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Date : 20020620

Dossier : IMM-2464-02

Toronto (Ontario), le jeudi 20 juin 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

ENTRE :

RAVINDRAN ANDREW PAUL ANANDAPPA

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

ORDONNANCE

VU la requête datée du 4 juin 2002 qui a été présentée au nom du demandeur afin d'obtenir :

1.          une ordonnance sursoyant au renvoi du demandeur du Canada jusqu'à ce que la Cour ait statué sur la présente demande d'autorisation et de contrôle judiciaire;


                                                                                                                                                           Page : 2

2.          toute autre mesure de redressement que la Cour estime indiquée dans les circonstances;

LA COUR ORDONNE QUE

la présente demande de sursis soit rejetée pour les motifs qui sont déposés.

                                                                                                                                  « François Lemieux »                   

           Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


Date : 20020620

Dossier : IMM-2464-02

Référence neutre : 2002 CFPI 701

ENTRE :

                                       RAVINDRAN ANDREW PAUL ANANDAPPA

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX

[1]                 Ravindran Andrew Paul Anandappa, le demandeur, est un citoyen tamoul du Sri Lanka âgé de 31 ans. Il demande qu'il soit sursis à l'exécution d'une mesure d'interdiction de séjour qui n'est pas devenue une mesure d'expulsion conformément au paragraphe 32.02(1) de la Loi sur l'immigration (la Loi) parce qu'une attestation de départ n'a pas été délivrée dans le délai prévu à l'article 27 du Règlement sur l'immigration de 1978 (le Règlement).


[2]                 L'avocate du ministre soutient que la Cour n'a pas le pouvoir de surseoir à l'exécution d'une mesure d'interdiction de séjour ou, subsidiairement, que la demande de sursis est prématurée. Elle s'appuie sur la jurisprudence de la Cour, plus particulièrement sur la décision Rajan c. Canada, [1994] A.C.F. no 1618, rendue par M. le juge Rothstein à l'époque où il siégeait à la Section de première instance. Le paragraphe 32.02(1) de la Loi prévoit ce qui suit :

S'il ne lui est pas délivré d'attestation de départ au cours de la période réglementaire applicable, la mesure d'interdiction de séjour dont est frappé l'intéressé devient une mesure d'expulsion.

[3]                 L'article 27 du Règlement prévoit ce qui suit :

27. (1) Sous réserve du paragraphe (2), l'attestation de départ prévue à l'article 32.02 de la Loi, qui constate le départ d'une personne visée par une mesure d'interdiction de séjour, doit être délivrée, selon le cas :

a) s'il y a sursis d'exécution de la mesure d'interdiction de séjour, dans les 30 jours qui suivent la date de cessation d'effet du sursis d'exécution;

b) si le ministre a déclaré un moratoire à l'égard du renvoi de tous les nationaux du pays dont la personne est un national, dans les 30 jours qui suivent la fin du moratoire;

c) dans tout autre cas, dans les 30 jours qui suivent la date où la mesure d'interdiction de séjour est devenue exécutoire.

(2) Dans le cas d'une personne qui revendique le statut de réfugié au sens de la Convention et à qui la section du statut a refusé ce statut, l'attestation de départ visée au paragraphe (1) doit être délivrée dans les 30 jours suivant la plus tardive des dates suivantes :

a) si la personne ne présente pas de demande visant l'attribution de la qualité de demandeur non reconnu du statut de réfugié au Canada dans le délai visé à l'alinéa 11.4(2)b), la date où la section du statut l'a avisée de sa décision;

b) la date où la personne a été avisée de la décision de l'agent d'immigration de ne pas lui attribuer la qualité de demandeur non reconnu du statut de réfugié au Canada;


c) si elle est un demandeur non reconnu du statut de réfugié au Canada et que l'agent d'immigration a décidé de ne pas lui accorder le droit d'établissement, la date où elle a été avisée de cette décision;

d) s'il y a sursis d'exécution de la mesure d'interdiction de séjour, la date de cessation d'effet de ce sursis. DORS/88-180, art. 1; DORS/89-38, art. 11; DORS/93-44, art. 19; DORS/97-182, art. 12.

27.1 L'original d'une mesure de renvoi conditionnel ou une copie de celui-ci est considéré comme signifié à une personne qui revendique le statut de réfugié au sens de la Convention s'il lui est envoyé par courrier ordinaire à sa dernière adresse connue. DORS/93-412, art. 15.

Contexte

[4]                 Le demandeur est arrivé au Canada le 14 juillet 1997 et a revendiqué le statut de réfugié. Une mesure d'interdiction de séjour conditionnelle a été prise contre lui le même jour par un agent principal. Cette mesure se lit comme suit :

[traduction]       MESURE D'INTERDICTION DE SÉJOUR

No de document : V802548552                                                  No de dossier :

No d'identification du client : 3442-4766

À : Ravindran Andre Anandappa                             

Citoyen du Sri Lanka né le 30 nov. 1970

Je prends une mesure d'interdiction de séjour conditionnelle contre vous en application du paragraphe 28(1) de la Loi sur l'immigration parce que je suis convaincu que vous êtes une personne décrite à l'alinéa 19(2)d) et au paragraphe 9(1) de la Loi sur l'immigration :

vous ne vous conformez pas aux conditions prévues par le paragraphe 9(1) de la Loi sur l'immigration puisque vous n'avez pas demandé et obtenu un visa d'immigrant avant de vous présenter à un point d'entrée.

                                                               IMPORTANT

La présente mesure deviendra une mesure d'expulsion si une attestation de départ n'est pas délivrée dans le délai prévu par le Règlement sur l'immigration.


Sous réserve de l'article 56 de la Loi sur l'immigration, quiconque fait l'objet d'une mesure d'expulsion ne peut plus revenir au Canada sans l'autorisation écrite du ministre, sauf si la mesure est annulée en appel.

[5]                 Le 25 mai 1998, la revendication du statut de réfugié du demandeur a été rejetée et un juge de la Cour a refusé de lui accorder l'autorisation d'entreprendre une procédure de contrôle judiciaire.

[6]                 Le 16 février 1999, le demandeur a présenté une demande d'établissement au Canada pour des raisons d'ordre humanitaire. Cette demande a été rejetée le 5 décembre 2000, et la Cour a refusé d'autoriser le contrôle judiciaire de cette décision.

[7]                 Le 15 mai 2002, la demande présentée par le demandeur en vertu de la disposition du Règlement relative aux DNRSRC a été rejetée au motif qu'il ne serait pas en danger s'il devait retourner au Sri Lanka.

[8]                 La mesure d'interdiction de séjour prise contre le demandeur n'est plus conditionnelle par suite de cette décision, et l'alinéa 27(2)b) du Règlement s'applique. Le demandeur a été avisé qu'il devait quitter le Canada de son plein gré dans les 30 jours, c.-à-d. dans le délai dans lequel une attestation de départ doit être délivrée. Ce délai expirera le 21 juin 2002.

[9]                 Il faut mentionner également que vers juillet 2001 le demandeur a présenté, à l'ambassade canadienne à Buffalo, une demande de résidence permanente au Canada à titre de travailleur qualifié indépendant (chef). Cette demande n'a encore pas fait l'objet d'une décision.

[10]            L'importance, pour une personne, de quitter le Canada de son plein gré munie d'une attestation de départ réside dans le fait qu'elle pourra revenir au Canada sans avoir à obtenir un permis ministériel, si son admission est par ailleurs légale (voir l'article 55 de la Loi).

Analyse

[11]            Dans l'affaire Essiaw c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 1108, M. le juge Pelletier, de la Section de première instance, a examiné en profondeur les dispositions législatives et réglementaires régissant les mesures d'interdiction de séjour, ainsi que la jurisprudence de la Cour portant sur les questions de savoir si celle-ci a le pouvoir de surseoir à l'exécution de ces mesures et si, le cas échéant, une demande de sursis présentée avant l'expiration du délai de délivrance de l'attestation de départ est prématurée.

[12]            Le juge Pelletier a statué que la Cour avait le pouvoir de surseoir à l'exécution d'une mesure d'interdiction de séjour, mais qu'il serait prématuré de le faire. Il a dit ce qui suit à ce sujet au paragraphe 11 de la décision Essiaw :


Néanmoins, si l'alinéa 27(1)a) du Règlement est considéré tel quel, il semble répondre à l'argument selon lequel toute intervention, en ce qui concerne une mesure d'interdiction de séjour, constitue essentiellement une modification de la Loi. La disposition a cet effet : la période pendant laquelle il est sursis à une mesure ne compte pas aux fins de la date à laquelle la mesure d'interdiction de séjour devient une mesure d'expulsion. Le résultat obtenu dans la décision Rajan est encore correct, mais peut-être pas pour le motif invoqué. La partie de la demande de réparation visant le sursis de « la transformation [...] de la mesure d'interdiction de séjour [...] en une mesure d'expulsion [...] » aurait dû être rejetée, non parce qu'elle excédait la compétence de la Cour, mais parce que la réparation demandée était prévue par la loi, si la demanderesse avait par ailleurs droit à un sursis. (Non souligné dans l'original)

[13]            Il a écrit ce qui suit au sujet du caractère prématuré de la demande :

Le juge Rothstein examinait une mesure d'interdiction de séjour plutôt qu'une mesure d'expulsion. Étant donné que la mesure ne prévoyait pas que le ministre prendrait des mesures contre la demanderesse avant l'expiration de la période prescrite, il n'y avait rien qui puisse faire l'objet d'un sursis à l'exécution [...]. En d'autres termes, on ne saurait logiquement demander au ministre de s'abstenir de prendre une mesure qu'il ne se propose pas de prendre.

Au moment où la requête a été présentée, la mesure d'interdiction de séjour n'était pas devenue une mesure d'expulsion. Comme dans la décision Rajan, la demande de sursis était donc prématurée.

Pour ces motifs, la demande de sursis est rejetée.

[14]            Selon le juge Pelletier, le « sursis d'exécution de la mesure d'interdiction de séjour » dont il est question aux alinéas 27(1)a) et 27(2)d) du Règlement pourrait soit être celui prévu au paragraphe 49(1) de la Loi, soit être imposé par un juge.

[15]            J'aimerais compléter le raisonnement du juge Pelletier sur la question de la compétence en traitant de deux autres facteurs.


[16]            Premièrement, la Cour a reconnu clairement que, dans certaines circonstances, un sursis ordonné par un juge peut empêcher un agent de renvoi d'exécuter une mesure de renvoi dès que les circonstances le permettent, comme l'exige l'article 48 de la Loi. Selon la définition contenue à l'article 2 de la Loi, une mesure d'interdiction de séjour est une « mesure de renvoi » .

[17]            Deuxièmement - et ce facteur est plus important -, les mots « s'il y a sursis d'exécution de la mesure d'interdiction de séjour » employés à l'alinéa 27(2)d) du Règlement seraient dénués de sens s'ils désignaient seulement le sursis prévu au paragraphe 49(1) de la Loi, ce sursis ne pouvant pas être accordé à une personne qui ne fait pas partie de la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié.

[18]            Dans l'affaire Rajan, précitée, le juge Rothstein était d'avis qu'une demande d'ordonnance interdisant au ministre de contraindre la demanderesse à quitter le Canada était prématurée. Il a dit ce qui suit :

Si la requérante ne quitte pas le pays de son propre gré, [...] elle pourra présenter une demande de sursis lorsqu'elle sera avisée par l'intimé de la date à laquelle elle doit partir.

[19]            La décision Rajan a été constamment suivie par les juges de la Cour, lesquels ont statué qu'une demande de sursis est prématurée si des dispositions en vue du renvoi n'ont pas été prises et qu'une date de renvoi n'a pas été fixée (voir Markheva c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1319, Verich c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 400, Weir c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 494, et, évidemment, Essiaw, précitée.

[20]            Ces décisions sont sensées et reposent sur des raisons de principe valables.

[21]            D'abord, le raisonnement qui sous-tend l'interdiction visant la présentation d'une demande de sursis à cause de son caractère prématuré est solide, à mon avis. Le demandeur a le choix de se conformer de son plein gré à la mesure d'interdiction de séjour, ce qui concorde avec l'esprit de la Loi en ce sens que, s'il est muni d'une attestation de départ, le demandeur pourra revenir au Canada sans avoir à obtenir un permis ministériel (voir le paragraphe 55(3) de la Loi).

[22]            Ensuite, ce raisonnement laisse au ministre le soin de fixer les dates de renvoi par ordre de priorité dans le cadre de la politique administrative. Le fait que la demande de résidence permanente au Canada présentée par le demandeur soit toujours pendante et le délai dans lequel la décision de l'agent des visas devrait être rendue sont des facteurs qui peuvent être pris en compte pour définir les priorités.

[23]            Pour ces motifs, la demande de sursis est rejetée.

« François Lemieux »

                                                                                                             Juge                          

Toronto (Ontario)

Le 20 juin 2002

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                              COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

           AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                              IMM-2464-02

INTITULÉ :                           RAVINDRAN ANDREW PAUL ANANDAPPA

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :    Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE : Le lundi 17 juin 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              Monsieur le juge Lemieux

DATE DES MOTIFS :         Le jeudi 20 juin 2002

COMPARUTIONS :            

Michael Korman                                                  POUR LE DEMANDEUR

Catherine Vasilaros                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :      

Otis & Korman                                                    POUR LE DEMANDEUR

Avocats

290, rue Gerrard est

Toronto (Ontario)

M5A 2G4

Morris Rosenberg                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                   Date : 20020620

Dossier : IMM-2464-02

ENTRE :

RAVINDRAN ANDREW PAUL ANANDAPPA

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                              défendeur

                                                                                     

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                                     

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