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Date : 19980917


Dossier : T-286-96

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL

ENTRE :

     A.G.T. LIMITED,

     demanderesse,

     - et -

     DALAINA GRAHAM, JOYCE HILL,

     FREDA KUSNERICK et AUDREY FRANSON,

     défenderesses.

     ORDONNANCE

     Pour les motifs ci-joints, j'annule la décision de l'arbitre et je renvoie la présente affaire à l'arbitre Kubara, personnellement, pour qu'il entende la plaidoirie et rende une décision sur l'applicabilité de l'article 170, l'arbitre ayant tout pouvoir discrétionnaire de décider de l'incidence de cette question sur les autres conclusions de la décision rendue le 18 décembre 1995 qui n'ont pas été contestées dans la présente demande de contrôle judiciaire. Si l'arbitre Kubara n'est pas en mesure d'accepter ce renvoi, la présente affaire sera renvoyée à un autre arbitre en vue d'une nouvelle audition complète.

     Je ne rends aucune ordonnance à l'égard des dépens.

     "Douglas R. Campbell"

                                         Juge

Ottawa (Ontario)

Traduction certifiée conforme :

C. Bélanger, LL.L.

     Date : 19980917

     Dossier : T-286-96

ENTRE :

     A.G.T. LIMITED,

     demanderesse,

     - et -

     DALAINA GRAHAM, JOYCE HILL,

     FREDA KUSNERICK et AUDREY FRANSON,

     défenderesses.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE                             

LE JUGE CAMPBELL

[1]      La présente demande de contrôle judiciaire concerne la décision en date du 18 décembre 1995 qu'a rendue l'arbitre Sean M. Kubara au sujet d'un appel en matière de recouvrement du salaire en vertu de la section XVI, partie III, du Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2. Il s'agissait de l'appel d'une décision rejetant la plainte des défenderesses. Ces dernières prétendaient avoir droit, en vertu de l'article 174 du Code, à une rémunération pour les heures supplémentaires, plus particulièrement après avoir été obligées de travailler plus de huit heures au cours d'une période de vingt-quatre heures. En appel, l'arbitre a statué en faveur des défenderesses et conclu que chacune d'elles avait droit à une rémunération pour les heures supplémentaires.

[2]      La demanderesse soutient que l'arbitre a commis une erreur en ne tenant pas compte des dispositions de l'article 170 du Code. En raison des dispositions du paragraphe 251.12(6) du Code, qui prévoit que " les ordonnances de l'arbitre sont définitives et non susceptibles de recours judiciaires ", la décision de l'arbitre ne peut être annulée dans le cadre d'un contrôle judiciaire. Toutefois, il est bien établi que la décision de l'arbitre est protégée sauf s'il a commis une erreur " manifestement déraisonnable " (Blanchard c. Control Data Canada Limitée , [1984] 2 R.C.S., 476, à la p. 479), et, pour avoir gain de cause, la demanderesse doit donc satisfaire à ce critère.

[3]      Aux termes de l'alinéa 169(1)a) du Code, la durée normale du travail d'un employé est de huit heures par jour et quarante heures par semaine et, selon l'article 174, les heures supplémentaires effectuées par un employé, sur demande ou sur autorisation, donnent lieu à une majoration de salaire. Mais il existe des exceptions. Pour ce qui est de la présente espèce, les deux exceptions pertinentes se trouvent à l'article 170 du Code et à l'alinéa 7a) du Règlement du Canada sur les normes du travail, C.R.C., vol. X, ch. 986.

[4]      Le paragraphe 170(1) du Code prévoit l'exception suivante, qui s'applique aux employés visés par une convention collective :

     170(1) L'employeur peut fixer, modifier ou annuler un horaire de travail qui est applicable à des employés liés par une convention collective et dont la durée est supérieure à la durée normale du travail, si les conditions suivantes sont réunies :         
     a) la moyenne hebdomadaire, calculée sur deux semaines ou plus, n'excède pas quarante heures;         
     b) il s'entend par écrit avec le syndicat sur l'horaire, sa modification ou son annulation.         

[5]      L'alinéa 7a) du Règlement dispose :

     7. Malgré les exigences du présent règlement, l'article 174 de la Loi ne s'applique pas lorsque le régime de travail établi :         
     a) oblige ou autorise l'employé à travailler au-delà de la durée normale du travail à des fins de changement de poste; [...]         

[6]      Les avocats des parties qui occupaient dans le cadre de l'appel devant l'arbitre ont convenu que la question à trancher portait sur la juste interprétation des mots " changement de poste " de l'alinéa 7a ) du Règlement. En conséquence, dans une décision soigneusement rédigée, l'arbitre s'est concentré sur cette question et a finalement conclu que l'exception de l'article 7 ne s'appliquait pas à la règle générale établie à l'alinéa 169(1)a) et à l'article 174 du Code.

[7]      La demanderesse ne conteste pas la conclusion principale de l'arbitre au sujet de l'interprétation de l'article 7 du Règlement, mais elle soutient que le passage suivant de la décision de l'arbitre renferme une conclusion manifestement déraisonnable :

     [TRADUCTION] Au cours de la plaidoirie, les deux avocats ont traité des articles 170 et 172 du Code, mais, selon moi, ils ne sont pas pertinents étant donné que leurs dispositions ne s'appliqueraient qu'en cas d'entente écrite entre l'employeur et le syndicat pour établir un horaire de travail qui excède les heures normales de travail. Cela ne semble pas avoir été fait en l'espèce.

[8]      On peut raisonnablement prétendre que la question de savoir si l'arbitre a commis une erreur dépend des droits que les parties lui ont demandé de déterminer. Il est établi que les parties lui ont soumis une question concernant l'article 7 du Règlement. Elles n'ont pas sérieusement prétendu que les dispositions de la convention collective s'appliquaient à titre d'exception à la règle générale. En fait, au cours de l'audience qui s'est déroulée devant moi, l'avocat de la demanderesse a admis que lorsque la cause a été plaidée devant l'arbitre par son prédécesseur, le conseiller interne de la demanderesse qui avait préparé le mémoire d'appel n'avait même pas songé à l'applicabilité de l'article 170.

[9]      Par conséquent, les mots employés par l'arbitre découlent de cette position mutuelle, qu'on pourrait qualifier d'entente, et la conclusion qu'il a tirée y est conforme.

[10]      Toutefois, au cours de la plaidoirie, j'ai été informé que, juste avant le début de la présente instance en contrôle judiciaire devant le juge en chef adjoint Jerome le 4 septembre 1997, le nouvel avocat qui représentait et représente encore la demanderesse a soulevé pour la première fois l'argument de l'erreur relative à l'article 170 et, par conséquent, a demandé de l'inclure dans la plaidoirie de la demanderesse relative au contrôle judiciaire. À cette même date, l'avocat des défenderesses, qui avait plaidé la cause devant l'arbitre, s'y est opposé. La décision qu'a rendue le juge en chef Jerome en faveur de la demanderesse au sujet de cette question est exposée dans ses motifs datés du 3 décembre 1997 :

     Toutefois, à mon avis, il ne s'agit pas d'un nouvel argument. La question a été soulevée pendant l'audience qui eu lieu devant l'arbitre et ce dernier a statué qu'à son avis, les articles 170 et 172 du Code ne sont pas pertinents. Dans sa décision, l'arbitre met l'accent sur l'applicabilité de l'alinéa 7a) du Règlement, mais les parties ont invoqué l'article 170 dans leur argumentation et l'arbitre a conclu que cette disposition n'était pas pertinente. Je crois que lorsqu'un organisme administratif a rendu une décision au sujet de l'applicabilité d'une disposition législative, une partie devrait pouvoir demander le contrôle judiciaire.         

[11]      Après avoir rendu cette décision, le juge en chef adjoint Jerome n'a pas entendu la demande de contrôle judiciaire, qui a plutôt été reprise à nouveau devant moi le 3 juin 1998. Après les plaidoiries orales, qui ont porté uniquement sur les questions d'erreur relative à l'applicabilité de l'article 170, j'ai accordé aux parties une autre possibilité de soumettre des observations par écrit, et ce, jusqu'au 8 août 1998. Les présents motifs font suite à un examen attentif de ces observations.

[12]      La décision du juge en chef adjoint Jerome offre clairement à la demanderesse la possibilité de présenter une plaidoirie sur le bien-fondé de l'applicabilité de l'article 170. Selon moi, une telle chose ne peut se faire dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire. Ma tâche consiste à déterminer si la décision de l'arbitre renferme une erreur, et non à établir les droits entre les parties. Tels sont le mandat et l'obligation de l'arbitre.     

[13]      Par conséquent, dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, j'estime que la seule façon de donner effet à la décision du juge en chef adjoint Jerome est de l'interpréter comme m'obligeant à examiner si l'omission d'établir le bien-fondé de l'argument relatif à l'article 170 rend la décision de l'arbitre manifestement déraisonnable, ce qui permettrait de l'annuler. Sans attribuer de faute à l'arbitre, j'ai conclu que c'est cette décision que je dois rendre.

[14]      Même si je comprends parfaitement pourquoi l'arbitre n'a pas approfondi la question du bien-fondé de l'argument concernant cette disposition, vu les plaidoiries orales et écrites que j'ai entendues et examinées, l'argument selon lequel l'article 170 s'applique aux faits de l'espèce a suffisamment de mérite pour justifier un examen attentif. Par conséquent, indépendamment de la position adoptée par les avocats à l'audience devant l'arbitre, pour rendre une décision juste et équitable pour toutes les parties concernées dans une affaire qui, je crois, établit un précédent d'intérêt général, l'arbitre aurait dû examiner attentivement l'application possible de l'article 170. Comme cela n'a pas été fait, je conclus que l'omission de le faire rend cette décision manifestement déraisonnable et constitue une erreur susceptible de contrôle judiciaire.

[15]      Pour ces motifs, j'annule la décision de l'arbitre et je renvoie la présente affaire à l'arbitre Kubara, personnellement, pour qu'il entende la plaidoirie et rende une décision sur l'applicabilité de l'article 170, l'arbitre ayant tout pouvoir discrétionnaire de décider de l'incidence de cette question sur les autres conclusions de la décision rendue le 18 décembre 1995 qui n'ont pas été contestées dans la présente demande de contrôle judiciaire. Si l'arbitre Kubara n'est pas en mesure d'accepter ce renvoi, la présente affaire sera renvoyée à un autre arbitre en vue d'une nouvelle audience complète.

[16]      À la fin de la plaidoirie orale, l'avocat de la demanderesse a indiqué qu'en cas de réclamation de dépens, des observations à ce sujet seraient présentées dans la plaidoirie écrite à déposer. Aucune observation n'ayant été présentée, je ne rends aucune ordonnance à l'égard des dépens.

     "Douglas R. Campbell"

                                          Juge

OTTAWA (Ontario)

Traduction certifiée conforme :

C. Bélanger, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NE DU GREFFE :                      T-286-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :              A.G.T. Limited c. Dalaina Graham et autres

LIEU DE L'AUDIENCE :              Edmonton (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :              3 juin 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

PRONONCÉS PAR :                  Monsieur le juge Campbell     

EN DATE DU :                      17 septembre 1998

ONT COMPARU :                     

Hugh J.D. McPhail                      pour la demanderesse

William J. Johnson                      pour les défenderesses

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :             

McLenna Ross

Avocats et procureurs

Edmonton (Alberta)                      pour la demanderesse

McGowan Johnson

Avocats et procureurs

Calgary (Alberta)                      pour les défenderesses

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