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Date : 20011221

Dossier : IMM-3756-00

Référence neutre : 2001 CFPI 1420

ENTRE :

                                                                    ANJUM PERVEZ

                                                                                                                                                      demandeur

                                                                              - et -                          

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE SIMPSON

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision d'un agent des visas rendue le 16 juin 2000 (la décision). L'agent des visas a conclu que le fils du demandeur, Usman, qui est à sa charge et qui est âgé de dix ans (le fils), était non admissible pour des raisons de santé suivant le sous-alinéa 19(1)a)(ii) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, et modifications.

[2]                 Le fils est asymptomatique et ses parents ne savaient pas, avant de présenter une demande pour être admis au Canada, qu'il avait un problème de santé. Les examens médicaux qui ont été faits dans le cadre de la demande ont malheureusement révélé que le fils, bien qu'il soit par ailleurs en bonne santé, a l'un de ses reins qui est hypertrophié et l'autre qui est atrophié, a une activité fonctionnelle rénale déficiente et souffre d'une maladie chronique des reins.

[3]                 On a requis une opinion d'un expert quant à l'état de santé du fils et cette opinion comporte quatre lettres signées par le Dr J.W. Balfe qui sont datées du 11 septembre 1999, du 11 novembre 1999, du 21 janvier 2000 et du 23 mai 2000 (les lettres). Le Dr Balfe pratique la pédiatrie néphrologique au Hospital for Sick Children de Toronto.

[4]                 La partie pertinente de la première lettre du Dr Balfe est rédigée comme suit :

[`TRADUCTION]

Il existe une possibilité qu'il développe plus tard une insuffisance rénale grave. Quant à un traitement qui protégerait l'activité fonctionnelle rénale, on pourrait recommander un régime normal en protéines et non pas, de façon certaine, un régime hyperprotéiné. De plus, on pourrait prescrire un médicament retardant la transformation d'enzyme angiotensine afin de réduire la protéinurie et de protéger l'activité fonctionnelle rénale.


[5]                 La deuxième lettre du Dr Balfe, en date du 11 novembre 1999, a été rédigée afin de fournir une estimation du temps de l'évolution chez le fils d'une insuffisance rénale grave. On avait demandé de fournir des renseignements sur la question suivante : [TRADUCTION] « Après une nouvelle évaluation de l'activité fonctionnelle rénale, dont il a été question ci-dessus, quant à un pronostic de l'évolution d'une insuffisance rénale grave au cours des cinq ou dix prochaines années » . À cet égard, le Dr Balfe a écrit :

[TRADUCTION]

Il existe de façon certaine, à l'égard de nombreuses maladies rénales, la possibilité, une fois que la créatinine est < 50 ml/min, que la maladie progresse. Si on pouvait mesurer le niveau annuel de créatinine plasmatique, il serait alors possible de prévoir le moment où l'insuffisance rénale pourrait dans les faits survenir. Il m'apparaît qu'une insuffisance rénale grave ne surviendra pas avant au moins dix ans.

Il existe actuellement de la preuve qui démontre que lorsque des patients subissent un traitement énergique avec un médicament qui retarde la transformation d'enzyme angiotensine, tel que l'Enalapril, leur activité fonctionnelle rénale est maintenue et leur protéinurie est améliorée. Par conséquent, on a bon espoir qu'un tel traitement protégerait l'activité fonctionnelle rénale d'Usman.

[6]                 La lettre du Dr Balfe, en date du 21 janvier 2000, est rédigée en partie comme suit :

[TRADUCTION]

Les résultats précédemment mentionnés sont semblables aux résultats antérieurs. Une fois de plus, la clairance de la créatinine est d'environ 50 pour 100 de la clairance normale et il a une protéinurie importante. Une fois de plus, l'étiologie de son insuffisance rénale est incertaine. Il appert qu'il a une maladie rénale chronique depuis longtemps. Le rein droit est petit selon l'échographie (non centré) et le rein gauche a une différenciation cortico-médullaire déficiente. Il est probable que ses problèmes rénaux s'aggraveront, toutefois je considère qu'une insuffisance rénale grave ne surviendra pas avant un certain temps (de 5 à 10 ans ou plus).

[7]                 En mai 2000, le Dr Balfe a évalué de nouveau le fils et a conclu, quant à sa maladie de reins, ce qui suit :                                                               

[TRADUCTION]


Le pronostic à court terme de l'état de santé d'Usman est excellent. Il devra consulter annuellement un médecin et obtenir une évaluation de son activité fonctionnelle rénale. Son pronostic à long terme est moins certain. Il est possible que son activité fonctionnelle rénale se détériore après plusieurs années. Il existe de nombreuses études qui démontrent qu'un médicament courant contre la pression artérielle, l'Enalapril, lorsqu'il est prescrit à des patients tels que Anjum, peut réduire la protéinurie et protéger l'activité fonctionnelle rénale. Ce médicament pourrait lui être administré à titre expérimental.

Il n'est pas possible de fournir avec précision un pronostic à long terme quant à l'état de santé d'Usman. Il est actuellement en bonne santé et on peut s'attendre à ce qu'il le soit pendant de nombreuses années.

[8]                 La position du demandeur est qu'étant donné que le Dr Balfe a déclaré qu'il existe un médicament appelé Enalapril qui peut « protéger » l'activité fonctionnelle rénale (le médicament), l'insuffisance rénale grave ou terminale peut être prévenue et n'est qu'une simple possibilité. Ce qui signifie, selon le demandeur, qu'il y a peu de possibilités qu'une transplantation et que de la dialyse, qui selon le médecin agréé entraîneraient un fardeau excessif pour notre système de santé, soient nécessaires. Cette interprétation de l'opinion du Dr Balfe est sous-jacente à de nombreux arguments du demandeur.

[9]                 Le problème est que je ne suis pas d'accord avec l'interprétation que fait le demandeur de l'opinion du Dr Balfe. Le Dr Balfe connaissait les raisons pour lesquelles le fils subissait une évaluation et s'il avait voulu dire que le traitement avec le médicament pouvait de façon certaine, ou de façon probable, prévenir une insuffisance rénale terminale, il l'aurait exprimé clairement dans ses lettres.

[10]            À mon avis, lorsqu'on les lit ensemble, les lettres mentionnent que le fils souffrira probablement d'une insuffisance rénale grave. La seule question est de savoir à quel moment cette insuffisance surviendra. Le Dr Balfe a déclaré que l'insuffisance rénale terminale serait retardée si le médicament était efficace dans le cas du fils.


[11]            L'avocat du demandeur prétend que le médecin doit conclure, pour que la revendication du demandeur soit rejetée, qu'il existe une probabilité, et non pas seulement une possibilité, d'un fardeau excessif. L'avocat du demandeur cite le rapport du médecin agréé qui a conclu que le Dr Balfe [TRADUCTION] « était d'avis qu'il existait une possibilité importante que l'évolution de la maladie puisse résulter en une insuffisance rénale terminale dans un avenir prévisible » .

[12]            Le demandeur soumet que les mots [TRADUCTION] « importante » « possibilité » et « puisse » , tels qu'utilisés par le médecin agréé, équivalent à une possibilité alors que le sous-alinéa 19(1)a)(ii) requiert une probabilité. Ce sous-alinéa est rédigé comme suit :

19(1) Personnes non admissibles - Les personnes suivantes appartiennent à une catégorie non admissible :

a)             celles qui souffrent d'une maladie ou d'une invalidité dont la nature, la gravité ou la durée probable sont telles qu'un médecin agréé, dont l'avis est confirmé par au moins un autre médecin agréé, conclut :

(ii)           soit que leur admission entraînerait ou risquerait d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé;

(Non souligné dans l'original.)

[13]            Selon moi, il n'existe pas de différence déterminante entre le libellé du rapport et celui de la loi. Les mots anglais « reasonably » et « significant » ont tous deux un sens qui va au-delà de la possibilité.

[14]            Le demandeur prétend en outre que le rapport du médecin agréé n'était pas raisonnable parce qu'il ne prenait en compte que l'aspect monétaire du fardeau excessif. Cependant, étant donné les coûts élevés de la dialyse et d'une transplantation, je suis d'avis qu'il était suffisant que le rapport ne traite que de l'aspect monétaire. Je devrais ajouter que je suis certaine que la conclusion du médecin agréé quant au fardeau excessif, s'il avait traité de la disponibilité d'une transplantation et de la dialyse, aurait été la même.

[15]            En outre, étant donné que le médicament ne fera que retarder le moment où une insuffisance rénale surviendra et ne la préviendra pas, je suis convaincue que l'agent a utilisé correctement le Guide du médecin agréé ou a appliqué correctement au fils la catégorie « M7 » qui y est décrite. La catégorie M7 est décrite comme suit :     

Souffre d'une maladie qui entraînerait un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé et dont le traitement ne sera probablement pas efficace. Requérant non admissible en vertu du sous-alinéa 19(1)a)(ii).


[16]            En dernier lieu, le demandeur conteste le paragraphe 12 de l'affidavit du médecin agréé, daté du 29 septembre 2000, dans lequel il décrit la conclusion de la deuxième lettre du Dr Balfe, datée du 11 novembre 1999, en déclarant [TRADUCTION]    « [...] [Dr Balfe] était d'opinion qu'une insuffisance rénale grave ne surviendrait pas avant au moins dix ans si le traitement approprié réduisait la protéinurie » . En fait, le Dr Balfe a déclaré que, sans le médicament, une insuffisance rénale terminale ne surviendrait pas avant au moins dix ans. On peut par conséquent présumer que, dans l'éventualité où le médicament était efficace, l'insuffisance rénale surviendrait encore plus tard. Il est par conséquent raisonnable de penser que la mauvaise interprétation par le médecin agréé de la deuxième lettre du Dr Balfe l'a amené à croire que l'insuffisance rénale surviendrait plus tôt que la lettre le mentionnait.

[17]            Cependant, même si le médecin agréé a mal interprété la deuxième lettre, j'ai conclu que la mauvaise interprétation n'était pas déterminante pour deux motifs. Premièrement, parce qu'en bout de ligne le médicament ne guérirait pas la maladie de reins du fils et qu'une insuffisance rénale surviendrait. Deuxièmement, la troisième lettre du Dr Balfe fournissait une estimation révisée établissant entre cinq à dix ans ou plus le moment où une insuffisance rénale grave surviendrait. Cette estimation révisée signifiait que la mauvaise interprétation du médecin agréé n'était pas déterminante.

Certification

[18]            Le demandeur a requis la certification de la question suivante :

[TRADUCTION]

Lorsqu'on a refusé d'admettre un demandeur suivant le sous-alinéa 19(1)a)(ii) de la Loi sur l'immigration, mais que la preuve médicale établit qu'il n'est pas possible de faire un pronostic précis et établit en effet qu'un traitement qui pourrait bien être préventif (c'est-à-dire protéger d'un problème médical) existe, le médecin agréé et l'agent des visas commettent-ils a priori une erreur en concluant néanmoins que le demandeur est non admissible pour des raisons de santé?

[19]            Étant donné que le sous-alinéa 19(1)a)(ii) ne prévoit pas de délai et étant donné que j'ai conclu qu'une insuffisance rénale grave est inévitable, je suis d'avis que la question proposée n'est pas déterminante quant à l'issue d'un appel. La certification sera par conséquent refusée.


Conclusion

[20]            Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

                                                                               « Sandra J. Simpson »             

Juge                      

Toronto (Ontario)

Le 21 décembre 2001

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA                                        Avocats inscrits au dossier

No DU GREFFE :                                                IMM-3756-00

INTITULÉ :                                                        ANJUM PERVEZ

                                                                                                  demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L'IMMIGRATION

                                                                                                    défendeur

                                     

DATE DE L'AUDIENCE :                                 LE LUNDI 26 NOVEMBRE 2001

LIEU DE L'AUDIENCE :                                   TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                   MADAME LE JUGE SIMPSON

DATE DES MOTIFS :                           LE VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2001

COMPARUTIONS :                           Ravi Jain

Pour le demandeur

Martin E. Anderson

                                                   Pour le défendeur

                                                                                                                   

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :       Green and Spiegel

Avocats

121, rue King Ouest

Bureau 2200

C.P. 114

Toronto (Ontario)

M5H 3T9

Pour le demandeur

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada       

Pour le défendeur


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

Date : 20011221

                                                             Dossier : IMM-3756-00

                                                         

Entre :

ANJUM PERVEZ

                                                                                                 demandeur

                                                    - et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L'IMMIGRATION

                                                                                                  défendeur

     

                                                   

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                   


Date : 20011221

Dossier : IMM-3756-00

Toronto (Ontario), le vendredi 21 décembre 2001

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE SIMPSON

ENTRE :

                                          ANJUM PERVEZ

                                                                                                  demandeur

                                                    - et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                    défendeur

                                           ORDONNANCE

VU la demande de contrôle judiciaire de la décision de l'agent des visas, rendue en date du 16 juin 2000, selon laquelle il a conclu que le fils du demandeur, Usman, qui est à sa charge, était non admissible pour des raisons de santé suivant le sous-alinéa 19(1)a)(ii) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, et modifications;

VU les documents déposés par les deux parties;


VU les représentations faites par les avocats des deux parties à Toronto le 26 novembre 2001;

ET VU que j'ai été informée que le demandeur a soumis une question aux fins de la certification (la question);                              

PAR CONSÉQUENT, LA COUR ORDONNE MAINTENANT pour les motifs énoncés ce jour :

1.                    La question n'est pas certifiée.

2.                    La demande de contrôle judiciaire est par la présente rejetée.

           « Sandra J. Simpson »                                                                                                                                  Juge

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.

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