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Date : 19980915


Dossier : T-536-98

     OTTAWA (ONTARIO), LE MARDI 15 SEPTEMBRE 1998

     EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM

     ACTION RÉELLE ET PERSONNELLE

ENTRE :      GILLES JEAN, domicilié et résidant au 155,

         Place du Quai, C.P. 244, Percé (Québec), GOC 2L0,

         district de Gaspé,

     demandeur,

ET          GEORGES MAMELONET, domicilié et

         résidant au 836, rang d'Irlande, C.P. 201, Percé          (Québec), G0C 2L0, district de Gaspé,

     demandeur,

ET          FRANCE LEBREUX, domiciliée et résidant au

         836, rang d'Irlande, C.P. 201, Percé (Québec),

         G0C 2L0, district de Gaspé,

     demanderesse,

ET          LE NAVIRE " CAPITAINE DUVAL ",

     défendeur,

ET          LE NAVIRE " CAPITAINE DUVAL II ",

     défendeur,

ET          LE NAVIRE " EXPLORATHOR CAPITAINE DUVAL III ",

     défendeur,

ET          LES PROPRIÉTAIRES ET TOUTES LES AUTRES

         PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LES NAVIRES

         " CAPITAINE DUVAL ", " CAPITAINE DUVAL II " ET

         " EXPLORATHOR CAPITAINE DUVAL III ",

     défendeurs,

ET          SET-HA (DIVISION INTERNATIONAL) INC.,

         personne morale légalement constituée, ayant son

         siège au 155, Place du Quai, C.P. 244, Percé (Québec),

         G0C 2L0, district de Gaspé,

     défenderesse.

     ORDONNANCE

En raison des motifs de l'ordonnance, la Cour ordonne aux demandeurs de payer les dépens et les débours au montant forfaitaire de 20 000 $, y compris les dépens et les débours de la présente demande.

     " Max M. Teitelbaum "

    

                                         J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


Date : 19980915


Dossier : T-536-98

     ACTION RÉELLE ET PERSONNELLE

ENTRE :      GILLES JEAN, domicilié et résidant au 155,

         Place du Quai, C.P. 244, Percé (Québec), GOC 2L0,

         district de Gaspé,

     demandeur,

ET          GEORGES MAMELONET, domicilié et

         résidant au 836, rang d'Irlande, C.P. 201, Percé          (Québec), G0C 2L0, district de Gaspé,

     demandeur,

ET          FRANCE LEBREUX, domiciliée et résidant au

         836, rang d'Irlande, C.P. 201, Percé (Québec),

         G0C 2L0, district de Gaspé,

     demanderesse,

ET          LE NAVIRE " CAPITAINE DUVAL ",

     défendeur,

ET          LE NAVIRE " CAPITAINE DUVAL II ",

     défendeur,

ET          LE NAVIRE " EXPLORATHOR CAPITAINE DUVAL III ",

     défendeur,

ET          LES PROPRIÉTAIRES ET TOUTES LES AUTRES

         PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LES NAVIRES

         " CAPITAINE DUVAL ", " CAPITAINE DUVAL II " ET

         " EXPLORATHOR CAPITAINE DUVAL III ",

     défendeurs,

ET          SET-HA (DIVISION INTERNATIONAL) INC.,

         personne morale légalement constituée, ayant son

         siège au 155, Place du Quai, C.P. 244, Percé (Québec),

         G0C 2L0, district de Gaspé,

     défenderesse.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE TEITELBAUM

[1]      La décision de la Cour en date du 26 juin 1998 présente l'historique complet de la cause. Dans cette décision, j'ai accueilli, avec dépens, la demande en radiation de l'action réelle et personnelle des demandeurs pour défaut de compétence de la Cour.

[2]      Le 27 juillet 1998, les défendeurs ont présenté un avis de requête pour que la Cour fixe les dépens auxquels ils ont droit dans la présente action. Dans leur avis de requête, les défendeurs sollicitent une ordonnance judiciaire d'adjudication des dépens sur la base avocat-client dont le paiement est à la charge solidaire des demandeurs ([TRADUCTION] " dont le paiement est à la charge solidaire des défendeurs ", aux termes de l'avis de requête) et, subsidiairement, les défendeurs demandent une ordonnance d'adjudication des dépens sous la forme d'un montant forfaitaire en conformité avec le nombre maximal d'unités prévu à la colonne IV de la Partie I du Tarif B, en plus de l'adjudication des débours engagés en vertu de la Partie III du Tarif B, le tout pour un montant forfaitaire total de 16 357,28 $, dont le paiement serait à la charge solidaire des demandeurs (comme dans le cas mentionné précédemment, l'avis de requête fait référence aux défendeurs).

[3]      En vertu de la règle 400(1) des Règles de la Cour fédérale, la Cour jouit d'un très vaste " pouvoir discrétionnaire " pour trancher la question des dépens.

400. (1) The Court shall have full discretionary power over the amount and allocation of costs and the determination of by whom they are to be paid.

400. (1) La Cour a entière discrétion pour déterminer le montant des dépens, les répartir et désigner les personnes qui doivent

les payer.

[4]      Ce " pouvoir discrétionnaire " doit être exercé judiciairement. La règle 400(3) énumère quelques-uns des facteurs dont la Cour peut tenir compte dans l'exercice de son " pouvoir discrétionnaire ".


(3) In exercising its discretion under subsection (1), the Court may consider

     (a) the result of the proceeding;
     (b) the amounts claimed and the amounts recovered;
     (c) the importance and complexity of the issues;
     (d) the apportionment of liability;
     (e) any written offer to settle;
     (f) any offer to contribute made under rule 421;
    
     (g) the amount of work;

     (h) whether the public interest in having the proceeding litigated justifies a particular award of costs;
     (i) any conduct of a party that tended to shorten or unnecessarily lengthen the duration of the proceeding;
    
     (j) the failure by a party to admit anything that should have been admitted or to serve a request to admit;
     (k) whether any step in the proceeding was
     (i) improper, vexatious or unnecessary, or
     (ii) taken through negligence, mistake or excessive caution;
    
    
     (l) whether more than one set of costs should be allowed, where two or more parties were represented by different solicitors or were represented by the same solicitor but separated their defence unnecessarily;
    
     (m) whether two or more parties,
     represented by the same solicitor, initiated separate proceedings unnecessarily;
    
     (n) whether a party who was successful in an action exaggerated a claim, including a counterclaim or third party claim, to avoid the operation of rules 292 to 299; and
     o) any other matter that it considers relevant.

(3) Dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire en application du paragraphe (1), la Cour peut tenir compte de l'un ou l'autre des facteurs suivants :

a) le résultat de l'instance;
     b) les sommes réclamées et les sommes recouvrées;
     c) l'importance et la complexité des questions en litige;
     d) le partage de la responsabilité;
    
     e) toute offre écrite de règlement;
     f) toute offre de contribution faite en vertu de la règle 421;
     g) la charge de travail;
     h) le fait que l'intérêt public dans la résolution judiciaire de l'instance justifie une adjudication particulière des dépens;
     i) la conduite d'une partie qui a eu pour effet d'abréger ou de prolonger inutilement la durée de l'instance;
     j) le défaut de la part d'une partie de signifier une demande visée à la règle 255 ou de reconnaître ce qui aurait dû être admis;
     k) la question de savoir si une mesure prise au cours de l'instance, selon le cas :
     (i) était inappropriée, vexatoire ou inutile,
     (ii) a été entreprise de manière négligente, par erreur ou avec
     trop de circonspection;

     l) la question de savoir si plus d'un mémoire de dépens devrait être accordé lorsque deux ou plusieurs parties sont représentées par différents avocats ou lorsque, étant représentées par le même avocat, elles ont scindé inutilement leur défense;
    
     m) la question de savoir si deux ou plusieurs parties représentées par le même avocat ont engagé inutilement des instances distinctes;
     n) la question de savoir si la partie qui a eu gain de cause dans une action a exagéré le montant de sa réclamation, notamment celle indiquée dans la demande reconventionnelle ou la mise en cause, pour éviter l'application des règles 292 à 299;
     o) toute autre question qu'elle juge pertinente.



[5]      En vertu de la règle 400(6), la Cour jouit d'un pouvoir discrétionnaire additionnel.

(6) Notwithstanding any other provision of these Rules, the Court may

    
     (a) award or refuse costs in respect of a particular issue or step in a proceeding;
     (b) award assessed costs or a percentage of assessed costs up to and including a specified step in a proceeding;
     (c) award all or part of costs on a solicitor-and-
     client basis; or
     (d) award costs against a successful arty.

(6) Malgré toute autre disposition des présentes règles, la Cour peut :

     a) adjuger ou refuser d'adjuger les dépens à l'égard d'une question litigieuse ou d'une procédure particulières;
     b) adjuger l'ensemble ou un pourcentage des dépens taxés, jusqu'à une étape précise de l'instance;

     c) adjuger tout ou partie des dépens sur une base avocat-client;
     d) condamner aux dépens la partie qui obtient gain de cause.

[6]          Dans Belgo Nineira Comercial Exportadora S.A. et autres c. Hadley Shipping Co., 131 F.T.R. 36, le protonotaire Hargrave affirme à la page 40 :

             
     Les dépens sur la base des frais entre procureur et client " [...] sont exceptionnels et ne doivent généralement être accordés qu'en raison d'une faute reliée au litige " : Amway Corporation c. La Reine [1986] 2 C.T.C. 339, page 340 (C.A.F.). En fait, " les dépens comme entre procureur et client ne sont généralement accordés que lorsqu'il y a eu conduite répréhensible, scandaleuse ou outrageante de la part d'une des parties " : Young c. Young , [1993] 4 R.C.S. 3, 160 N.R. 1, 34 B.C.A.C. 161; 56 W.A.C. 161, page 41.         

[7]      Il ne fait aucun doute que les demandeurs ont commis une faute dans leur façon d'intenter la présente action.

[8]      Comme je l'ai dit dans ma décision du 26 juin 1998, Gilles Jean et Georges Mamelonet avec 30 ou 31 personnes ou sociétés sont actionnaires de la défenderesse, Set-Ha (Division International) Inc. Gilles Jean a été " président et directeur général " jusqu'au 15 février 1998. En conséquence, je suis convaincu que ce dernier avait pleine connaissance des affaires de la compagnie lorsqu'il a intenté ses procédures judiciaires et qu'il a fait saisir les trois navires appartenant à Set-Ha.

[9]      Georges Mamelonet était actionnaire et vice-président de Set-Ha. En outre, je suis convaincu qu'il avait connaissance des affaires de la compagnie lorsqu'il a introduit son action et qu'il a fait saisir les trois navires de la compagnie.

[10]      En tout état de cause, le 27 mars 1998, les demandeurs ont fait envoyer par leurs avocats une mise en demeure intimant à Set-Ha de payer la somme de 229 999,62 $ au plus tard le 30 mars 1998 " à défaut de quoi nous n"aurons d"autre choix que d"intenter une action contre vous et ce, sans autre avis ni délai ".

[11]      Dans ma décision du 26 juin 1998, j'ai affirmé aux paragraphes 7, 8 et 9 de la page 4 :

         [7]      Il apparaît évident, aux yeux de toute personne raisonnable, que Set-Ha n"aurait pas été en défaut si, au plus tard le 30 mars 1998, à 17 h, elle avait payé la somme réclamée, et il apparaît évident qu"aucune procédure judiciaire (une action) ne devait être déposée avant ce moment, à moins que ne surgisse une raison exceptionnelle, inconnue au départ.                 
         [8]      Malgré que la mise en demeure susmentionnée ait donné à Set-Ha jusqu"au 30 mars 1998, à 17 h, pour effectuer le paiement " des salaires dus " et " des dépenses ", les demandeurs, Gilles Jean, Georges Mamelonet et France Lebreux, ont entrepris des procédures judiciaires dès le 27 mars 1998 en déposant au greffe de la Cour fédérale une action réelle et personnelle.                 
         [9]      De plus, Gilles Jean, Georges Mamelonet et France Lebreux ont déposé, au même moment semble-t-il, des affidavits portant demande de mandat afin de faire saisir les navires " CAPITAINE DUVAL ", " CAPITAINE DUVAL II " et " EXPLORATHOR CAPITAINE DUVAL III " pour satisfaire à leur réclamation de salaires et dépenses impayés.         

[12]      En faisant saisir les trois navires avant l'expiration du délai prévu dans la mise en demeure, les demandeurs ont, à mon avis, commis une faute donnant droit à plus que de simples dépens.

[13]      En outre, l'un des navires, soit le M.V. " CAPITAINE DUVAL ", a une valeur assurée de 2 000 000 $. En tant qu'anciens président et vice-président, Jean et Mamelonet en avaient sans aucun doute connaissance.

[14]      On peut se demander pourquoi ils ont sollicité la délivrance de mandats de saisie des trois navires appartenant à la défenderesse Set-Ha. À mon avis, ils l'ont fait dans le but de mettre la compagnie dans un bel embarras.

[15]      La preuve au dossier principal montre que le navire M.V. " CAPITAINE DUVAL " est grevé d'une hypothèque d'un montant approximatif de 575 000 $, détenue par la Banque de Montréal, ce qui donne au navire une valeur nette approximative de 1 425 000 $, montant beaucoup plus élevé que les 229 999,62 $ réclamés par les trois demandeurs.

[16]      Bien qu'aucun élément de preuve relatif aux répercussions de la saisie sur le détenteur de l'hypothèque ne m'ait été présenté, je suis convaincu que la défenderesse se doit d'" expliquer " les événements au détenteur de l'hypothèque et pourquoi le navire a fait l'objet d'une saisie.

[17]      Je suis convaincu que la saisie a été effectuée dans le but exprès de mettre la défenderesse dans une position embarrassante vis-à-vis du détenteur de l'hypothèque.

[18]      Il est inutile, à mon avis, de fournir d'autres exemples démontrant que les navires ont été saisis dans le but exprès de causer à la défenderesse des difficultés considérables et de l'empêcher de préparer ses navires pour la saison touristique devant commencer en mai 1998. Les saisies ont été exécutées en avril 1998.

[19]      Il ne fait aucun doute, à mon sens, que les demandeurs ont commis une " faute ". J'estime donc qu'ils doivent payer les dépens au montant forfaitaire de 20 000 $, y compris les débours et les frais de la présente requête. J'ai la conviction que la conduite des demandeurs est à la limite de la " conduite répréhensible ". Pour ce motif, je n'adjugerai pas les dépens sur la base avocat-client.

                            

                         " Max M. Teitelbaum "                                  J.C.F.C.

OTTAWA (ONTARIO)

Le 15 septembre 1998

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :              T-536-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :      GILLES JEAN ET AUTRES c. GEORGES MAMELONET ET AUTRES

LIEU DE L'AUDIENCE :      MONTRÉAL

DATE DE L'AUDIENCE :      LE 10 SEPTEMBRE 1998
MOTIFS DE L'ORDONNANCE :      LE JUGE TEITELBAUM
DATE DES MOTIFS :          LE 15 SEPTEMBRE 1998

ONT COMPARU :

MME ANNE LEGARS                          POUR LES DEMANDEURS
M. LOUIS BUTEAU                          POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

LANGLOIS GAUDREAU, QUÉBEC                  POUR LES DEMANDEURS
SPROULE, CASTONGUAY, POLLACK                  POUR LES DÉFENDEURS

MONTRÉAL

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