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Date : 20010621

Dossier : T-2311-95

OTTAWA (ONTARIO), LE JEUDI 21 JUIN 2001

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

ENTRE :

                                              LOGISTEC STEVEDORING INC.

                                                                                                                                 demanderesse

ET :

                                                 AMICAN NAVIGATION INC.

                                                                            et

                                                  PEGASUS LINES LTD., S.A.

                                                                                                                                 défenderesses

                                                              ORDONNANCE

Pour ces motifs, la demanderesse a le droit d'obtenir conjointement et solidairement d'Amican et de Pegasus la somme de 240 382,36 $ avec dépens, plus les intérêts avant et après jugement, au taux annuel équivalant au taux commercial préférentiel moyen, fixé à 6,42 p. 100.

« François Lemieux »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad.a.


Date : 20010621

Dossier : T-2311-95

Référence neutre : 2001 CFPI 681

ENTRE :

                          LOGISTEC STEVEDORING INC.

                                                                                          demanderesse

ET :

                              AMICAN NAVIGATION INC.

                                                         et

                               PEGASUS LINES LTD., S.A.

                                                                                          défenderesses

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX

HISTORIQUE


[1]                 Dans la présente action, Logistec Stevedoring Inc. (Logistec) cherche à obtenir d'Amican Navigation Inc. (Amican) la somme de 240 382,36 $ qu'elle avait facturée à l'égard de services d'arrimage fournis au cours du chargement et de l'arrimage d'environ 115 véhicules militaires et conteneurs de matériel d'approvisionnement ainsi que de 940 tonnes métriques de farine emballée dans 18 810 sacs à bord du N.M. Cosmos, à Montréal, au mois de mai 1995, et d'environ 4 000 mètres cube de ballots de bois à bord du N.M. Fernando Pessoa, à Halifax, au mois de juillet 1995.

[2]                 Le Cosmos et le Fernando Pessoa avaient fait l'objet d'un affrètement à temps de la part de Pegasus Lines S.A. (Pegasus); Amican agissait comme mandataire général de Pegasus à Montréal, en 1995, ainsi que comme mandataire d'autres lignes de navigation.

[3]                 Le gouvernement du Canada était l'expéditeur de la cargaison militaire, composée de jeeps et d'approvisionnements à destination de la Croatie; il était également l'expéditeur, pour le compte de l'ACDI, de la farine à destination de l'Algérie. Julimar Lumber Ltd. (Julimar) était l'expéditeur des ballots de bois à destination de Dubaï et du Koweït.

[4]                 Dans les deux cas, le contrat passé avec les expéditeurs était franco chargement et déchargement, ce qui veut dire que la partie contractante ou le transporteur est responsable du chargement et du déchargement de la cargaison. Il fait appel à une compagnie d'arrimage comme Logistec.


[5]                 Pegasus s'est défendue contre la réclamation de Logistec en déposant une défense le 3 avril 1996. Elle a plaidé, en ce qui concerne le Cosmos, que Logistec avait convenu de charger et d'arrimer la cargaison militaire en un jour pour la somme de 11 000 $ CAN et de charger et d'arrimer la farine dans l'entrepont inférieur, cales nos 1 et 4 du navire. Elle a allégué que Logistec n'avait pas suivi les recommandations qu'Amican avait faites au sujet de la façon d'empiler la farine. Pegasus a également plaidé que, par suite de l'arrimage défectueux ou inadéquat, Logistec n'avait pas arrimé toute la farine dans l'entrepont inférieur, cales nos 1 et 4. Pegasus a plaidé que par suite de cette omission, la farine avait pris la place attribuée à la cargaison militaire et qu'une partie de la cargaison de farine avait dû être arrimée manuellement dans des armoires, dans l'entrepont supérieur, cale no 4, ce qui avait nécessité de la main-d'oeuvre supplémentaire, des heures supplémentaires et du fardage, sur lesquels Pegasus ne s'était pas entendue. Pegasus plaide que, compte tenu de la faible productivité de Logistec, le Cosmos n'a pu quitter Montréal que le samedi 20 mai 1995, à 16 h, après être arrivé à cet endroit à 4 h, le lundi 15 mai 1995. Elle affirme que le Cosmos aurait dû appareiller au plus tard le jeudi, 18 mai 1995.


[6]                 En ce qui concerne le Fernando Pessoa, un navire spécialisé et spécialement construit pour transporter du bois sur le pont ou sous le pont, Pegasus affirme que Logistec avait déclaré que la cargaison de bois serait chargée en deux jours au plus, mais que ce n'est pas ce qui s'est passé. Le Fernando Pessoa est arrivé à Halifax, le mardi, 18 juillet 1995; il était prêt à être chargé à 8 h ce jour-là. Toutefois, il est plaidé qu'au 20 juillet 1995, moins du tiers de la cargaison de bois avait été chargée à bord du navire et que, par conséquent, Pegasus et par la suite son capitaine ont informé Logistec que l'on était en train de charger et d'arrimer la cargaison de bois d'une façon non satisfaisante.

[7]                 Pegasus a présenté une demande reconventionnelle contre Logistec en vue d'obtenir des dommages-intérêts au montant de 70 000 $.

[8]                 Amican a déposé sa défense le 3 avril 1996. Elle a nié être responsable envers Logistec. Amican a affirmé que, pendant la période pertinente et à la connaissance de Logistec, elle agissait comme mandataire général de Pegasus et, partant, qu'elle ne peut pas être personnellement considérée comme partie à un contrat d'arrimage, le cas échéant, passé avec la demanderesse pour le compte de Pegasus. Subsidiairement, Amican a déclaré que s'il était statué qu'elle était partie à un contrat d'arrimage passé avec Logistec, elle se prévalait de tous les moyens de défense, de la demande reconventionnelle ou de la procédure de mise en cause dont Pegasus s'était prévalue à l'égard de l'indemnité dans ses actes de procédure.

[9]                 Avant l'instruction de la présente affaire :


a)          la procédure de mise en cause que Pegasus avait engagée contre Julimar avait été radiée par une ordonnance de Monsieur le juge MacKay le 15 novembre 1999 par suite du défaut d'observation des ordonnances rendues par le protonotaire Morneau les 19 février et 1er juin 1999 et de l'omission d'intenter l'action avec diligence;

b)          la défense et la demande reconventionnelle de Pegasus contre Logistec avaient été radiées et la demande reconventionnelle avait été rejetée au moyen d'une ordonnance rendue par le protonotaire Morneau le 22 novembre 1999 pour les mêmes motifs que ceux que le juge MacKay avait énoncés.

[10]            Au début de l'instruction, l'avocat de Pegasus, qui représentait également Amican, m'a informé que sa cliente ne lui avait pas demandé de s'opposer à une requête présentée par Logistec en vue de l'obtention d'un jugement par défaut. J'ai inscrit contre Pegasus un jugement par défaut au montant de 240 382,36 $ plus les dépens ainsi que les intérêts avant et après jugement, au taux annuel équivalant au taux commercial préférentiel moyen fixé à 6,42 p. 100.

[11]            L'instruction s'est déroulée compte tenu de la réclamation de Logistec contre Amican et du principal moyen de défense invoqué par Amican, selon lequel elle agissait comme mandataire général de Pegasus et n'était pas personnellement responsable, ainsi que des moyens de défense subsidiaires d'Amican, qui étaient les mêmes que ceux que Pegasus avait invoqués dans sa défense.


[12]            Conformément à l'ordonnance par laquelle le protonotaire Morneau avait enjoint à Amican d'indiquer quels articles des deux factures de Logistec étaient contestés et quels articles ne l'étaient pas, l'avocat d'Amican a fait savoir que les articles qui n'étaient pas acceptés étaient énumérés dans les messages que sa cliente avait télécopiés à Logistec le 1er septembre 1995 à l'égard du chargement et de l'arrimage à board du Cosmos et de la communication télécopiée du 12 septembre 1995 à l'égard du chargement et de l'arrimage à bord du Fernando Pessoa.

LES POINTS LITIGIEUX

[13]            Deux questions peuvent se poser dans la présente action :

(1)         Il s'agit en premier lieu de savoir si Amican est personnellement responsable du paiement des frais d'arrimage de Logistec; dans la négative, cela met un point final à l'affaire;

(2)         Si Amican est personnellement responsable du paiement des frais d'arrimage de Logistec, il s'agit ensuite de savoir si Amican peut faire ajuster les montants facturés par Logistec compte tenu des articles contestés.


ANALYSE

(1)         Première question - Amican est-elle personnellement responsable?

a)          Les documents pertinents

(i)          Le N.M. Cosmos

[14]            Comme il en a été fait mention, Logistec a chargé et arrimé l'équipement militaire et la farine à bord du N.M. Cosmos dans le port de Montréal au mois de mai 1995.

[15]            La première communication ayant trait aux services d'arrimage se rapportant au Cosmos est arrivée le mardi, 4 avril 1995. Ce jour-là, Amican a envoyé à Mike Donahue, vice-président chez Logistec, le message suivant que je reproduis en partie :

[TRADUCTION]

Objet : Transport de véhicules du MDN en Croatie, au mois de mai

Nous avons obtenu le contrat de transport de véhicules et de conteneurs en Croatie, au mois de mai, pour le MDN.

Veuillez nous faire connaître votre meilleur forfait pour ce chargement à Montréal, selon que l'on a recours à la manutention par roulage ou à la manutention verticale.

Nous croyons que cette opération peut être effectuée par une équipe en huit heures sans temps supplémentaire.

Nous attendons votre réponse au sujet du prix proposé.

Veuillez agréer nos salutations.

Amican Navigation Inc., Montréal


[16]            Ce message d'Amican Navigation Inc. à Logistec était rédigé sur du papier à en-tête d'Amican, sur lequel était inscrite la mention : « Amican Navigation Inc. » et où figuraient, en bas, dans une case, un cheval ailé et, à côté de la case, les mots [TRADUCTION] « mandataire général, Pegasus Lines Ltd. S.A. » . Cette présentation sera désignée dans les présents motifs comme étant le format Pegasus.

[17]       Logistec n'a pas répondu tant qu'elle n'a pas reçu, le 3 mai 1995, les spécifications du Cosmos et une liste de la cargaison militaire. Encore une fois, la communication d'Amican était rédigée sur du papier à format Pegasus.

[18]       Le 4 mai 1995, Mike Donahue a fixé un prix; il a adressé la communication à : [TRADUCTION] « Mme Rita Chirola, Amican Navigation Inc. » ; ce prix n'a pas été accepté.

[19]       Le 5 mai 1995, Mike Donahue a envoyé une télécopie adressée à : [TRADUCTION] « Mme Rita Chirola, Amican Navigation Inc. » , au sujet du N.M. Cosmos; le passage pertinent se lit comme suit :

[TRADUCTION]

Je vous remercie de votre message télécopié du 3 mai 1995, dans lequel figure une liste révisée de la cargaison au 26 avril 1995. Au cours de nos discussions, vous avez fait savoir que les jeeps seraient arrimées dans les cales nos 1 et 4 de l'entrepont, le reste de la cargaison se trouvant dans les cales 2 et 3 et les conteneurs étant sur le pont.

                                                                          [...]

Nous utiliserons des grues de quai pour charger toute la marchandise; il faudra avoir recours à deux équipes pour que les marchandises puissent être chargées en un jour.

Notre offre pour l'arrimage et le terminal, sur la base « tout compris » est de 11 000 $ CAN au taux régulier. Les exclusions sont notées ci-dessous :

1.             Mise à quai au port de Montréal


2.             Évaluation de la cargaison par l'AEM.

3.              Main-d'oeuvre, saisie, assujettissement, matériel.

Le déchargement de 10 conteneurs x 20', sera facturé au tarif unitaire de 25 $.

                                                                          [...]

Prestation de main-d'oeuvre, taux régulier.

Toutes les autres conditions sont celles qui sont stipulées dans le formulaire de contrat type.

Mike Donahue,

Vice-président, Services commerciaux

[20]             Aucune acceptation écrite d'Amican ne figure dans le dossier. Les jeeps militaires ont commencé à arriver au terminal de Logistec dans le port de Montréal quelques jours plus tard.

[21]             Les dispositions d'arrimage qui avaient été prises aux fins du chargement et de l'arrimage de la farine datent du vendredi, le 13 mai 1995, lorsque Rita Chirola, d'Amican, a communiqué par téléphone avec Mike Donahue pour lui demander si Logistec pouvait s'occuper du chargement d'environ 940 tonnes métriques de farine en sacs à bord du N.M. Cosmos. De la farine avait déjà été chargée à bord du N.M. Cosmos, et l'on avait eu recours aux services d'arrimage d'une compagnie autre que Logistec, au terminal de la Côte Ste-Catherine de Trac World, mais aucune autre opération de chargement ne pouvait être effectuée à cet endroit à cause de limitations de tirant d'eau dans le secteur immédiat, de sorte qu'il fallait prendre le reste de la farine dans le port de Montréal. Je tiens ici à ajouter que Logistec avait essayé d'obtenir le contrat, qui avait été accordé à Trac World, et qu'elle avait proposé un prix à Amican dans une lettre en date du 5 avril 1995, ce prix n'ayant toutefois pas été accepté.


[22]       Rita Chirola, qui était alors directrice du trafic chez Amican, et Mike Donahue, ainsi que Mario Blanchet, chef au terminal de Montréal de Logistec, avaient eu des discussions verbales et étaient arrivés à s'entendre verbalement ce jour-là.

[23]       Le terminal de Montréal de Logistec a commencé à recevoir les conteneurs de farine en sacs le samedi, 13 mai et le dimanche, 14 mai 1995 afin d'être en mesure d'effectuer le chargement et l'arrimage des sacs de farine, dont certains étaient élingués sur des palettes, le lundi suivant.

[24]       Ce n'est que le mercredi, 17 mai 1995, que M. Ken Wolfe, qui était également vice-président chez Logistec, a envoyé un message télécopié à [TRADUCTION] « American Navigation Inc. - Montréal, aux soins de Mme Rita Chirola » , confirmant les dispositions qui avaient été prises par Mike Donahue le vendredi précédent. M. Donahue est parti en vacances pour une semaine le samedi, 13 mai 1995. Voici ce que M. Wolfe a dit à Amican :

[TRADUCTION]

N.M. COSMOS - MONTRÉAL

Nous vous référons aux conversations téléphoniques que vous avez eues avec Mike Donahue et Mario Blanchet au sujet de la manutention de la farine qui est arrivée, chargée dans des conteneurs; cette farine a été dépotée, placée sur des palettes et chargée à bord du navire à l'aide d'élingues Marino. Voici les prix qui selon nous ont été proposés :

1.             Réception d'un conteneur plein de 20' - taux unitaire de 25 $, conteneur de 40' - taux unitaire de 50 $; temps supplémentaire pour un conteneur de 20' - taux unitaire de 50 $; conteneur de 40' - taux unitaire de 100 $.


2.             Dépotage de la farine, y compris le placement de la cargaison sur des palettes équipées d'élingues Marino, 19 $ la tonne métrique.

3.              Fourniture d'élingues Marino, 4,95 $ l'unité.

4.              Empotage des jeeps dans des conteneurs, taux unitaire de 98 $.

5.              Prestation de main-d'oeuvre, taux horaire régulier de 45 $ par homme.

6.              Le taux aux fins du chargement de la cargaison est fondé sur les conditions d'arrimage types. Quant à la cargaison qui est mise dans des armoires, un taux horaire par équipe sera exigé.

7.              Certains conteneurs renferment des cargaisons unitisées. Une fois que la productivité réelle sera connue, le rabais qu'il convient d'accorder sera offert.

8.              Certaines de ces palettes étaient désassemblées dans le conteneur; il a fallu avoir recours à de la main-d'oeuvre additionnelle pour palettiser de nouveau la cargaison. Le coût de la main-d'oeuvre sera facturé au tarif horaire de 45 $ par homme.

9.              Afin d'utiliser le navire à sa capacité maximale, une partie de la farine doit être chargée manuellement. Le taux de 26,95 $ la tonne métrique est fondé sur le chargement de la cargaison à l'aide d'élingues Marino. Une fois que la quantité et la productivité réelles seront connues, nous indiquerons le tarif applicable à cette partie de la cargaison.

Toutes les autres conditions sont celles qui sont stipulées dans notre lettre du 5 mai 1995. [Non souligné dans l'original.]

(ii) Le N.M. Fernando Pessoa

[25]             Les dispositions d'arrimage pour le Fernando Pessoa ont été prises par téléphone le 5 juillet 1995 lorsque Chris Peters, d'Amican, a communiqué avec Ken Wolfe, de Logistec, pour obtenir un prix à l'égard du chargement du bois à bord de ce navire.


[26]       Ken Wolfe a répondu ce jour-là en proposant un tarif de 9 $ le mètre cube de bois. Il a envoyé le message télécopié suivant, adressé à : [TRADUCTION] « Amican Navigation Inc. - Montréal, aux soins de M. Chris Peters » , et en a fait parvenir une copie au capitaine Aage Roren, directeur général, Exploitation, Logistec, à Halifax :

[TRADUCTION]

N.M. FERNANDO PESSOA - HALIFAX (NOUVELLE-ÉCOSSE)

Veuillez vous référer à la conversation téléphonique que nous avons eue aujourd'hui, au cours de laquelle vous avez demandé quel serait notre tarif pour charger, depuis l'endroit où il se trouve au terminal, et arrimer 2 200 mètres cube de bois à bord du navire susmentionné. Les prix proposés sont les suivants :

1.             Arrimage avec le gréement du navire depuis l'endroit où le bois se trouve, au terminal, et arrimage à bord du navire - 9 $ le mètre cube.

2.            Évaluation effectuée par l'AEM selon son tarif, qui à l'heure actuelle est de 1,58 $ la tonne métrique, ou de 1,26 $ le mètre cube.

3.             Arrêts indépendants de la volonté des arrimeurs - taux horaire de 600 $ par équipe. Heures supplémentaires, du lundi au vendredi soir, et toute la journée du samedi : taux horaire de 300 $ par équipe; heures supplémentaires, le dimanche et les jours fériés, taux horaire de 600 $ par équipe.

4.             Le tarif susmentionné ne comprend pas la prestation de la main-d'oeuvre ou du matériel. Au besoin, le taux horaire serait de 41 $ par homme, plus le coût du matériel. [Non souligné dans l'original.]

5.             Le déchargement, la mise à quai et le délai d'exécution seraient à la charge des expéditeurs.

Toutes les autres conditions seraient conformes au formulaire de contrat d'arrimage type. [Non souligné dans l'original.]

[27]       Le lendemain, M. Ken Wolfe n'était pas à Montréal; il s'était absenté pour affaires. M. Chris Peters a communiqué avec Mike Donahue pour lui faire savoir que le prix proposé par Logistec était trop élevé, mais que Logistec obtiendrait le contrat si son prix était de 7,50 $ le mètre cube. Le 6 juillet 1995, Mike Donahue a envoyé à Chris Peters, Amican Navigation Inc., le message télécopié suivant :


[TRADUCTION]

À :            M. Chris Peters

Amican Navigation Inc.

Objet :     N.M. FERNANDO PESSOA -- HALIFAX (NOUVELLE-ÉCOSSE)

Nous confirmons l'entente à laquelle nous sommes arrivés il y a quelques instants, au sujet de l'offre de 7,50 $ le mètre cube.

Toutes les autres conditions seront conformes à celles qui sont mentionnées dans le message télécopié de K. Wolfe en date du 5 juillet 1995.

Mike Donahue

Vice-président, Services commerciaux

[28]             Le 6 juillet 1995, Chris Peters a envoyé à la personne-ressource, à Julimar, un message que Julimar a par la suite transmis par télécopie, le lendemain, à Anthony Steele, représentant de Logistec à Halifax. Le message écrit qu'Amican avait envoyé à Julimar était rédigé sur du papier format Pegasus et signé par Chris Peters, Amican Navigation Inc., en sa qualité de [TRADUCTION] « mandataire de Pegasus Lines S.A. » . Il se lisait en partie comme suit :

[TRADUCTION]

Conformément à notre conversation téléphonique, nous avons désigné Logistec Stevedoring, à Halifax, en vue de charger de 2 100 à 4 000 mètres cube de bois en ballots à destination de Dubaï; nous vous transmettrons les renseignements relatifs au lot de marchandises le plus tôt possible. Toutefois, nous croyons que vous êtes au courant de leur mode d'exploitation. [Non souligné dans l'original.]


[29]       Le 10 juillet 1995, Amican a envoyé une lettre non signée au capitaine Roren, laquelle était rédigée sur du papier format Pegasus, et disait simplement : « Amican Navigation Inc. » sans les mots additionnels qui figuraient auparavant dans les messages, à savoir : [TRADUCTION] « À titre de mandataire de Pegasus Lines, S.A. » À la lettre d'Amican était jointe une copie de la description du navire; il y était en outre dit ce qui suit : [TRADUCTION] « La cargaison devrait être d'environ 2 300 mètres cube, une quantité d'environ 500 mètres cube devant être mise dans la cale no 3, à bâbord, et le reste sur le pont 2/3/5, de sorte qu'il devrait être possible d'effectuer le chargement en ayant recours à trois équipes, au besoin - la saisie et l'assujettissement étant effectués avant le départ de Grand Cacouna. »

[30]       Le vendredi 14 juillet 1995, Amican a envoyé une autre lettre à Logistec - Halifax, aux soins d'Anthony Steele, sur du papier format Pegasus, laquelle se terminait simplement comme suit : [TRADUCTION] « Amican, Montréal. » À la lettre était joint un projet de plan de chargement.

[31]       Le 16 juillet 1995, Amican a envoyé un autre message à Logistec - Halifax, aux soins d'Anthony Steele. La lettre renfermait un autre plan de chargement. Le message d'Amican était rédigé sur une feuille d'envoi de télécopie format Pegasus. Le message télécopié était signé ou initialé par Glenn Stedman, sous les mots : [TRADUCTION] « Veuillez agréer nos salutations, Amican, Montréal. »


[32]       Le 17 juillet 1995, Amican a envoyé un autre message à Logistec, Halifax, aux soins d'Anthony Steele. Il y était encore une fois question du plan de chargement. Le message n'était pas rédigé sur du papier format Pegasus. Il se terminait simplement comme suit : [TRADUCTION] « Amican, Montréal. »

[33]       Le 20 juillet 1995, Amican a envoyé un autre message à Logistec - en la même forme que la lettre du 17 juillet 1995. L'auteur de la lettre informait Logistec que [TRADUCTION] « l'arrimage de la cargaison [était] mal fait » ; il ajoutait ce qui suit : [TRADUCTION] « Nous perdons de l'espace dans la cale no 3. » Il informait Logistec que [TRADUCTION] « la production [était] fort lente et [que] le chargeur en question est fort bon » ; Amican disait qu'elle ne comprenait pas ce qui se passait puisque le gréement était parfait et qu'il n'y avait aucune panne. Amican disait qu'elle s'attendait à ce que la production s'améliore sans délai. Cette lettre n'était pas signée; elle se terminait ainsi : [TRADUCTION] « Veuillez agréer nos salutations, Amican, Montréal. »

[34]       Le 21 juillet 1995, sur du papier format Pegasus, Amican a envoyé deux messages non signés ainsi libellés : [TRADUCTION] « Veuillez agréer nos salutations, Amican Navigation Inc., Montréal » à Logistec, à Halifax, mais elle a fait parvenir à Logistec, à Montréal, une copie qui se lisait comme suit : [TRADUCTION] « Nous vous soumettons par la présente une copie de la lettre du capitaine du navire, laquelle est explicite, et que votre représentant, à bord du navire, n'a pas reçue. » La pièce qui était jointe au message était une lettre du capitaine du Fernando Pessoa, adressée à Logistec - Halifax, en date du 20 juillet 1995. Elle se lisait comme suit :


[TRADUCTION]

Messieurs,

Nous aimerions vous informer que le chargement et l'arrimage général du bois à bord de mon navire sont loins d'être satisfaisants.

En mon propre nom et au nom de l'affréteur, Amican, je tiens à protester et j'espère que la situation s'améliorera.

[35]             Le 15 juin 1995, Logistec a envoyé à Amican sa facture pour la prestation de ses services relatifs au chargement de la cargaison de l'armée et de farine à bord du N.M. Cosmos. Le montant était de 160 926,37 $.

[36]             Le 11 août 1995, Logistec a envoyé à Amican sa facture à l'égard du chargement du bois à bord du Fernando Pessoa. Le montant s'élevait à 79 455,99 $.

[37]             Comme il en a été fait mention, les 1er et 12 septembre 1995, Logistec a reçu des messages télécopiés d'Amican, qui contestait certains articles concernant le chargement. Ces messages étaient signés comme suit : [TRADUCTION] « Veuillez agréer l'expression de nos meilleurs sentiments, Amican Navigation Inc., à titre de mandataire de Pegasus Lines S.A. »


b)         Le témoignage présenté sur ce point

[38]       Mike Donahue et Ken Wolfe qui, en 1995, étaient tous deux vice-présidents chez Logistec, avaient participé à la négociation des contrats d'arrimage; ils ont tous les deux témoigné à l'instruction.

[39]       Mike Donahue, qui a négocié les contrats d'arrimage pour le Cosmos, a témoigné que ses homologues, à Amican, étaient Glen Stedman, qui n'a pas témoigné à l'instruction, et Rita Chirola, qui a témoigné, et que ni l'un ni l'autre ne lui avaient dit qu'Amican agissait à titre de mandataire de Pegasus Lines S.A. à l'égard du transport des marchandises militaires et de la farine. Il a déclaré qu'il n'avait pas remarqué le cheval ailé et les mots [TRADUCTION] « mandataire général de Pegasus Lines S.A. » au bas du papier à en-tête d'Amican et qu'il avait reçu la lettre du 5 avril 1995 lorsqu'Amican lui avait demandé de proposer un prix pour la cargaison militaire.

[40]       Mike Donahue a témoigné qu'il croyait qu'Amican agissait comme mandant étant donné la présence des mots : [TRADUCTION] « Nous avons obtenu le contrat » dans le message, lorsqu'Amican avait demandé à Logistec de lui proposer un prix. Selon Mike Donahue, ces mots donnaient à entendre qu'Amican elle-même avait obtenu le contrat.


[41]       M. Donahue a déclaré que si Amican lui avait dit que l'entreprise travaillait pour quelqu'un d'autre, il aurait enquêté sur le tiers et aurait pris des dispositions financières, en exigeant par exemple un dépôt en vue de protéger Logistec.

[42]       Ken Wolfe a négocié avec Chris Peters, d'Amican, le contrat d'arrimage à l'égard du bois de Julimar qui était à bord du Fernando Pessoa.

[43]       M. Wolfe se rappelait clairement avoir demandé à M. Peters, qui n'a pas témoigné à l'instruction, si le transport était effectué pour le compte d'Amican et que ce dernier avait répondu par l'affirmative. Il a témoigné que, si Amican avait agi uniquement à titre de mandataire, Chris Peters l'aurait informé de la chose.


[44]       Aage Roren est directeur de l'exploitation chez Logistec, à Halifax; en 1995, Anthony Steele était superviseur à cet endroit. Ils ont tous deux témoigné à l'instruction. L'avocat d'Amican leur a présenté des lettres qu'ils avaient reçues d'Amican sur du papier format Pegasus. L'avocat d'Amican a mentionné en particulier la pièce B-21, soit une lettre en date du 6 juillet 1995, de Chris Peters, sur du papier format Pegasus, laquelle était signée comme suit par Chris Peters : [TRADUCTION] « Amican Navigation Inc., à titre de mandataire de Pegasus Lines S.A. » Comme il en a déjà été fait mention, ce document est un message télécopié adressé à Julimar, indiquant que Logistec avait été désignée comme compagnie d'arrimage. Julimar avait transmis ce document par télécopie à Anthony Steele, qui a témoigné que le document disait tout simplement que Logistec avait été désignée par Amican et qu'il n'avait pas accordé d'importance aux mots [TRADUCTION] « à titre de mandataire de Pegasus Lines S.A. » Quant à lui, Logistec traitait avec Amican. Le témoignage du capitaine Roren était à peu près identique; pendant le contre-interrogatoire, le capitaine Roren a déclaré avoir remarqué le cheval ailé pour la première fois à l'instruction, lorsque la chose avait été portée à son attention. Il a témoigné que les négociations relatives aux contrats avaient eu lieu par l'entremise du bureau principal à Montréal.

c)         Les principes juridiques

[45]       Les deux parties se sont fondées sur le jugement que la Cour suprême du Canada a rendu dans l'affaire Q.N.S. Paper Co. c. Chartwell Shipping Limited, [1989] 2 R.C.S. 683.

[46]       Dans l'affaire Chartwell, précitée, la Cour suprême était saisie de la question de savoir si Chartwell était responsable relativement à un contrat d'arrimage qu'elle avait attribué à Q.N.S., à l'égard duquel aucun paiement n'avait encore été effectué et dans lequel Chartwell n'avait pas divulgué qui était le mandant, mais avait toujours déclaré qu'elle agissait uniquement à titre de mandataire.


[47]       Dans une décision majoritaire rendue à quatre contre trois, Monsieur le juge La Forest a rédigé les motifs de la majorité et Madame le juge L'Heureux-Dubé a rédigé les motifs de la minorité, le point essentiel les opposant ayant trait à l'étendue du droit maritime canadien. Sur ce point, le juge La Forest a statué que le droit maritime canadien englobait les principes de common law en matière de responsabilité délictuelle, de contrats et de dépôt; il a ajouté que cela englobait le mandat. Le juge a dit que l'affaire dont la Cour était saisie se rapportait à une action de nature contractuelle, la question étant de savoir si le mandataire est lié par le contrat.

[48]       Le juge La Forest a conclu que le droit maritime applicable se trouve dans les principes de common law en matière de contrats et de mandats; il a ensuite examiné la question; voici ce qu'il a dit aux pages 698 et 699 du recueil :

[...] la question de savoir si un mandataire a contracté en son propre nom ou en qualité de mandataire uniquement (auquel cas seul le mandant est lié) relève de l'interprétation du contrat en cause. Je ne tiens pas compte, évidemment, des coutumes pouvant exister dans tel ou tel port ou dans une industrie donnée. En l'espèce, il ressort des documents pertinents que Chartwell a constamment essayé de faire comprendre à Q.N.S. qu'elle engageait sa responsabilité uniquement en tant que mandataire. Dans le corps de ses lettres, elle se présentait comme [TRADUCTION] « exploitante-gérante [c.-à-d., comme mandataire] pour les affréteurs » ou comme agissant « au nom de nos mandants » , et elle a toujours signé [TRADUCTION] « en qualité d'exploitante-gérante uniquement » . Quoique le simple ajout du mot « mandataire » ou de son équivalent après la signature puisse facilement s'interpréter comme une simple description du signataire, il n'en va pas de même de l'expression « en qualité de mandataire uniquement » . Ces mots font davantage. Ils visent manifestement à limiter ou à expliquer la responsabilité et non pas simplement à décrire le signataire ou son pouvoir de signer; [...] Ce qui frappe particulièrement en l'espèce est l'insistance avec laquelle Chartwell a répété dans sa correspondance qu'elle agissait en tant que mandataire et le fait qu'elle a régulièrement signé [TRADUCTION] « en qualité de mandataire uniquement » . [Non souligné dans l'original.]


[49]       Le juge La Forest a ensuite cité la décision que Monsieur le juge Brandon avait rendue dans l'affaire Bridges & Salmon, Ltd. v. The « Swan » , [1968] 1 Lloyd's Rep. 5, à la page 13 :

[TRADUCTION] s'il [le mandataire] précise dans le contrat, ou indique après sa signature, qu'il contracte uniquement en qualité de mandataire au nom d'un mandant, il n'est pas responsable, à moins que le reste du contrat n'engage manifestement sa responsabilité personnelle, ou à moins qu'il ne soit démontré qu'il agit en réalité en son propre nom. [Non souligné dans l'original.]

[50]       Le juge La Forest a ajouté ce qui suit :

L'avocat de l'intimée a attiré notre attention sur le par. 321 du Restatement of the Law (Second): Agency 2d (1958), vol. 2, à la p. 70, qui dit que, sauf accord contraire, une personne qui prétend contracter au nom d'un mandant faisant l'objet d'une divulgation partielle est une partie au contrat qu'elle conclut. Bien que l'omission de révéler l'identité de son mandant puisse permettre de déduire qu'on a voulu que le mandataire soit partie au contrat, pas plus que ma collègue, je ne suis disposé à adopter une règle absolue concernant l'intention des parties. Certes, toute déduction du genre de celle que je viens de mentionner serait écartée par un contrat traduisant une intention aussi claire que celle exprimée dans le contrat présentement en cause.

[51]       Le juge L'Heureux-Dubé était d'accord pour dire que Chartwell avait révélé qu'elle agissait à titre de mandataire en employant les mots [TRADUCTION] « au nom de nos mandants » et [TRADUCTION] « en qualité d'exploitant-gérant » . Le juge a parlé des conséquences et des effets de pareille divulgation. Voici ce qu'elle a dit, aux pages 738 et 739 :


[...] l'une et l'autre partie est en mesure de négocier en vue d'obtenir la protection contractuelle qu'elle souhaite. Si les deux parties sont prêtes à contracter sur la base de la divulgation de l'existence d'un mandant, sans que celui-ci ne soit nommé, libre à elles de le faire. Cela peut être utile pour les deux parties, par exemple lorsque l'identité du mandant change à l'occasion parce que le mandataire sert d'intermédiaire à un certain nombre de mandants ou lorsque les rapports entre les différents intermédiaires sont organisés selon une coutume bien établie dans le domaine en question: [...] Exiger que le mandataire soit identifié rendrait la conclusion de tels accords impossible ou plus difficile, ce qui contrecarrerait la volonté des parties. Par ailleurs, si le mandataire omet de révéler l'existence d'un mandant, s'il fait croire à la tierce personne qu'il agit en son propre nom, s'il induit la tierce personne en erreur quant à l'existence du mandant ou s'il ne fait pas en sorte que la tierce personne puisse identifier le mandant, cette tierce personne n'est pas en mesure de négocier en vue d'assurer sa propre protection et la responsabilité personnelle du mandataire sera engagée [...] Bref, on doit examiner l'ensemble de l'accord afin de déterminer si les parties ont voulu que le mandataire soit personnellement lié ou qu'il contracte uniquement en qualité de mandataire. [Non souligné dans l'original.]

d)         Conclusion relative à cette question

[52]             En l'espèce, trois contrats d'arrimage ont été négociés entre Amican et Logistec : deux pour le Cosmos et un pour le Fernando Pessoa. En ce qui concerne le contrat militaire, Amican a invité Logistec à proposer un prix en disant ce qui suit : [TRADUCTION] « Nous avons obtenu le contrat de « transport » [...] » , cette déclaration figurant sur du papier à en-tête d'Amican, format Pegasus. Une fois que les spécifications relatives à la cargaison et au navire ont été connues, toutes les négociations se sont déroulées oralement, Amican refusant la première soumission de Logistec le 4 mai 1995, au montant de 12 995 $ en tout, mais acceptant oralement la deuxième soumission de Logistec, le même jour, au montant de 11 000 $ en tout.


[53]       En ce qui concerne la cargaison de farine, Logistec a répondu au mois d'avril 1995 à une invitation orale d'Amican. Logistec avait répondu, par sa lettre du 5 avril 1995, en mentionnant une conversation téléphonique et en se référant au fait qu'Amican avait fait savoir qu'elle avait obtenu le contrat relatif à cette cargaison. Comme il en a été fait mention, Logistec n'a pas obtenu le contrat, qui a été attribué à Trac World. Toutefois, lorsque Trac World, à Côte Ste-Catherine, n'a pas pu continuer à charger la farine à bord du Cosmos, Rita Chirola a communiqué avec Mike Donahue afin d'étudier la possibilité de charger le reste de la farine depuis le terminal de Logistec, au port de Montréal. Toutes les négociations se sont déroulées oralement et l'acceptation a également été ainsi signifiée. Ken Wolfe a confirmé les conditions régissant les frais d'arrimage relatifs au chargement de la farine le 17 mai 1995 lorsque Mike Donahue était en vacances.

[54]       En ce qui concerne les services d'arrimage relatifs au chargement et à l'arrimage du bois de Julimar au port de Halifax, Chris Peters a appelé Ken Wolfe en vue d'obtenir un prix. M. Wolfe a répondu à Amican en mentionnant leur conversation téléphonique [TRADUCTION] « au cours de laquelle [il avait] demandé quel était le tarif pour le chargement de 2 200 mètres cube de bois » . La réponse de M. Wolfe figure dans sa lettre du 5 juillet 1995. M. Peters a ensuite appelé M. Donahue pour lui dire que le prix proposé par M. Wolfe était trop élevé. M. Donahue a répondu en ramenant le tarif de Logistec à 7,50 $ le mètre cube, prix qui a ensuite été accepté verbalement, et Julimar a été informée par écrit, sur du papier format Pegasus, de la désignation de Logistec.

[55]       Il s'agit de savoir si Amican a contracté à titre de mandant ou de mandataire ou si elle a contracté à titre de mandataire au nom du mandant désigné, Pegasus, et si elle l'a fait de façon à être elle aussi personnellement responsable (voir The Swan, précité, à la page 12).


[56]       J'ai conclu qu'Amican a contracté à titre de mandant plutôt qu'à titre de mandataire dans chacun des contrats qu'elle a passés avec Logistec, mais si je me trompe sur ce point, je conclus également qu'Amican, si elle a contracté à titre de mandataire, l'a fait de façon à continuer à être personnellement responsable du paiement des frais d'arrimage de Logistec.

[57]       Les motifs pour lesquels je conclus qu'Amican a contracté à l'égard des services d'arrimage à titre de mandant dans chacun des trois cas sont ci-après énoncés :

(1)         Amican a déclaré par écrit à Logistec (pour le contrat militaire) qu'elle s'était vu attribuer le contrat. En ce qui concerne le bois, elle a expressément déclaré oralement qu'elle agissait à titre de mandant et, en ce qui concerne la farine, elle a déclaré la même chose lorsqu'elle a dit à Logistec qu'elle [TRADUCTION] « avait obtenu le contrat relatif à la cargaison » .


(2)        Dans le message se rapportant au contrat militaire, rédigé sur du papier format Pegasus, dans lequel on demande de proposer un prix, on n'informe pas Logistec qu'Amican contracte à titre de mandataire uniquement au nom d'un mandant non désigné, mais on dit simplement qu'Amican est le mandataire général de Pegasus, sans plus. Amican n'a pas expressément déclaré, comme c'était le cas dans l'affaire Chartwell, précitée, qu'elle contractait à titre de mandataire uniquement au nom d'un mandant non désigné - la mention d'Amican à titre de mandataire général de Pegasus est plus descriptive que des mots visant à limiter la responsabilité. Il est possible de dire la même chose à l'égard de la cargaison de farine. Quant au bois, des déclarations ont été faites oralement au moment de la formation du contrat.

(3)        Selon la preuve non contredite, Amican n'a jamais divulgué oralement, au moment de la formation des contrats, qu'elle agissait uniquement à titre de mandataire.

(4)        C'est au moment de la formation du contrat qu'il convient de faire savoir qu'une personne agit uniquement à titre de mandataire. Malgré les mots [TRADUCTION] « à titre de mandataire de Pegasus Line S.A. » , qui se rapportent aux opérations, je ne fais aucun cas des communications entre Amican et Logistec sur du papier format Pegasus.

(5)        Logistec et Amican n'avaient pas souvent traité entre elles avant l'année 1995, mais lorsqu'elles avaient traité ensemble en 1993, à l'égard du transport d'une cargaison militaire depuis la ville de Québec, Amican avait payé les frais d'arrimage.


[58]       La responsabilité d'Amican comporte un deuxième volet et, comme il en a été fait mention, même s'il était possible de dire qu'Amican a contracté à titre de mandataire, elle serait néanmoins à mon avis responsable. Dans la décision The Swan, précitée, qui a été approuvée dans l'arrêt Chartwell, précité, le juge Brandon a examiné le principe sous-jacent en pareil cas, en disant que cela dépend de l'intention des parties, une intention qui se manifeste (1) par la nature du contrat; (2) par les conditions du contrat; et (3) par les circonstances. C'est l'intention objective des deux parties qui intéresse la Cour, laquelle est fondée sur ce que deux personnes d'affaires raisonnables, passant un contrat de cette nature, à ces conditions et dans les mêmes circonstances, sont réputées avoir voulu.


[59]       Les motifs que j'ai ci-dessus mentionnés lorsqu'il s'est agi de conclure qu'Amican contractait à titre de mandant s'appliquent également à ce deuxième volet, mais j'aimerais signaler qu'Amican n'a pas fait de divulgation pendant les négociations relatives au contrat; la divulgation, dans des cas comme celui-ci, est impérieuse, comme l'a souligné le juge L'Heureux-Dubé dans l'arrêt Chartwell, précité. Cela permet aux parties de décider des mesures à prendre lorsque la question du mandat se pose et que l'existence d'un mandant est divulguée, et ce, que ce dernier soit nommé ou non. Comme Mike Donahue et Ken Wolfe l'ont tous deux dit, si Amican avait divulgué qu'elle agissait à titre de mandataire seulement, Logistec aurait examiné la situation de plus près en vue de déterminer si le mandant était solvable et s'il convenait d'exiger un cautionnement quelconque en vue du paiement des frais d'arrimage. Je crois que telle était également l'attente d'Amican. Dans le contexte du transport maritime, je conclus qu'une personne raisonnable aurait divulgué expressément qu'Amican agissait uniquement à titre de mandataire.

[60]       Je conclus donc qu'Amican est personnellement responsable du paiement des frais d'arrimage impayés découlant des services que Logistec lui a fournis.

DEUXIÈME QUESTION - LES ARTICLES CONTESTÉS PAR AMICAN

[61]       Comme il en a été fait mention, Logistec a envoyé à Amican ses deux factures à l'égard de ses services d'arrimage.

[62]       La première facture est datée du 15 juillet 1995. Elle se rapporte au Cosmos et aux services fournis entre les 15 et 20 mai 1995. Le montant total de la facture s'élève à 160 926,37 $ ventilé comme suit :

No de la facture                         Description                                                                                                     Montant

67283                                        Chargement de sacs de farine                                                                  32 027,79 $

67284                                        Main-d'oeuvre supplémentaire                                                              12 960,00 $

67285                                        Chargement de la cargaison militaire                                                     17 624,75 $

67286                                        Différence attribuable aux heures supplémentaires                                 9 100,00 $

67287                                        Arrêts                                                                                                         22 460,66 $

67288                                        Menuisiers                                                                                                 24 840,00 $

67289                                        Préposés aux amarres                                                                                  1 440,00 $

67290                                        Réception des conteneurs, dépotage, etc.                                              33 029,25 $

67291                                        Matériaux                                                                                                          173,00 $

67292                                        Évaluation effectuée par l'AEM                                                                 7 270,92 $

160 926,37 $


[63]       La facture de Logistec se rapportant au Fernando Pessoa est datée du 11 août 1995; le montant total est de 79 455,90 $ pour le chargement de ce navire entre les 18 et 23 juillet 1995. En voici les éléments :

No de la facture                         Description                                                                                                 Montant

67747                                        Chargement                                                                                                29 835,99 $

67747                                        Différence attribuable aux heures supplémentaires                              19 200,00 $

67747                                        Arrêts                                                                                                         12 450,00 $

67748                                        Assujettissement                                                                                      11 480,00 $

67748                                        Matériaux                                                                                                      2 627,50 $

67748                                        Lignes d'amarre                                                                                            3 862,50 $

79 455,99 $

[64]       J'examinerai les frais d'arrimage se rapportant au Fernando Pessoa, mais je donnerai d'abord d'autres détails.

[65]       Comme il en a été fait mention, Rita Chirola, qui était directrice du trafic chez Amican en 1995, a été l'unique témoin cité par la défenderesse; selon la façon dont j'apprécie son témoignage, elle n'a pas vraiment réfuté les explications détaillées fournies par les témoins de Logistec, mais elle a plutôt mis l'accent sur le mandat existant entre Amican et Pegasus.

[66]       Les trois contrats que Logistec et Amican ont passés entre elles sont structurés de la même façon; il est utile d'expliquer brièvement leurs éléments afin d'examiner le reste des présents motifs. Les éléments contractuels étaient les suivants :


(1)        Un tarif de base, par exemple de 7,50 $ le mètre cube pour le bois; pour la cargaison militaire, le tarif était de 11 000 $ « tout compris » et pour la farine, il était de 26,95 $ la tonne métrique, le montant devant être ajusté par rapport au tonnage réel et à la productivité connue.

(2)         Des exclusions telles que l'évaluation effectuée par l'Association des employeurs maritimes, les frais de quai et la prestation de la main-d'oeuvre et du matériel.

(3)        Les arrêts (par exemple, la main-d'oeuvre non productive en cas de pluie ou de panne de la grue de bord), les heures supplémentaires travaillées après 17 h ou les fins de semaine ou les services supplémentaires demandés.

(4)        Des articles du compte de l'expéditeur comme le déchargement des camions remplis de bois arrivant au quai.

(5)        Tous les autres articles non visés, sous réserve du contrat d'arrimage type de Logistec.


[67]       Comme Ken Wolfe l'a expliqué, le contrat d'arrimage type de Logistec a été élaboré pendant les années 1970 par des avocats agissant pour le compte de l'Eastern Canadian Stevedoring Association. Il s'applique à toute l'industrie. Il n'a pas été modifié depuis qu'il a initialement été publié, il y a bien des années. Mike Donahue a témoigné avoir remis à Amican une copie du formulaire de contrat type de Logistec il y a une dizaine d'années. Le témoin d'Amican n'a pas contesté cette preuve. Quoi qu'il en soit, je suis convaincu qu'Amican connaissait les conditions types du contrat d'arrimage de Logistec, lesquelles correspondent à la convention collective conclue avec le Syndicat des arrimeurs. Elles servent de fondement aux personnes qui ont besoin de services d'arrimage.

[68]       Un autre facteur qui a compliqué la prestation des services d'arrimage par Logistec se rapporte au fait que, lorsqu'ils sont arrivés à Halifax ou à Montréal, les navires étaient déjà en partie chargés. On avait chargé du bois à bord du Fernando Pessoa à Grand Cacouna et Trac World avait chargé de la farine à bord du Cosmos, à Côte Ste-Catherine.

a)          Les articles contestés - le Fernando Pessoa

[69]       Le capitaine Roren a donné des explications au sujet des services fournis par Logistec à Halifax, faisant l'objet d'une contestation de la part d'Amican.

[70]       À mon avis, compte tenu de son témoignage, rien ne permettait à Amican d'exiger les ajustements qu'elle demandait à Logistec de faire dans le message télécopié du 12 septembre 1995 adressé à cette dernière (pièce P-30).


[71]       Il est certain que la productivité de Logistec, lorsqu'elle a chargé le bois à bord du Fernando Pessoa, décevait tant Logistec qu'Amican. La production prévue était d'environ 75 mètres cube à l'heure, mais la productivité réelle représentait moins de la moitié de cette quantité.

[72]       Je retiens le témoignage non contredit du capitaine Roren, selon lequel ce manque de productivité était attribuable à un certain nombre de raisons :

(1)         Le bois chargé à Grand Cacouna n'avait pas la même forme et la même taille que le bois de Julimar et cet arrimage compliqué créait un casse-tête, de sorte qu'un seul ballot de bois plutôt que quatre ballots pouvait être manipulé par la grue de bord; on a passé beaucoup de temps à fabriquer un sommier en vue d'assurer que le bois en ballots soit bien empilé lorsqu'il serait arrimé et il y a eu un arrêt ou du temps non productif lorsque des plaques d'acier ont dû être placées sur le bois empilé afin de permettre l'utilisation sécuritaire des chariots à fourche.

(2)         Le fait que du bois à destination de divers ports, à Dubaï et au Koweït, n'est pas arrivé dans l'ordre prévu au terminal de Logistec, à Halifax, a également influé sur la productivité.

(3)         La productivité a baissé lorsque l'on a demandé à Logistec d'enlever de la cale no 3 le bois qui avait déjà été arrimé et de l'arrimer de nouveau avec du bois d'une forme et d'une taille différentes, de sorte que cela a encore une fois nui à l'efficacité des opérations de chargement et que des charges uniques étaient manipulées par la grue.


(4)         Un autre facteur qui a compliqué la situation était que le prix initialement proposé par Logistec se rapportait au chargement de 2 200 mètres cube de bois. Or, 3 978, 132 mètres cube de bois ont en fait été chargés à bord du navire.

[73]       Je ferai de brèves remarques au sujet de chaque article à l'égard duquel Amican a demandé un ajustement :

(1)         Amican a rejeté le montant de 14 918 $ figurant sur la facture 67747, lequel représentait la moitié des frais réels d'arrimage à cause du manque de productivité. Logistec a facturé Amican au taux contractuel de 7,50 $ le mètre cube pour 3 978 mètres cube de bois chargé, de sorte que les frais s'élevaient à 29 835,99 $. Je suis d'accord avec Logistec pour dire que l'ajustement n'est pas justifié étant donné que le contrat ne renfermait pas de garantie ou de promesse de productivité même si, à des fins internes, le taux de Logistec était fondé sur ce qu'elle prévoyait pouvoir faire. Logistec a facturé cet article à un prix contractuel qu'Amican avait convenu de payer.


(2)         Il n'était pas justifié pour Amican de rejeter le montant de 19 200 $ pour le chargement effectué le samedi et le dimanche. Amican avait expressément demandé à Logistec de travailler ces jours-là après avoir pris des dispositions en vue d'obtenir de Julimar le paiement des heures supplémentaires y afférentes.

(3)         Je ne vois pas comment Amican pouvait s'opposer au paiement du montant de 3 750 $ pour l'arrimage de la cargaison antérieure puisqu'elle avait expressément demandé à Logistec d'enlever de la cale no 3 le bois antérieurement arrimé; à mon avis, il en va de même pour la déduction par Amican d'un montant de 1 674 $, représentant cinquante pour cent (50 p. 100) de l'installation et de l'enlèvement de plaques d'acier, pareilles plaques étant nécessaires afin de permettre l'utilisation des chariots à fourche dans les cales et le capitaine du navire ayant autorisé ce travail.

(4)         Il en va de même pour le montant de 5 740 $, représentant le temps consacré par les menuisiers et pour le montant de 2 627 $ se rapportant au bois utilisé afin de construire une passerelle destinée à permettre à l'équipage du navire de se rendre à la proue du navire étant donné que les ballots de bois avaient été arrimés en pontée. Le contrat stipulait expressément qu'il s'agissait de services additionnels, et le capitaine avait autorisé pareils services.


[74]       Par conséquent, aucun des ajustements demandés par Amican n'est autorisé.

b)          Les articles contestés - le Cosmos - la farine

[75]       Je me propose d'examiner chaque article à tour de rôle.

(1)         Amican a rejeté le supplément de 6 605,85 $ pour l'arrimage manuel des sacs de farine dans les armoires.

[76]       Amican a affirmé que si les instructions de M. Stedman avaient été suivies, il n'aurait pas été nécessaire d'arrimer les sacs de farine dans les armoires (ou il n'aurait fallu arrimer qu'un petit nombre de sacs dans les armoires). M. Stedman avait demandé que les sacs arrimés dans l'entrepont inférieur soient d'abord empilés sous les ailes aussi près des hiloires que possible et que l'on procède ensuite rangée par rangée pour former un carré sous les écoutilles où l'on devrait ensuite arrimer le reste de la cargaison en l'abaissant. Amican a déclaré qu'au lieu de procéder ainsi, une fois que les hommes de Logistec avaient affirmé ne plus pouvoir arrimer les sacs sous les ailes, même si des pousseurs étaient employés pour maximiser l'arrimage, il a fallu utiliser les armoires pour compenser l'espace inutilisé. Cette objection d'Amican constitue le noeud du litige, en ce qui concerne la façon dont Logistec a arrimé la farine.


[77]       Logistec a rétorqué en disant qu'elle avait suivi les instructions de M. Stedman en utilisant ses pousseurs en vue d'empiler les sacs de farine en couches ou en rangées en empilant d'abord les sacs contre les murs des cales nos 1 et 4.

[78]       Selon Logistec, le problème qui s'est posé était que la hauteur de l'entrepont inférieur de ces deux cales permettait uniquement de placer deux piles de sacs de farine à l'aide des pousseurs. La hauteur n'était pas suffisante pour permettre de placer une troisième couche au moyen des pousseurs.

[79]       Selon le témoignage de Mario Blanchet, le plan de chargement proposé par M. Stedman a été suivi et les marchandises ont été placées tout le long des murs des deux cales. On a ensuite arrimé des sacs de farine en les abaissant au centre.

[80]       Le problème consistait alors à remplir l'espace qui restait, c'est-à-dire la différence entre la hauteur de deux rangées de sacs de farine qui avaient été poussées à la machine et le plafond de l'entrepont inférieur des cales nos 1 et 4. Cela comportait nécessairement un arrimage manuel.


[81]       Logistec a fait savoir à M. Stedman qu'afin de maximiser l'espace restant inutilisé, étant donné que la longueur des hiloires était d'une dizaine de pieds, il faudrait embaucher de la main-d'oeuvre supplémentaire au taux des heures supplémentaires pour former une chaîne humaine de façon que chaque sac de 50 livres puisse être arrimé tout le long des hiloires et que l'espace vide soit comblé.

[82]       Toutefois, Mario Blanchet a déclaré que M. Stedman avait refusé ce plan. M. Stedman n'a pas témoigné à l'instruction.

[83]       Par conséquent, l'espace sous les hiloires n'a pas pu être utilisé au maximum, de sorte qu'il a fallu utiliser l'espace disponible dans les armoires situées à l'entrepont supérieur des cales nos 1 et 4, où les véhicules étaient également arrimés.

[84]       Je retiens l'explication avancée par Logistec. Rita Chirola, la seule personne qui a témoigné pour le compte de Logistec, a tenté de montrer que Logistec avait mal arrimé la cargaison de farine en se reportant aux calculs de capacité effectués par Amican, lesquels montraient que la quantité de marchandises arrimée aurait dû être supérieure pour chacun des entreponts inférieurs des cales nos 1 et 4.


[85]       Toutefois, Logistec a souligné, pendant l'interrogatoire principal et pendant le contre-interrogatoire de Rita Chirola, qu'elle avait en fait arrimé 455 tonnes métriques à l'entrepont inférieur no 4, alors que la capacité maximale était de 468 tonnes métriques. En ce qui concerne l'entrepont inférieur no 1, Logistec a chargé 6 450 sacs de farine, représentant 323 tonnes métriques, comparativement à sa capacité maximale de 552 tonnes métriques. Toutefois, Logistec a affirmé qu'elle ne pouvait pas mettre plus de farine dans l'entrepont parce qu'une partie de l'entrepont avait déjà été chargée par Trac World à Côte Ste-Catherine.

[86]       Compte tenu de ces considérations, j'estime que le refus d'Amican de payer la facture de Logistec à l'égard de ce premier article est injustifié.

(2)         Amican ne voulait pas payer le montant de 1 625 $ représentant la différence attribuable aux heures supplémentaires le 18 mai 1995.

[87]       J'ai examiné la feuille de travail 2435, sur laquelle figure le timbre du capitaine, indiquant que la quantité de main-d'oeuvre avait été vérifiée et jugée exacte et je suis convaincu que rien ne justifie l'objection d'Amican.

(3)         Amican a rejeté le montant de 10 260 $, se rapportant à la main-d'oeuvre supplémentaire employée le 20 mai 1995, étant donné que le Cosmos était encore dans le port ce jour-là uniquement parce que les travailleurs de quai de Logistec avaient perdu deux conteneurs de farine en sacs de 40 pieds, lesquels ont finalement été trouvés le 20 mai au matin.

[88]       Mario Blanchet a témoigné qu'Amican se trompait sur ce point.


[89]       Après avoir retracé les documents justificatifs de la facture 67284 pour cet article, M. Blanchet a réussi à me convaincre que le rejet d'Amican n'était pas étayé par la preuve; les feuilles de travail, en ce qui concerne cet article, se rapportaient à l'arrimage manuel de la farine. Cela n'avait rien à voir avec les deux conteneurs perdus.

[90]       M. Blanchet a concédé que l'on avait perdu un conteneur le 19 mai, mais qu'on l'avait trouvé ce jour-là, qu'il avait été dépoté, et que la farine qu'il renfermait avait été palettisée. Il a témoigné qu'il n'aurait fallu qu'une demi-heure pour charger la farine qui était dans ce conteneur à bord du navire et qu'on l'aurait fait le 19 ou le 20 mai, lorsqu'il y avait suffisamment de farine ou de matériel militaire qui n'avait pas été chargé à bord du Cosmos pour justifier que l'on travaille le samedi.

[91]       L'explication de M. Blanchet, qui était étayée par les feuilles de travail vérifiées par le capitaine du Cosmos, me convainc.

(4)         Le quatrième article rejeté par Amican se rapportait au montant de 1 100 $, représentant le reste du temps minimum, le 20 mai.


[92]       En se reportant encore une fois aux feuilles de travail, M. Blanchet a démontré que cet article ne se rapportait pas à la journée du 20 mai, mais à celle du 18 mai, lorsqu'aucun travail n'avait été exécuté après 15 h, de sorte que le tarif minimum en vigueur jusqu'à 17 h s'appliquait. Encore une fois, le timbre du capitaine du navire était apposé sur les feuilles de travail. Cela étant, je ne vois pas en quoi le rejet d'Amican est fondé.

(5)         Amican a dit que Logistec avait par erreur facturé un montant de 2 160 $ pour une équipe complète de menuisiers le 19 mai, alors que celle-ci avait été renvoyée parce qu'il pleuvait.

[93]       M. Blanchet a passé en revue les documents à l'appui de la facture 67288, qui porte sur les frais relatifs aux menuisiers; il a réussi à me convaincre, grâce aux feuilles de travail vérifiées par le capitaine, que les menuisiers avaient de fait travaillé ce jour-là à des saisines pour les véhicules de l'armée dans la cale no 4 de l'entrepont supérieur. Je ne vois pas ce sur quoi le rejet d'Amican est fondé.

(6)         Amican a rejeté un montant de 1 350 $ se rapportant à la réception de vingt-sept conteneurs d'une longueur de vingt pieds au terminal parce que, selon Amican, ces conteneurs étaient déjà à son terminal.

[94]       Le rejet d'Amican n'est pas étayé par la preuve. Logistec a pu démontrer que les vingt-sept conteneurs d'une longueur de vingt pieds étaient remplis de sacs de farine que Trac World avait envoyés à Logistec et pour lesquels Logistec a délivré des reçus de bord en date du dimanche, 14 mai 1995. À mon avis, ces frais sont conformes au contrat.


(7)         Amican a rejeté le montant de 2 160 $ représentant la moitié des heures travaillées par les menuisiers [TRADUCTION] « pour le motif que le chiffre initial est abusif » .

[95]       Dans la facture 67290, Logistec a facturé quatre-vingt-seize heures pour les menuisiers à qui l'on avait eu recours afin d'assujettir les jeeps dans des conteneurs, selon la feuille de travail 9970. Ce travail n'a pas été accompli à bord du Cosmos, mais à terre, de sorte que le capitaine ne l'a pas vérifié. C'est M. Lefebvre, de Logistec, qui a vérifié le travail. Je ne dispose d'aucun élément de preuve justifiant le rejet de ce montant pour le motif qu'il est abusif. Le rejet d'Amican n'est pas accepté.

(8)         Amican a rejeté un montant de 5 000 $ sur les 13 090 $ exigés par Logistec pour un retard attribuable à la pluie. Amican a dit que ces frais étaient excessifs.

[96]       Selon les feuilles de travail vérifiées par le capitaine, il y avait vingt-deux heures-équipes de temps non productif attribuables à la pluie. Au lieu de renvoyer les équipes, Amican a décidé de les mettre en attente dans l'espoir que le temps s'améliore. Un facteur additionnel venait compliquer les choses : la farine ne pouvait pas être chargée lorsqu'il pleuvait.


(9)         Amican a rejeté un montant de 2 032 $ parce que, selon elle, même si des pousseurs avaient été employés, les hommes de Logistec auraient néanmoins été en mesure de continuer à arrimer la cargaison.

[97]       Le montant facturé par Logistec se rapportait au retard auquel avait fait face son équipe qui travaillait dans la cale no 3, lorsque la grue de quai utilisée avait dû être déplacée jusqu'à une autre cale afin d'assurer le chargement des pousseurs. Logistec a établi qu'elle avait droit à ce montant.

(10)       Amican a contesté plusieurs petits articles de la facture 67287

[98]       Je ne puis voir ce sur quoi les contestations suivantes sont fondées :

a)          le montant de 793,14 $ qui a été rejeté n'était pas attribuable au manque de productivité, mais plutôt au travail effectué et vérifié par le capitaine à l'égard du fardage destiné à protéger la cargaison de farine;

b)          le montant de 595 $ n'aurait pas dû être rejeté, parce qu'il représentait le temps d'arrêt pendant que l'équipage du navire préparait une grue de bord pour le travail lié aux armoires;

c)          un autre montant de 595 $ qui a été rejeté n'avait rien avoir avec les armoires, mais il se rapportait au travail exécuté sur les couvercles d'écoutilles en prévision du chargement des conteneurs en pontée;


d)          un autre montant de 595 $ qui a été rejeté devrait à mon avis être versé à Logistec puisque, sur les instructions du capitaine, les conteneurs qui étaient déjà à bord ont dû être déplacés, ce qui représentait un service additionnel de la part de Logistec.

e)          un montant de 297,50 $ se rapportant à la productivité a été rejeté sans justification en ce sens que les feuilles de travail montrent que Logistec avait engagé ces frais en vue de payer ses arrimeurs en astreinte pendant que les grues de bord étaient en panne.

(11)       Amican a rejeté le montant de 1 587,50 $ pour le motif qu'elle avait déjà été facturée pour le temps d'inactivité attribuable à une grue défectueuse.

[99]       À mon avis, ce rejet n'est pas justifié. L'examen de la feuille de travail 2435 montre qu'il n'y a pas eu double facturation. Le montant rejeté n'avait rien à voir avec la période d'attente attribuable à la grue défectueuse, mais se rapportait plutôt à un travail différent, à savoir le fait que l'on avait attendu pour charger les armoires.

(12)       Amican a eu tort de rejeter la feuille de travail 2428 au montant de 148,75 $ pour le motif qu'elle avait déjà été facturée pour les retards attribuables à la pluie.

[100]     L'examen de cette feuille de travail vérifiée par le capitaine montre que le travail effectué visait à préparer les couvercles d'écoutilles en vue de charger les conteneurs.


[101]     Par conséquent, Amican n'a réussi à justifier aucun des articles contestés à l'égard de la cargaison de farine.

c)          Les articles contestés - le Cosmos - la cargaison militaire

[102]     Le supplément de 6 624,75 $ à l'égard de la cargaison militaire a été contesté compte tenu du fait qu'Amican ne devrait pas supporter les frais attribuables au manque de productivité de Logistec. Je ne retiens pas cet argument.

[103]     Lorsqu'Amican a négocié le contrat militaire avec Logistec, il n'était pas question de charger également la farine. Logistec a proposé à Amican un prix contractuel fixe de 11 000 $. La preuve mise à ma disposition confirme clairement que le fait que l'on a ajouté de la farine à la dernière minute à la cargaison du Cosmos a donné lieu à certaines inefficiences dans le chargement du matériel militaire et qu'eu égard aux circonstances, Amican devrait être tenue de payer Logistec.

d)          Conclusion relative aux services d'arrimage se rapportant au Cosmos


[104]     Je suis convaincu de l'absence de bien-fondé de la contestation par Amican des factures de Logistec pour les services d'arrimage fournis au Cosmos, ces factures étant entièrement étayées par des documents appropriés et ayant été vérifiées par le capitaine dans le cas des feuilles de travail.

[105]     Je retiens la preuve fournie par les témoins de Logistec, selon lesquels les représentants d'Amican, Glen Stedman et le capitaine du Cosmos étaient parfaitement au courant de toutes les circonstances liées au chargement et à l'arrimage et avaient approuvé les mesures prises par Logistec.

[106]     Logistec a donc le droit d'être payée au complet pour les montants exigés.

[107]     J'aimerais traiter brièvement d'un aspect du contre-interrogatoire de Mario Blanchet, de Logistec, par l'avocat d'Amican. L'avocat a demandé à M. Blanchet où, dans la documentation contractuelle se rapportant la farine, figurait une disposition relative aux arrêts.

[108]     M. Blanchet a admis que ce contrat ne renfermait aucune disposition de ce genre, mais il a souligné que la lettre de Logistec du 17 mai 1995 disait que [TRADUCTION] « toutes les autres conditions [seraient] conformes à la lettre du 5 mai 1995 » .


[109]     En fait, la lettre du 5 mai se rapporte au contrat militaire plutôt qu'au contrat relatif à la farine. Je suis convaincu que c'est la proposition de Logistec du 5 avril 1995 concernant la manutention de la farine, laquelle prévoit les arrêts, dont il aurait dû être fait mention. En outre, la preuve établit qu'Amican était au courant des conditions types relatives à un arrêt puisqu'il s'agit de conditions types s'appliquant au port de Montréal dans son ensemble.

DISPOSITIF

[110]     Pour ces motifs, la demanderesse a le droit d'obtenir conjointement et solidairement d'Amican et de Pegasus la somme de 240 382,36 $ avec dépens, plus les intérêts avant et après jugement, au taux annuel équivalant au taux commercial préférentiel moyen, fixé à 6,42 p. 100.

« François Lemieux »

Juge

Ottawa (Ontario),

le 21 juin 2001.

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad.a.


                                              COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                       SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU DOSSIER :                                                         T-2311-95

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                       LOGISTEC STEVEDORING INC.

c.

AMICAN NAVIGATION INC. ET AUTRE

LIEU DE L'AUDIENCE :                                             MONTRÉAL

DATE DE L'AUDIENCE :                                           LE 6 NOVEMBRE 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :                   MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

DATE DES MOTIFS :                                                  LE 21 JUIN 2001

ONT COMPARU

M. ALAIN PILOTTE                                                    

M. JEAN-SÉBASTIEN RIVARD                                  POUR LA DEMANDERESSE

M. JEAN-FRANÇOIS BILODEAU                           POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DE MAN, PILOTTE

MONTRÉAL                                                                     POUR LA DEMANDERESSE

SPROULE & POLLACK                                               

MONTRÉAL                                                                     POUR LA DÉFENDERESSE

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