Date: 20000714
Dossier: IMM-1633-99
Ottawa (Ontario), le 14 juillet 2000
DEVANT : MONSIEUR LE JUGE PELLETIER
ENTRE :
QUAZI ZAKEERUL HAQUE
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
LE JUGE PELLETIER
[1] Il s'agit d'une demande de réexamen d'une ordonnance en date du 31 mai 2000 dans laquelle j'ai rejeté la demande de contrôle judiciaire du demandeur. La section du statut de réfugié (la SSR) avait conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention parce qu'elle ne l'estimait pas crédible. Selon les plaidoiries qui m'ont été soumises, la décision de la SSR renfermait cinq erreurs. Dans mes motifs, j'ai traité de quatre questions et j'ai conclu que même si des gens raisonnables pouvaient ne pas souscrire aux conclusions de la SSR, la preuve pouvait raisonnablement étayer les conclusions tirées par cette dernière de sorte que la décision ne devait pas être modifiée.
[2] L'avocat du défendeur a concédé que l'erreur dont je n'avais pas traité dans mes motifs était de fait une erreur. La SSR a conclu qu'il était improbable que le demandeur ait été victime d'actes de violence politique puisque la preuve documentaire montrait que des élections libres et justes avaient eu lieu dans le district de Munshigonj du demandeur. De fait, la preuve documentaire montrait que des élections justes avaient eu lieu à Manikgonj, district avec lequel le demandeur n'avait aucun lien.
[3] La règle 397 des Règles de la Cour fédérale (1998) autorise un juge à examiner de nouveau une décision pour le motif qu' « une question qui aurait dû être traitée a été oubliée ou omise involontairement » . L'application de cette disposition à l'omission d'un juge de traiter d'un argument qui a été invoqué devant lui a été examinée par deux juges de cette cour, qui sont arrivés à des conclusions différentes.
[4] Dans la décision Klockner Namasco Corp. c. « Federal Hudson » , [1991] A.C.F. no 1073, mon collègue le juge Denault a statué que l'omission de tenir compte d'un argument qui avait été invoqué devant un juge était visée par la règle en question. Dans la décision Balasingam c. MEI (1994), 77 F.T.R. 29, le juge Nadon a examiné la même question et a refusé de suivre la décision Klockner. Je fais donc face à des décisions contradictoires rendues par des juges de cette cour à ce sujet de sorte que le principe de la courtoisie judiciaire ne m'oblige pas à adopter l'une ou l'autre de ces décisions.
[5] Je comprends bien pourquoi le demandeur et son avocate se préoccupent du fait que, dans les motifs qui ont été prononcés, il n'est pas fait mention d'une erreur reconnue commise par la SSR. Je reconnais qu'il aurait été préférable de traiter de la question dans mes motifs. Toutefois, je ne souscris pas à l'avis selon lequel la règle 397 s'applique à la présente situation. À mon avis, le mot « question » , tel qu'il est employé dans la règle 397, s'entend d'un élément de la réparation sollicitée par opposition à un argument soulevé devant la Cour. En d'autres termes, la Cour n'a pas examiné une partie de la réparation sollicitée; or, une demande de réexamen vise à faire examiner par la Cour la question de la réparation sollicitée. Permettre que des ordonnances qui doivent être de nature définitive et qui ne peuvent faire l'objet d'aucun appel à moins qu'une question grave de portée générale ne soit certifiée soient réexaminées parce qu'il n'a pas été traité d'un argument porte atteinte au caractère définitif de la décision. En outre, je ne voudrais pas imposer à la Cour l'obligation d'examiner tous les arguments qui sont invoqués sans tenir compte de leur importance ou de leur bien-fondé.
[6] En faisant cette remarque, je songe à l'obligation légale qui incombe au juge de prononcer des motifs. Je ne parle pas de la pratique qu'il convient d'adopter. En pratique, il convient généralement de reconnaître les arguments invoqués par les parties de façon que ces dernières sachent qu'elles ont été entendues. La présente demande prouve jusqu'à quel point il est sage d'adopter pareille ligne de conduite. Cependant, il y a de nombreuses raisons pour lesquelles un juge ne tiendrait peut-être pas compte de tous les arguments invoqués devant la Cour. Mentionnons entre autres la pertinence, l'importance, l'absence de bien-fondé. Il y a également les oublis. Juger certaines raisons suffisantes pour justifier le réexamen alors que d'autres raisons ne le sont pas, c'est entraîner la tenue d'une enquête dans tous les cas où l'on a omis de mentionner les arguments invoqués. Cela porte atteinte au caractère définitif des décisions qui sont rendues. Pour ce motif, la demande de réexamen est rejetée.
[7] J'aimerais ajouter au profit du demandeur que j'ai tenu compte de la question de l'erreur commise en ce qui concerne le lieu des élections. J'ai conclu que même s'il s'agissait d'une erreur de fait, cette erreur n'influait pas sur le résultat. Miranda c. MCI, [1993] A.C.F. no 437. L'omission de mentionner la chose dans mes motifs était un oubli de ma part.
[8] L'avocate du demandeur m'invite à certifier une question aux fins d'un appel conformément à l'article 83 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2. Cette disposition prévoit qu'il n'y a pas d'appel d'une demande de contrôle judiciaire ou de « toute question soulevée dans le cadre de la présente loi ou de ses textes d'application » à moins que le juge ne certifie une question. Elle prévoit également que la question doit être certifiée « dans [le] jugement » . En l'espèce, le jugement a été rendu le 31 mai 2000. Je ne puis certifier une question en ce moment.
ORDONNANCE
La requête visant au réexamen de l'ordonnance qui a été rendue le 31 mai 2000 est rejetée.
« J.D. Denis Pelletier »
Juge
Traduction certifiée conforme
Martine Brunet, LL.B.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
No DU GREFFE : IMM-1633-99
INTITULÉ DE LA CAUSE : QUAZI ZAKEERUL HAQUE
c.
MCI
REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER LE 14 JUILLET 2000 À OTTAWA
MOTIFS DE L'ORDONNANCE du juge Pelletier en date du 14 juillet 2000
ARGUMENTATION ÉCRITE :
PIA ZAMBELLI POUR LE DEMANDEUR
SIMON RUEL POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
PIA ZAMBELLI POUR LE DEMANDEUR
Montréal (Québec)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada