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     Date : 19991105

     T-1653-98


OTTAWA (ONTARIO), LE 5 NOVEMBRE 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PELLETIER


E n t r e :


     VEJEE GROUP (CANADA) LTD.,

     demanderesse,

     - et -

     WOOLWORTH CANADA INC.,

     défenderesse.


     MOTIFS ET DISPOSITIF DE L'ORDONNANCE



GENÈSE DE L'INSTANCE

[1]          La Cour est saisie d'un appel interjeté en vertu de l'article 56 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13 [la Loi] d'une décision en date du 18 juin 1998 par laquelle le président de la Commission des oppositions des marques de commerce [le registraire] a accueilli l'opposition formée par la défenderesse à la demande présentée par l'appelante en vue de faire enregistrer la marque de commerce CANADIAN REFLECTIONS.

LES FAITS

[2]          Le 25 juin 1992, l'appelante, Vejee Group (Canada) Ltd., a déposé une demande en vue d'enregistrer sa marque de commerce " CANADIAN REFLECTIONS " en se fondant sur une utilisation de cette marque remontant au moins au 1er juin 1992 en liaison avec des tee-shirts, des survêtements et des pulls d'entraînement et en se fondant sur l'utilisation projetée de cette marque en liaison avec :

     [TRADUCTION] " des pantalons, des shorts, des demis-pantalons, des pantalons complets, des gilets débardeurs, des sous-vêtements, des hauts pour dames, des costumes de soirée, des poignets absorbants, des chaussettes, des sorties-de-bain, des serviettes, des peignoirs, des jupes, des culottes, des collants, des cuissards, des chaussures, des sacs à main pour hommes, femmes et enfants, des manteaux d'hiver et des manteaux mi-saison, des salopettes, des manteaux d'hiver long et des manteaux d'hiver courts pour hommes, femmes et enfants, des cravates, des écharpes et des chandails pour hommes, femmes et enfants. "

La demande a été publiée dans le Journal des marques de commerce le 26 janvier 1994.

[3]          La défenderesse a fait connaître son opposition à l'enregistrement proposée au moyen d'une déclaration d'opposition datée du 8 mars 1994. Les motifs d'opposition étaient les suivants :

a)      L'opposante fonde son opposition sur le motif prévu à l'alinéa 38(2)b), à savoir que le registraire aurait dû refuser l'enregistrement de la marque revendiquée dans la demande en vertu des dispositions du paragraphe 37(1).
b)      L'opposante affirme que la marque revendiquée dans la demande crée de la confusion au sens de l'alinéa 12(l)d) avec les marques de commerce déposées suivantes de l'opposante :
     (i)      l'enregistrement no 409 026 visant la marque de commerce REFLEXIONS employée en liaison avec des bijoux, à savoir des boucles d'oreille, des colliers, des bracelets, des broches et des épinglettes, des pinces à écharpe, des sacs à main, bourses, sacs et porte-feuilles, des accessoires à vêtements, à savoir des chaussettes, des ceintures, des écharpes, des foulards de tête, des chapeaux, des gants, des épaulettes, des revêtements de boutons, des supports à tee-shirts en plastique et des chouchous (accessoire servant à tenir les cheveux en place), des barrettes, des peignes et des bandeaux absorbants. L'enregistrement est daté du 5 mars 1993 et est toujours valide.
     (ii)      L'enregistrement no 332 968 visant la marque de commerce REFLEXIONS destinée à être utilisée en liaison avec les services afférents à l'exploitation d'un point de vente au détail de bijoux, de sacs à main et d'accessoires. L'enregistrement est daté du 9 octobre 1987 et est toujours valide.
     (iii)      L'enregistrement no 372 896 visant la marque de commerce NORTHERN REFLECTIONS et dessin destinée à être utilisée en liaison avec des vêtements pour dames, à savoir des pulls d'entraînement, des pantalons de survêtement, des tee-shirts, des gilets débardeurs, des chandails, des tricots de laine, des chemises américaines, des chemises, des pantalons, des jeans, des blousons, des shorts, des combinaisons-pantalons, des chaussettes et des ceintures. L'enregistrement est daté du 7 décembre 1990 et toujours valide.
c)      L'opposante fonde son opposition sur le motif prévu à l'alinéa 38(2)c), en l'occurrence que la demanderesse n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la marque revendiquée dans la demande d'enregistrement, compte tenu des dispositions de l'article 16. À la date du dépôt de la demande, le 25 juin 1992 ou en date du 1er juin 1993, date présumée de la première utilisation de la marque en ce qui concerne les tee-shirts, les survêtements et les pulls d'entraînement, la marque de commerce en question créait de la confusion avec la totalité ou une partie des marques de commerce suivantes :
     (i)      les marques de commerce susmentionnées de l'opposante que celle-ci a déjà utilisées au Canada ;
     (ii)      les marques de commerce de l'opposante qui sont énumérées à l'annexe A aux présentes et pour lesquelles une demande a déjà été déposée ;
     (iii)      la marque de commerce CANADIAN REFLECTIONS de l'opposante que celle-ci a déjà utilisée au Canada en liaison avec des tee-shirts et des pulls d'entraînement.
d)      L'opposante fonde son opposition sur le motif prévu à l'alinéa 38(2)d), en l'occurrence que la marque revendiquée dans la demande n'est pas distinctive au sens de la définition que l'article 2 donne de ce terme. Elle ne distingue pas en effet véritablement les marchandises avec lesquelles elle est employée par la demanderesse ou que celle-ci se propose d'employer, des marchandises d'autres propriétaires et elle n'est pas adaptée à les distinguer ainsi. Sans restreindre la portée de ce qui précède, l'opposante affirme que la marque revendiquée dans la demande n'est pas distinctive parce qu'elle ne permet pas, et ne peut permettre, de distinguer véritablement les marchandises de la demanderesse de celles de l'opposante.

[4]          La preuve que la défenderesse a présentée au registraire se composait de l'affidavit de Lora Tisi, la première vice-présidente du Northern Group de Woolworth Canada Inc. Mme Lora Tisi a été contre-interrogée au sujet de son affidavit et la transcription, les pièces et les réponses aux engagements ont été déposées devant le registraire. Dans son affidavit et dans le témoignage qu'elle a donné lors de son contre-interrogatoire, Mme Lora Tisi a fourni des explications au sujet des deux sortes de points de vente au détail de la société défenderesse, qui sont chacun gérés par des divisions distinctes sous les marques de commerce REFLEXIONS et NORTHERN REFLECTIONS. La division REFLEXIONS s'occupe de la vente de bijoux, de sacs à main, d'accessoires pour les cheveux et de certains vêtements, tandis que la division NORTHERN REFLECTIONS se charge de vendre des vêtements. La défenderesse a commencé à utiliser sa marque NORTHERN REFLECTIONS vers le milieu des années quatre-vingts et exploitait environ 185 points de vente NORTHERN REFLECTIONS en 1995. Les ventes au détail des magasins NORTHERN REFLECTIONS de la défenderesse se chiffraient à environ 8,5 millions de dollars en 1987 et atteignaient 153 millions de dollars en 1994. En janvier 1995, la défenderesse exploitait 37 magasins REFLEXIONS au Canada et son chiffre de vente s'élevait à 27 millions de dollars pour la période de trois ans de 1992 à 1994.

[5]          La preuve de l'appelante consistait en l'affidavit de Stephen Dilworth, un recherchiste en matière de marques de commerce. Dans son affidavit, Stephen Dilworth a fait état de la recherche de marques qu'il avait effectuée dans une base de données notamment au sujet des marques REFLECTION, REFLECTIONS, REFLECT et REFLECTS, dont l'utilisation a été autorisée ou qui ont été enregistrées en vue d'être utilisées en liaison avec des vêtements et des services afférents à des magasins de vêtements.

[6]          Sur le fondement des éléments de preuve portés à sa connaissance, le registraire a rejeté la demande présentée par l'appelante en vue de faire enregistrer la marque de commerce CANADIAN REFLECTIONS au motif que celle-ci risquait de créer de la confusion avec les marques de commerce enregistrées NORTHERN REFLECTIONS de l'intimée. Dans les motifs de son jugement, le registraire a souligné que les marques NORTHERN REFLECTIONS de la défenderesse avaient acquis une solide réputation au Canada durant toute l'époque en cause grâce à la vente de vêtements et à la publicité. Il a ajouté que la marque dont l'enregistrement était demandé incorporait en totalité l'élément distinctif des marques de l'intimée et que les marchandises des parties étaient essentiellement les mêmes.

[7]          Un avis d'appel a été déposé le 30 novembre 1998. Dans cet avis, l'appelante a allégué que [TRADUCTION] " le registraire a commis une erreur de droit et de fait en décidant que la marque de commerce CANADIAN REFLECTIONS de l'appelante risquait d'être confondue avec les marques de commerce NORTHERN REFLECTIONS de l'intimée ".

[8]          Dans la preuve qu'elle a présenté en appel, la demanderesse a démontré que, le 30 septembre 1998, elle avait déposé une modification à sa demande de marque de commerce pour limiter les endroits où les marchandises pouvaient être vendues. La décision par laquelle le registraire a refusé l'enregistrement porte la date du 24 juin 1998.

[9]          La défenderesse a déposé l'affidavit de Cathy Fernandes, la vice-présidente de la division NORTHERN REFLECTIONS de la défenderesse. À cet affidavit était jointe la photographie d'une tee-shirt arborant sa marque de commerce non enregistrée CANADIAN REFLECTIONS. Dans cet affidavit, Mme Fernandes précisait également que la défenderesse utilisait la marque de commerce CANADIAN REFLECTIONS sur des tee-shirts et des pulls d'entraînement depuis au moins le 23 mars 1992 et que le chiffre de ventes de ces tee-shirts et pulls d'entraînement pour 1992 dépassait 1 062 300 $. Elle soulignait également dans son affidavit que la défenderesse continuait à vendre ces tee-shirts et pulls d'entraînement CANADIAN REFLECTIONS dans ses points de vente NORTHERN REFLECTIONS et que des commandes de tels tee-shirts et pulls d'entraînement devaient être passées pour le printemps 1999. Mme Fernandes affirmait également qu'en date du 29 octobre 1998, la défenderesse exploitait en tout 179 magasins de vente au détail sous la marque de commerce NORTHERN REFLECTIONS. Elle a joint à son affidavit sous la cote B une enveloppe contenant la liste de tous les magasins canadiens. Mme Fernandes fait également état du fait que des marchés en plein-air, des bazars et des marchés aux puces sont souvent organisés à proximité ou à l'intérieur des centres commerciaux où se trouvent les points de vente au détail NORTHERN REFLECTIONS que la défenderesse exploite partout au Canada. Finalement, l'annexe C de son affidavit est une définition tirée d'un dictionnaire qui indique que les " grands magasins " sont assimilés à des bazars.

[10]          La seule question en litige dans le présent appel est celle de la confusion entre la marque CANADIAN REFLECTIONS de la demanderesse et la marque de commerce enregistrée NORTHERN REFLECTIONS de la défenderesse.

[11]          Le registraire a procédé à une analyse minutieuse des deux marques en respectant les directives prescrites par le paragraphe 6(5) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-131. Il a conclu ce qui suit :

     1)      La marque NORTHERN REFLECTIONS comporte un caractère distinctif inhérent assez marqué, étant donné que, prise dans son ensemble, cette expression n'a pas de lien évident immédiat avec des vêtements, alors que la marque CANADIAN REFLECTIONS a un caractère distinctif un peu moins marqué, étant donné que l'adjectif CANADIAN évoque l'origine des marchandises de la demanderesse.
     2)      NORTHERN REFLECTIONS a acquis une solide réputation au Canada pendant toute la période en cause grâce à la vente de vêtements et à la publicité. Aucun élément de preuve n'a été présenté au registraire au sujet de la marque CANADIAN REFLECTIONS.
     3)      La demanderesse a commencé à utiliser la marque NORTHERN REFLECTIONS sept ans avant la date à laquelle la défenderesse prétend avoir commencé à utiliser la marque CANADIAN REFLECTIONS.
     4)      Les marchandises auxquelles les marques s'appliquent sont essentiellement les mêmes dans les deux cas.
     5)      La nature du commerce en cause pourrait bien être différente, étant donné que la demanderesse vendait des vêtements uniquement par l'intermédiaire de ses propres points de vente au détail, alors que l'utilisation proposée par la défenderesse pourrait impliquer la vente par l'intermédiaire de tous les types de points de vente de vêtements au détail. Il reste toutefois la possibilité de la vente des marchandises concurrentes par des magasins voisins.
     6)      La marque dont l'enregistrement est demandé ressemble passablement à celle de la défenderesse tant sur le plan visuel que sur le plan auditif, et les idées suggérées par les marques se recoupent, étant donné que le mot " northern " est en général associé au mot " Canadian ".

[12]          Compte tenu de ces conclusions, et plus particulièrement de la réputation que les marques de la défenderesse ont acquise, de l'incorporation de l'élément distinctif des marques de la défenderesse et de la ressemblance des marques, le registraire a conclu que la marque CANADIAN REFLECTIONS de la demanderesse créait de la confusion avec la marque NORTHERN REFLECTIONS de la défenderesse.

[13]          La demanderesse soutient, sur le fondement de l'affidavit de Stephen Dilworth, recherchiste en matière de marques de commerce, que l'emploi du mot " reflections " est tellement répandu que la défenderesse ne peut en faire protéger l'utilisation. M. Dilworth a découvert que les mots REFLECTION, REFLECTIONS, REFLET et REFLETS apparaissent à environ 28 reprises dans le registre en liaison avec des vêtements et des services offerts par des magasins de vêtements. Le registraire a examiné ces inscriptions et a conclu que seulement huit d'entre elles se rapportaient à des marchandises semblables à celles qui sont en litige, et que, de ce nombre, cinq concernaient des marques enregistrées et que trois se rapportaient à des demandes d'enregistrement. Le registraire a conclu que le nombre de ces enregistrements était insuffisant pour permettre de conclure quoi que ce soit au sujet de l'état du marché, ce à quoi ce genre d'élément de preuve sert habituellement. La demanderesse soutient que l'enregistrement de diverses combinaisons de qualificatifs associés au mot REFLECTIONS, tels que BEAUTY REFLECTIONS, SILK REFLECTIONS, WESTERN REFLECTIONS et SOUTHERN REFLECTIONS, démontrait que l'emploi du mot REFLECTIONS ne créait aucune confusion relativement à des qualificatifs tels que " beauty ", " silk ", " southern ", " western ", car sinon leur enregistrement n'aurait pas été autorisé. Pour cette raison, l'enregistrement aurait dû être autorisé. Aucun précédent n'a été cité pour justifier cette façon d'utiliser les éléments de preuve relatifs à l'état du registre.

[14]          Il est de jurisprudence constante que c'est au demandeur qu'il incombe de démontrer qu'il n'y a aucun risque de confusion (Molnlycke Aktiebolag c. Kimberly Clark of Canada Ltd, (1982), 61 C.P.R. (2d) 42 (C.F. 1re inst.). La décision du registraire a droit à un certain degré de retenue judiciaire, même en appel, en raison du statut de tribunal spécialisé dont jouit le registraire lorsqu'il agit dans ce domaine :

     À mon avis, la décision du registraire sur la question de savoir si une marque de commerce crée de la confusion doit être considérée comme étant d'un grand poids et la conclusion d'un fonctionnaire qui, au cours de son travail quotidien doit rendre des décisions sur ce point et sur d'autres questions connexes en vertu de la Loi ne doit pas être rejetée à la légère, mais, comme l'a dit M. le juge Thorson, alors président de la Cour de l'Échiquier, dans l'affaire Freed and Freed Limited. c. Le Registraire des marques de commerce et autre ([1950] R.C.É. 431, à la p. 437, 11 Fox Pat. C. 50, 14 C.P.R. 19, [1951] 2 D.L.R. 7):
     [. . .] la confiance dans la décision du registraire à l'effet que deux marques sont semblables au point de créer de la confusion ne peut aller jusqu'à affranchir le juge qui entend un appel de cette décision de l'obligation de décider la question en tenant dûment compte des circonstances de l'affaire.

     (Benson & Hedges (Canada) Ltd v. St. Regis Tobacco Corp [1969] R.C.S. 192)

[15]          En l'espèce, le registraire a soigneusement examiné les circonstances entourant l'utilisation actuelle et proposée des deux marques de commerce et a conclu qu'il n'y avait aucun risque raisonnable de confusion entre les marques, étant donné qu'elles pouvaient être vendues dans des magasins voisins. J'estime qu'il n'a commis aucune erreur qui justifierait que je modifie sa décision sur la question de la confusion, compte tenu des éléments dont il disposait. Les éléments qui ont été portés à ma connaissance sont toutefois différents, du moins pour ce qui est des modifications qui ont été apportées. Quel effet, s'il en est, ont-elles sur l'issue de l'affaire ?

[16]          À mon avis, les modifications n'ont aucune incidence, étant donné qu'il est impossible de modifier la demande d'enregistrement une fois que le registraire l'a rejetée. Les articles 41 et 42 de la Loi parlent des modifications apportées au registre une fois que la marque de commerce a été enregistrée. Or, il n'y a eu aucun enregistrement en l'espèce et donc la possibilité d'une modification du registre est exclue. L'article 30 du Règlement sur les marques de commerce (1996) prévoit qu'une demande peut être modifiée avant ou après son annonce dans le Journal des marques de commerce. L'article 31 précise les cas dans lesquels la modification d'une demande d'enregistrement n'est pas permise, alors que l'article 32 énumère les cas dans lesquels une demande peut être modifiée après son annonce dans le Journal. Bien qu'aucun de ces articles ne parle directement de la question des modifications faites après un rejet, le bon sens permet de penser qu'on ne peut modifier ce qui a déjà fait l'objet d'une décision. Il était possible de modifier la demande d'enregistrement avant qu'elle soit examinée par le registraire, avant ou après son annonce dans le Journal. Mais dès lors que le registraire s'était prononcé sur la demande dont il était saisi, il était functus officio et il ne pouvait tenir compte de modifications à la demande.

[17]          Le pouvoir de la Cour de recevoir des éléments de preuve dont le registraire ne disposait pas est prévu au paragraphe 56(5) de la Loi2. Rien ne permet de penser que le pouvoir de recevoir des éléments de preuve dont le registraire ne disposait pas comprend le pouvoir de trancher une demande dont le registraire n'était pas saisi. La demande modifiée n'est pas celle que le registraire a rejetée. Elle ne peut faire l'objet d'un appel, étant donné qu'elle n'a pas fait l'objet d'une décision de la part du registraire.

[18]          En pratique, permettre de telles modifications conduirait à une série d'approximations successives dans lesquelles les requérants rédigeraient leurs demandes aussi largement que possible devant le registraire pour les restreindre au niveau de l'appel pour tenir compte des objections du registraire. Il s'ensuivrait un gaspillage qu'il ne faut pas encourager.

[19]          Le second moyen important que la demanderesse invoque porte sur l'état du registre, état qui démontrerait l'absence de confusion. Dans son argument, la demanderesse part du principe que, parce qu'une marque donnée ne crée pas de confusion avec une autre marque incorporant un mot déterminé, elle ne crée pas de confusion avec toute autre marque comprenant le même mot. Ce n'est pas nécessairement le cas, ainsi que l'exemple suivant le démontrera à l'évidence. Ainsi, NORTHERN REFLECTIONS (pour employer une marque semblable) ne crée aucune confusion avec SOUTHERN REFLECTIONS étant donné que, malgré la similitude que comportent l'emploi du mot REFLECTIONS et l'indication d'un point cardinal, ces marques suggèrent des idées différentes : l'une évoque les forêts et les ruisseaux, tandis que l'autre évoque les tropiques. En revanche, la marque CANADIAN REFLECTIONS pourrait fort bien créer de la confusion avec la marque NORTHERN REFLECTIONS, compte tenu de l'image des grandes étendues sauvages nordiques qui est souvent associée à tout ce qui est canadien, sans toutefois créer nécessairement de la confusion avec SOUTHERN REFLECTIONS, qui ne comporte pas la connotation boréale associée aux deux autres marques. Les éléments de preuve relatifs à l'état du registre démontrent simplement que, lorsqu'il a examiné chacune des marques à tour de rôle, le registraire n'a pas estimé que la marque à enregistrer créait de la confusion avec une marque déjà enregistrée, ce qui ne prouve pas que toute autre combinaison comportant le mot REFLECTIONS ne créerait pas de la confusion avec les marques déjà enregistrées.

[20]          La demanderesse fait valoir un argument accessoire. Elle affirme en effet qu'il ressort des éléments de preuve relatifs à l'état du registre que les consommateurs sont capables de faire des distinctions subtiles entre des marques comportant un mot commun, en se concentrant probablement sur le terme descriptif accompagnateur qui confère à la marque dans son ensemble son caractère distinctif. Le fait que les marques NORTHERN REFLECTIONS, SOUTHERN REFLECTIONS et WESTERN REFLECTIONS ont été enregistrées permet de penser que les consommateurs accordent davantage d'importance à l'élément descriptif qu'au mot REFLECTIONS. S'il en était autrement, une seule de ces marques serait enregistrable. Le fait d'accepter la prémisse de ce raisonnement ne nous oblige pas à en accepter la conclusion, à savoir que deux éléments descriptifs ne sauraient créer de la confusion. Il est tout à fait loisible au registraire, dans l'exercice de sa compétence spécialisée, de conclure que les mots CANADIAN et NORTHERN sont suffisamment rapprochés dans l'idée qu'ils évoquent pour qu'on puisse raisonnablement conclure qu'ils créeront de la confusion lorsqu'ils sont employés avec un mot commun comme REFLECTIONS pour désigner des marchandises identiques empruntant les mêmes voies commerciales. Il semble que ce soit précisément ce que le registraire a fait en l'espèce et j'estime qu'il a donné la bonne réponse. En conséquence, j'estime qu'il n'y a aucune raison qui justifie de modifier la décision du registraire.

     ORDONNANCE

     L'appel est rejeté avec dépens.




     "J.D. Denis Pelletier "

                                 Juge

Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :              T-1653-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      VEEJEE GROUP (CANADA) LTD. c. WOOLWORTH CANADA INC.

LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :          Le 19 mai 1999


MOTIFS ET DISPOSITIF DE L'ORDONNANCE prononcés par le juge Pelletier en date du 5 novembre 1999



ONT COMPARU :

Me John N. Allport                      pour la demanderesse

Me Rose-Marie Perry                      pour la défenderesse

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Sim, Hughes, Ashton & McKay              pour la demanderesse

Toronto (Ontario)

Gowling, Strathy & Henderson              pour la défenderesse

Ottawa (Ontario)

__________________

1

(5) In determining whether trade-marks or trade-names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including
     (a) the inherent distinctiveness of the trade-marks or trade-names and the extent to which they have become known;          ( b) the length of time the trade-marks or trade-names have been in use;

     (c) the nature of the wares, services or business;
     (d) the nature of the trade; and
     (e) the degree of resemblance between the trade-marks or trade-names in appearance or sound or in the ideas suggested by them.
(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris_:           a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;           b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

     c) le genre de marchandises, services ou entreprises;           d) la nature du commerce;
     e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent.

2

56 (5) On an appeal under subsection (1), evidence in addition to that adduced before the Registrar may be adduced and the Federal Court may exercise any discretion vested in the Registrar. 56(5) Lors de l'appel, il peut être apporté une preuve en plus de celle qui a été fournie devant le registraire, et le tribunal peut exercer toute discrétion dont le registraire est investi.
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