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Date : 20030911

Dossier : T-290-99

Référence : 2003 CF 1058

ENTRE :

                                                           EDWIN PEARSON

                                                                                                                                        demandeur

                                                                            et

                                                    SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                  défenderesse

                                               MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LA PROTONOTAIRE ARONOVITCH


[1]                 La Couronne demande la radiation de la demande qu'Edwin Pearson a présentée en vue d'obtenir un montant de 13 millions de dollars, à titre de dommages-intérêts compensatoires, généraux et punitifs, pour le motif que les préposés de la Couronne, dans le cadre des poursuites engagées contre lui à la suite d'accusations relatives à des stupéfiants qui avaient été portées contre lui, avaient censément violé les droits qui lui sont reconnus par la Charte. Pour les motifs ci-après énoncés, je rejetterai la requête.

LES FAITS

[2]                 Il est utile de comprendre les événements qui sont à l'origine de l'instance. En 1989, le demandeur a été accusé, sous cinq chefs, de trafic de stupéfiants. Il a subi un procès pour ces accusations devant un juge et un jury devant la Cour supérieure du Québec. Il a été reconnu coupable sous quatre chefs et il a été acquitté sous un chef. Le 16 mai 1991, après une audience portant sur la provocation policière, une déclaration de culpabilité a été enregistrée et le demandeur a été condamné à une peine d'emprisonnement.


[3]                 À la suite d'un appel interjeté contre les déclarations de culpabilité, la Cour d'appel du Québec a confirmé les verdicts prononcés par le jury, mais elle a accueilli l'appel en partie. La tenue d'un nouveau procès devant un juge de la Cour supérieure a été ordonnée, le procès devant uniquement porter sur la question de la provocation policière compte tenu des conclusions selon lesquelles certains documents concernant un indicateur auraient dû être communiqués au demandeur avant le procès (R. c. Pearson, [1994] J.Q. no 66 (C.A.Q.)). Le demandeur a interjeté appel contre cette décision devant la Cour suprême du Canada. Dans l'arrêt R. c. Pearson, [1998] 3 R.C.S. 620, la Cour suprême a confirmé le jugement de la Cour d'appel du Québec et a fait les remarques suivantes, au paragraphe 22 :

L'appelant a également invoqué plusieurs autres moyens d'appel devant notre Cour. La plupart de ces moyens concernent la violation des droits que lui garantit la Charte ou les directives du juge du procès au jury. L'analyse que le juge Fish a faite de la question est juste et nous ne souhaitons rien y ajouter. L'appelant a invoqué de nouveaux moyens devant nous, faisant valoir que la Cour d'appel n'aurait pas dû tenir compte de la nouvelle preuve présentée par le ministère public (les notes susmentionnées de l'indicateur). Il nous a aussi présenté des éléments de preuve découverts au cours du second procès sur la question de la provocation policière, qui est actuellement en instance devant la Cour d'appel du Québec. Cette preuve se rapporte surtout aux témoignages d'agents d'infiltration de la GRC qui, selon l'appelant, sont contradictoires. Ces questions n'ont rien à voir avec notre décision et doivent plutôt être examinées par les tribunaux d'instance inférieure. [...]

[4]                 La deuxième audience relative à la provocation policière a eu lieu devant la Cour supérieure du Québec. Le 11 novembre 1994, Monsieur le juge Boilard a conclu que la provocation policière n'avait pas été établie. Un appel a été interjeté contre cette décision devant la Cour d'appel du Québec, lequel a été rejeté par cette dernière le 19 novembre 1999.


[5]                 Parmi les motifs sur lesquels le deuxième appel était fondé, il y avait les motifs suivants : le caractère adéquat des communications; la nature et la qualité de la preuve présentée par les agents de police et par l'indicateur devant le juge Boilard, par rapport en particulier à la preuve que ceux-ci avaient déjà soumise et qui avait été examinée à la lumière des documents qui n'avaient pas initialement été communiqués, et les allégations se rapportant à diverses erreurs de fait et de droit commises dans le cadre de la nouvelle audience portant sur la question de la provocation policière. Ces motifs n'ont pas été établis et l'appel a été rejeté : Regina c. Pearson [1999] J.Q. no 5135 (C.A.Q.). Les quatre déclarations de culpabilité sont donc maintenues.

[6]                 En 1999, pendant que le deuxième appel devant la Cour d'appel du Québec était en instance, M. Pearson a intenté une action en dommages-intérêts devant la présente Cour, en alléguant que les poursuites, les déclarations de culpabilité et l'emprisonnement dont il avait fait l'objet allaient à l'encontre des articles 7 et 11 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte). Plus précisément, le demandeur allègue que les agents de la Couronne ont d'une façon délibérée et malveillante omis de communiquer certains documents, qu'ils ont remis des documents frauduleux, qu'ils se sont parjurés et qu'ils ont présenté des éléments de preuve contradictoires, ce qui a eu pour effet de le priver de son droit à un procès équitable et de son droit à la liberté et à la sécurité de sa personne, lesquels sont garantis par la Charte. Si je comprends bien, Pearson est essentiellement d'avis que les méfaits des agents de la Couronne, et en particulier la non-communication des documents, l'ont privé de son droit à une réponse et à une défense complètes sur la question de la provocation policière ainsi que de son droit d'établir les allégations de parjure et de fraude à son procès, devant la Cour d'appel du Québec et devant la Cour suprême.


[7]                 L'historique de l'action que Pearson a intentée devant la présente Cour et de la requête de la Couronne dont je suis ici saisie est complexe et est examiné à fond dans les motifs de Madame la juge Hansen, [2001] A.C.F. no 1025. La décision du juge Hansen a essentiellement abouti à l'octroi de l'autorisation à la Couronne de signifier l'avis modifié de requête qui est ici en cause. À la date de l'audition de la requête, les plaidoiries étaient donc closes, une réponse ayant été signifiée et déposée le 14 février 2000.

[8]                 Dans ses prétentions écrites, la Couronne se fonde sur plusieurs motifs à l'appui de la radiation de l'action, et principalement sur la doctrine de la chose jugée et sur la doctrine de l'irrecevabilité résultant de l'identité des questions en litige, pour le motif que la présente action constitue une tentative visant à débattre de nouveau les questions mêmes sur lesquelles la Cour d'appel du Québec s'est prononcée. La Couronne invoque également l'insuffisance des plaidoiries du fait qu'on a omis d'alléguer les faits nécessaires pour établir une atteinte aux droits reconnus au demandeur par la Charte, ou son droit à des dommages-intérêts.


[9]                 À l'audition de la requête, l'avocat a précisé que la Couronne se fonde maintenant sur deux motifs seulement à l'appui de la présente requête. Selon l'un, l'action du demandeur est prescrite, et selon l'autre, aucune cause d'action valable n'est révélée, en ce sens que les conditions applicables au délit fondé sur les poursuites abusives ne sont pas remplies. Étant donné que les autres motifs ont été abandonnés, je n'examinerai que les deux arguments sur lesquels la Couronne se fonde maintenant pour faire radier l'action.

Prescription provinciale et demande fondée sur la Charte

[10]            L'article 32 de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif, L.R.C. (1985), ch. C-50, prévoit que les poursuites auxquelles l'État est partie sont assujetties aux prescriptions prévues par les règles de droit de la province où le fait générateur est survenu :


Sauf disposition contraire de la présente loi ou de toute autre loi fédérale, les règles de droit en matière de prescription qui, dans une province, régissent les rapports entre particuliers s'appliquent lors des poursuites auxquelles l'État est partie pour tout fait générateur survenu dans la province. Lorsque ce dernier survient ailleurs que dans une province, la procédure se prescrit par six ans.

Except as otherwise provided in this Act or in any other Act of Parliament, the laws relating to prescription and the limitation of actions in force in a province between subject and subject apply to any proceedings by or against the Crown in respect of any cause of action arising in that province.



[11]            Il ne semble pas être contesté qu'en l'espèce, le fait générateur est survenu au Québec. Ce sont donc les règles de droit du Québec en matière de prescription qui s'appliquent. Or, les délais de prescription qui s'appliquent aux poursuites judiciaires sont régis par le Titre troisième (De la prescription extinctive) du Livre huitième (De la prescription) du Code civil du Québec L.Q. 1991, ch. 64 (le Code civil). La Couronne se fonde plus précisément sur l'article 2925 du Code civil, qui est ainsi libellé :


L'action qui tend à faire valoir un droit personnel ou un droit réel mobilier et dont le délai de prescription n'est pas autrement fixé se prescrit par trois ans.

An action to enforce a personal right or movable real right is prescribed by three years, if the prescriptive period is not otherwise established.


[12]            À supposer qu'il soit possible de dire que la demande ici en cause est une « action qui tend à faire valoir un droit personnel » , et sous réserve des autres dispositions pertinentes du Code civil, le délai de prescription est de trois ans. La Couronne maintient que les faits pertinents invoqués dans la déclaration se rapportent exclusivement au procès qui a été tenu en 1991, de sorte que l'action était depuis longtemps prescrite lorsqu'elle a été intentée devant la présente Cour.

[13]            Le demandeur affirme que l'atteinte portée à ses droits est continue et que la communication continue de documents, y compris dans le contexte de la présente action, sert à fonder sa demande. Toutefois, selon le principal argument invoqué par Pearson en réponse, les délais de prescription provinciaux ne peuvent pas s'appliquer pour faire obstacle à sa demande puisqu'elle est fondée sur la Charte.

[14]            L'argument n'est pas libre de tout doute étant donné que la question de l'effet des lois provinciales relatives à la prescription sur les demandes fondées sur la Charte a été débattue devant les tribunaux. Dans l'arrêt Prete c. Canada, 110 D.L.R. (4th) 94 (C.A. Ont.) (Prete), la demande d'autorisation en vue d'un pourvoi devant la Cour suprême a été refusée : [1994] A.C.S. 46. Dans l'affaire Prete, la Cour d'appel de l'Ontario était saisie d'une demande fondée sur des motifs liés à la Charte, laquelle semblait être prescrite par suite du délai de prescription de six mois imposé en vertu de la Loi sur les instances introduites contre la Couronne, L.R.O. 1990, ch. P.27. En se fondant sur la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Nelles c. Ontario (1989), 60 D.L.R. (4th) 609 (C.S.C.), la Cour a conclu qu'une loi provinciale ne pouvait pas faire obstacle à un droit de nature constitutionnelle; voici ce qu'elle a dit à la page 100 :

La disposition de la Charte qui permet d'obtenir réparation serait neutralisée si le gouvernement provincial, qui est l'une des autorités mêmes que la Charte a pour objet de contrôler, pouvait se déclarer à l'abri de son application.


[15]            Il importe de noter que dans l'affaire Prete, la Cour d'appel était au courant des lignes directrices énoncées par la Cour suprême dans l'arrêt R. c. Mills, [1986] 1 R.C.S. 863, à la page 953, et qu'elle les a même citées, en disant que « celle-ci [la Charte] n'était pas censée provoquer le bouleversement du système judiciaire canadien [et qu'au] contraire, elle [devait] s'insérer dans le système actuel de la procédure judiciaire canadienne » . Toutefois, la majorité de la Cour d'appel de l'Ontario a conclu qu'une demande fondée sur la Charte pouvait être exemptée des délais de prescription prévus par la loi.

[16]            Il existe certaines décisions rendues par d'autres cours d'appel qui indiquent le contraire. Mentionnons notamment les arrêts McGillivary c. New Brunswick, (1994), 111 D.L.R. (4th) 483 (C.A.N.-B.) (McGillivary) et Nagy c. Phillips (1996), 137 D.L.R. (4th) 715 (C.A. Alb.). De son côté, la défenderesse se fonde principalement sur l'arrêt Gauthier c. Lambert, [1988] R.D.J. 14 (C.A.Q.) (Gauthier), demande d'autorisation de pourvoi à la Cour suprême refusée le 26 mai 1988, où la Cour d'appel du Québec a cité et approuvé le raisonnement du juge de la Cour supérieure, qui a expliqué que la Charte n'était pas destinée à écarter les délais de prescription et qu'elle ne les écartait pas :

La Charte constitutionnelle de 1982 n'a pas fait disparaître toutes les dispositions limitatives des droits des individus, non plus que les notions de prescription. Les recours exercés en vertu de l'article 1053 du Code civil qui couvrait déjà, avant l'avènement de la Charte constitutionnelle, la majeure partie de l'éventail des recours possibles par les victimes de préjudices de quelque nature qu'ils soient, mais impliquant la notion de faute, continuent d'être astreints aux courtes prescriptions des articles 2260 et suivants du Code civil et de la Charte n'a rien fait pour modifier ces dispositions du Code civil qui empêchent l'exercice d'un recours après un an, deux ans, trois ans ou cinq ans, lesdits recours étant éteints par le seul écoulement du temps et cette prescription étant opposable d'office, tel que le stipule la loi.

S'il fallait en croire le demandeur, la Charte constitutionnelle aurait ni plus ni moins aboli ces prescriptions sans pour autant en imposer de nouvelles.

[17]            Un avis essentiellement identique a été exprimé par Monsieur le juge Hugessen dans l'arrêt St-Onge c. Canada, [1999] A.C.F. no 1842 (1re inst.), décision confirmée [2000] A.C.F. no 1523 (C.A.F.). Le juge Hugessen a noté le conflit découlant des arrêts Prete et Gauthier. Après avoir conclu qu'il n'avait pas à trancher la question « controversée dans la jurisprudence » , le juge a dit qu'un délai de prescription provincial, applicable à un délit, fait obstacle à une action délictuelle fondée sur des délits qui constituent en même temps des atteintes aux droits garantis par la Charte. Le juge a fait les remarques suivantes (paragraphes 4 et 5) :

[...] La Charte a été adoptée dans un contexte qui comprenait déjà deux systèmes bien développés de droit civil avec des règles de procédure sophistiquées et des tribunaux appropriés pour les rendre efficaces. La Charte ne contient aucune disposition de nature purement procédurale ni de règle concernant la prescription.

Évidemment, il ne faut pas déduire ce de fait que la Charte a complètement détruit les systèmes existants et a créé un régime où il n'existe aucune procédure et aucune prescription. Au contraire, les lois et les procédures existantes ont continué à s'appliquer sauf dans la mesure où elles sont clairement incompatibles avec la Charte elle-même.


[18]            Je note à cet égard que, dans sa demande, Pearson n'allègue pas un délit existant en common law, ou de fait, il n'indique aucune cause d'action indépendante de la Charte, mais il sollicite des dommages-intérêts qui sont de toute évidence exclusivement fondés sur un délit de nature constitutionnelle ou sur un [TRADUCTION] « délit fondé sur la Charte » (voir : McGillivary, précité et Oniel c. Toronto (Metropolitan Police Force), [1998] O.J. no 3840, décision infirmée, Oniel c. Toronto (Metropolitan Police Force), [2001] O.J. no 90 (C.A. Ont.)). Je note également que l'autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada a été refusée tant dans l'affaire Prete que dans l'affaire Gauthier, et je ne considère pas l'arrêt Gauthier comme étant déterminant, et ce, même si l'action a pris naissance au Québec. Selon moi, il s'agit d'une affaire contentieuse qui ne peut pas être réglée dans le cadre d'une requête en radiation.

Délais de prescription applicables aux requêtes en radiation

[19]            Ceci dit, et même à supposer que le délai provincial de prescription s'applique, une requête en radiation n'est pas un moyen approprié, à mon avis, aux fins de la détermination et de l'application d'un délai de prescription. Dans l'arrêt Kibale c. Canada (1990), 123 N.R. 153 (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale a statué qu'une loi sur la prescription ne constitue pas un motif valide de radiation d'une déclaration fondée sur l'omission de révéler une cause d'action (pages 154 et 155) :

[...] un « Statute of Limitations » suivant la common law n'éteint pas le droit d'action mais donne seulement au défendeur un moyen de défense d'ordre procédural qu'il peut ne pas invoquer et qu'il doit, s'il veut s'en prévaloir, plaider en défense [...] il ne lui est pas permis de le faire dans une requête en radiation [...]


[20]            Dans la décision Bande indienne de Fox Lake c. Reid Crowthers & Partners Ltd., 2002 CFPI 630, Monsieur le protonotaire Hargrave se fonde sur l'arrêt Kibale pour réitérer que la possibilité d'invoquer le moyen de défense de la prescription ne constitue pas en soi un motif suffisant pour permettre la radiation d'une demande, en notant seulement, au paragraphe 20, l'exception suivante, qui en passant ne s'applique pas en l'espèce :

[...] Bien sûr, il est arrivé qu'un acte de procédure soit radié à cause d'une prescription. Il semble toutefois que la plupart du temps, sinon toujours, des circonstances particulières faisaient que la prescription légale constituait davantage qu'un simple moyen de défense [...]

La Couronne ne peut donc pas invoquer la prescription en l'espèce, et ce, même si la prescription a été plaidée, d'autant plus lorsqu'il semble y avoir contestation liée dans la réponse.


[21]            Je remarque que dans l'arrêt Kibale, la Cour parle d' « un " Statute of Limitations " suivant la common law » , alors qu'en l'espèce, il est question de la prescription en droit civil. À cet égard, la Couronne se fonde sur les articles 2875, 2877, 2880, 2881 et 2921 du Code civil, ces dispositions pouvant de fait être pertinentes si l'affaire était tranchée au fond. Toutefois, il ne sert à rien de se lancer dans une analyse du droit civil substantif puisque cela exige une conclusion de droit qu'il ne convient pas de tirer dans le cadre d'une requête en radiation, et en outre que cela nous amène à examiner les faits sous-jacents. En effet, la détermination de la question de savoir si une affaire est prescrite exige habituellement un contexte factuel complet. À mon avis, la question de l'application d'un délai de prescription, si elle n'est pas reportée à l'instruction, devrait d'une façon plus appropriée être tranchée à un stade interlocutoire au moyen d'une requête en jugement sommaire.

Poursuites abusives

[22]            La Couronne soutient que l'action du demandeur est essentiellement une action fondée sur les poursuites abusives et que, cela étant, elle doit satisfaire aux éléments nécessaires de ce délit particulier. Les éléments nécessaires ont été définis par la Cour suprême dans l'arrêt Nelles c. Ontario, [1989] 2 R.C.S. 170, au paragraphe 42 :

Le demandeur doit prouver quatre éléments pour obtenir gain de cause dans une action pour poursuites abusives:

a)      les procédures ont été engagées par le défendeur;

b)      le tribunal a rendu une décision favorable au demandeur;

c)      l'absence de motif raisonnable et probable;

d)      l'intention malveillante ou un objectif autre que celui de l'application de la loi.


[23]            La Couronne concède que le premier élément est présent - c'est elle qui a engagé les poursuites au criminel contre le demandeur. Toutefois, le deuxième élément n'est pas présent. Sauf pour un chef, « les procédures » , y compris le résultat final de tous les appels, ont abouti à un résultat favorable à la Couronne, puisque les déclarations de culpabilité dont le demandeur avait fait l'objet ont été confirmées. Selon la Couronne, toute autre enquête sur les deux autres éléments devient inutile puisqu'il est clair que le demandeur n'a pas satisfait à un élément essentiel. La Couronne affirme qu'étant donné que le demandeur n'a pas invoqué de faits pertinents suffisants à l'appui d'une action fondée sur des poursuites abusives, pareille action ne peut pas être accueillie.

[24]            L'analyse est peut-être bien correcte en tant que telle, mais le demandeur n'a pas libellé sa déclaration sous la forme d'une action fondée sur des poursuites abusives et il s'oppose vigoureusement à ce que sa demande soit ainsi considérée. Comme il en a été fait mention, le demandeur allègue que les droits qui lui sont reconnus par la Charte ont été violés, et il demande une réparation fondée sur le paragraphe 24(1) de la Charte uniquement pour ces violations. (De fait, la Couronne a notamment invoqué en défense le fait qu'une violation de la Charte ne constitue pas au civil une cause d'action susceptible de donner lieu à une réparation fondée sur le paragraphe 24(1)).


[25]            Il appartient certes au plaideur de décider de la forme de sa demande. Le défendeur ne peut pas imputer au demandeur un genre d'action que celui-ci n'a pas intenté, en alléguant que c'est ainsi qu'il convient de qualifier l'action, et demander ensuite à la Cour de rejeter l'action parce que les éléments nécessaires ne sont pas présents. Or, Pearson n'a pas intenté une action fondée sur des poursuites abusives et il importe peu que sa demande puisse satisfaire aux éléments nécessaires applicables à ce délit. Une ordonnance sera rendue en conséquence.

« Roza Aronovitch »

Protonotaire

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         T-290-99

INTITULÉ :                                                        EDWIN PEARSON

c.

SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :                                TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                           LE 12 JUIN 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              Madame la protonotaire Aronovitch

DATE DES MOTIFS :                                     LE 11 SEPTEMBRE 2003

COMPARUTIONS :

M. EDWIN PEARSON                                      POUR LE DEMANDEUR

M. JACQUES SAVARY                                    POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Edwin Pearson                                                POUR LE DEMANDEUR

Burlington (Ontario)

M. Morris Rosenberg                                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada                    

Ministère de la Justice

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