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                                                                                                                              Date : 20041001

                                                                                                                  Dossier : IMM-7829-03

                                                                                                            Référence : 2004 CF 1324

ENTRE :

                                                         Satnam SINGH BHALLU

                                                                                                                                        demandeur

                                                                             et

                                         LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision d'une agente (l'agente) d'examen des risques avant renvoi (ERAR) prise le 26 août 2003. L'agente a conclu que le demandeur ntait exposé ni à un risque de torture ou dtre soumis à des traitements ou peines cruels et inusités, ni à une menace à sa vie. Le demandeur a aussi déposé une demande de prise en compte de considérations d'ordre humanitaire (la demande CH) le 18 février 2003, alléguant qu'il subirait un préjudice indu s'il était forcé de retourner en Inde. Le juge Lemieux a refuséau demandeur l'autorisation de déposer une demande de contrôle judiciaire contre la décision défavorable rendue sur sa demande CH par la même agente.


[2]         Le demandeur est citoyen de l'Inde. Il affirme qu'il a été à de nombreuses reprises battu, torturé et maltraité par la police en Inde et qu'on l'a accusé d'appartenir à l'Armée nationale du Khalistan et de soutenir ce mouvement, qui commet des actes terroristes au Pendjab. Le demandeur affirme qu'il craint toujours dtre la cible de la police au Pendjab. Il craint dtre de nouveau arrêté, torturé, battu et maltraité. Il soutient que la menace à sa vie est encore plus grande depuis les attaques terroristes du 11 septembre 2001, parce que les autorités essaient à tout prix de combattre le terrorisme au Pendjab et que la brutalité policière continue d'exister.

[3]         Le demandeur soutient qu'il aurait été nécessaire de tenir une audience de sorte qu'il eût pu répondre aux questions que l'agente s'est manifestement posées au moment du traitement de son dossier. En effet, l'agente s'est demandépourquoi le sarpanch avait décidé de présenter un affidavit aussi complet alors qu'il stait d'abord refuséà le faire. Le demandeur affirme que sa crédibilité a été mise en doute et que, en vertu du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement), il aurait dû bénéficier d'une audience.

[4]         Je ne suis pas d'accord. Aucune audience n'est tenue dans le contexte d'un ERAR, sauf dans des circonstances exceptionnelles, lorsque toutes les conditions mentionnées à l'article 167 du Règlement sont remplies.

[5]         Dans l'arrêt Singh et al. c. Canada (M.E.I.), [1985] 1 R.C.S. 177, la Cour suprême du Canada a statué qu'une audience n'est pas nécessaire dans tous les cas, sauf si la décision dépend de conclusions quant aux faits ou quant à la crédibilité. Dans la décision Zhang c. Canada (M.C.I.), [1996] A.C.F. no 1377 (1re inst.) (QL), le juge Gibson a interprété la conclusion de la Cour suprême de la façon suivante :


[11]     Je ne suis pas convaincu, compte tenu des documents qui m'ont été remis, que l'agent, en rendant sa décision, a, de façon implicite ou explicite, mis en doute la crédibilité du requérant. Cependant, même s'il l'avait fait, je ne suis pas convaincu, encore une fois à la lumière de la décision de la Cour d'appel fédérale dans Shah v. M.E.I. citée par le juge Rothstein dans sa déclaration susmentionnée, que la déclaration de madame le juge Wilson dans Singh et al. c. Le Ministre de l'Emploi et de l'Immigration selon laquelle « [...] lorsqu'une question importante de crédibilité est en cause, la justice fondamentale exige que la crédibilité soit tranchée par voie d'audition » s'applique à la présente cause. À mon avis, la « [...] question importante de crédibilité [...] » , dont parle madame le juge Wilson renvoie à une question de crédibilité qui soit au coeur de la décision dont il est question. Même si la décision rendue par l'agent dans la présente affaire soulève implicitement une question de crédibilité, je ne crois pas que celle-ci soit au coeur de la décision qu'il a rendue.

[6]         En l'espèce, la question de la crédibilité ntait pas au centre des préoccupations de l'agente lorsqu'elle a conclu son ERAR. Sa décision se fondait sur de nombreuses considérations, dont l'existence d'une PRI dont le demandeur pouvait raisonnablement se prévaloir, la possibilité d'obtenir la protection de ltat contre la brutalité policière et une analyse complète de la preuve documentaire qui donnait à penser que l'allégation du demandeur selon laquelle il serait exposé à un risque s'il était expulsé vers l'Inde ntait pas fondée.


[7]         Je conclus aussi que l'agente n'a pas commis d'erreur manifestement déraisonnable en n'accordant aucune importance ni au nouvel affidavit du sarpanch, ni au certificat médical du demandeur ou à celui de son père. Le nouvel affidavit du sarpanch est un document qui aurait pu raisonnablement être présenté à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission). Le sarpanch avait déjà présenté un affidavit dans la procédure devant la Commission. Dans sa décision, la Commission a conclu que l'affidavit ne contenait pas suffisamment d'information pour étayer le récit du demandeur. Il semble que le demandeur ait alors voulu remédier à cette lacune en soumettant ce nouvel affidavit. Ce n'est pas là le genre de preuve visé par l'alinéa 113a) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi) (voir Kaybaki c. Canada (Solliciteur général du Canada), [2004] A.C.F. no 27 (C.F.) (QL)). En outre, lorsque le demandeur a présenté le premier affidavit, il a expliqué que le sarpanch ne pouvait pas être plus précis quant aux incidents qui étaient survenus, parce qu'il avait peur des répercussions. L'agente ne pouvait pas comprendre ce qui stait produit qui faisait que tout à coup le sarpanch n'avait plus peur de parler de ces incidents. L'agente a correctement établi qu'aucune raison n'avait été fournie pour expliquer pourquoi le sarpanch avait changé d'avis. Pour ce qui est du certificat médical se rapportant aux blessures du demandeur, le Dr Dongier ne fait rien de plus que répéter les allégations du demandeur. Il ne donne aucune opinion personnelle sur la cause des blessures du demandeur, sauf pour dire que les blessures sont compatibles avec la description que le demandeur a faite de la torture qu'il avait subie.

[8]         Par conséquent, l'agente a eu raison de décider que le document n'avait guère de valeur. En outre, le certificat porte la date du 3 mars 1999, soit de trois mois avant l'audience devant la Commission, qui a eu lieu le 23 juin 1999. Il ne s'agit donc pas d'un élément de preuve nouveau au sens de l'alinéa 113a) de la Loi.

[9]         Je suis également d'avis que l'agente a correctement nié toute valeur probante au certificat médical du père du demandeur. Ce certificat ntablit pas la cause des blessures de son père. Le demandeur affirme que cet élément de preuve corrobore ce qu'il a dit qu'il était arrivé à son père, mais, comme pour son propre certificat, toute preuve qui provient du témoignage du demandeur est sujette à caution lorsqu'une conclusion défavorable quant à la crédibilité a été tirée.

[10]       Par ailleurs, je considère que le demandeur essaie de faire réévaluer par la Cour la preuve présentée à l'agente. Dans le cadre d'un contrôle judiciaire, la Cour n'a pas pour mandat de réévaluer la preuve; elle doit simplement examiner la décision rendue par le décideur et établir si une erreur susceptible de contrôle judiciaire a été commise. Le cas échéant, l'affaire est renvoyée pour qu'une nouvelle décision soit rendue (voir Suresh c. Canada (M.C.I.), [2002] 1 R.C.S. 3, et Ahani c. Canada (M.C.I.), [2002] 1 R.C.S. 72).


[11]       Le demandeur soutient que la même agente a procédé tant à l'ERAR qu'au traitement de sa demande CH le même jour et qu'elle n'a donc pas pu avoir le temps d'examiner adéquatement tous les aspects de sa demande d'ERAR et de sa demande CH et rendre une décision équitable.

[12]       Pour avoir gain de cause quant à une allégation de crainte raisonnable de partialité dans le traitement de sa demande, le demandeur doit démontrer qu'une personne informée qui verrait l'affaire d'une façon réaliste et pratique et qui prendrait le temps de réfléchir conclurait qu'il est probable que le décideur n'a pas pris sa décision en toute équité (Committee for Justice and Liberty et al. c. L'Office national de lnergie et al., [1978] 1 R.C.S. 369). En l'absence d'une preuve contraire, il faut présumer qu'un décideur agit équitablement. Pour combattre cette présomption, le demandeur doit présenter plus que de vagues allégations de partialité, ce qu'il n'a pas fait en l'espèce. Le demandeur admet que le fait que la même agente ait traité ses deux dossiers ne suffit pas pour engendrer une crainte raisonnable de partialité. Par ailleurs, je ne crois pas que le fait que les deux décisions aient été prises le même jour les invalide. Les motifs de l'agente ne laissent rien au hasard. Elle a pris en considération toute la preuve présentée et elle arrive à une conclusion raisonnable dans les deux cas.

[13]       Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

                      « Yvon Pinard »                                                                                                                                             Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 1er octobre 2004

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                             AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                    IMM-7829-03

INTITULÉ :                                                     Satnam SINGH BHALLU

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                             MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                           LE 1er SEPTEMBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               LE JUGE PINARD

DATE DES MOTIFS :                                  LE 1er OCTOBRE 2004

COMPARUTIONS :

Jack B. Rosenfeld                                          POUR LE DEMANDEUR

Mario Blanchard                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jack B. Rosenfeld                                          POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

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