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Date : 20041119

Dossier : T-1864-00

Référence : 2004 CF 1626

ENTRE :

                                                        JOHN LETOURNEAU et

                                                 LETOURNEAU LIFE RAIL LTD.

                                                                                                                                    demandeurs

                                                                                                  (défendeurs reconventionnels)

                                                                            et

                                             CLEARBROOK IRON WORKS LTD.

                                                                                                                                  défenderesse

                                                                                          (demanderesse reconventionnelle)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE HARGRAVE

[1]                 Les présents motifs font suite à des observations qui ont été formulées au cours d'une conférence sur la gestion de l'instance au sujet des dépens des requêtes présentées par chacune des parties relativement à l'enquête préalable et qui ont donné lieu le 14 octobre 2004 à l'ordonnance et aux motifs qui ont depuis été portés en appel.


[2]                 Chacune des parties a dans une large mesure obtenu gain de cause sur les requêtes en question. Tout en reconnaissant qu'au moins une des requêtes était peut-être nécessaire pour motiver des réponses spontanées dès le départ et que la disjonction de l'action a rendu inutiles certaines demandes formulées au sujet de l'enquête préalable, je suis par ailleurs conscient du fait qu'un calcul mathématique des points gagnés et perdus dans une requête ne permet pas de départager qui obtient gain de cause et dans quelle mesure. Un autre facteur qui risque aussi d'embrouiller la question de la communication de réponses est le fait que des pourparlers en vue d'un règlement ont été entamés et relancés.

[3]                 En exerçant mon pouvoir discrétionnaire en faveur de l'adjudication des dépens selon l'issue de la cause dans le cas des deux requêtes, je n'ai pas oublié l'état actuel des Règles de la Cour fédérale et de la jurisprudence.


[4]                 Jusqu'à l'adoption, en 1998, des modifications aux Règles de la Cour fédérale, le principe généralement admis en matière de dépens dans le cas des requêtes interlocutoires était celui qui avait été posé dans le jugement Mayflower Transit Ltd. c. Marine Atlantic Inc., (1989), 29 F.T.R. 30 (C.F. 1re inst.). Suivant ce principe, les dépens des requêtes interlocutoires devaient suivre le sort du principal. Ce principe a été confirmé par le juge Strayer, alors juge à la Section de première instance, dans le jugement Banque Toronto-Dominion c. Canada Trustco Mortgage Co., dont les motifs sont publiés à (1991), 50 F.T.R. 317 (C.F. 1re inst.), à la page 318. Le juge Strayer s'est dit d'avis que, dans le cas d'une requête interlocutoire, les dépens doivent suivre le sort du principal, indépendamment de la question de savoir qui obtient gain de cause. Ce concept repose sur l'idée que, tant que l'action n'a pas été tranchée définitivement, adjuger les dépens en cours d'instance risque de pénaliser la partie qui obtient finalement gain de cause.

[5]                 Les modifications apportées aux Règles de la Cour fédérale en 1998 ont corrigé le problème. Peu de temps après l'entrée en vigueur des nouvelles Règles, le juge Rothstein (maintenant juge à la Cour d'appel) a rendu sa décision dans l'affaire AIC Ltd. c. Infinity Investment Counsel Ltd., (1998), 148 F.T.R. 240 (C.F. 1re inst.). Dans cette affaire, le juge Rothstein a examiné l'état du droit qui existait avant les modifications de 1998. Il a examiné la jurisprudence et il a notamment constaté la tendance des tribunaux à fixer les dépens et à en exiger le paiement immédiat, une méthode qui visait à accélérer le déroulement de l'instance et à attirer l'attention des parties sur les coûts qu'entraîne un procès. Le juge Rothstein a estimé que les décisions antérieures Banque Toronto-Dominion (précitée) et Thurston Hayes Developments Ltd. c. Horn Abbot Ltd., (1985), 5 C.P.R. (3d) 124 (C.A.F.) ne s'appliquaient plus, compte tenu de l'article 401 des nouvelles Règles et du fait que le paragraphe 401(1) confère un pouvoir discrétionnaire à la Cour en matière d'adjudication de dépens. Comme je l'ai dit, il se fondait sur des décisions ontariennes dans lesquelles les tribunaux avaient estimé que l'adjudication des dépens d'une requête visait à accélérer le déroulement de l'instance et constituait un moyen d'inciter les plaideurs à demeurer conscients des frais qu'occasionne un procès (page 243).


[6]                 La Cour d'appel a approuvé le jugement Infinity Investment Council Ltd. dans l'arrêt Enterprise Rent-A-Car Co. c. Singer (décision non publiée rendue le 10 septembre 1999 dans le dossier A-345-98, [1999] A.C.F. no 1687 (QL)). Dans cet arrêt, la Cour d'appel a statué que la Cour fédérale avait le pouvoir discrétionnaire de condamner l'une ou l'autre partie aux dépens d'une requête interlocutoire et ce, indépendamment du sort du principal, parce que le nouveau paragraphe 401(1) des Règles avait eu pour effet de supplanter le jugement Banque Toronto-Dominion.

[7]                 Suivant mon interprétation des décisions Infinity Investment et Enterprise Rent-A-Car (précitées), ni ces décisions ni les dispositions de l'article 401 des Règles ne me forcent à condamner l'une ou l'autre des parties aux dépens, sauf si la requête n'aurait pas dû être présentée. J'estime qu'elles me permettent plutôt d'adjuger les dépens en fonction du sort du principal, à condition que je fasse reposer l'exercice de mon pouvoir discrétionnaire sur des raisons valables et non sur le simple motif, comme dans l'affaire Banque Toronto-Dominion (précité), qu'il serait prématuré d'adjuger des dépens dans le cas d'une requête interlocutoire.

[8]                 En l'espèce, j'ai étudié la possibilité d'adjuger des dépens sur l'une ou l'autre requête ou de n'adjuger aucuns dépens. Toutefois, pour bien attirer l'attention des parties sur l'importance des frais occasionnés par le présent procès, j'estime qu'il convient d'adjuger les dépens selon le sort du principal.


[9]                 Les dépens se rapportant aux deux requêtes portant sur l'enquête préalable, qui ont été tranchées le 14 octobre 2004, et à la poursuite de cette requête jusqu'à maintenant suivront donc le sort du principal.

       « John A. Hargrave »       

                                                                                                                Protonotaire

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 19 novembre 2004

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                                                             

                                             AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                       T-1864-00

INTITULÉ:                                     John Letourneau et autre c. Clearbrook Iron Works Ltd.

LIEU DE L'AUDIENCE :               Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :              LE 18 NOVEMBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE PROTONOTAIRE HARGRAVE

DATE DES MOTIFS :                   LE 19 NOVEMBRE 2004

COMPARUTIONS:                      

Paul Smith                                      

J Kevin Wright

POUR LES DEMANDEURS (défendeurs reconventionnels)

                                 

POUR LA DÉFENDERESSE (demanderesse reconventionnelle)

                                      

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Paul Smith Intellectual Property Law

Vancouver (Colombie-Britannique)                          

Davis & Company

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LES DEMANDEURS (défendeurs reconventionnels)

                                

                                

POUR LA DÉFENDERESSE (demanderesse reconventionnelle)


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