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Date : 19990929


Dossier : T-2300-97


ENTRE :

                     APOTEX INC.,

demanderesse,


     - et -



     LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL,


défendeur.




     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE REED

[1]      La demanderesse veut obtenir les dépens sur la base avocat-client pour le désistement de la demande visée en l'espèce. Ces dépens sont demandés parce que le ministre a causé, sans nécessité, l"introduction de la demande et a infligé des dommages financiers importants à la demanderesse en refusant de délivrer un avis de conformité dans un délai raisonnable.

[2]      En août 1995, Apotex a déposé, auprès du ministre, une demande d"avis de conformité concernant ses comprimés d"ofloxacine. À la suite de cette demande, Ortho-McNeil (Inc.) (" Ortho ") a déposé une demande d"ordonnance d"interdiction pour empêcher la délivrance de l"avis de conformité, voir le dossier T-2115-95. Une fois divulgué le procédé de synthèse qu"Apotex prévoyait employer, Ortho a convenu que le procédé ne contrefaisait pas son brevet (Brevet canadien 1167840). Un règlement du dossier T-2115-95 a été signé le 18 avril 1997. Il prévoit, entre autres, ce qui suit :

[TRADUCTION] ATTENDU QU"Apotex Inc. a transmis un avis d"allégation à Ortho-McNeil Inc. daté du 22 août 1995 qui contenait une allégation de non-contrefaçon;
ET ATTENDU QU"un procédé spécifique de fabrication de l"ofloxacine a été divulgué par Apotex Inc. dans les affidavits de Bernard Sherman daté du 1er novembre 1995, de Robert Allan McClelland daté du 1er novembre 1995 et de James B. Hendrickson daté du 1er novembre 1995, déposés dans l"affaire, dossier T-2115-95;
ET ATTENDU QUE les demanderesses Ortho-McNeil Inc. et Daiichi Seiyaku Co., Ltd. ont reçu confirmation du ministre de la Santé nationale et du Bien-être social (" ministre ") par des lettres datées du 4 et du 12 septembre 1996 que c"est le seul procédé de fabrication de l"ofloxacine décrit dans la présentation de drogue nouvelle d"Apotex;
ET ATTENDU QU"Ortho-McNeil Inc, et Daiichi Seiyaku Co., Ltd. sont disposées à reconnaître que l"allégation est justifiée par rapport au procédé divulgué de fabrication de l"ofloxacine, mais non par rapport à d"autres procédés;
ET ATTENDU QUE les parties souhaitent un règlement de l"affaire, dossier T-2115-95 :
POUR CES MOTIFS, chacune des parties représentée par son avocat convient de régler cette affaire aux conditions suivantes :
1.      Les demanderesses, Ortho-McNeil Inc. et Daiichi Seiyaku Co., Ltd., se désistent de la présente procédure compte tenu des engagements d"Apotex Inc. et du ministre présentés ci-dessous.
2.      Apotex Inc. s"engage à ne pas modifier son procédé de fabrication de l"ofloxacine sans en aviser par écrit les demanderesses et le ministre dans les 10 jours du changement.
3.      Apotex Inc. consent à ce que les demanderesses se désistent de la présente demande dans les conditions établies aux présentes.
4. Le ministre s"engage à notifier par écrit aux demanderesses tout changement apporté par Apotex au procédé de fabrication de l"ofloxacine, dans les 10 jours du changement.

[3]      Une ordonnance de la Cour a été prononcée le 29 avril 1997. Elle prévoit ce qui suit :

[TRADUCTION) 1. Les demanderesses sont autorisées à se désister, et elles se désistent par la présente ordonnance, de la procédure sur la foi des engagements d"Apotex Inc. mentionnés et exposés dans les Conditions de règlement. En outre, il est donné au ministre la directive qu"il ne lui est pas interdit de délivrer un avis de conformité à Apotex pour sa version d"ofloxacine, dans la mesure où il est fondé sur le procédé divulgué par Apotex dans la présente procédure et sur aucun autre procédé.

[4]      Le 11 juin 1997, Apotex avait répondu à toutes les demandes de renseignements du ministre pour la délivrance de l"avis de conformité mais le ministre a refusé de délivrer ledit avis. Il a adopté la position que le remplacement par Apotex du méthanol par l"éthanol comme solvant dans l"isolement et la purification de la molécule constituait un changement du procédé qui avait fait l"objet de l"ordonnance de la Cour.

[5]      M. Michols, au nom du ministre, a envoyé une lettre datée du 29 septembre 1997, où il déclare que [TRADUCTION] " le remplacement du méthanol par l"éthanol ... constitue un changement du procédé initialement décrit dans la présentation de drogue nouvelle et, comme nous le comprenons, [du] procédé présenté à la Cour. " La lettre concluait : [TRADUCTION] " le ministre est lié par l"ordonnance de la Cour du 29 avril 1997 et il lui est interdit de délivrer un avis de conformité. "

[6]      Apotex a répondu à cette lettre par des lettres datées des 2, 10 et 20 octobre 1997. Ces lettres signalent que la substitution de l"éthanol au méthanol a trait au procédé d"isolement et de purification, postérieur à la synthèse de la molécule d"ofloxacine, et qu"elle n"a aucun rapport avec le brevet, avec la question de la contrefaçon ou avec le procédé présenté à la Cour dans le dossier T-2115-95 (le ministre était partie à l"instance dans le dossier T-2115-95). Elles affirment aussi que le retard du ministre à lui délivrer l"avis de conformité lui a déjà occasionné de lourds dommages financiers parce qu"elle n"a pu faire inclure son médicament dans les formulaires des provinces; Apotex a offert de revenir au méthanol. (Le ministre semble avoir estimé que l"évaluation de ce dernier changement exigerait un nouveau délai de 90 jours, bien que l"utilisation de ce solvant ait déjà été évaluée.)

[7]      Apotex a introduit la présente instance le 24 octobre 1997, en vue d"obtenir une ordonnance enjoignant au ministre de délivrer l"avis de conformité. (La contestation de la décision du 29 septembre 1997 devait être présentée dans les 30 jours du prononcé de la décision selon le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur la Cour fédérale .)

[8]      Le ministre n"a déposé aucune preuve dans la présente instance et les personnes ayant souscrit les affidavits déposés par la demanderesse n"ont pas été interrogées sur leurs affidavits. L"argument du ministre dans sa défense était que l"ordonnance de la Cour du 27 avril 1997 visait les deux procédés : celui des affidavits de MM. Sherman, McClelland et Hendrickson, et celui qui était exposé dans la présentation de drogue nouvelle de la demanderesse. Le ministre a adopté la position que l"ordonnance de la Cour empêchait la délivrance d"un avis de conformité pour un procédé différent de celui contenu dans la présentation de drogue nouvelle. Le ministre a convenu, cependant, que les affidavits de MM. Sherman, McClelland et Hendrickson ne faisaient pas référence au procédé d"isolement et de purification. Le 3 février 1998, le ministre a délivré un avis de conformité à Apotex.

[9]      L"avocat du défendeur soutient que les dépens sur la base avocat-client ne sont accordés que dans les cas les plus extrêmes. Il prétend qu"il n"y a pas eu en l"espèce de mauvaise foi ou de comportement frauduleux et qu"à dire vrai, la conduite attaquée n"avait pas trait au litige lui-même. Il plaide l"application de la règle 402 des Règles de la Cour fédérale . Selon cette règle, le ministre aurait droit aux dépens en raison du désistement d"Apotex dans la demande visée.

[10]      Je n"ai pas l"intention de me référer à la jurisprudence qui m"a été citée, établissant que les dépens sur la base avocat-client sont accordés dans les cas où la Cour veut manifester sa désapprobation à l"égard d"un comportement offensant ou insolent. La règle 400(1) prévoit maintenant que la Cour " a entière discrétion pour déterminer le montant des dépens, les répartir et désigner les personnes qui doivent les payer ". Dans l"exercice de ce pouvoir discrétionnaire, la Cour est autorisée par la règle 400(3) à tenir compte de " la question de savoir si une mesure prise au cours de l"instance ... était inappropriée, vexatoire ou inutile, ou ... a été entreprise de manière négligente, par erreur ou avec trop de circonspection ".

[11]      Dans la présente affaire, l"interprétation que le ministre cherche à donner à l"ordonnance du 29 avril 1997 ne se défend pas. L"ordonnance fait mention du " procédé divulgué par Apotex dans la présente procédure et ... aucun autre procédé ". Ce procédé est celui qui est exposé dans les affidavits de MM. Sherman, McClelland et Hendrickson et le procédé visé par le brevet "840. Il n"y a pas d"autre interprétation de l"ordonnance qui résiste à l"analyse dans le contexte de l'instance à laquelle elle se rapporte. Le fait que la présentation de drogue nouvelle puisse faire allusion à des étapes supplémentaires par rapport à celles qui sont décrites dans le brevet et dans les affidavits n"élargit pas la portée de l"ordonnance. À vrai dire, on devait s"attendre à ce que le contenu de la présentation de drogue nouvelle soit plus large. En outre, si le ministre avait vraiment des doutes sur la portée du procédé en cause dans la procédure relative au dossier T-2115-95 et s"il n"avait pu élucider la question en examinant les affidavits pertinents et le brevet déposés dans l"instance à laquelle il était partie, il aurait pu communiquer avec Ortho ou Apotex et leur faire part de ses préoccupations avant d"envoyer la lettre de refus du 29 septembre 1997. Après avoir reçu les lettres d"Apotex des 2, 10 et 20 octobre 1997, il n"a apparemment pas encore réagi en se penchant sérieusement sur la question et il lui a fallu jusqu"au 3 février 1998 pour reconnaître l"erreur commise et la corriger. Dans ces circonstances, j"estime que la demanderesse a droit à la totalité des dépens engagés pour présenter sa demande. Une ordonnance sera prononcée en conformité avec ces motifs.

                                     B. Reed

     JUGE

TORONTO (ONTARIO)

29 septembre 1999



Traduction certifiée conforme



Ghislaine Poitras, LL.L.


              COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                    

     Avocats et avocats inscrits au dossier

NO DU GREFFE :                  T-2300-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :          APOTEX INC.

    

                             - et -
                         LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE

                         SOCIAL

DATE DE L"AUDIENCE :              LE LUNDI 27 SEPTEMBRE 1999
LIEU DE L"AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L"ORDONNANCE DE MADAME LE JUGE REED

DATE :                      LE MERCREDI 29 SEPTEMBRE 1999

COMPARUTIONS :              M. Eric Engel

                             Pour la demanderesse

                         M. J. Sanderson Graham

                             Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :      Goodman, Phillips & Vineberg

                         Barristers & Solicitors

                         250 Yonge Street

                         Suite 2500

                         Toronto (Ontario)

                         M6B 2M6

                             Pour la demanderesse

                          Morris Rosenberg

                         Sous-procureur général du Canada

                             Pour le défendeur

                             COUR FÉDÉRALE DU CANADA


                                 Date :19990929

                        

         Dossier : T-2300-97


                             Entre :

                             APOTEX INC.,

     demanderesse,

                             - et -


                             LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL,

    

     défendeur.




                    

                            

        

                             MOTIFS DE L"ORDONNANCE

                            

                            

    






        

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