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Date : 20030904

Dossier : IMM-923-03

Référence : 2003 CF 1023

ENTRE :

                                                                 ROU LAN XIE

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE KELEN

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire visant la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Section des réfugiés) de rejeter, en date du 24 janvier 2003, la demande d'asile présentée par la demanderesse. La Section des réfugiés a statué :

1.          que la demande d'asile de la demanderesse n'était pas crédible;

2.          que, de toutes façons, la demanderesse ne pouvait pas demander l'asile puisqu'elle était exclue par la section Fb) de l'article premier de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés (la Convention);


3.          que la demanderesse ne pouvait pas non plus être admise au Canada en tant que « personne à protéger » puisqu'elle était exclue par la section Fb) de l'article premier.

LES FAITS

1.          Demande d'asile

[2]         La demanderesse, une citoyenne de Chine, a demandé l'asile à cause de ses opinions politiques et de son appartenance à un groupe social. Elle est divorcée et a une fille, qui habite au Canada. Titulaire d'un diplôme de comptabilité, elle est devenue l'un des deux chefs adjoints de la division de la planification et des finances de la Commission des relations économiques et du commerce extérieurs de Guangzhou (la CRECE) en mars 1996. À ce titre, la demanderesse était responsable de l'examen et de l'approbation des remboursements de la taxe sur la valeur ajoutée aux compagnies qui exportaient des marchandises de Guangzhou. Elle soutient qu'elle a souvent désobéi à ses supérieurs qui lui demandaient de délivrer de faux certificats de remboursement à l'exportation. Elle a aussi refusé de rédiger et d'approuver des rapports qui accusaient faussement des individus de mauvaise gestion financière, d'insubordination, de corruption et de détournement de fonds.


[3]                En juillet 1999, trois enquêteurs du bureau du procureur ont entrepris une vérification des registres comptables de la CRECE. Ils ont interrogé la demanderesse au sujet d'anomalies relevées dans deux dépôts à terme. Un autre membre du personnel a conseillé à la demanderesse d'être prudente parce qu'il avait l'impression que le bureau du procureur essayait de monter un coup contre elle. Le 28 juillet 1999, la demanderesse a entendu son supérieur immédiat comploter de la piéger. Elle s'est alors enfuie à Shen Zhen, avant d'aller à Hong Kong. Comme elle avait obtenu un visa de visiteur pour la Thaïlande le 25 juin 1999 afin de rendre visite à un parent habitant dans ce pays, elle a décidé de s'y rendre. Avant de quitter Hong Kong le 2 août 1999, elle a obtenu un visa de visiteur pour le Venezuela. Elle a aussi présenté une demande de visa de visiteur pour le Canada, mais, au lieu de se présenter à l'entrevue qui devait avoir lieu au consulat canadien dans l'après-midi du 2 août, elle a préféré retirer sa demande. Des documents produits par le bureau des visas canadien de Hong Kong indiquent que la demanderesse [TRADUCTION] « a retiré sa demande aujourd'hui parce qu'elle devait quitter le pays pour la Thaïlande aujourd'hui à 16 h 30 » .


[4]                Le 6 août 1999, la demanderesse a quitté la Thaïlande pour le Venezuela, où elle a communiqué avec un ami au service de la CRECE. Elle a appris que son bureau à la CRECE avait été fouillé et qu'un carnet de notes lui appartenant avait été saisi. La demanderesse soutient que ce carnet contient des renseignements au sujet des demandes illégales faites par ses supérieurs à la CRECE ainsi que des critiques des réformes économiques entreprises par la Chine, de ses politiques commerciales et de ses rapports avec l'Organisation mondiale du commerce. Selon la demanderesse, le contenu du carnet de notes mettrait le gouvernement chinois dans l'embarras s'il était rendu public. La demanderesse est demeurée au Venezuela jusqu'en mars 2001. Elle est alors venue au Canada en utilisant un faux passeport. Elle a décidé de venir au Canada à cause des rumeurs qui circulaient selon lesquelles le ministère de la Sécurité chinois avait demandé à des gangs chinois locaux de l'arrêter. Un passeur de clandestins lui a procuré un faux passeport et elle a laissé le sien au Venezuela. Elle a demandé l'asile à son arrivée au Canada. Sa demande a été entendue par un tribunal de la Section des réfugiés formé d'un seul commissaire le 5 juillet et le 14 août 2002.

2.          Thèse du ministre

[5]                À l'audience, un représentant du ministre a fait valoir que la demanderesse n'avait pas droit à la protection du Canada puisqu'elle était visée à la section Fb) de l'article premier de la Convention. Cette disposition prévoit :


Article premier. -- Définition du terme « réfugié »

[...]

Article 1. Definition of the term "refugee"

[...]

F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :

F. The provisions of this Convention shall not apply to any person with respect to whom there are serious reasons for considering that.

b) Qu'elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d'accueil avant d'y être admises comme réfugiés;

(b) He has committed a serious non-political crime outside the country of refuge prior to his admission to that country as a refugee;

[...]


[6]                Le défendeur s'appuyait sur un mandat d'arrêt lancé contre la demanderesse par INTERPOL le 29 août 2000. Le mandat indique que la demanderesse est une fugitive recherchée pour avoir détourné plus de 7 000 000 yuan (environ 1 400 000 $CAN) entre juin 1997 et janvier 1999. Il précise également que la demanderesse a été accusée en vertu de l'article 382 du code criminel chinois et que l'infraction en question est passible de l'emprisonnement à perpétuité. Les articles 382 et 383 du code criminel chinois ont été traduits de la manière suivante dans la décision du tribunal :


[traduction]

Article 382. Les fonctionnaires qui profitent de leur poste pour commettre des malversations, des vols, des fraudes ou utiliser d'autres moyens illégaux pour acquérir la propriété de l'État se rendent coupables de corruption.

Les personnes chargées par des organismes d'État, des sociétés d'État, des entreprises d'État, des projets d'État et des organisations de masse d'administrer et d'exploiter des propriétés d'État, mais qui profitent de leur poste pour commettre des malversations, des vols, des fraudes ou utiliser d'autres moyens illégaux pour acquérir des propriétés d'État se rendent également coupables de corruption.

Les personnes qui collaborent avec des fonctionnaires énumérés dans les deux paragraphes ci-dessus et se rendent complices du délit sont considérées comme ayant commis conjointement le délit.

Article 383. [...]

(1) Les personnes qui se sont rendues coupables de corruption impliquant des montants supérieurs à 100 000 yuan sont passibles d'une peine de 10 ans de prison ferme au minimum ou d'emprisonnement à perpétuité et peuvent, en outre, se faire confisquer leur propriété. Dans des cas particulièrement graves, les coupables peuvent être condamnés à mort et, en outre, se faire confisquer leur propriété.

[7]                Une lettre adressée par le ministre de la Sécurité publique de la Chine à l'ambassade canadienne à Beijing, le 30 avril 2001, a aussi été produite en preuve. Cette lettre, qui décrit les accusations portées contre la demanderesse, se lit en partie comme suit :

[traduction]

Le 23 avril, l'Agence de la sécurité publique de la province de Guangdong de notre pays a reçu une note de votre consul à Guangzhou déclarant qu'une Chinoise du nom de XIE Ruo Lan était en train de présenter une demande d'asile au Canada; cependant, cette personne ne possédait pas de papiers d'identité valides et le consulat a demandé de vérifier si Mme XIE faisait l'objet d'allégations d'infraction(s) criminelle(s) en Chine.

[...] Le 30 mai 2000, le procureur du peuple à Guangzhou a approuvé l'arrestation de XIE Ruo Lan pour des présomptions de corruption. Le 29 août 2000, à la demande du Bureau central national chinois de l'Organisation internationale de police criminelle de notre pays, l'administration centrale de l'Organisation a émis un « mandat d'arrêt rouge » no 2000/39532 contre XIE Ruo Lan (copie du mandat d'arrêt ci-joint).

[8]                Il ressort clairement de cette lettre que le gouvernement canadien a informé le gouvernement chinois, le prétendu agent de persécution de la demanderesse, de la demande d'asile de celle-ci. À la page 21 de sa décision, la Section des réfugiés a fait remarquer que cela « n'aurait pas dû se produire » et que « le représentant du ministre s'est efforcé lors de l'audience d'expliquer que cela n'aurait pas dû se produire » .

3.          Décision de la Section des réfugiés

[9]         La Section des réfugiés a rejeté la demande d'asile de la demanderesse au motif que celle-ci n'était pas crédible et qu'elle n'avait pas droit à la protection du Canada puisqu'elle était exclue par la section Fb) de l'article premier. Le tribunal n'a pas cru que la demanderesse avait été piégée par ses supérieurs pour avoir refusé d'exécuter des ordres illégaux. Il a relevé de nombreuses invraisemblances, incohérences et contradictions dans la version des événements de la demanderesse et dans la preuve documentaire qui lui avait été présentée. Il a conclu, à la page 23 de sa décision :

La demandeure n'a jamais exposé qui que ce soit pour quoi que ce soit en Chine. Elle n'était pas une dénonciatrice. Il n'y avait aucun aspect politique public à ce qu'elle a fait.


[10]            Après avoir attaqué la crédibilité de la demanderesse, la Section des réfugiés s'est penchée sur son exclusion par le ministre. Le tribunal a déterminé que la demanderesse n'était pas une « personne à protéger » au sens de l'article 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR) (voir le paragraphe 14 ci-dessous) parce qu'il existait « des raisons sérieuses de penser » qu'elle avait commis un « crime grave de droit commun » . Pour le tribunal, les raisons sérieuses étaient le mandat d'arrêt lancé par INTERPOL et la fortune inexplicable de la demanderesse. Le tribunal a considéré, après l'avoir examiné, que le mandat d'arrêt était crédible et digne de foi, malgré le fait qu'il indiquait que la peine maximale dont est passible un détournement de fonds est l'emprisonnement à perpétuité alors que la loi prévoit que cette infraction peut entraîner la peine de mort. Le tribunal a pris note des sommes d'argent considérables que la demanderesse et sa fille possédaient malgré leur faible revenu. La demanderesse a indiqué dans son témoignage qu'elle possède 9 000 000 yuan - ce qui représente environ 1 800 000 $CAN - et que sa fille, qui est caissière au Canada, possédait l'équivalent d'environ 900 000 $CAN dans un compte de banque à Hong Kong. Le tribunal n'a pas cru la demanderesse lorsqu'elle prétendait qu'il s'agissait de sa part du revenu de placement qu'elle avait gagné avec son ex-mari parce que « certains des documents fournis pour corroborer son histoire sont inconcluants ou ambigus » . En outre, le tribunal a indiqué que les raisons pour lesquelles la demanderesse avait continué d'occuper un « poste relativement peu rémunéré où elle était régulièrement critiquée, humiliée et où on lui demandait d'agir de façon illégale » malgré sa fortune personnelle n'étaient pas claires.


[11]            La Section des réfugiés a ensuite entrepris de déterminer si le détournement de fonds constitue un crime grave de droit commun. Elle a rappelé l'arrêt Chan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] 4 C.F. 390 (C.A.F.), où la Cour a statué, au paragraphe 9, qu'un crime grave de droit commun est assimilable à un crime pour lequel une peine maximale de dix ans aurait pu être infligée s'il avait été commis au Canada. Le tribunal a aussi cité le paragraphe 155 du Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (le Guide du HCR), selon lequel un crime grave est « un meurtre ou une autre infraction que la loi punit d'une peine très grave » . Se fondant sur ces sources, le tribunal a conclu que « l'alinéa 1Fb) n'interdit pas d'invoquer des crimes économiques non violents graves comme motif d'exclusion » .

[12]            La Section des réfugiés a ensuite examiné les dispositions pertinentes du droit chinois et du droit canadien. Selon elle, l'article 382 du code criminel chinois équivaut à l'alinéa 380(1)a) du Code criminel du Canada, L.R.C. (1985), ch. C-34, qui se lit comme suit :


Fraude

380. (1) Quiconque, par supercherie, mensonge ou autre moyen dolosif, constituant ou non un faux semblant au sens de la présente loi, frustre le public ou toute personne, déterminée ou non, de quelque bien, service, argent ou valeur :

Fraud

380. (1) Every one who, by deceit, falsehood or other fraudulent means, whether or not it is a false pretence within the meaning of this Act, defrauds the public or any person, whether ascertained or not, of any property, money or valuable security or any service,

a) est coupable d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement maximal de dix ans, si l'objet de l'infraction est un titre testamentaire ou si la valeur de l'objet de l'infraction dépasse cinq mille dollars;

(a) is guilty of an indictable offence and liable to a term of imprisonment not exceeding ten years, where the subject-matter of the offence is a testamentary instrument or the value of the subject-matter of the offence exceeds five thousand dollars;


[13]            La Section des réfugiés a conclu que le détournement de fonds est assimilable à un crime grave de droit commun au Canada et en Chine compte tenu des peines sévères dont il est passible dans les deux pays. En conséquence, elle a exclu la demanderesse de la protection conformément à l'article 98 de la LIPR :



Exclusion par application de la Convention sur les réfugiés

98. La personne visée aux sections E ou F de l'article premier de la Convention sur les réfugiés ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger.

Exclusion - Refugee Convention

98. A person referred to in section E or F of Article 1 of the Refugee Convention is not a Convention refugee or a person in need of protection.


[14]            Même s'il n'était pas nécessaire de le faire vu qu'elle avait conclu à son exclusion, la Section des réfugiés a entrepris de déterminer si la demanderesse était visée à l'alinéa 97(1)a) de la LIPR :


Personne à protéger

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n'a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

Person in need of protection

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

a) soit au risque, s'il y a des motifs sérieux de le croire, d'être soumise à la torture au sens de l'article premier de la Convention contre la torture;

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or


[15]            Après un examen des documents pertinents produits en preuve, le tribunal a conclu qu'il existait plus qu'une simple possibilité que la demanderesse, si elle était renvoyée en Chine, soit persécutée alors qu'elle serait incarcérée pendant l'enquête menant au dépôt d'accusations. Le tribunal a indiqué :

Après avoir examiné l'importante documentation présentée dans le cadre de cette demande, je suis d'avis qu'il existe plus qu'une simple possibilité que cette demandeure risquerait d'être torturée pendant son incarcération lors de l'enquête menant à une mise en accusation.

En outre, le tribunal était d'avis qu'être torturé en tant que suspect criminel ne peut être considéré comme un risque inhérent à l'application d'une sanction légitime, de sorte que, si la demanderesse n'avait pas été exclue de la définition de personne à protéger, elle serait visée à l'alinéa 97(1)a).

[16]            La demanderesse craignait que le ministère de la Sécurité publique de la Chine, qui avait été mis au courant de sa demande d'asile par le gouvernement canadien, puisse avoir accès à son dossier et apprenne les détails de sa demande. Pour se protéger contre cette possibilité, elle a obtenu de la Cour une ordonnance de confidentialité visant son dossier et une ordonnance portant que l'audience se déroule à huis clos à Vancouver.

QUESTIONS EN LITIGE

[17]            La demanderesse soulève les questions suivantes à l'audience devant la Cour :

1.          La conclusion de la Section des réfugiés selon laquelle elle n'est pas crédible est-elle manifestement déraisonnable?

2.          La Section des réfugiés a-t-elle commis une erreur de droit en considérant que le mandat lancé par INTERPOL et la lettre envoyée par le gouvernement chinois au gouvernement canadien décrivant le crime qui lui était reproché constituaient une preuve suffisante du fait qu'elle avait commis un « crime grave » ?

3.          La Section des réfugiés a-t-elle commis une erreur de droit en considérant qu'un « crime économique » , commis sans violence, constitue un « crime grave de droit commun » aux fins de la section Fb) de l'article premier de la Convention?


4.          La Section des réfugiés a-t-elle commis une erreur en l'excluant en vertu de la section Fb) de l'article premier de la Convention sans soupeser la « gravité du crime » par rapport à la nature du risque qu'elle courrait si elle était renvoyée en Chine?

ANALYSE

Norme de contrôle applicable

[18]       La norme de contrôle applicable aux affaires concernant la section Fb) de l'article premier a été analysée par le juge Décary dans Harb c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CAF 39, au paragraphe 14 :

Ces conclusions, dans la mesure où elles sont factuelles, ne peuvent être révisées que si elles sont erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont la Section du statut disposait (c'est l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale qui établit cette norme de contrôle, qu'en d'autres juridictions on définit par l'expression « manifestement déraisonnable » ). Ces conclusions, dans la mesure où elles appliquent le droit aux faits de la cause, ne peuvent être révisées que si elles sont déraisonnables. Ces conclusions, dans la mesure où elles interprètent le sens de la clause d'exclusion, peuvent être révisées si elles sont erronées. (Sur la norme de contrôle : voir Shrestha c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [2002] A.C.F. no 1154, 2002 FCT 887, juge Lemieux, aux paragraphes 10, 11 et 12.)

[19]            Comme dans l'affaire Harb, trois normes de contrôle différentes s'appliquent en l'espèce :

En premier lieu, la norme de la décision manifestement déraisonnable s'appliquera aux conclusions de fait du tribunal ainsi qu'à sa conclusion concernant la crédibilité.

En deuxième lieu, pour conclure qu'il existe des raisons sérieuses de penser que la demanderesse a détourné des fonds, la Section des réfugiés devait appliquer le droit aux faits de l'affaire. Il s'agit d'une question à la fois de droit et de fait qui sera évaluée en fonction de la norme de la décision raisonnable simpliciter : Sharma c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 289, au paragraphe 12.

En troisième lieu, la norme de la décision correcte s'appliquera à la conclusion de la Section des réfugiés selon laquelle une infraction purement économique peut constituer un crime grave de droit commun, car l'interprétation des dispositions de la Convention est une question de droit : Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, aux paragraphes 42 à 50. De plus, la question de savoir si la Section des réfugiés devait soupeser l'infraction commise par la demanderesse par rapport à la possibilité qu'elle soit torturée pendant son incarcération en Chine est une question de droit à laquelle la norme de la décision correcte s'applique également.

Question no 1: La conclusion de la Section des réfugiés selon laquelle la demanderesse n'est pas crédible est-elle manifestement déraisonnable?


[20]       La demanderesse a indiqué dans son témoignage à l'audience qu'elle a été faussement accusée de détournement de fonds parce qu'elle a refusé d'obéir aux ordres illégaux de ses supérieurs. Le tribunal a rejeté cette explication parce qu'il avait des doutes au sujet de la crédibilité de ce témoignage. La demanderesse soutient que la conclusion de la Section des réfugiés relative à la crédibilité est erronée et que le tribunal s'est fondé à tort sur des éléments de preuve insuffisants pour conclure qu'il existait des raisons sérieuses de penser qu'elle avait détourné des fonds.


[21]            Le récit de la demanderesse était incroyablement complexe et l'exposé circonstancié joint à son FRP compte 14 pages. Après avoir longuement analysé ce récit, la Section des réfugiés a relevé de nombreuses invraisemblances, incohérences et contradictions dans la version des faits de la demanderesse et dans les documents déposés en preuve devant elle. Dans les observations qu'elle a adressées à la Cour, la demanderesse a contesté la plupart des incohérences et des invraisemblances décelées par la Section des réfugiés. Or, elle ne fait que reprendre, dans ces observations, les explications qu'elle a données au cours de l'audience. La demanderesse n'a pas démontré que la Section des réfugiés a rendu sa décision de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait. Elle demande essentiellement à la Cour d'apprécier de nouveau la preuve qui a été produite devant la Section des réfugiés, ce qui n'est pas le rôle de la Cour lorsqu'elle est saisie d'une demande de contrôle judiciaire. La Section des réfugiés pouvait raisonnablement en arriver aux conclusions qu'elle a tirées relativement à la crédibilité et aux invraisemblances. En outre, ces conclusions sont fondées sur la preuve et sont étayées par des motifs détaillés. En conséquence, elles ne sont pas manifestement déraisonnables.

Question no 2: La Section des réfugiés a-t-elle commis une erreur de droit en considérant que le mandat lancé par INTERPOL et la lettre envoyée par le gouvernement chinois au gouvernement canadien décrivant le crime reproché à la demanderesse constituaient une preuve suffisante du fait que celle-ci avait commis un « crime grave » ?

[22]            La demanderesse soutient que le mandat d'INTERPOL sur lequel s'est fondé la Section des réfugiés ne constitue pas une preuve suffisante de l'infraction qui lui est reprochée. Le document contient des erreurs, en particulier en ce qui concerne la peine maximale (l'emprisonnement à perpétuité selon le document). Bien que ces erreurs soulèvent des questions, elles ont été portées à l'attention du tribunal, lequel a examiné le document et a conclu, à la page 25 de sa décision :

Conformément à la décision rendue dans l'affaire Legault c. Canada (Secrétariat d'État) [(1997), 42 Imm. L.R. (2d) 192 (C.A.F.)], je considère que les documents qui m'ont été présentés par le représentant du ministre sont des preuves crédibles et dignes de foi dans le cadre de cette demande. Ces documents peuvent ne pas suffire pour une procédure d'extradition, mais ce n'est pas ce processus que ce tribunal est chargé d'entreprendre. Par conséquent, fondé sur l'intégralité de la preuve, il existe « des raisons sérieuses de penser » que la demandeure a commis une infraction criminelle.


[23]            Le tribunal a mentionné à juste titre que la norme applicable à la preuve de la perpétration du crime par la demanderesse en matière d'immigration n'est pas la même qu'en matière pénale ou civile : Legault, précité. La preuve du crime doit satisfaire à la norme de l'existence de « raisons sérieuses de penser » que la demanderesse a commis le crime. Cette norme exige quelque chose « de plus qu'une simple suspicion ou conjecture » , mais moins qu'une preuve selon la prépondérance des probabilités : Sivakumar c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 1 C.F. 433, au paragraphe 18 (C.A.). Le tribunal était d'avis que le mandat d'INTERPOL était digne de foi et que l'incapacité de la demanderesse à expliquer sa fortune considérable constituait un facteur corroborant. La demanderesse n'a pas réussi à démontrer que le tribunal a évalué la preuve de manière déraisonnable. Je suis convaincu que le tribunal n'a pas commis d'erreur en concluant qu'il existait des raisons sérieuses de penser que la demanderesse avait commis l'infraction décrite dans le mandat d'INTERPOL.

Question no 3 :             La Section des réfugiés a-t-elle commis une erreur de droit en considérant qu'un « crime économique » , commis sans violence, constitue un « crime grave de droit commun » aux fins de la section Fb) de l'article premier de la Convention?

[24]            La demanderesse prétend que l'infraction qui lui est reprochée ne peut justifier son exclusion en vertu de la section Fb) de l'article premier puisqu'il ne s'agit pas d'un « crime grave de droit commun » . Elle fait valoir que l'asile ne devrait pas être refusé à cause d'un crime purement économique, comme le détournement de fonds. Le défendeur soutient pour sa part que rien n'empêche l'exclusion d'un demandeur d'asile qui a commis un crime purement économique et que, en détournant une somme d'argent considérable à des fins personnelles, la demanderesse a commis un crime grave de droit commun au sens de la Convention.


Guide du HCR

[25]            Il est quelque peu surprenant de constater qu'il n'est pas bien établi si un crime purement économique constitue un crime grave de droit commun. Le Guide du HCR, qui indique qu'un crime grave de droit commun « doit être un meurtre ou une autre infraction que la loi punit d'une peine très grave » , n'est pas très utile à cet égard. La corruption est un crime capital en Chine, mais pas au Canada, et il serait contraire à l'approche générale adoptée dans la LIPR que de se servir uniquement de la peine infligée dans le pays d'origine d'un demandeur d'asile pour déterminer si ce dernier a commis un crime qui justifie son exclusion en vertu de la section Fb) de l'article premier. Quant à la deuxième partie de la définition du Guide du HCR, elle soulève simplement la question de savoir si un crime purement économique constitue « une [...] infraction que la loi punit d'une peine très grave » .

Jurisprudence de la Cour fédérale


[26]            Bien qu'elle soit un peu plus utile, la jurisprudence de la Cour ne règle pas définitivement la question non plus. La Section des réfugiés s'est fondée sur l'arrêt Chan, précité, de la Cour d'appel fédérale pour statuer que la corruption constitue un crime grave de droit commun. Dans Chan, le demandeur avait été déclaré coupable d' « avoir illégalement utilisé un dispositif de communication (un téléavertisseur), une infraction [...] qui est liée à des infractions relatives au trafic de stupéfiants » et avait été condamné à une peine de 14 mois. Avant de statuer que la section Fb) de l'article premier ne s'appliquait pas à un demandeur d'asile ayant purgé sa peine avant de venir au Canada, le juge Robertson a traité de la question de savoir si l'infraction commise sans violence par le demandeur constituait un crime grave de droit commun. Il a indiqué ce qui suit à ce sujet, au paragraphe 9 :

Je suppose d'abord, dans cette partie de mon analyse, que l'appelant a été déclaré coupable d'un crime grave de droit commun aux États-Unis au sens de la section Fb) de l'article premier. Bien que cette supposition soit contraire à l'intérêt de l'appelant, elle est compatible avec la position de la Commission, que le juge des requêtes a adoptée. À cet égard, le juge des requêtes a estimé que la Commission n'avait pas commis d'erreur lorsqu'elle avait conclu que l'appelant avait été déclaré coupable d'une infraction relative au trafic de stupéfiants et que cette infraction constituait un crime grave de droit commun, et ce malgré le fait que l'appelant n'avait pas été déclaré coupable de trafic de stupéfiants en tant que tel, mais plutôt d'avoir illégalement utilisé un dispositif de communication, une infraction que ne prévoit pas le droit canadien. En outre, je supposerai que si l'appelant avait mené des activités similaires au Canada, il aurait été déclaré coupable d'une infraction telle le trafic de stupéfiants, à l'égard de laquelle une peine d'emprisonnement maximale égale ou supérieure à dix ans aurait pu lui être infligée. En d'autres termes, je supposerai aux fins de la présente affaire, sans toutefois trancher la question, qu'un crime grave de droit commun est assimilable à un crime qui, s'il avait été commis au Canada, aurait pu entraîner l'imposition d'une peine d'emprisonnement maximale égale ou supérieure à dix ans. [Non souligné dans l'original]

[27]            Comme on peut le voir, au lieu de tenir compte de la nature du crime en cause pour prendre sa décision concernant la section Fb) de l'article premier, le juge Robertson a défini ce qu'est un crime grave en se référant à la peine maximale qui aurait pu être infligée si le crime avait été commis au Canada. Même si le juge Robertson ne s'est pas prononcé sur cette question, son approche est logique et j'ai l'intention de l'adopter et ce, pour différentes raisons.


Définition de « grande criminalité » prévue par la LIPR

[28]            Premièrement, cette approche est compatible avec la définition de « grande criminalité » contenue au paragraphe 36(1) de la LIPR :


Grande criminalité

36. (1) Emportent interdiction de territoire pour grande criminalité les faits suivants :

Serious criminality

36. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of serious criminality for

a) être déclaré coupable au Canada d'une infraction à une loi fédérale punissable d'un emprisonnement maximal d'au moins dix ans ou d'une infraction à une loi fédérale pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois est infligé;

(a) having been convicted in Canada of an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years, or of an offence under an Act of Parliament for which a term of imprisonment of more than six months has been imposed;

b) être déclaré coupable, à l'extérieur du Canada, d'une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d'un emprisonnement maximal d'au moins dix ans;

(b) having been convicted of an offence outside Canada that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years; or

c) commettre, à l'extérieur du Canada, une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d'un emprisonnement maximal d'au moins dix ans.

(c) committing an act outside Canada that is an offence in the place where it was committed and that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years.


Cette disposition témoigne du désir du Parlement d'exclure du Canada les personnes qui ont commis un crime punissable au Canada d'un emprisonnement maximal d'au moins dix ans, même un crime purement économique.


Analogie avec la Loi sur l'extradition

[29]            Deuxièmement, l'approche du juge Robertson concorde avec le principe général de l'extradition énoncé au paragraphe 3(1) de la Loi sur l'extradition, L.C. 1999, ch. 18. À l'instar du paragraphe 36(1) de la LIPR, le paragraphe 3(1) ne fait pas de distinction entre les crimes de violence et les crimes purement économiques. En fait, cette disposition est plutôt fondée sur l'emprisonnement maximal dont est passible une infraction :


Principe général

3. (1) Toute personne peut être extradée du Canada, en conformité avec la présente loi et tout accord applicable, à la demande d'un partenaire pour subir son procès dans le ressort de celui-ci, se faire infliger une peine ou y purger une peine si :

General principle

3. (1) A person may be extradited from Canada in accordance with this Act and a relevant extradition agreement on the request of an extradition partner for the purpose of prosecuting the person or imposing a sentence on - or enforcing a sentence imposed on - the person if

a) d'une part, l'infraction mentionnée dans la demande est, aux termes du droit applicable par le partenaire, sanctionnée, sous réserve de l'accord applicable, par une peine d'emprisonnement ou une autre forme de privation de liberté d'une durée maximale de deux ans ou plus ou par une peine plus sévère;

(a) subject to a relevant extradition agreement, the offence in respect of which the extradition is requested is punishable by the extradition partner, by imprisoning or otherwise depriving the person of their liberty for a maximum term of two years or more, or by a more severe punishment; and

b) d'autre part, l'ensemble de ses actes aurait constitué, s'ils avaient été commis au Canada, une infraction sanctionnée aux termes du droit canadien :

(b) the conduct of the person, had it occurred in Canada, would have constituted an offence that is punishable in Canada,

(i) dans le cas où un accord spécifique est applicable, par une peine d'emprisonnement maximale de cinq ans ou plus ou par une peine plus sévère,

(i) in the case of a request based on a specific agreement, by imprisonment for a maximum term of five years or more, or by a more severe punishment, and

(ii) dans le cas contraire, sous réserve de l'accord applicable, par une peine d'emprisonnement maximale de deux ans ou plus ou par une peine plus sévère.

(ii) in any other case, by imprisonment for a maximum term of two years or more, or by a more severe punishment, subject to a relevant extradition agreement.


[30]            Il est important que la section Fb) de l'article premier et la Loi sur l'extradition soient compatibles parce que, comme le juge Bastarache l'a écrit au nom de la majorité de la Cour suprême du Canada au paragraphe 73 de l'arrêt Pushpanathan, précité, « la section Fb) est généralement censée empêcher que des criminels de droit commun susceptibles d'extradition en vertu d'un traité puissent revendiquer le statut de réfugié » . Dans Zrig c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CAF 178, le juge Nadon a interprété, au paragraphe 68, les commentaires formulés par le juge Bastarache dans l'arrêt Pushpanathan comme « une indication quant à la nature et à la gravité des crimes qui peuvent tomber sous l'exclusion de l'alinéa 1Fb) » . Le juge Décary a fait des commentaires similaires dans son opinion concordante, au paragraphe 108 de l'arrêt Zrig :

... l'article 1Fb) ne se limite pas aux cas d'extradition ni aux crimes associés à l'extradition, encore qu'il soit à toutes fins utiles acquis que les crimes associés à l'extradition sont des crimes graves; [non souligné dans l'original]

Je constate que la norme applicable aux crimes pouvant entraîner l'extradition de leur auteur conformément au paragraphe 3(1) est moins rigoureuse que celle analysée par le juge Robertson dans Chan, car cette disposition vise notamment des infractions passibles d'une peine maximale de moins de dix ans. Il n'est pas nécessaire que je m'attarde sur cette distinction étant donné que l'infraction décrite à l'alinéa 380(1)a) du Code criminel est punissable d'une peine maximale de dix ans.

Commentaires des spécialistes sur le sujet


[31]            Troisièmement, les commentaires des spécialistes sur la section Fb) de l'article premier n'étayent pas l'opinion selon laquelle les crimes purement économiques devraient être exclus du champ d'application de la clause d'exclusion. Dans son analyse de la section Fc) de l'article premier dans son ouvrage The Definition of Convention Refugee (Toronto, Butterworths, 2001), aux points _8.532 à _8.540, Lorne Waldman ne fait pas de distinction entre les crimes de violence et les crimes purement économiques. Il écrit plutôt, au point _8.536, que l'analyse devrait porter notamment sur des facteurs comme [traduction] « la gravité de l'infraction, la peine qui sera probablement infligée, les antécédents criminels et toutes circonstances atténuantes et aggravantes » . Dans The Law of Refugee Status (Toronto, Butterworths, 1991), James C. Hathaway définit un crime grave comme un crime punissable d'un emprisonnement de plusieurs années (à la page 224). Lui non plus ne fait pas de distinction entre les infractions commises avec violence et les infractions purement économiques. Enfin, Guy Goodwin-Gill indique, dans The Refugee in International Law, 2e éd. (Oxford, Clarendon Press, 1996), à la page 107, que les crimes purement économiques, comme le détournement de fonds, peuvent constituer des crimes graves si la valeur du bien en cause est élevée :

[traduction]

Les infractions suivantes pourraient être également considérées comme des crimes graves eu égard aux circonstances : introduction par effraction (cambriolage), vol (y compris vol qualifié), recel, détournement de fonds, possession de drogues en quantités excédant l'usage personnel et voies de fait. Les facteurs suivants, entre autres, font d'une infraction une infraction grave : utilisation d'une arme, lésions corporelles, valeur du bien en cause, type de drogues et preuve d'un comportement criminel habituel. [Non souligné dans l'original et notes de bas de page omises]

Décision Brzezinski


[32]            Finalement, cette approche n'est pas incompatible avec la décision Brzezinski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 4 C.F. 525 (1re inst.), comme le prétend la demanderesse. Dans cette affaire, le juge Lutfy (tel était alors son titre) a statué que la section Fb) de l'article premier n'incluait pas des crimes mineurs comme le vol à l'étalage ou le vol d'une valeur ne dépassant pas 1 000 $. Le juge Lutfy n'a pas fondé sa décision sur le principe voulant que les infractions purement économiques soient exclues de la section Fb) de l'article premier; il a plutôt considéré que les infractions n'étaient pas graves parce qu'elles étaient punissables par voie de procédure sommaire au Canada, qu'elles ne donnaient pas lieu à extradition en vertu de traités et que les marchandises en cause étaient peu coûteuses. Or, l'affaire dont je suis saisi est très différente.

Circonstances de l'espèce

[33]            Il importe de mentionner qu'un examen de toutes les circonstances pertinentes de l'espèce doit être effectué même si l'approche du juge Robertson est adoptée. Le fait que l'infraction en cause est passible d'une peine maximale de dix ans ne met pas fin à l'analyse. Dans Chan, le juge Robertson s'est fondé sur une circonstance de l'affaire dont il était saisi pour statuer que la section Fb) de l'article premier n'était pas applicable au demandeur d'asile parce que celui-ci avait purgé sa peine avant de venir au Canada. Selon les spécialistes nommés plus haut, toutes les circonstances pertinentes doivent être examinées. Le paragraphe 157 du Guide du HCR exige aussi qu'un tel examen soit effectué :

157. Pour évaluer la nature du crime qui est présumé avoir été commis, il faut tenir compte de tous les facteurs pertinents, y compris les circonstances atténuantes éventuelles. Il faut également tenir compte de toutes circonstances aggravantes, telles que, par exemple, le fait que l'intéressé a déjà des condamnations inscrites à son casier judiciaire. Le fait que l'individu condamné pour un crime grave de droit commun a déjà purgé sa peine ou a été gracié ou encore a bénéficié d'une amnistie doit également entrer en ligne de compte. En pareil cas, la clause d'exclusion n'est plus censée s'appliquer, à moins qu'il ne puisse être démontré qu'en dépit de la grâce ou de l'amnistie les antécédents criminels du demandeur l'emportent sur les autres considérations.


Le crime en l'espèce

[34]            J'examinerai maintenant l'infraction en cause en l'espèce. La demanderesse n'a pas contesté la décision de la Section des réfugiés de considérer que l'article 382 du code criminel chinois équivaut à l'alinéa 380(1)a) du Code criminel du Canada. Aux termes de cette disposition, quiconque commet une fraude de plus de 5 000 $ est « passible d'un emprisonnement maximal de dix ans » . Cette infraction, qui peut aussi entraîner l'extradition en vertu du paragraphe 3(1) de la Loi sur l'extradition, satisfait donc au critère établi par le juge Robertson dans Chan. Le fait qu'aucune preuve n'a été présentée pour démontrer s'il existe ou non un traité d'extradition entre le Canada et la Chine a peu d'importance puisque l'infraction en cause satisfait aux trois critères du paragraphe 3(1). Comme le juge Nadon l'a écrit au paragraphe 68 de l'arrêt Zrig, cela indique que l'infraction est suffisamment grave pour être visée par l'exclusion de la section Fb) de l'article premier.


[35]            En outre, les circonstances de l'espèce n'empêchent pas l'application de la clause d'exclusion à la demanderesse. Contrairement au demandeur d'asile dans Chan, la demanderesse en l'espèce n'a pas purgé sa peine avant de venir au Canada. Son cas est fondamentalement différent de l'affaire Brzezinski puisqu'il ne fait aucun doute que l'infraction qui lui est reprochée est une infraction grave. La conclusion aurait pu être différente si la valeur de la fraude avait été tout juste supérieure à 5 000 $. Dans un tel cas, on ne peut s'attendre à ce que la peine maximale soit infligée, et il est raisonnable de penser que les parties pourraient s'entendre sur un plaidoyer relatif à une fraude de moins de 5 000 $. La demanderesse a cependant été accusée d'avoir détourné 1 400 000 $CAN alors qu'elle occupait un poste de confiance dans la fonction publique. Le fait qu'elle ne semble pas avoir d'antécédents criminels joue en sa faveur. Néanmoins, le fait que les fonds auraient été détournés pendant une période de 20 mois montre qu'il ne s'agissait pas d'un événement ponctuel. Il ne fait donc aucun doute que l'infraction reprochée à la demanderesse constitue un crime grave de droit commun.

[36]            Par conséquent, la Section des réfugiés a eu raison de considérer que l'infraction reprochée à la demanderesse était un crime grave de droit commun visé à la section Fb) de l'article premier.

Question no 4 :             La Section des réfugiés a-t-elle commis une erreur en excluant la demanderesse en vertu de la section Fb) de l'article premier de la Convention sans soupeser la « gravité du crime » par rapport à la nature du risque qu'elle courrait si elle était renvoyée en Chine?

[37]       La Section des réfugiés a considéré qu'il existait plus qu'une simple possibilité que la demanderesse, si elle retournait en Chine, soit torturée alors qu'elle serait incarcérée pendant l'enquête menant au dépôt d'accusations. Elle a conclu en conséquence que, si la demanderesse n'avait pas été exclue de la définition de « personne à protéger » , elle serait visée à l'alinéa 97(1)a). La demanderesse prétend que le tribunal a commis une erreur en ne soupesant pas, dans son analyse de la section Fb) de l'article premier, la gravité de l'infraction qui lui était reprochée par rapport à la persécution dont elle pourrait faire l'objet en Chine.


Jurisprudence de la Cour fédérale sur cette question

[38]            La demanderesse reconnaît que la Cour d'appel fédérale a rejeté l'idée que l'analyse de la section Fb) de l'article premier devait comprendre une telle pondération dans les arrêts Gil c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1995] 1 C.F. 508 (C.A.), et Malouf c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1995), 190 N.R. 230 (C.A.F.). La position adoptée par la Cour d'appel fédérale dans ces deux affaires reposent sur le passage suivant des motifs formulés par le juge Hugessen dans Gil, au paragraphe 43 :

Un autre tribunal de la présente Cour a déjà rejeté la prétention de bon nombre d'auteurs voulant que la section Fa) de l'article premier exige un type de critère de proportionnalité qui soupèserait la persécution que risque de subir le demandeur du statut de réfugié en regard de la gravité de son crime. [Gonzalez c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 3 C.F. 646 (C.A.), juge Mahoney, aux p. 656 et 657.] La question de savoir si un critère semblable convient pour l'application de la section Fb) de l'article premier me semble encore plus problématique. Comme je l'ai déjà indiqué, le demandeur auquel s'applique la clause d'expulsion risque, par hypothèse, d'être persécuté; le crime qu'il a commis est par définition « grave » et entraînera par conséquent une peine sévère qui comportera au moins une longue période d'emprisonnement et, peut-être, la mort. Notre pays est apparemment disposé à extrader des criminels qui risquent la peine de mort [Kindler c. Canada (Ministre de la Justice), [1991] 2 R.C.S. 779] et je ne vois aucune raison, du moins dans le cas d'un crime de la nature de celui que l'appelant a admis avoir commis, pour laquelle nous devrions adopter une attitude différente à l'égard d'un demandeur du statut de réfugié. Il n'est pas dans l'intérêt public que notre pays devienne un havre pour les auteurs d'attentats à la bombe qui font de nombreuses victimes. [Notes de bas de page omises]

[39]            Dans Malouf, la Cour d'appel fédérale s'est penchée sur la question certifiée suivante :

3. Lorsque la Section du statut envisage l'exclusion du revendicateur par application de l'alinéa 1Fb) de la Convention, doit-elle examiner le bien-fondé de sa revendication du statut de réfugié et, si elle conclut à son bien-fondé, doit-elle apprécier la gravité du crime de droit commun qu'il aurait commis au regard de la persécution qu'il craint de subir?


Le juge Hugessen a répondu ce qui suit à cette question :

L'alinéa b) de l'article 1F de la Convention ne devrait pas recevoir une interprétation différente de celles des alinéas a) et c) de cet article, c'est-à-dire qu'aucun de ces alinéas n'exigent que la Commission apprécie la gravité de la conduite du requérant au regard de la crainte présumée d'être persécuté. Dans l'arrêt Gil [c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1994), 174 N.R. 292], 25 Imm. L.R. (2d) 209, nous avons examiné cette question en faisant précisément référence à l'alinéa 1Fb) et avons conclu que le critère de proportionnalité n'était approprié que pour les fins de déterminer si un crime grave pouvait être considéré comme un crime politique. Cette question ne se pose pas en l'espèce. Nous ne sommes pas convaincus que notre décision dans l'arrêt Gil était erronée.

[40]            La demanderesse fonde son argument relatif à la pondération sur deux motifs. Premièrement, elle prétend que la question doit être réexaminée à la lumière des décisions récentes, en particulier Pushpanathan, précité, et Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3, 2002 CSC 1. Elle fait valoir plus précisément que l'interprétation qui a été donnée à la section Fb) de l'article premier dans l'arrêt Gil ne respecte pas les exigences de l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés qui ont été établies dans Suresh. Deuxièmement, elle prétend que son cas est différent des affaires Gil et Malouf parce qu'il n'y était pas question d'un crime purement économique.

Arrêts récents de la Cour suprême

[41]            La demanderesse fait valoir que les arrêts rendus par la Cour suprême du Canada dans Pushpanathan et Suresh appuient la méthode de la pondération. Elle se fonde à cette fin sur l'arrêt Pushpanathan, à la page 1034, où le juge Bastarache parle de la section Fb) de l'article premier et du paragraphe 33(2) de la Convention :


La section Fb) de l'article premier vise des crimes de droit commun commis en dehors du pays d'accueil, alors que le paragr. 33(2) traite des crimes ou délits de droit commun perpétrés dans le pays d'accueil. La section Fb) de l'article premier renferme un mécanisme de pondération dans la mesure où il faut que soient remplies les conditions exprimées par les termes « grave » et « de droit commun » , tandis que le paragr. 33(2), mis en oeuvre par les art. 53 et 19 de la Loi, oblige à peser la gravité du danger pour la société canadienne par rapport au danger de persécution en cas de refoulement. Cette approche reflète l'intention des États signataires de réaliser un équilibre des considérations humanitaires entre, d'une part, la personne qui craint la persécution et, d'autre part, l'intérêt légitime des États dans la répression de la criminalité.

L'article 33 prévoit ce qui suit :


Article 33. Défense d'expulsion et de refoulement

1. Aucun des Etats contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques.

Article 33. Prohibition of expulsion or return ("refoulement")

1. No Contracting State shall expel or return ("refouler") a refugee in any manner whatsoever to the frontiers of territories where his life or freedom would be threatened on account of his race, religion, nationality, membership of a particular social group or political opinion.

2. Le bénéfice de la présente disposition ne pourra toutefois être invoqué par un réfugié qu'il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l'objet d'une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays.

[Non souligné dans l'original]

2. The benefit of the present provision may not, however, be claimed by a refugee whom there are reasonable grounds for regarding as a danger to the    security of the country in which he is, or who, having been convicted by a final judgement of a particularly serious crime, constitutes a danger to the community of that country.

[Emphasis added.]


[42]            Au soutien de sa thèse, la demanderesse rappelle les propos suivants formulés par la Cour suprême au paragraphe 75 de l'arrêt Suresh :

Nous en venons donc à la conclusion que l'interprétation qui s'impose est que le droit international rejette les expulsions impliquant un risque de torture. Il s'agit de la norme qui nous éclaire le plus sur le contenu des principes de justice fondamentale garantis à l'art. 7 de la Charte.


La Cour a indiqué que cette norme éclaire les principes de justice fondamentale garantis à l'article 7 de la Charte, lequel exige que le risque de torture et les autres intérêts en cause soient soupesés avant qu'une personne puisse être expulsée vers un pays où elle risque d'être torturée. La Cour a précisé, au paragraphe 78, qu'une expulsion impliquant un risque de torture ne saurait être justifiée que dans des « circonstances exceptionnelles » .

Distinction entre l'arrêt Suresh et la présente affaire

[43]            Le problème de l'argument de la demanderesse est qu'il néglige un fait fondamental qui distingue la présente affaire de l'arrêt Suresh. Alors que l'affaire Suresh portait sur le renvoi d'une personne du Canada, la présente affaire concerne essentiellement l'admission d'une personne au Canada. Le demandeur dans Suresh s'était vu reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention, et la demande faisait suite à la décision du ministre de l'expulser (ou de le refouler) vers son pays d'origine, le Sri Lanka. Or, en l'espèce, le ministre ne cherche pas à expulser la demanderesse vers un pays où elle risque d'être torturée. La Section des réfugiés devait décider si la demanderesse avait les qualités requises pour être admise au Canada à titre de réfugiée au sens de la Convention ou de « personne à protéger » . La distinction entre admission et renvoi est importante parce que, comme la Cour suprême l'a écrit au paragraphe 102 de l'arrêt Suresh, les pouvoirs d'un État de refuser l'entrée au pays sont plus étendus que son pouvoir d'expulsion :


La Convention relative au statut des réfugiés et, en conséquence, la Loi sur l'immigration font une distinction entre le pouvoir d'un État de refuser à un réfugié l'entrée au pays et son pouvoir de l'expulser ou de le « refouler » une fois qu'il y est établi en qualité de réfugié au sens de la Convention. Les pouvoirs d'un État de refuser l'entrée au pays sont plus étendus que son pouvoir d'expulsion. Ces pouvoirs plus étendus de refuser l'entrée au pays découlent notamment de la nécessité d'empêcher les criminels qui fuient la justice dans leur pays d'origine d'entrer au Canada. Il est certain que le désir naturel des États de rejeter les personnes indésirables qui, par leur conduite, se sont mises elles-mêmes « au ban de la société » entre aussi en jeu.

[44]            Cette distinction découle de la Convention. Dans son ouvrage The Law of Refugee Status, précité, M. Hathaway écrit, aux pages 225 et 226, que le paragraphe 33(2) donne à un État le moyen d'expulser ou de renvoyer des réfugiés dangereux et établit une norme de preuve plus rigoureuse que la section Fb) de l'article premier, qui [traduction] « a pour but de permettre l'exclusion d'une personne avant qu'elle soit admise, sur la foi d'une norme de preuve relativement peu rigoureuse » . Les personnes qui sont visées à la section Fb) de l'article premier sont exclues de la définition de réfugié au sens de la Convention et ne peuvent se réclamer de la protection offerte par l'article 33 ou une disposition équivalente de la législation nationale. En outre, l'arrêt Suresh interdit, en l'absence de circonstances exceptionnelles, le renvoi d'une personne dans un pays où elle risque d'être torturée, mais il n'oblige pas le Canada à admettre cette personne au pays en tant que réfugiée ou de personne à protéger.

Application de l'arrêt Suresh à l'ERAR


[45]            La question pertinente en l'espèce est de savoir s'il serait contraire à l'article 7 d'empêcher la demanderesse d'entrer au Canada étant donné qu'elle risque d'être persécutée dans son pays d'origine. La réponse est non. Il est vrai que la décision défavorable rendue par la Section des réfugiés empêche la demanderesse de venir au Canada en tant que réfugiée ou que personne à protéger, mais plusieurs démarches doivent encore être entreprises avant que la demanderesse puisse être renvoyée en Chine. La demanderesse a notamment le droit de demander un examen des risques avant renvoi (ERAR) en vertu de la LIPR. La pondération exigée par l'article 7 de la Charte serait effectuée dans le cadre de cet examen. Les dispositions législatives pertinentes prévoient ce qui suit :

Examen des risques avant renvoi


Demande de protection

112. (1) La personne se trouvant au Canada et qui n'est pas visée au paragraphe 115(1) peut, conformément aux règlements, demander la protection au ministre si elle est visée par une mesure de renvoi ayant pris effet ou nommée au certificat visé au paragraphe 77(1).

Application for protection

112. (1) A person in Canada, other than a person referred to in subsection 115(1), may, in accordance with the regulations, apply to the Minister for protection if they are subject to a removal order that is in force or are named in a certificate described in subsection 77(1).

Restriction

112. (3) L'asile ne peut être conféré au demandeur dans les cas suivants :

Restriction

112. (3) Refugee protection may not result from an application for protection if the person

c) il a été débouté de sa demande d'asile au titre de la section F de l'article premier de la Convention sur les réfugiés;

(c) made a claim to refugee protection that was rejected on the basis of section F of Article 1 of the Refugee Convention;

Examen de la demande

113. Il est disposé de la demande comme il suit :

Consideration of application

113. Consideration of an application for protection shall be as follows:

d) s'agissant du demandeur visé au paragraphe 112(3), sur la base des éléments mentionnés à l'article 97 et, d'autre part :

(d) in the case of an applicant described in subsection 112(3), consideration shall be on the basis of the factors set out in section 97 and

(ii) soit, dans le cas de tout autre demandeur, du fait que la demande devrait être rejetée en raison de la nature et de la gravité de ses actes passés ou du danger qu'il constitue pour la sécurité du Canada.

(ii) in the case of any other applicant, whether the application should be refused because of the nature and severity of acts committed by the applicant or because of the danger that the applicant constitutes to the security of Canada.


Effet de la décision

114. (1) La décision accordant la demande de protection a pour effet de conférer l'asile au demandeur;

Effect of decision

114. (1) A decision to allow the application for protection has       b) toutefois, elle a pour effet, s'agissant de celui visé au paragraphe 112(3), de surseoir, pour le pays ou le lieu en cause, à la mesure de renvoi le visant.

(b) in the case of an applicant described in subsection 112(3), the effect of staying the removal order with respect to a country or place in respect of which the applicant was determined to be in need of protection.


[46]            La demanderesse ne peut obtenir l'asile suivant l'alinéa 112(3)c), mais sa demande de protection peut être examinée conformément au sous-alinéa 113d)(ii). Une pondération semblable à celle dont il a été question dans Suresh devrait alors être effectuée dans le cadre de l'analyse exigée par le sous-alinéa 113d)(ii) et, si l'on juge que le risque de torture l'emporte sur la nature et la gravité de l'infraction reprochée à la demanderesse, il sera sursis à toute mesure de renvoi vers la Chine en vertu du paragraphe 114(1). La Cour ne se prononce pas maintenant sur la question de savoir si la justice fondamentale visée à l'article 7 est assurée par ces mesures de protection. Ce qu'il faut retenir, c'est que la demanderesse a droit, avant d'être renvoyée en Chine, à ce que la nature et la gravité de l'infraction qui lui est reprochée soient soupesées par rapport au risque qu'elle soit torturée. L'ERAR protège les droits qui sont garantis à la demanderesse par l'article 7. Il est inutile que la Section des réfugiés effectue le même exercice de pondération dans le cadre de son analyse de la section Fb) de l'article premier.

[47]            En conséquence, la Section des réfugiés n'a pas commis d'erreur en ne soupesant pas la gravité de l'infraction reprochée à la demanderesse par rapport au risque que celle-ci soit torturée si elle retournait en Chine.


DÉCISION

[48]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Les deux parties ont proposé des questions à des fins de certification. Estimant que ces questions méritent d'être certifiées, je certifie les deux questions suivantes :

49.               Un demandeur d'asile peut-il être privé de protection en vertu de la section Fb) de l'article premier de la Convention relative au statut des réfugiés parce qu'il a commis une infraction purement économique?

50.               Compte tenu de l'arrêt Suresh, la Section des réfugiés est-elle tenue de soupeser la nature et la gravité de l'infraction commise par le demandeur par rapport au risque que celui-ci soit torturé s'il est renvoyé dans son pays d'origine?

                                                                                                                           _ Michael A. Kelen _              

                                                                                                                                                     Juge                           

OTTAWA (ONTARIO)

Le 4 septembre 2003

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                               IMM-923-03

INTITULÉ :                                              ROU LAN XIE c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                       Vancouver (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE : Le 21 août 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                             Monsieur le juge Kelen

DATE DES MOTIFS :                             Le 4 septembre 2003

Audience tenue à huis clos

Affaire protégée par une ordonnance de confidentialité

COMPARUTIONS :

Darryl Larson                                                                           POUR LA DEMANDERESSE

Banafsheh Sokhansanj                                                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Embarkation Law Group                                                          POUR LA DEMANDERESSE

Vancouver (C.-B.)

Morris Rosenberg                                                                    POUR LE DÉFENDEUR

Ministère de la Justice

Bureau régional de Vancouver


             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                 Date : 20030904

                                  Dossier : IMM-923-03

ENTRE :

ROU LAN XIE

demanderesse

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                   défendeur

                                                                 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                 


Date : 20030904

Dossier : IMM-923-03

Ottawa (Ontario), le 4 septembre 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN

ENTRE :

                                                                 ROU LAN XIE

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                                                ORDONNANCE

VU la demande de contrôle judiciaire visant la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié de rejeter, en date du 24 janvier 2003, la demande d'asile de la demanderesse;

APRÈS avoir pris connaissance des documents et pièces déposés et avoir entendu les observations des parties;


ET pour les motifs de l'ordonnance prononcés aujourd'hui;

LA COUR ORDONNE :

[1]        La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[2]        Les deux questions suivantes sont certifiées :

(i)          Un demandeur d'asile peut-il être privé de protection en vertu de la section Fb) de l'article premier de la Convention relative au statut des réfugiés parce qu'il a commis une infraction purement économique?

(ii)         Compte tenu de l'arrêt Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3, 2002 CSC 1, la Section des réfugiés est-elle tenue de soupeser la nature et la gravité de l'infraction commise par le demandeur par rapport au risque que celui-ci soit torturé s'il est renvoyé dans son pays d'origine?

                                                                                                                           _ Michael A. Kelen _              

                                                                                                                                                     Juge                           

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.

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