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Date : 20001102


Dossier : IMM-1883-00

Entre :

     MS. RUAN LIN

     Demandeur

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     Défendeur



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE



LE JUGE TREMBLAY-LAMER:


[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre d'une décision rendue le 11 avril 2000 par Mme Jocelyne Brunet (l'agente des visas), refusant la demande de résidence permanente de la demanderesse au Canada qui a été présentée à Hong Kong.

[2]      La demanderesse, domicilié et résidant en République populaire de Chine, a présenté une demande de visa d'immigrant pour le Canada selon le paragraphe 9(1) de la Loi sur l'immigration1 (ci-après Loi). La demanderesse a fait sa demande en vertu de la catégorie des immigrants indépendants, selon le paragraphe 9(1.3) de la Loi.

[3]      Le 23 mars 2000, la demanderesse s'est présentée au consulat général du Canada à Hong Kong, afin que sa demande soit examinée selon le paragraphe 22.1(1) du Règlement sur l'immigration de 19782 (ci-après Règlement).

[4]      La demande de résidence a été refusée par l'agente des visas, le 30 mars 2000, parce que la demanderesse n'a pas obtenu un nombre suffisant de points d'appréciation tel que requis par le Règlement.

[5]      La demanderesse allègue que l'agente des visas a fait preuve d'apparence de partialité dans sa décision. Dans son affidavit, la demanderesse mentionne que l'entrevue a duré quinze minutes seulement, dont dix minutes furent consacrées au test d'anglais.

[6]      La demanderesse soutient que l'entrevue a débuté de façon intempestive et agressive, et que l'agente des visas n'était pas attentive à ses réponses. Pendant les quelques minutes de l'entrevue où elle ne lui a posé que quatre questions celle-ci fut interrompue à deux occasions pour discuter avec d'autres collègues, ce qui lui faisait perdre le fil de ce que lui expliquait la demanderesse.

[7]      L'affidavit de la demanderesse n'est pas contredit par la défenderesse qui n'a soumis aucun affidavit de l'agente des visas expliquant le déroulement de l'entrevue. Bien que je ne croie pas qu'elle ait l'obligation de déposer un affidavit à l'appui de ses notes, je n'ai aucune raison, vu le silence de l'agente des visas, de ne pas accepter la version proposée par la demanderesse.

[8]      Le test de la crainte raisonnable de partialité a été exposé par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Committee for Justice and Liberty et al c. Office national de l'énergie et al3:

[...] la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d'une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. [...] [C]e critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [le décideur], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? » 4

[9]      Je suis satisfaite que la preuve de la demanderesse démontre qu'une personne raisonnable en viendrait à la conclusion que le comportement de l'agente des visas dénote une crainte raisonnable de partialité.

[10]      Comme l'indiquait le juge Lutfy dans Jiang c. M.C.I.5:

Les principes de justice naturelle et d'équité procédurale s'appliquent à la rencontre que l'agente des visas a tenue avec le requérant. Au cours de ce genre d'entrevue, l'agent(e) des visas est appelé(e) à déterminer si la partie requérante sera en mesure de s'établir avec succès au Canada et il s'agit d'une responsabilité importante. Il(Elle) doit se comporter avec la dignité voulue pour favoriser un échange ouvert et équitable, même dans des circonstances qui doivent parfois être difficiles et éprouvantes.

[11]      L'entrevue doit être significative. Elle exige qu'un officier offre à un demandeur une véritable opportunité de se faire entendre. L'entrevue doit donc se dérouler dans une atmosphère calme qui encourage la communication, ce qui permettra à l'officier de faire une évaluation adéquate et honnête de la situation du demandeur.

[12]      Bien qu'une entrevue puisse être de courte durée, elle doit être suffisamment complète pour permettre à un demandeur de faire valoir les raisons pour lesquelles il sera capable de s'établir avec succès au Canada.

[13]      La preuve au dossier m'indique que le comportement de l'agente des visas a nui à l'ambiance qui doit prévaloir pour permettre à un demandeur de tenter de prouver qu'il rencontre les critères prescrits. Une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique en viendrait à une telle conclusion.

[14]      La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision du tribunal est annulée et le dossier est retourné à un autre agent pour qu'il procède à un nouvel examen.





     « Danièle Tremblay-Lamer »

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 2 novembre 2000


__________________

1      L.R.C. 1985, ch. I-2.

2      DORS/78-172.

3      [1978] 1 R.C.S. 369.

4      Ibid. à la p. 394.

5      (Le 17 novembre 1997), IMM-1215-97 (C.F. 1ère inst.).

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