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Date : 20020408

Dossier : IMM-6474-00

Référence neutre : 2002 CFPI 381

ENTRE :

                LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                        demandeur

                                                                            

et

NARIMAN ZANGENEH KAMAIL

(alias NARIMAN ZANGENEH KAMALI)

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l'article 82.1 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, à la suite de la décision par laquelle l'arbitre de la section d'arbitrage de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, siégeant dans le cadre de l'examen des motifs de garde en vertu du paragraphe 103(6) de la Loi sur l'immigration, a ordonné, le 8 décembre 2000, que le défendeur soit mis en liberté.


[2]         Le demandeur sollicite une ordonnance annulant la décision de l'arbitre et renvoyant l'affaire pour qu'un tribunal différemment constitué de la section d'arbitrage rende à nouveau une décision d'une façon qui n'est pas incompatible avec les motifs de décision ou les directives de cette cour.

Les faits

[3]         Le défendeur est citoyen iranien.

[4]         Le 20 janvier 1994, un arbitre de l'Immigration a pris une mesure d'interdiction de séjour conditionnelle à l'encontre du défendeur.

[5]         La section du statut de réfugié (la SSR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu, le 28 août 1995, que le défendeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention.

[6]         Le 27 octobre 1995, la Section de première instance de la Cour fédérale a rejeté la demande que le défendeur avait présentée en vue d'obtenir l'autorisation de contester la décision de la SSR.

[7]         Le 6 août 2000, les autorités de l'Immigration ont mis le défendeur sous garde.


[8]         L'audition de l'examen des motifs de garde a eu lieu les 9 et 16 août, 15 septembre, 13 octobre et 10 novembre 2000. Les arbitres qui présidaient ces audiences ont ordonné que le défendeur continue à être détenu. En effet, ils n'étaient pas convaincus que le défendeur se présente pour être renvoyé.

[9]         Le 8 décembre 2000, une audition de l'examen des motifs de garde a eu lieu devant l'arbitre en présence d'un représentant du demandeur.

[10]       L'audience visait à permettre à l'arbitre d'examiner les motifs de garde et de déterminer si le défendeur devait continuer à être détenu ou s'il devait être mis en liberté. Le demandeur et le défendeur ont tous les deux présenté des arguments et l'arbitre a posé des questions aux deux parties. À la suite d'une suspension de l'audience, l'arbitre a ordonné que le défendeur soit mis en liberté moyennant la fourniture d'un cautionnement et à certaines conditions. L'arbitre a énoncé des motifs à l'appui de sa décision.

[11]       Le 9 décembre 2000, le défendeur a fourni le cautionnement nécessaire et il a été mis en liberté conformément à l'ordonnance que l'arbitre avait rendue le 8 décembre 2000.


[12]       Le défendeur n'a pas été expulsé en Iran étant donné que, pour entrer en Iran, il fallait un document de voyage du gouvernement iranien et que le gouvernement iranien ne délivre un document de voyage que si la demande en vue de l'obtention du document est signée par la personne qui en fait la demande (soit le défendeur en l'espèce). Or, le défendeur refuse de signer cette demande.

Arguments du demandeur

[13]       Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration demandeur soutient que l'arbitre a noté qu'il n'existait aucune possibilité que le défendeur se présente pour être renvoyé en Iran et que l'arbitre n'était pas convaincu que le défendeur était prêt à se présenter [TRADUCTION] « en tout état de cause » pour être expulsé en Iran s'il était mis en liberté sous caution.

[14]       Le demandeur soutient que le paragraphe 103(7) de la Loi sur l'immigration prévoit que l'arbitre doit ordonner la détention à moins d'être convaincu que l'intéressé ne constitue vraisemblablement pas une menace pour la sécurité publique au Canada et qu'il ne se dérobera vraisemblablement pas au renvoi. Le demandeur soutient que l'arbitre doit ordonner la détention s'il conclut que l'intéressé [TRADUCTION] « se dérobera vraisemblablement » au renvoi.

[15]       L'arbitre a tranché l'affaire en faveur du défendeur en se fondant sur la conclusion selon laquelle la détention durait pour une période indéterminée.


[16]       Le demandeur soutient que l'arbitre a fondé sa décision sur une mauvaise appréciation flagrante de la preuve dont il disposait. Il affirme que l'arbitre a, d'une façon abusive, omis de tenir compte ou n'a fait aucun cas de la preuve selon laquelle c'était le défendeur plutôt que le ministre qui était l'artisan de sa propre infortune puisqu'il avait créé et maintenu intentionnellement le seul obstacle à son renvoi du Canada.

[17]       Le demandeur soutient que l'arbitre a commis une erreur de droit en appréciant et en appliquant mal le jugement rendu par cette cour dans l'affaire Sahin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [1995] 1 C.F. 214 (1re inst.).

[18]       Le demandeur affirme que le fait que le défendeur n'a pas coopéré avec les représentants de l'Immigration devrait lui être imputé plutôt que d'être imputé au ministre, en ce qui concerne la question de savoir si la période de détention est indéterminée.

[19]       Le demandeur affirme que la décision de l'arbitre mène à un résultat absurde et abusif que le législateur ne peut pas avoir voulu en ce sens que cette décision annule l'effet de l'article 103 et l'objectif général de la Loi sur l'immigration et compromet l'efficacité de la Loi dans son ensemble.

Arguments du défendeur

[20]       Le défendeur soutient que les copies des documents qui ont été jointes à l'affidavit de Rob Stratigopoulos n'ont pas été soumises en preuve devant l'arbitre. Il affirme qu'il est de droit constant que la personne qui demande le contrôle judiciaire ne peut pas se fonder sur une preuve dont le tribunal ne disposait pas.


[21]       Le défendeur déclare que dans la décision Salilar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [1995] 3 C.F. 150 (1re inst.), cette cour a statué que chacun des examens des motifs de garde doit constituer une audience de novo et que le demandeur ne peut pas se fonder sur ce qui s'est passé lors des examens antérieurs des motifs de garde.

[22]       Le défendeur affirme que, même si le paragraphe 103(7) semble imposer une lourde charge à la personne qui est détenue, le ministre et ses représentants doivent également avoir la charge de démontrer, dans le cadre de chaque examen, qu'il existe des motifs justifiant la détention.

[23]       Le défendeur mentionne la décision Sahin, précitée, rendue par Monsieur le juge Rothstein (tel était alors son titre) à l'appui de la thèse selon laquelle la détention en matière d'immigration est une restriction extraordinaire et qu'elle ne peut pas durer pour une période indéterminée. Il soutient que, selon la décision Sahin, précitée, les arbitres doivent considérer l'avenir et se demander si la personne en cause est détenue pour une période indéterminée. Il déclare que l'arbitre a agi d'une façon appropriée conformément à la décision Sahin, précitée.


[24]       Il est affirmé que l'arbitre a tiré une conclusion cruciale, à savoir que même si le défendeur n'avait pas coopéré lorsqu'il s'était agi de le renvoyer en Iran, le demandeur [TRADUCTION] « n'a[vait] pas, jusqu'[alors], envisagé de solutions de rechange » . Le défendeur soutient que l'arbitre avait le pouvoir discrétionnaire voulu pour tenir compte de ce facteur à l'encontre du demandeur. Il déclare que l'arbitre considérait ce facteur comme fort pertinent et que le demandeur s'est montré négligent en ne présentant pas de preuve montrant qu'il avait envisagé des solutions de rechange.

[25]       Le défendeur dit que cette cour ne peut intervenir que si la décision de l'arbitre renferme une erreur de droit ou une erreur de fait abusive, arbitraire ou manifestement déraisonnable. Le défendeur soutient que le demandeur n'a pas démontré qu'une erreur dominante de cette nature avait été commise.

Point litigieux

[26]       L'arbitre a-t-il commis une erreur susceptible de révision?

Dispositions légales et réglementaires pertinentes

[27]       Le paragraphe 53(1) de la Loi sur l'immigration est ainsi libellé :


53. (1) Par dérogation aux paragraphes 52(2) et (3), la personne à qui le statut de réfugié au sens de la Convention a été reconnu aux termes de la présente loi ou des règlements, ou dont la revendication a été jugée irrecevable en application de l'alinéa 46.01(1)a), ne peut être renvoyée dans un pays où sa vie ou sa liberté seraient menacées du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques, sauf si, selon le cas_:

53. (1) Notwithstanding subsections 52(2) and (3), no person who is determined under this Act or the regulations to be a Convention refugee, nor any person who has been determined to be not eligible to have a claim to be a Convention refugee determined by the Refugee Division on the basis that the person is a person described in paragraph 46.01(1)(a), shall be removed from Canada to a country where the person's life or freedom would be threatened for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion unless


a) elle appartient à l'une des catégories non admissibles visées à l'alinéa 19(1)c) ou au sous-alinéa 19(1)c.1)(i) et que, selon le ministre, elle constitue un danger pour le public au Canada;

(a) the person is a member of an inadmissible class described in paragraph 19(1)(c) or subparagraph 19(1)(c.1)(i) and the Minister is of the opinion that the person constitutes a danger to the public in Canada;b) elle appartient à l'une des catégories non admissibles visées aux alinéas 19(1)e), f), g), j), k) ou l) et que, selon le ministre, elle constitue un danger pour la sécurité du Canada;

(b) the person is a member of an inadmissible class described in paragraph 19(1)(e), (f), (g), (j), (k) or (l) and the Minister is of the opinion that the person constitutes a danger to the security of Canada; or

c) elle relève du cas visé au sous-alinéa 27(1)a.1)(i) et que, selon le ministre, elle constitue un danger pour le public au Canada;

(c) the person is a person described in subparagraph 27(1)(a.1)(i) and the Minister is of the opinion that the person constitutes a danger to the public in Canada; or

d) elle relève, pour toute infraction punissable aux termes d'une loi fédérale d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans, du cas visé à l'alinéa 27(1)d) et que, selon le ministre, elle constitue un danger pour le public au Canada.

(d) the person is a person described in paragraph 27(1)(d) who has been convicted of an offence under any Act of Parliament for which a term of imprisonment of ten years or more may be imposed and the Minister is of the opinion that the person constitutes a danger to the public in Canada.


[28]       Les dispositions pertinentes de l'article 103 de la Loi sur l'immigration prévoient ce qui suit :


103. (1) Le sous-ministre ou l'agent principal peut lancer un mandat d'arrestation contre toute personne qui doit faire l'objet d'un interrogatoire, d'une enquête ou d'une décision de l'agent principal aux termes du paragraphe 27(4), ou qui est frappée par une mesure de renvoi ou de renvoi conditionnel, lorsqu'il croit, pour des motifs raisonnables, qu'elle constitue une menace pour la sécurité publique ou qu'elle ne comparaîtra pas, ou n'obtempérera pas à la mesure de renvoi.

103. (1) The Deputy Minister or a senior immigration officer may issue a warrant for the arrest and detention of any person where

(a) an examination or inquiry is to be held, a decision is to be made pursuant to subsection 27(4) or a removal order or conditional removal order has been made with respect to the person; and

(b) in the opinion of the Deputy Minister or that officer, there are reasonable grounds to believe that the person poses a danger to the public or would not appear for the examination, inquiry or proceeding in relation to the decision or for removal from Canada.

[...]

...


(6) Si l'interrogatoire, l'enquête ou le renvoi aux fins desquels il est gardé n'ont pas lieu dans les quarante-huit heures, ou si la décision n'est pas prise aux termes du paragraphe 27(4) dans ce délai, l'intéressé est amené, dès l'expiration de ce délai, devant un arbitre pour examen des motifs qui pourraient justifier une prolongation de sa garde; par la suite, il comparaît devant un arbitre aux mêmes fins au moins une fois_:

a) dans la période de sept jours qui suit l'expiration de ce délai;

b) tous les trente jours après l'examen effectué pendant cette période.

(6) Where any person is detained pursuant to this Act for an examination, inquiry or removal and the examination, inquiry or removal does not take place within forty-eight hours after that person is first placed in detention, or where a decision has not been made pursuant to subsection 27(4) within that period, that person shall be brought before an adjudicator forthwith and the reasons for the continued detention shall be reviewed, and thereafter that person shall be brought before an adjudicator at least once during the seven days immediately following the expiration of the forty-eight hour period and thereafter at least once during each thirty day period following each previous review, at which times the reasons for continued detention shall be reviewed.

(7) S'il est convaincu qu'il ne constitue vraisemblablement pas une menace pour la sécurité publique et qu'il ne se dérobera vraisemblablement pas à l'interrogatoire, à l'enquête ou au renvoi, l'arbitre chargé de l'examen prévu au paragraphe (6) ordonne la mise en liberté de l'intéressé, aux conditions qu'il juge indiquées en l'espèce, notamment la fourniture d'un cautionnement ou d'une garantie de bonne exécution.

(7) Where an adjudicator who conducts a review pursuant to subsection (6) is satisfied that the person in detention is not likely to pose a danger to the public and is likely to appear for an examination, inquiry or removal, the adjudicator shall order that the person be released from detention subject to such terms and conditions as the adjudicator deems appropriate in the circumstances, including the payment of a security deposit or the posting of a performance bond.


Analyse et décision

[29]       À l'audience, l'arbitre a rendu sa décision et ses motifs oralement. Ces motifs étaient notamment les suivants :

[TRADUCTION] Dans la décision que je rends aujourd'hui, je dois donc me demander si vous vous présenterez vraisemblablement pour être expulsé du Canada et être renvoyé au seul endroit où le ministère peut vous renvoyer, à savoir votre pays de nationalité ou de citoyenneté, c'est-à-dire l'Iran.

Je ne suis pas convaincu que vous seriez prêt à vous présenter en tout état de cause pour être expulsé en Iran si vous étiez mis en liberté sous caution.

Quant à la deuxième question, en particulier les conséquences sur le plan de la Charte, la position que le représentant du ministre a avancée cet après-midi me préoccupe. On me dit que, jusqu'à maintenant, le ministère de l'Immigration n'a pas envisagé de solution de rechange. On me dit en outre que l'intéressé ne peut être renvoyé qu'en Iran et que les autorités iraniennes n'accepteront que les demandes qui ont été faites par l'intéressé.

[...]

À l'heure actuelle, on ne sait pas plus qu'on ne le savait lors de l'examen qui a été effectué à l'expiration du délai de 48 heures, le 9 août 2000, à quel moment la mesure de renvoi sera exécutée ou même si elle le sera. Étant donné que M. Stratigopoulos a fait savoir que l'intéressé ne peut être renvoyé qu'en Iran et que les autorités iraniennes n'accepteront que les demandes qui ont été faites par l'intéressé et, compte tenu de la position prise par l'intéressé, il est évident selon moi que dans deux ans, la question du renvoi ne sera pas plus avancée qu'elle ne l'est maintenant.


Enfin, étant donné que M. Stratigopoulos a fait savoir que le ministère n'a pas envisagé de solutions de rechange et compte tenu des autres remarques que M. Stratigopoulos a faites au sujet du renvoi en Iran, cela donne à entendre que le seul moyen dont dispose le ministère pour renvoyer l'intéressé est celui que M. Stratigopoulos a mentionné, à savoir le renvoi en Iran à condition que l'intéressé signe une demande en vue d'obtenir un document de voyage, ce qu'il refuse de faire.

Si M. Stratigopoulos m'avait dit que le ministère prendrait d'autres moyens, s'il en est, je serais probablement en mesure de conclure que le renvoi du Canada est encore possible. Toutefois, compte tenu de faits tels qu'ils existent, je ne vois pas comment je puis arriver à cette conclusion.

J'ai décidé de délivrer une ordonnance de mise en liberté parce que, en ce moment, je suis convaincu que la détention durera pour une période indéterminée. Cette décision est rendue compte tenu du fait que, si je comprends bien, l'intéressé est détenu depuis quatre mois. Elle est rendue compte tenu du fait que la période pendant laquelle l'intéressé a été détenu jusqu'à maintenant constitue le facteur le moins important. Cette décision est principalement rendue parce que, compte tenu de la situation, il est clair que le renvoi ne peut pas avoir lieu.

[30]       L'arbitre a tenu compte des actions du défendeur et a reconnu que son manque de coopération contribue à la nature indéterminée de la détention. Le fait que le défendeur n'a pas coopéré lorsqu'il s'est agi de l'expulser semble lui avoir permis de se dérober aux procédures administratives susmentionnées qui ont mené à la prise de la mesure d'expulsion.

[31]       Il s'agit de savoir s'il est déraisonnable d'imputer au demandeur le retard indéfini occasionné par le défendeur, de façon que ce dernier soit mis en liberté et qu'on lui permette de rester au Canada.


[32]       Dans la décision Sahin, précitée, Monsieur le juge Rothstein énonce quatre facteurs qui peuvent être pertinents lorsqu'il s'agit de déterminer à quel moment une période de détention peut devenir indéfinie dans le contexte de l'audition de l'examen des motifs de garde prévu à l'article 103. Au paragraphe 30, le juge Rothstein (tel était alors son titre) dit ce qui suit :

Je pense que des lignes directrices se dégageront au fil de la jurisprudence, qui aideront les arbitres dans les décisions difficiles de ce genre. Pour les aider, voici certaines observations sur les facteurs qu'ils devraient prendre en considération. Les avocats des deux parties ont fait d'utiles suggestions à cet égard. La liste suivante, qui n'est bien entendu pas exhaustive, réunit au moins les facteurs les plus évidents, il me semble. Il est inutile de rappeler que les facteurs applicables à un cas d'espèce et leur importance relative dépendent des faits de la cause.

(1)                 Les motifs de détention, savoir si le requérant peut constituer une menace pour la sécurité publique ou peut se dérober à la mesure de renvoi. À mon avis, une longue détention est d'autant justifiable que l'intéressé est considéré comme une menace pour la sécurité publique.

(2)                 La durée de la détention et le temps pendant lequel la détention sera vraisemblablement prolongée. Si l'individu a été déjà détenu pendant un certain temps comme on l'espère et s'il est prévu que la détention sera prolongée pour une longue période ou si on ne peut en prévoir la durée, je dirais que ces facteurs favorisent la mise en liberté.

(3)                 Le requérant ou l'intimé a-t-il causé un retard ou ne s'est-il pas montré aussi diligent qu'il est raisonnablement possible de l'être? Les retards inexpliqués ou même le manque inexpliqué de diligence doivent compter contre la partie qui en est responsable.

(4)                 La disponibilité, l'efficacité et l'opportunité d'autres solutions que la détention, telles que la mise en liberté, la liberté sous caution, la comparution au contrôle périodique, la résidence surveillée dans un lieu ou une localité, l'obligation de signaler les changements d'adresse ou de numéro de téléphone, la détention sous une autre forme moins restrictive de liberté, etc.


[33]       Si l'on applique les facteurs énoncés par le juge Rothstein (tel était alors son titre) dans la décision Sahin, précitée, aux faits de la présente espèce, les premier et troisième facteurs militent en faveur de la détention. En ce qui concerne le premier facteur, le défendeur se dérobera vraisemblablement au renvoi. Quant au troisième facteur, c'est le défendeur qui a causé le retard lorsqu'il s'est agi d'exécuter la mesure de renvoi et la chose devrait donc lui être imputée. En ce qui concerne ce facteur, je ne puis accepter que le retard découlant du refus du défendeur de signer des documents de voyage permette de conclure que la durée de la détention ne peut pas être déterminée ou qu'une autre longue période de détention est prévue. C'est le défendeur lui-même qui a causé le retard. Dans ces conditions, la période d'environ quatre mois pendant laquelle le défendeur a été détenu n'est pas déraisonnable. Enfin, puisque le défendeur se dérobera vraisemblablement au renvoi, il est peu probable qu'il existe d'autres solutions militant en faveur de la mise en liberté, par exemple la mise en liberté pure et simple, la mise en liberté sous caution et le fait de se présenter régulièrement ou de signaler tout changement d'adresse.

[34]       À mon avis, l'application des quatre facteurs énoncés par le juge Rothstein montre clairement que la garde doit se prolonger.

[35]       En l'espèce, l'arbitre a apparemment imputé les déclarations du demandeur (à savoir que le ministère ne dispose d'aucune solution de rechange) à l'encontre du ministre. C'est là omettre de tenir compte de l'objet général de la Loi sur l'immigration et cela mène à une conclusion illogique. Étant donné que les représentants de l'Immigration étaient tenus d'expulser le défendeur en vertu de la loi, qu'ils pouvaient uniquement expulser le défendeur (un citoyen iranien) en Iran et que la détention pouvait prendre fin dès que le défendeur déciderait de signer les documents iraniens nécessaires pour permettre son expulsion en Iran, le défendeur était lui-même l'artisan de sa propre infortune.


[36]       L'arbitre a examiné la décision Sahin, précitée, rendue par le juge Rothstein (tel était alors son titre) et il a fait les remarques ci-après énoncées :

[TRADUCTION] Je suis en outre tenu, en vertu de la Loi sur l'immigration, de statuer sur des questions liées à la Charte; cette question a en fait été énoncée par le juge dans la décision Becktus Sahin, de la Cour fédérale. Je suis également d'accord pour dire que, selon la décision Sahin, le manque de coopération de l'intéressé doit être imputé à celui-ci plutôt qu'au ministre de l'Immigration, lorsque nous déterminons, ou lorsque l'arbitre détermine, ce qui constitue une détention pour une période indéterminée.

Dans l'affaire Sahin, il y avait un ensemble particulier de circonstances qui étaient uniques en leur genre. Il avait été reconnu que M. Sahin était un réfugié au sens de la Convention, décision que le ministre de l'Immigration avait portée en appel devant la Cour fédérale. Les faits de l'affaire Sahin ne sont aucunement semblables à ceux de la présente espèce. Je me rends bien compte que les arbitres doivent tenir compte des lignes directrices énoncées par le juge et doivent les appliquer dans des cas comme celui-ci, mais à mon avis le motif fondé sur la décision Sahin est fort peu pertinent ou n'a aucune importance aux fins de ma décision.

[37]       L'arbitre a reconnu, conformément à la décision Sahin, précitée, que le fait que le défendeur n'avait pas coopéré doit être imputé à celui-ci plutôt qu'au ministre. L'arbitre s'est ensuite prononcé en faveur du défendeur en se fondant sur le fait que la période de détention était indéterminée. Il s'agit d'une erreur de droit.

[38]       À mon avis, la décision de l'arbitre était déraisonnable. Statuer autrement serait encourager les personnes expulsées à coopérer le moins possible, de façon à se soustraire au système canadien de l'immigration et du statut de réfugié. La décision de l'arbitre ne peut pas être maintenue.

[39]       La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la section d'arbitrage.


[40]       Les parties disposeront d'un délai d'une semaine à compter de la date de ces motifs pour me soumettre une question grave de portée générale aux fins d'examen.

     

                       « John A. O'Keefe »                  

Juge

  

Ottawa (Ontario)

Le 8 avril 2002

  

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L


                                              COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                       SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                           AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

DOSSIER :                                                               IMM-6474-00

INTITULÉ :                                                              MCI

c.

Nariman Zangeneh Kamail

  

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                                    le 20 novembre 2001

  

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                     MONSIEUR LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                                        le 8 avril 2002

  

COMPARUTIONS :

M. Stephen H. Gold                                                  POUR LE DEMANDEUR

M. Douglas Lehrer                                                    POUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Morris Rosenberg                                                POUR LE DEMANDEUR

Sous-procureur général du Canada

VanderVennen, Lehrer                                               POUR LE DÉFENDEUR

Toronto (Ontario)

  
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