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     Date : 20000310

     Dossier : T-133-99


ENTRE :

     WILLIAM THOMAS VAUGHAN

     demandeur

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE

     défenderesse

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE


LE JUGE MCGILLIS

[1]      La présente requête soulève une question à propos de la procédure qu"il faut suivre pour en appeler d"une ordonnance du protonotaire.

[2]      Le 31 janvier 2000, le protonotaire Aronovitch a ordonné la radiation de la déclaration en l"instance au motif qu"elle ne révélait aucune cause d"action valable. L"avocat du demandeur a essayé d"en appeler de cette décision en déposant un avis d"appel devant la Cour d"appel. Toutefois, le greffe n"a pas accepté l"avis d"appel au motif que, suivant la règle 51 des Règles de la Cour fédérale (1998) , l"appel de l"ordonnance du protonotaire ne peut être présenté qu"à un juge de la Section de première instance. Étant donné la position prise par le greffe, l"avocat du demandeur a présenté, en vertu de la règle 51, une requête à un juge de la Section de première instance pour en appeler de la décision du protonotaire Aronovitch. Toutefois, il a aussi présenté une requête pour faire transférer l"appel de l"ordonnance du protonotaire devant la Cour d"appel au motif que l"ordonnance du protonotaire portant radiation d"une déclaration est un " jugement définitif " au sens de l"alinéa 27(1)a ) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, modifiée, qui permet un appel directement à la Cour d"appel1. Les présents motifs disposent de cette requête pour faire transférer devant la Cour d"appel l"appel de l"ordonnance d"Aronovitch.

[3]      Lors de l"audition de la requête, l"avocat du demandeur a soutenu que l"ordonnance du protonotaire rejetant une action est un " jugement définitif " suivant la définition de ce terme apparaissant aux paragraphes 2(1) et 27(4) de la Loi sur la Cour fédérale . En conséquence, la partie qui en appelle d"une ordonnance définitive du protonotaire a le choix, en vertu de l"alinéa 27(1)a ) de la Loi sur la Cour fédérale et de la règle 51(1) des Règles de la Cour fédérale (1998), de présenter une requête à un juge de la Section de première instance ou d"en appeler directement à la Cour d"appel. De plus, toute ordonnance interlocutoire d"un protonotaire constitue un " jugement interlocutoire " au sens où ce terme est employé à l"alinéa 27(1)c ) de la Loi sur le Cour fédérale, ce qui confère compétence à la Cour d"appel pour entendre également les appels de ces ordonnances. En résumé, l"avocat du demandeur a fait valoir que toutes les ordonnances du protonotaire peuvent faire l"objet d"un appel devant la Cour d"appel en vertu du paragraphe 27(1) de la Loi sur la Cour fédérale ou devant la Section de première instance en vertu de la règle 51(1) des Règles de la Cour fédérale (1998).

                

[4]      Afin de déterminer la procédure à suivre pour en appeler d"une ordonnance du protonotaire, nous devons examiner les dispositions de la Loi sur la Cour fédérale et des Règles de la Cour fédérale (1998) qui portent sur les appels et la surveillance des protonotaires. Pour interpréter ces dispositions législatives, il est également utile de les replacer dans leur contexte en examinant l"évolution de la fonction de protonotaire.

i) fonction de registraire ou protonotaire de la Cour de l"Échiquier

[5]      La Cour de l"Échiquier a été le prédécesseur de la Cour fédérale du Canada. En vertu du paragraphe 4(1) de la Loi sur la Cour de l"Échiquier, S.R.C. 1952, ch. 98, modifiée, la Cour de l"Échiquier était composée d"un président et de six juges puînés. De la création de la Cour de l"Échiquier jusqu"à sa dissolution et son remplacement par la Cour fédérale, sa loi constituante prévoyait la fonction de registraire ou protonotaire pour la seconder dans son travail. L"historique de la fonction de registraire ou protonotaire de la Cour de l"Échiquier a été examiné par le juge Isaac (alors juge puîné) dans son opinion dissidente dans l"arrêt Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425 (C.A.), à la note de bas de page 5 des pages 438 et 439, où il mentionne :

             Le poste de registraire a existé depuis la création de la Cour. Au début, les fonctions de registraire de la Cour suprême du Canada et de la Cour de l'Échiquier étaient occupées par une même personne (L'Acte de la Cour suprême et de l'Échiquier, S.C. 1875, ch. 11, art. 70), mais en 1887, les fonctions du registraire de la Cour de l'Échiquier ont été séparées (Acte à l'effet de modifier l'Acte des cours Suprême et de l'Echiquier, et d'établir de meilleures dispositions pour l'instruction des réclamations contre la Couronne, S.C. 1887, ch. 16, art. 9). Comme pour les protonotaires de notre Cour, le registraire de la Cour de l'Échiquier devait être un avocat inscrit au barreau.
         La loi créant les fonctions de registraire a dû être modifiée périodiquement en vue des augmentations de traitement jusqu'au texte ([Loi modifiant la Loi sur la Cour de l'Échiquier] S.C. 1957, ch. 24, art. 1) qui prévoyait que désormais le traitement serait fixé par le gouverneur en conseil, mais le texte qui habilitait expressément le registraire à exercer des pouvoirs judiciaires était [Loi modifiant la Loi de la Cour de l'Échiquier] S.C. 1920, ch. 26, art. 3, qui ajoutait à la Loi un nouveau paragraphe 13(2) comme suit:
             13. . . .
             (2) En sus de tous pouvoirs, juridiction et autorité que la présente loi ou toute autre loi du Canada confère au registraire, le juge de la Cour de l'Échiquier du Canada peut, par une règle ou ordonnance générale rendue en vertu des dispositions de l'article quatre-vingt-sept de la présente loi, autoriser le registraire à faire toute chose et à expédier toute affaire spécifiée dans cette règle ou ordonnance, et à exercer toute autorité ou juridiction à leur égard, qu'un juge de la cour siégeant en chambre fait, expédie ou exerce actuellement, ou peut ci-après faire, expédier ou exercer, en vertu d'une loi ou coutume, ou selon la pratique de la cour.
         Lors de la révision de 1927 des lois d'application générale [Loi de la cour de l'Échiquier du Canada, S.R.C. 1927, ch. 34] cette disposition est devenue (avec quelques modifications de style sans conséquence pour l'affaire en instance) le paragraphe 87(2) qui est demeuré en vigueur jusqu'à la disparition de la Cour de l'Échiquier (voir Loi sur la Cour de l'Échiquier S.R.C. 1952, ch. 98). Dans leur dernière manifestation avant la création de notre Cour, leurs "pouvoirs semi-judiciaires" étaient prévus à la Règle 1A des Règles et ordonnances générales de la Cour de l'Échiquier . Selon la Règle 1A(4), le registraire était aussi appelé directeur de la Cour.

[6]      En vertu du paragraphe 87(2) de la Loi sur la Cour de l"Échiquier, les juges pouvaient adopter des règles autorisant le registraire ou protonotaire à exercer l"autorité ou la compétence d"un juge. Les Règles et ordonnances générales de la Cour de l"Échiquier définissaient la compétence que le registraire ou protonotaire pouvait exercer et permettaient l"appel de ses décisions devant la Cour, ce qui voulait dire un juge de la Cour de l"Échiquier.

ii) Loi sur la Cour fédérale et les précédentes Règles de la Cour fédérale

[7]      La Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970, ch. 10 (2e suppl.) (Loi sur la Cour fédérale (1970)) est entrée en vigueur le 1er juin 1971. Elle a maintenu et élargi, au sein de la nouvelle Cour fédérale qu"elle créait, la compétence de la Cour de l"Échiquier qui sera dorénavant composée de deux sections, à savoir la Cour d"appel et la Section de première instance. Suivant le paragraphe 5(1) de cette loi, la Cour se composait des juges qui y étaient désignés. La Loi sur la Cour fédérale (1970) n"a pas maintenu la fonction de registraire ou protonotaire en la forme sous laquelle elle existait dans la Cour de l"Échiquier; elle prévoyait à la place la nomination, par le gouverneur en conseil, de protonotaires dans des circonstances où leurs services étaient " nécessaires pour l"expédition efficace des travaux de la Cour ". Les pouvoirs et fonctions des protonotaires devaient être déterminés par les Règles. La règle 12 prévoyait ce qui suit à leur sujet :

     12. (1) The Governor in Council may appoint as prothonotaries of the Court such fit and proper persons who are barristers or advocatesin any of the provinces as are, in his opinion, necessary for the efficient performance of the work of the Court that, under the Rules, is to be performed by them.

         (2) The Governor in Council shall designate one of the prothonotaries to be Senior Prothonotary and one of the prothonotaries to be Associate Senior Prothonotary.


         (3)      The powers, duties and functions of the prothonotaries shall be determined by the Rules.

         (4)      Each prothonotary shall be paid a salary to be fixed by the Governor in Council.

         (5)      For the purposes of the Public Service Superannuation Act, a prothonotary shall be deemed to be employed in the Public Service.

     12. (1) Le gouverneur en conseil peut nommer à titre de protonotaires de la Cour les personnes qualifiées et compétentes, choisies parmi les avocats de l"une ou l"autre des provinces, dont les services sont, à son avis, nécessaires pour l"expédition efficace des travaux de la Cour assignés aux protonotaires en vertu des Règles.

         (2) Le gouverneur en conseil désigne deux des protonotaires pour assumer respectivement les fonctions de protonotaire-chef et de protonotaire-chef adjoint.

         (3) Les pouvoirs et fonctions des protonotaires sont déterminés par les Règles.

         (4) Chaque protonotaire perçoit un traitement fixé par le gouverneur en conseil.

         (5) Aux fins de la Loi sur la pension de la Fonction publique, un protonotaire est censé être à l"emploi de la Fonction publique.

[8] Le pouvoir de la Cour d"établir des règles a été intégré à l"article 46 de la Loi sur la Cour fédérale (1970). Les alinéas 46(1)a) et b) permettaient respectivement aux juges d"établir des règles pour régir la pratique et la procédure dans les deux divisions de la Cour et " pour la bonne application de [la Loi sur la Cour fédérale (1970)] et la réalisation de ses objets et de l"intention du législateur ". L"alinéa 46(1)h) de la Loi sur la Cour fédérale (1970) permettait aux juges d"adopter des règles sur la compétence que les protonotaires pouvaient exercer sous la surveillance de la Cour. Cet alinéa prévoyait :

     46. (1) Subject to the approval of the Governor in Council and subject also to subsection (4), the judges of the Court may, from time to time, make general rules and orders not inconsistent with this or any other Act of the Parliament of Canada,

     ...

         (h) empowering a prothonotary to exercise any authority or jurisdiction, subject to supervision by the Court, even though such authority or jurisdiction may be of a judicial nature; ...

     46. (1) Sous réserve de l"approbation du gouverneur en conseil, et, en outre, du paragraphe (4), les juges de la Cour peuvent, quand il y a lieu, établir des règles et ordonnances générales qui ne sont incompatibles ni avec la présente loi ni avec aucune autre loi du Parlement du Canada,

     ...

h) donnant pouvoir à un protonotaire d"exercer une autorité ou une compétence, sous la surveillance de la Cour même si cette autorité ou compétence est d"ordre judiciaire; ...

[9]      En vertu de l"autorité que l"alinéa 46(1)h) de la Loi sur la Cour fédérale (1970) leur conférait, les juges de la Cour ont établi les précédentes Règles de la Cour fédérale, DORS/71-68, modifiées, dont la règle 336 qui portait sur les protonotaires. Les anciennes règles 336(1), (2) et (5) traitaient, respectivement, de la compétence spécifique que les protonotaires pouvaient exercer, du renvoi de questions à la Cour pour que celle-ci en dispose ou donne des instructions et de la procédure d"appel. Pour les fins de la présente requête, il n"est pas nécessaire de décrire en détail la compétence exercée par les protonotaires en vertu des anciennes Règles de la Cour fédérale. Toutefois, il est important de noter que l"ancienne règle 336 ne restreignait pas la compétence des protonotaires aux affaires du ressort de la Division de première instance, mais qu"elle était formulée en termes larges pour permettre l"exercice de cette compétence dans des affaires du ressort tant de la Division de la première instance que de la Cour d"appel. Dans la pratique, les protonotaires n"exerçaient leur compétence qu"à l"égard d"affaires relevant de la Division de première instance. Toutefois, le fait que leur compétence n"était pas restreinte aux seules affaires relevant de la Division de première instance apparaissait clairement à la disposition en matière d"appel de l"ancienne règle 336(5), laquelle prévoyait ce qui suit :

     336. (5) Any person affected by an order or decision of a prothonotary, other than a judgment under Rules 432 to 437, may appeal therefrom to the Court and such appeal shall be made by an application of which a notice shall be given to all interested parties setting forth the grounds of objection and served within 14 days after the order or decision complained of, and 4 clear days before the day fixed for hearing the same, or served within such other time as may be allowed by the Court or a prothonotary on ex parte application. The appeal shall be filed not later than 2 days before the date named for hearing (In this paragraph, "Court" means "Trial Division", if the matter is in the Trial Division, and "Court of Appeal", if the matter is in the Court of Appeal).

     336. (5) Toute personne concernée par une ordonnance ou décision d"un protonotaire, autre qu"un jugement en vertu des Règles 432 à 437, peut en appeler à la Cour et cet appel doit être interjeté au moyen d"une demande dont avis doit être donné à toutes la parties intéressées, ledit avis devra indiquer les raisons de l"opposition et être signifié dans les 14 jours de l"ordonnance ou de la décision dont il est fait appel, et 4 jours francs avant le jour fixé pour l"audition de l"appel, ou devra être signifié dans tel autre délai que pourra accorder la Cour ou un protonotaire sur demande ex parte. L"appel doit être déposé 2 jours au moins avant la date fixée pour l"audition. (Au présent alinéa, "Cour" désigne la "Division de première instance", si la question est devant la Division de première instance, et la "Cour d"appel" , si la question est de la Cour d"appel).

[10]      Un examen de la règle 336(5) révèle qu"une personne pouvait en appeler de l"ordonnance du protonotaire à la Division de première instance " ...si la question [était] devant la Division de première instance... "et à la Cour d"appel " ...si la question [était] devant la Cour d"appel ".

[11]      La compétence de la Cour d"appel d"entendre des appels était définie à l"article 27 de la Loi sur la Cour fédérale (1970). Les paragraphes 27(1) et (4) se lisaient comme suit :

27. (1) An appeal lies to the Federal Court of Appeal from any

     (a) final judgment,
     (b) judgment on a question of law determined before trial, or
     (c) interlocutory judgment,

of the Trial Division.

     ...

         (4) For the purposes of this section a final judgment includes a judgment that determines a substantive right except as to some question to be determined by a referee pursuant to the judgment.

     27. (1) Il peut être interjeté appel, devant la Cour d"appel fédérale,

a) d"un jugement final,
b) d"un jugement sur une question de droit rendu avant l"instruction, ou
c) d"un jugement interlocutoire,

de la Division de première instance.

     ...

     (4) Aux fins du présent article, un jugement final comprend notamment un jugement qui statue sur le fond au sujet d"un droit, à l"exception d"un point litigieux laissé à la décision ultérieure d"un arbitre qui doit statuer en conformité du jugement.

[12]      La Loi sur la Cour fédérale (1970) a été révisée et refondue dans la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7 et a été par la suite modifiée à plusieurs occasions. Aucune de ces modifications ne sont pertinentes quant aux questions soulevées par la présente requête, si ce n"est les modifications apportées au paragraphe 46(1) qui confère des pouvoirs au comité des règles, et non pas aux juges de la Cour, d"adopter des règles et ordonnances générales. Dans sa forme actuelle, le paragraphe 46(1) se lit comme suit :

46. (1) Subject to the approval of the Governor in Council and subject also to subsection (4), the rules committee may make general rules and orders ...

46. (1) Sous réserve de l"approbation du gouverneur en conseil et, en outre, du paragraphe (4), le comité peut, par règles ou ordonnances générales ...

                

Le paragraphe 27(1) a également été modifié par l"art. 7, ch. 8 des L.C. 1990, pour y ajouter l"alinéa d) qui traite du " jugement sur le renvoi d"un office fédéral ou du procureur général du Canada ". Toutefois, cette modification n"est pas pertinente quant à la présente requête. De plus, la numérotation des dispositions législatives dont le texte est cité précédemment n"a pas changé.

iii) Règles de la Cour fédérale (1998)

[13]      Les Règles de la Cour fédérale (1998)sont une législation subordonnée et elles ne peuvent pas prévaloir sur une disposition d"une loi fédérale ou d"un règlement. À cet égard, la règle 1(2) prévoit :

1. (2) In the event of any inconsistency between these Rules and an Act of Parliament or a regulation made thereunder, that Act or regulation prevails to the extent of the inconsistency.

1. (2) Les dispositions de toute loi fédérale ou de ses textes d'application l'emportent sur les dispositions incompatibles des présentes règles.

[14]      Étant donné l"obligation législative expressément faite par le paragraphe 12(3) et l"alinéa 46(1)h) de la Loi sur la Cour fédérale, les Règles de la Cour fédérale (1998) ont établi le cadre régissant la compétence que les protonotaires peuvent exercer sous la surveillance de la Cour. Plus particulièrement, la règle 50 élargit la compétence des protonotaires en leur permettant d"entendre des requêtes et de rendre des ordonnances, exception faite des cas spécifiquement prévu, et d"entendre certaines actions. Toutefois, en vertu de la règle 50(1)b), il est expressément interdit aux protonotaires d"entendre des requêtes devant la Cour d"appel. La règle 50 prévoit, notamment :

     50. (1) A prothonotary may hear, and make any necessary orders relating to, any motion under these Rules other than a motion

(a)      in respect of which these Rules or an Act of Parliament has expressly conferred jurisdiction on a judge;
     (b)      in the Court of Appeal;

     ...

     50. (1) Le protonotaire peut entendre toute requête présentée en vertu des présentes règles -- à l'exception des requêtes suivantes -- et rendre les ordonnances nécessaires s'y rapportant :

a) une requête pour laquelle un juge a compétence expresse en vertu des présentes règles ou d'une loi fédérale;
b) une requête devant la Cour d'appel;

     ...

[15]      Telle que prévue à l"alinéa 46(1)h) de la Loi sur la Cour fédérale, la procédure suivant laquelle la Cour surveille les protonotaires se trouve à la règle 51 qui permet à une partie d"en appeler d"une ordonnance du protonotaire à un juge de la Section de première instance. En ce qui concerne les appels des ordonnances des protonotaires, la règle 51 prévoit :

51. (1) An order of a prothonotary may be appealed by a motion to a judge of the Trial Division.

    

(2) Notice of motion under subsection (1) shall be

         (a) served within 10 days after the day on which the order under appeal was made and at least four days before the day fixed for hearing the motion;
         (b) filed no later than two days before the day fixed for the hearing of the motion.

51. (1) L"ordonnance du protonotaire peut être portée en appel par voie de requête présentée à un juge de la Section de première instance.

(2) L"avis de la requête visée au paragraphe (1) est:

         a) signifié dans les 10 jours suivant la date de l"ordonnance visée par l"appel et au moins quatre jours avant la date prévue pour l"audition de la requête;
         b) déposé au moins deux jours avant la date de l"audition de la requête.

iv) principes d"interprétation législative

[16]      Afin de déterminer l"interprétation qu"il faut donner du paragraphe 27(1) de la Loi sur la Cour fédérale, les principes d"interprétation législative énoncés par la Cour suprême du Canada doivent recevoir application. Dans l"arrêt Merck & Co. c. Canada (Procureur général), [1999] J.C.F. n1825, T-398-99 (23 novembre 1999) (1reinst.), j"ai résumé, aux paragraphes 47 à 50, ces principes d"interprétation législative comme suit2:

                 Afin de déterminer la juste interprétation du paragraphe 5(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), il convient d"appliquer les principes d'interprétation législative énoncés dans l'arrêt de principe Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27. Dans cet arrêt, le juge Iacobucci, au nom de la Cour, décrit le cadre d'interprétation des lois, aux pages 40 et 41 :

                    

                     Une question d"interprétation législative est au centre du présent litige. Selon les conclusions de la Cour d"appel, le sens ordinaire des mots utilisés dans les dispositions en cause paraît limiter l"obligation de verser une indemnité de licenciement et une indemnité de cessation d"emploi aux employeurs qui ont effectivement licencié leurs employés. À première vue, la faillite ne semble pas cadrer très bien avec cette interprétation. Toutefois, en toute déférence, je crois que cette analyse est incomplète.

                     Bien que l"interprétation législative ait fait couler beaucoup d"encre (voir par ex. Ruth Sullivan, Statutory Interpretation (1997); Ruth Sullivan, Driedger on the Construction of Statutes (3e éd. 1994) (ci-après "Construction of Statutes"); Pierre-André Côté, Interprétation des lois (2e éd. 1991)), Elmer Driedger dans son ouvrage intitulé Construction of Statutes (2e éd. 1983) résume le mieux la méthode que je privilégie. Il reconnaît que l"interprétation législative ne peut pas être fondée sur le seul libellé du texte de loi. À la p. 87, il dit :
                     [traduction] Aujourd"hui il n"y a qu"un seul principe ou solution: il faut lire les termes d"une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s"harmonise avec l"esprit de la loi, l"objet de la loi et l"intention du législateur.
                     Parmi les arrêts récents qui ont cité le passage ci-dessus en l"approuvant, mentionnons: R. c. Hydro-Québec, [1997] 1 R.C.S. 213; Banque Royale du Canada c. Sparrow Electric Corp., [1997] 1 R.C.S. 411; Verdun c. Banque Toronto-Dominion, [1996] 3 R.C.S. 550; Friesen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103.
                     Je m"appuie également sur l"art. 10 de la Loi d"interprétation, L.R.O. 1980, ch. 219, qui prévoit que les lois "sont réputées apporter une solution de droit"et doivent "s"interpréter de la manière la plus équitable et la plus large qui soit pour garantir la réalisation de leur objet selon leurs sens, intention et esprit véritables".
                     Bien que la Cour d"appel ait examiné le sens ordinaire des dispositions en question dans le présent pourvoi, en toute déférence, je crois que la cour n"a pas accordé suffisamment d"attention à l"économie de la LNE, à son objet ni à l"intention du législateur; le contexte des mots en cause n"a pas non plus été pris en compte adéquatement. Je passe maintenant à l"analyse de ces questions.
                 La méthode d'interprétation législative fondée sur l'objet visé, qui est retenue dans Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), précité, a été appliqué par la Cour suprême du Canada dans de nombreuses affaires. Voir, par exemple, Chartier c. Chartier, [1999] 1 R.C.S. 242, à la page 252; R. c. Gladue, [1999] 1 R.C.S. 688, à la page 704; Novak c. Bond, [1999] 1 R.C.S. 808, à la page 839; M & D Farm Ltd. c. Société du crédit agricole du Manitoba (1999), 176 D.L.R. (4th) 585, aux pages 597 et 598 (C.S.C.); Baker c. Canada (Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 174 D.L.R. (4th) 193, à la page 230 (C.S.C.); Best c. Best (1999), 174 D.L.R. (4th) 235, à la page 291 (C.S.C.); Winters c. Legal Services Society (1999), 177 D.L.R. (4th) 94, aux pages 112 et 113 (C.S.C.); et Francis c. Baker (1999), 177 D.L.R. (4th) 1, à la page 14 (C.S.C.).
                 En appliquant les principes énoncés dans Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), précité, dans plusieurs des affaires qu"elle a récemment entendues, la Cour suprême du Canada a fourni d'autres directives concernant la méthode d'interprétation législative applicable. En ce qui concerne les éléments de preuve à examiner pour déterminer l'objet d'un texte de loi, les juges Cory et Iacobucci, s"exprimant au nom de la Cour, dans R. c. Gladue, précité, une affaire concernant l'interprétation de la disposition relative à la détermination de la peine contenue à l'alinéa 718.2e) du Code criminel, ont souligné, à la page 704, que " [l]'objet de la loi et l'intention du législateur, en particulier, doivent être définis sur le fondement de sources intrinsèques et de sources extrinsèques admissibles touchant l'historique législatif de la loi et le contexte de son adoption [...] ". Dans Francis c. Baker, précité, une affaire concernant l'interprétation des Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants, le juge Bastarache, au nom de la Cour, a souligné à la page 14 que " [l]es principes applicables d"interprétation des lois exigent [...] que tous les éléments de preuve relatifs à l"intention du législateur soient pris en considération, à condition qu"ils soient pertinents et fiables ". Enfin, en ce qui a trait à la méthode générale à suivre, les juges Cory et Iacobucci ont souligné dans R. c. Gladue, précité, à la page 704, l'importance de l'article 12 de la Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, dans l'interprétation de la législation fédérale. L'article 12 de la Loi d'interprétation dispose :

             12. Every enactment is deemed remedial, and shall be given such fair, large and liberal construction and interpretation as best ensures the attainment of its objects.

12. Tout texte est censé apporter une solution de droit et s'interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet.

                 Pour déterminer l'interprétation correcte du paragraphe 5(1), je dois donc appliquer les principes d'interprétation énoncés dans l'arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), précité, et trouver l'interprétation qui assure le mieux la réalisation de l'objet du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). [Voir la méthode appliquée dans Novak c. Bond, précité, à la page 839].

[17]      Pour reprendre ma dernière phrase dans Merck & Co. c. Canada (Procureur général), pour interpréter le paragraphe 27(1) de la Loi sur la Cour fédérale, je dois appliquer les principes énoncés dans Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re) et trouver l"interprétation qui assure le mieux la réalisation des objets de la Loi sur la Cour fédérale.

v) interprétation législative

[18]      Pour défendre ses prétentions portant qu"il est possible d"en appeler directement à la Cour d"appel d"une décision définitive ou interlocutoire d"un protonotaire, l"avocat du demandeur se fonde sur le sens ordinaire du paragraphe 27(1) de la Loi sur la Cour fédérale. Il fait valoir également, entre autres choses, que la procédure d"appel prévue à la règle 51 est incompatible avec la compétence expresse conférée à la Cour d"appel par le paragraphe 27(1) qui lui permet d"entendre l"appel d"une ordonnance définitive ou interlocutoire de la Section de première instance. Par conséquent, par application de la règle 1(2), le paragraphe 27(1) doit prévaloir sur les dispositions incompatibles de la règle 51(1). À mon avis, les prétentions de l"avocat du demandeur ne sont pas fondées sur une analyse complète.

[19]      L" examen du régime législatif, dans une perspective historique, confirme que les protonotaires, dont les pouvoirs et fonctions sont déterminés par les Règles, sont des officiers de justice dont l"assistance est nécessaire pour l"exécution des travaux de la Cour. En d"autres mots, par l"effet du paragraphe 12(3) et de l"alinéa 46(1)h) de la Loi sur la Cour fédérale, la compétence des protonotaires est définie et circonscrite par les Règles. De plus, l"alinéa 46(1)h) requiert clairement que l"exercice de l"autorité et de la compétence du protonotaire se fasse " sous la surveillance de la Cour ". Conformément au mandat que lui imposait la loi, la Cour a adopté les règles 50 et 51 des Règles de la Cour fédérale (1998) pour définir, non seulement la compétence des protonotaires mais également la procédure de surveillance de ceux-ci.

[20]      En prévoyant qu"une partie peut en appeler d"une ordonnance d"un protonotaire devant la Section de première instance, la règle 51(1) constitue la " surveillance de la Cour "requise par l"alinéa 46(1)h) de la Loi sur la Cour fédérale. L"avocat du demandeur a fait valoir que l"obligation faite à la Cour, à l"alinéa 46(1)h), de surveiller les protonotaires était remplie par les dispositions générales d"appel du paragraphe 27(1). Je ne suis pas d"accord. En établissant la règle 51(1), le comité des règles a déterminé, conformément aux alinéas 46(1)b) et h), qu"il était souhaitable dans le cadre des " mesures nécessaires à l"application de la [Loi sur la Cour fédérale] ", d"exiger que les protonotaires soient surveillés initialement par des juges de la Section de première instance. Ce premier niveau d"appel ou de surveillance ne constitue d"aucune façon une dérogation au droit d"une partie d"en appeler ultérieurement à la Cour d"appel en vertu du paragraphe 27(1). Dans les circonstances, pour les fins d"un appel à la Cour d"appel en application du paragraphe 27(1), une ordonnance définitive ou interlocutoire d"un protonotaire ne devient pas une ordonnance définitive ou interlocutoire de la Section de première instance avant qu"un juge de cette Section ne se prononce en appel, en vertu de la règle 51(1), sur cette ordonnance d"un protonotaire. Après avoir appliqué tous les principes énoncés dans l"arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), j"en viens à la conclusion que cette interprétation du paragraphe 27(1) assure le mieux la réalisation des objets de la Loi sur la Cour fédérale et des Règles de la Cour fédérale (1998). Qui plus est, cette interprétation n"engendre aucune incompatibilité entre le paragraphe 27(1) et la règle 51(1).

[21]      Subsidiairement, même si je me trompais en interprétant le paragraphe 27(1) de la Loi sur la Cour fédérale de la sorte, j"ai conclu qu"une ordonnance définitive ou interlocutoire d"un protonotaire ne peut faire directement l"objet d"un appel devant la Cour d"Appel en application du paragraphe 27(1) de la Loi sur la Cour fédérale parce qu"il ne s"agit pas d"une ordonnance définitive ou interlocutoire de la Section de première instance. Comme je l"ai dit précédemment, les protonotaires sont des officiers de justice qui secondent la Cour dans certains aspects de son travail. En exerçant la compétence qui leur est attribuée, les protonotaires jouent un rôle essentiel et contribuent de façon importante au fonctionnement efficace de la Cour. Toutefois, les protonotaires ne sont pas des juges et, suivant les articles 4 et 5 de la Loi sur la Cour fédérale, ils ne sont pas membres de la Section de première instance ni de la Cour d"appel. De ce fait, une ordonnance d"un protonotaire n"est pas, pour les fins d"un appel à la Cour d"appel, une ordonnance définitive ou interlocutoire de la Section de première instance au sens du paragraphe 27(1). En d"autres mots, l"ordonnance d"un protonotaire ne déclenche pas en soi l"application du paragraphe 27(1); plus exactement, seule l"ordonnance de la Section de première instance, rendue par un juge au premier niveau d"appel en vertu de la règle 51(1), peut faire l"objet d"un appel à la Cour d"appel en vertu du paragraphe 27(1). Dans les circonstances, l"ordonnance d"un protonotaire ne peut faire l"objet d"un appel directement à la Cour d"appel.

vi) demande pour transférer l"appel à la Cour d"appel

[22]      Dans sa requête, le demandeur allègue la règle 49 pour obtenir le transfert de l"appel de l"ordonnance d"Aronovitch à la Cour d"appel. La règle 49 prévoit :

49. A judge may order that a proceeding that has been commenced in one division be transferred to the other division.

49. Un juge peut ordonner qu'une instance introduite dans une section soit transférée à l'autre section.

[23]      La règle 49 permet seulement qu"une instance introduite dans une section de la Cour soit transférée dans l"autre section. Le terme " instance "n"est pas défini dans les Règles de la Cour fédérale (1998). Toutefois, un examen de ces Règles révèle que le terme " instance "est utilisé dans le cadre d"actions, d"appels ou de demandes, lesquels sont tous introduits par la délivrance d"un acte introductif d"instance, au sens de la règle 62. Le terme " requête "est défini à la règle 2 des Règles de la Cour fédérale (1998) comme un " [d]ocument par lequel une personne demande à la Cour de se prévaloir des présentes règles ou de les faire appliquer ". La différence entre une instance et une requête ressort de l"ensemble des Règles de la Cour fédérale (1998). Pour ne mentionner que quelques exemples, la règle 372(1) prévoit qu"une requête en sauvegarde des droits ne peut, sauf en cas d"urgence, être présentée avant l"introduction de l"instance, et la règle 375(1) prévoit que, sur requête, un juge peut nommer un séquestre judiciaire dans toute instance. En résumé, en vertu du mécanisme mis en place par les Règles de la Cour fédérale (1998), une instance et une requête sont, par leur nature, fondamentalement différentes. Une requête n"est pas une instance mais une demande faite à la Cour dans le cadre d"une instance. En vertu de la règle 51(1), l"ordonnance du protonotaire ne peut être portée en appel que par voie de requête devant un juge de la Section de première instance. Comme cette requête n"est pas une instance, je n"ai aucune compétence pour la transférer à la Cour d"appel. Pour ce seul motif, la requête doit être rejetée.

[24]      L" avocat du demandeur a demandé, comme mesure subsidiaire de redressement, que l"audition de l"appel de l"ordonnance d"Aronovitch fasse l"objet d"une procédure accélérée en Section de première instance. Je ne suis pas convaincue, sur la base de la preuve présentée, que l"audition doive suivre une procédure accélérée.

DÉCISION

[25]      La requête est rejetée avec dépens.

                                         D. McGillis
                                    
                                             Juge

OTTAWA

10 mars 2000

Traduction certifiée conforme

Daniel Dupras, LL.B.



Date : 20000310

Dossier : T-133-99

OTTAWA (ONTARIO), LE VENDREDI 10 MARS 2000

PRÉSENT :      MADAME LE JUGE McGILLIS

ENTRE :

     WILLIAM THOMAS VAUGHAN

     demandeur

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE

     défenderesse

     O R D O N N A N C E

     La requête est rejetée avec dépens.     

                                 D. McGillis
                             ____________________________
                                     Juge

Traduction certifiée conforme

Daniel Dupras, LL.B.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DE GREFFE :              T-133-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :      William Thomas Vaughan c. Sa Majesté la Reine
LIEU DE L'AUDIENCE :          Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :          Le 21 février 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE prononcés par le juge McGillis en date du 10 mars 2000



ONT COMPARU :

Douglas Brown                          pour le demandeur

Steven Welchner

Harvey Newman                          pour la défenderesse

Richard Fader


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nelligan Power                          pour le demandeur

Ottawa (Ontario)

Morris Rosenberg                          pour la défenderesse

Sous-procureur général du canada

Ottawa (Ontario)

__________________

1 Les termes " jugement " et " ordonnance " ne sont pas définis dans la Loi sur la Cour fédérale . Toutefois, " ordonnance " est définie à la règle 2 des Règles de la Cour fédérale (1998) comme y étant, entre autre, assimilée à un jugement. Dans le but d"assurer la cohérence, je n"ai utilisé que le terme " ordonnance " pour désigner un jugement ou une ordonnance, sauf lorsque j"utilise l"expression " jugement définitif " tiré du paragraphe 27(1) de la Loi sur la Cour fédérale .

2 Depuis le prononcé du jugement dans Merck & Co. c. Canada (Procureur général), la Cour suprême du Canada a appliqué ces principes dans deux autres arrêts. [Voir 65302 British Columbia Ltd. c. Canada (1999), 179 D.L.R. (4th) 577, aux pages 599 et 600 (C.S.C.) et Nanaimo (Ville) c. Rascal Trucking Ltd., 2000 CSC 13, au par. 20.]

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