"élevait à environ 1 300 000 $CAN. Pendant l"entrevue, l"agente des visas et le demandeur ont discuté de la définition du terme " investisseur " figurant dans laLoi sur l"immigration. L"agente des visas a informé le demandeur qu"elle n"était pas convaincue que le poste qu"il occupait chez Inchcape JDH était compatible avec le niveau de responsabilité requis en matière d"exploitation, de direction ou de contrôle d"une entreprise.

[5]      Le 20 février 1997, le demandeur a envoyé une lettre à l"attention de Mary Coutler, l"agente des visas chargée de son dossier (page 9 du dossier de la demande). Dans la lettre, il faisait de nouveau état de certaines des fonctions qu"il remplissait chez Inchcape JDH, mais il mentionnait également qu"en tant que directeur des ventes, il était responsable devant la société comme s"il exploitait sa propre entreprise. Il disait également qu"il estimait satisfaire à la définition d"" entrepreneur ", étant donné qu"il " [était] en mesure d'établir ou d'acheter au Canada une entreprise ou un commerce, ou d'y investir une somme importante ". Il ajoutait qu"à son avis, son entreprise contribuera de façon importante à l"économie canadienne. Il concluait sa lettre en demandant à l"agente des visas de réexaminer sa demande dans le cadre de " la catégorie applicable aux entreprises ".

[6]      L"agente des visas dit que la lettre du demandeur ne lui a pas été remise avant que la lettre de refus de la demande ne soit envoyée à celui-ci. Voici une partie de la lettre de refus adressée au demandeur (pages 14 et 15 du dossier de la demande) :

         [TRADUCTION]         
         1.      Je ne suis pas convaincue que vous ayez jamais exploité, contrôlé ou dirigé avec succès une entreprise. Lors de votre entrevue du 14 février 1997, vous avez dit que vous aviez pratiqué la médecine dans un hôpital, travaillé dans une clinique d"acuponcture, et occupé le poste d"agent médical pendant la construction du MTR. Pendant cette période, vous n"avez ni exploité, ni contrôlé, ni dirigé les entreprises pour lesquelles vous travailliez.         
         2.      En 1985, vous avez débuté dans la carrière de vendeur et en 1993, vous avez été muté chez Inchcape JDH Limited, où vous occupez présentement le poste de directeur des ventes. Après avoir discuté avec vous de vos fonctions, qui comprennent la direction de représentants de commerce et de techniciens d"entretien travaillant en RPC, je suis convaincue que vous avez des aptitudes et de l"expérience en tant que directeur des ventes. Malheureusement, le fait de diriger une division de Inchcape JDH Limited n"équivaut pas à celui d"exploiter, de contrôler ou de diriger Inchcape JDH de votre propre chef.         

Dans son affidavit, l"agente des visas, Mary Coutler, affirme :

         [TRADUCTION]         
         Je n"étais pas convaincue que les fonctions que M. Koo remplit chez Inchcape JDH Limited équivalent à l"exploitation, le contrôle ou la direction d"une entreprise. En tant que directeur des ventes de l"une des divisions d"une grande société multinationale, il a pu établir que ses fonctions comprenaient la supervision d"un personnel, la gestion d"un budget important et l"exercice d"un pouvoir considérable quant à l"exploitation quotidienne de sa division. Cependant, une telle responsabilité de gestion n"équivaut pas à contrôler, exploiter ou diriger une entreprise.         
         J"ai estimé que les décisions relatives à l"exploitation, au contrôle et à la direction de Inchcape JDH Limited qui avaient une incidence sur l"ensemble de l"entreprise étaient prises par des personnes occupant un poste hiérarchiquement supérieur à celui qu"occupe le demandeur au sein de cette dernière. M. Koo relevait du directeur général, et il a confirmé à l"entrevue que son pouvoir de décision était limité.         
         M. Koo a expliqué qu"il ignorait qu"il devait convaincre l"agent des visas qu"il exploitait, contrôlait ou dirigeait une entreprise. Je lui ai en outre expliqué que même s"il n"était pas nécessaire qu"il possède l"entreprise ou des actions de l"entreprise, je n"étais pas convaincue, dans son cas, que le poste qu"il occupait au sein de la division Danby de Inchcape JDH Limited était compatible avec le niveau de responsabilité qui découlait implicitement de l"exploitation, de la direction ou du contrôle de Inchcape JDH Limited. En fait, Inchcape est une société extrêmement importante et réputée à Hong Kong. Le fait que le demandeur était en charge d"une petite division comprenant huit employés et dont la principale activité consistait à vendre de l"équipement médical à la RPC ne suffit pas, à mon avis, à conclure que le demandeur satisfait à l"exigence en matière de direction, contrôle ou exploitation d"une entreprise.         

[7]      Le demandeur a soulevé les questions en litige suivantes dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire :

     1.      L"agente des visas a-t-elle commis une erreur lorsqu"elle a conclu que le demandeur n"était pas visé par la définition d"" investisseur "?
     2.      L"agente des visas a-t-elle violé l"obligation d"équité procédurale lorsque, en prenant sa décision, elle a omis de tenir compte de la lettre que lui avait envoyée le demandeur?

La définition d"investisseur

[8]      Voici comment le paragraphe 2(1) du Règlement sur l"immigration de 1978, DORS 78/192, définit le terme " investisseur " :

         Immigrant qui satisfait aux critères suivants :         
         a) il a exploité, contrôlé ou dirigé avec succès une entreprise;         
         b) il a fait un placement minimal depuis la date de sa demande de visa d'immigrant à titre d'investisseur;         
         c) il a accumulé par ses propres efforts :         
              (i) un avoir net d'au moins 500 000_$, dans le cas d'un immigrant qui fait un placement visé aux sous-alinéas a)(i) ou (ii), b)(i), c)(i) ou (ii), d)(i) ou (ii) ou e)(i) ou (ii) de la définition de "_placement minimal_",         
              (ii) un avoir net d'au moins 700 000_$, dans le cas d'un immigrant qui fait un placement visé aux sous-alinéas a)(iii), b)(ii), c)(iii), d)(iii) ou e)(iii) de la définition de "_placement minimal_".         

L"agente des visas a conclu que le demandeur satisfaisait aux exigences prévues aux alinéas b ) et c), mais elle a jugé qu"il n"avait pas " exploité, contrôlé ou dirigé " une entreprise.

[9]      Le demandeur se fonde sur la décision Chen c. Ministre de l"Emploi et de l"Immigration (1993), 65 F.T.R. 73, 20 Imm. L.R. (2d) 290, dans laquelle le juge Rothstein conclut que les mots " exploité, contrôlé ou dirigé " du paragraphe 2(1) duRèglement doivent être lus de façon disjonctive, c"est-à-dire que l"agent des visas doit apprécier séparément chaque élément de la définition pour déterminer si le demandeur satisfait au moins à l"une des exigences.

[10]      Compte tenu des faits de l"espèce, le demandeur ne paraît avoir ni contrôlé, ni dirigé l"entreprise pour laquelle il travaillait. Cependant, le demandeur prétend qu"il " exploitait " la division de Inchcape JDH Limited dans laquelle il travaillait, et que cela équivaut à " exploiter " une entreprise de son propre chef. Pour étayer son argument, le demandeur se fonde sur la décision que le juge Cullen de notre Cour a rendue dans l"affaireCheng c. Canada (Secrétaire d"État) (1995), 25 Imm. L.R. (2d) 162.

[11]      Dans cette affaire, comme en l"espèce, le demandeur travaillait pour une grande société en tant que directeur des ventes. Il était en charge de tous les aspects des ventes effectuées à Hong Kong et en Chine. Il supervisait 14 employés au sein d"une société qui en comprenait 3 000. Après l"entrevue qu"il a eue avec l"agente des visas, M. Cheng a été avisé que sa demande de résidence permanente avait été rejetée au motif qu"il ne possédait, ne contrôlait, ni n"exploitait l"entreprise pour laquelle il travaillait. Se fondant sur des lignes directrices qui faisaient alors partie du Guide de l"immigration et qui ont depuis été abrogées, le juge Cullen conclut que la catégorie des investisseurs ne se limite pasaux " propriétaires, présidents ou vice-présidents, mais s'étend aux personnes qui ont occupé un poste de responsabilité, tels les postes de directeur d'une division ou section particulière d'une société de plus grande envergure ".

[12]      Monsieur le juge Cullen a conclu que l"agente des visas avait intégré des exigences supplémentaires aux critères d'admissibilité au programme des investisseurs, soit l'exploitation ou la responsabilité de l'exploitation d'une société dans son ensemble. À cet effet, il a fait les remarques suivantes :

         En effet, si elle [l"agente des visas] a conclu que le requérant était en charge de l'exploitation d'une partie intégrante, rentable, de l'entreprise, il aurait dû satisfaire aux critères d'admissibilité, en l'absence d'autres facteurs. En l'espèce, le seul facteur que je peux ainsi discerner est l'exigence additionnelle qu'il ait exploité l'entreprise dans son ensemble. Cela signifie que seules les quelques personnes qui se situent à la tête de la hiérarchie de l'entreprise pourraient être admissibles, alors que celles qui occupent des postes comportant de grandes responsabilités concrètes ne le seraient pas.         
         Cette interprétation stricte de la définition du terme "investisseur" n'est pas compatible avec les politiques d'Immigration Canada énoncées dans le Règlement ou exposées dans les lignes directrices. Je ne vois aucune intention d'obliger le requérant à exploiter une entreprise ou un commerce lui appartenant en exclusivité. Cette interprétation est manifestement erronée et l'ajout d'un tel critère constitue une erreur de droit qui vicie l'exercice de la compétence de l'agente d'immigration et justifie le renvoi du dossier à un agent d'immigration différent afin qu'il le réexamine. En imposant ses propres critères à la définition du terme "investisseur" dans le cas du requérant, l'agente a essentiellement limité son pouvoir discrétionnaire. En outre, tant que de nouvelles lignes directrices ne sont pas mises en place, les parties visées par une politique ont le droit d'être traitées de façon uniforme, et de ne pas se voir imposer arbitrairement l'ajout d'un critère par chaque agent d'immigration.         
         (aux pp. 166 et 167)         

[13]      Même si les lignes directrices auxquelles M. le juge Cullen renvoyait ont été abrogées depuis, cette décision a été citée avec approbation par M. le juge Pinard (Tam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration)) et par M. le juge Gibson (Kwok c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration)) pour étayer le point de vue selon lequel il n"est pas nécessaire que le demandeur possède une entreprise pour être admissible en tant qu"investisseur. L"agent des visas doit apprécier les compétences du demandeur pour déterminer si les fonctions de celui-ci équivalent à " exploiter, diriger ou contrôler " une entreprise, et non si celles-ci équivalent à " exploiter, diriger ou contrôler " dans son ensemble l"entreprise pour laquelle il travaille. Dans la décisionKwok , M. le juge Gibson a dit :

         Le titre n'est pas un aspect pertinent, sauf qu'il peut refléter avec exactitude le degré de responsabilité. La propriété d'actions de l'entreprise n'est pas un facteur pertinent en ce qui a trait à l'exploitation d'une entreprise. Le salaire peut être un facteur pertinent, mais rien n'indique que l'agent des visas a tenu compte des éléments de preuve qu'il détenaient et qui indiquaient que le requérant touchait, en plus de son salaire, des primes au rendement dont le montant était peut-être considérable et qui revêtaient peut-être la nature d'un partage des profits, qui aurait fait participer le requérant à une partie du succès de son employeur. La relation hiérarchique du requérant est certes un facteur lié au " contrôle " mais, à l'instar du titre, il est nettement moins pertinent pour ce qui est de la question de l'exploitation d'une entreprise que la nature des pouvoirs et des responsabilités du requérant.         

En ce qui concerne la décision de l"agente des visas en cause dans la présente affaire, l"agente paraît avoir commis une erreur semblable en exigeant que le demandeur possède Inchcape JDH dans son ensemble, et elle paraît avoir omis de déterminer si ses responsabilités étaient compatibles avec le fait d"exploiter, de diriger ou de contrôler une entreprise. Cela ressort tant de la lettre de refus qui a été envoyée au demandeur que de l"affidavit qu"elle a signé. Voici ce que disait la lettre :

         [TRADUCTION] Après avoir discuté avec vous de vos fonctions, qui comprennent la direction de représentants de commerce et de techniciens d"entretien travaillant en RPC, je suis convaincue que vous avez des aptitudes et de l"expérience en tant que directeur des ventes. Malheureusement, le fait de diriger une division de Inchcape JDH Limited n"équivaut pas à celui d"exploiter, de contrôler ou de diriger Inchcape JDH de votre propre chef.         

Dans son affidavit, elle dit :

         [TRADUCTION] Je lui ai en outre expliqué que même s"il n"était pas nécessaire qu"il possède l"entreprise ou des actions de l"entreprise, je n"étais pas convaincue, dans son cas, que le poste qu"il occupait au sein de la division Danby de Inchcape JDH Limited était compatible avec le niveau de responsabilité qui découlait implicitement de l"exploitation, de la direction ou du contrôle de Inchcape JDH Limited.         

Compte tenu de ces remarques, il semble clair que l"agente des visas a commis une erreur lorsqu"elle a omis de déterminer si les responsabilités du demandeur étaient compatibles avec celles qui découlent du fait de contrôler une entreprise. En effet, elle s"est plutôt demandé si les responsabilités du demandeur équivalaient à contrôler Inchcape JDH Limited.

[14]      Par ailleurs, il est évident que le deuxième argument du demandeur doit lui aussi être rejeté. La lettre envoyée à l"agente des visas ne donnait aucun renseignement autre que ceux qui se trouvaient déjà au dossier. Bien que l"agente des visas n"ait clairement pas tenu compte de la lettre, celle-ci ne fournit aucun " élément de preuve supplémentaire ", car elle ne faisait que mentionner de nouveau des faits qui étaient déjà connus.

[15]      Par conséquent, vu l"erreur de droit commise par l"agente des visas, la présente demande de contrôle judiciaire doit être accueillie. Il faudra donc qu"un autre agent des visas examine la demande de résidence permamente du Dr Koo en tant qu"investisseur.

[16]      Dans sa plaidoirie, l"avocat du demandeur a demandé qui des dépens soient adjugés en vertu de la règle 22 des Règles de la Cour fédérale en matière d"immigration, DORS/93-22, dont voici le libellé :

         Sauf ordonnance contraire rendue par un juge pour des raisons spéciales, la demande ou l"appel introduit en application des présentes règles ne donne pas lieu à des dépens.         

L"avocat du demandeur a soutenu qu"il existait de telles raisons spéciales en l"espèce : l"agente des visas à Hong Kong ne s"est pas conformée à la décision que la Cour a rendue dans l"affaire Cheng et elle a inutilement donné lieu au dépôt de la présente demande de contrôle judiciaire. De son côté, l"avocat du défendeur a prétendu qu"il n"existait pas de telles raisons spéciales en l"espèce, l"agente des visas n"ayant pas agi de mauvaise foi, et que la question litigieuse résultait tout simplement d"une divergence d"opinions sur la question de savoir si la jurisprudence s"appliquait.

[17]      Jusqu"à maintenant, les affaires dans lesquelles des dépens ont été adjugés étaient certainement des affaires de nature extraordinaire qui justifiaient l"imposition de telles sanctions. Par exemple, dans Chan c. Ministre de l"Emploi et de l"Immigration (1994), 82 F.T.R. 244, l"intimé était disposé à donner raison au requérant eu égard à la demande de contrôle judiciaire, mais celui-ci, estimant que ses arguments étaient difficilement réfutables, avait insisté pour faire examiner toute l"affaire en vue d"établir que certains règlements en fonction desquels sa demande de résidence permanente avait été examinée étaient ultra vires . En conséquence, M. le juge Rothstein a adjugé des dépens contre le requérant.

[18]      Une autre affaire dans laquelle il existait des raisons spéciales est l"affaire Ministre de l"Emploi et de l"Immigration c. Ermeyev (1994), 83 F.T.R. 159. Dans cette affaire, des dépens ont été adjugés contre le Ministre, la Cour étant d"avis que les intimés avaient inutilement subi de nombreux inconvénients et engagé des dépenses considérables pendant une période de quatre ans par suite des agissements des représentants de ce dernier. Lors de l"abandon de la demande de contrôle judiciaire, des dépens ont été adjugés contre le Ministre.

[19]      Il ressort de ces deux affaires qu"il existe des raisons spéciales lorsqu"une affaire est soumise à la Cour ou poursuivie devant celle-ci même si elle ne devrait pas l"être et malgré le fait que des éléments indiquent clairement qu"elle est frivole. Ce n"est pas le cas en l"espèce. L"avocat du demandeur s"est vivement indigné lors de sa plaidoirie du fait que l"agente des visas et le ministère du défendeur considéraient que la décision rendue par le juge Cullen dans l"affaire Cheng était d"importance moindre, et que celle-ci n"avait [TRADUCTION] " pas plus de force exécutoire [ dans les commissariats et consulats canadiens] que le papier peint ". Il a semblé à l"avocat du demandeur que [TRADUCTION] " une plus grande attention était probablement accordée aux romans à l"eau de rose ". Il a soutenu que la présente affaire n"aurait jamais dû faire l"objet d"une demande de contrôle judiciaire devant la Cour, et que le défendeur devrait payer une partie, voire l"ensemble des dépens du Dr Koo, ce qui aurait pour effet, selon lui, de dissuader le ministère de se montrer généralement récalcitrant contre les décisions de la Cour fédérale. L"avocat a ajouté que les dépens devraient aussi être régulièrement adjugés contre les demandeurs dont le cas est peu défendable ou frivole.

[20]      Bien que l"agente des visas ait commis une erreur en étudiant le dossier, une telle erreur ne justifie pas l"adjudication des dépens en l"espèce, vu l"absence de preuve que la décision a été prise de mauvaise foi, même s"il se peut qu"elle ait été prise de façon négligente. En participant au présent contrôle judiciaire, le Ministre n"a pas, par l"entremise de son avocat, démontré un comportement frivole tel que l"adjudication des dépens s"impose cette fois-ci. Toutefois, il est probable que des dépens soient adjugés à l"avenir.


[21]      En conséquence, la demande par laquelle le demandeur cherche à obtenir que des dépens soient adjugés est rejetée, mais de justesse.

                             F.C. Muldoon

                             juge

Ottawa (Ontario)

Le 1er juin 1998.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                  IMM-1431-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :          DR YIU CHOW KOO c.

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE                          L"IMMIGRATION

LIEU DE L"AUDIENCE :              Toronto (Ontario)
DATE DE L"AUDIENCE :              le 25 mars 1998

MOTIFS DE L"ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE MULDOON

EN DATE DU :                  1 er juin 1998

ONT COMPARU :

M. Cecil Rotenberg                              POUR LE DEMANDEUR

M. Brian Frimeth                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cecil L. Rotenberg                              POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

George Thomson                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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