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     Date : 20000830

     Dossier : T-731-00

CALGARY (ALBERTA), LE MERCREDI 30 AOÛT 2000

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM


Entre

     DANIEL ARMALY

     demandeur

     - et -


     SA MAJESTÉ LA REINE

     défenderesse



     ORDONNANCE



     Pour les motifs exposés dans les motifs de l'ordonnance, la requête en radiation de la déclaration est rejetée.

     La défenderesse aura droit à une prorogation de délai de 20 jours, à compter de ce jour, pour signifier la liste des documents.


     « Max M. Teitelbaum »

     ________________________________

     J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme,




Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.




     Date : 20000830

     Dossier : T-731-00


Entre

     DANIEL ARMALY

     demandeur

     - et -


     SA MAJESTÉ LA REINE

     défenderesse



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE TEITELBAUM


[1]      Il y a en l'espèce requête de la défenderesse (la Couronne) en radiation de la déclaration par les motifs suivants, tels qu'ils figurent dans son avis de requête :

     [TRADUCTION]

     a)      Le fait donnant lieu à la déclaration ne présente plus aucun intérêt pratique; il s'ensuit que l'action est frivole, vexatoire ou constitue un abus de procédure.
     b)      Règles 221 et 8 des Règles de la Cour fédérale (1998).

[2]      La requête était inscrite au rôle pour le 21 août 2000. Le demandeur n'a pas comparu à l'audience puisqu'il est incarcéré à Drumheller (Alberta).

[3]      La déclaration, qui occupe huit pages, comporte les conclusions suivantes :

     [TRADUCTION]

     Par ces motifs, le demandeur réclame les dommages-intérêts comme suit :
     1.      Pour « inconduite intentionnelle » et « total mépris » pour la loi et pour les droits que le demandeur tient de la loi, 250 000,00 $ à titre de dommages-intérêts punitifs et exemplaires,
     2.      Pour violation du « serment professionnel » et manquement aux dispositions desdits lois et règlements, 250 000,00 $ à titre de dommages-intérêts punitifs et exemplaires,
     3.      Pour atteinte aux droits que le demandeur tient de la Charte, du fait de faire obstacle à son droit légitime et légal de consulter la feuille de décision sur sa demande de libération conditionnelle et d'autres documents demandés, et de faire obstacle à son droit de « répondre et de se défendre pleinement » soit devant la section d'appel de la Commission nationale des libérations conditionnelles soit devant les tribunaux judiciaires en le privant d'une copie de ces documents, 250 000,00 $ à titre de dommages-intérêts punitifs et exemplaires,
     4.      Pour application d'une « politique générale » qui a eu des effets inutilement déraisonnables sur le demandeur, au « mépris intentionnel » de ses droits, au « mépris total » du demandeur en tant que « citoyen canadien » , et de son besoin en cette qualité d'être proactif dans la gestion de son cas comme dans le processus de libération conditionnelle, c'est-à-dire de ses « droits en matière de liberté » , 250 000,00 $ à titre de dommages-intérêts punitifs et exemplaires,
     5.      Pour « arrogance » et « inconduite intentionnelle » manifestées à l'égard du demandeur par Mme Schaffer qui a déclaré qu'elle « refusait de lui remettre des pièces judiciaires enregistrées » et qu'il « ne serait pas autorisé à garder ses dossiers » qui étaient légalement demandés, tout en sachant qu'elle violait de ce fait son « serment professionnel » , encore 100 000,00 $ à titre de dommages-intérêts punitifs et exemplaires,
     1.      C'est à cause de cette inconduite personnelle et c'est en vue de la décourager à l'avenir que le demandeur réclame ces dommages-intérêts.
     2.      C'est pour décourager « l'inconduite inique et illégale » de certains fonctionnaires du Service correctionnel qui pensent qu'ils n'ont de comptes à rendre qu'à Dieu dans l'exercice de leur autorité, encore qu'occasionnellement, que le demandeur réclame ces dommages-intérêts.
     3.      C'est pour faire respecter le principe que « leurs actions et conduite ne sont pas au-dessus de la loi » que le demandeur réclame ces dommages-intérêts.
     4.      C'est parce que la sanction monétaire est le seul moyen de prévention que comprennent ceux qui « abusent de leur autorité » et « abusent de leur compétence » , que le demandeur réclame ces dommages-intérêts.
     5.      Le demandeur ne peut voir aucune vertu dans la politique ou la conduite du directeur de l'établissement de Drumheller; c'est pourquoi il réclame ces dommages-intérêts.
     6.      C'est pour décourager des agissements qui peuvent porter atteinte aux droits garantis par la Charte, ou qui peuvent être considérés comme arrogants et dédaigneux de notre droit d'accès à la justice, que le demandeur réclame ces dommages-intérêts.

[4]      La Couronne soutient que le point litigieux soulevé par le demandeur ne présente plus maintenant aucun intérêt pratique puisque son chef de demande, savoir le recours en habeas corpus, a été rejeté le 27 février 2000, que son appel en la matière a été aussi rejeté le 5 juin 2000, et que le litige est ainsi vidé.

[5]      Voici ce que prévoit la règle 221 des Règles de la Cour fédérale :

221. (1) On motion, the Court may, at any time, order that a pleading, or anything contained therein, be struck out, with or without leave to amend, on the ground that it

     (a) discloses no reasonable cause of action or defense, as the case may be,
     (b) is immaterial or redundant,
     (c) is scandalous, frivolous or vexatious,
     (d) may prejudice or delay the fair trial of the action,
     (e) constitutes a departure from a previous pleading, or
     (f) is otherwise an abuse of the process of the Court,

and may order the action be dismissed or judgment entered accordingly.

221. (1) À tout moment, la Cour peut, sur requête, ordonner la radiation de tout ou partie d'un acte de procédure, avec ou sans autorisation de le modifier, au motif, selon le cas :

     a) qu'il ne révèle aucune cause d'action ou de défense valable;
     b) qu'il n'est pas pertinent ou qu'il est redondant;
     c) qu'il est scandaleux, frivole ou vexatoire;
     d) qu'il risque de nuire à l'instruction équitable de l'action ou de la retarder;
     e) qu'il diverge d'un acte de procédure antérieur;
     f) qu'il constitue autrement un abus de procédure.

Elle peut aussi ordonner que l'action soit rejetée ou qu'un jugement soit enregistré en conséquence.

[6]          La requête en instance a été introduite sous le régime de la règle 221(1)c) et f).

[7]          Dans quel cas une action doit-elle être rejetée en application de la règle 221(1)c) et f)? Il est de droit constant que la Cour ne radie une demande en application de cette règle que s'il est manifeste que l'action est futile au point de ne pas avoir la moindre chance de succès.

[8]          Par ailleurs, tous les faits articulés dans la déclaration doivent être tenus pour avérés.

[9]          Il m'apparaît, à la lecture de la déclaration, et à supposer que tous les faits pertinents qui y sont articulés soient avérés, qu'on ne peut conclure que l'action n'a pas la moindre chance de succès.

[10]      Voici les principaux motifs de la fin de non-recevoir, tels qu'ils figurent dans les conclusions écrites de la Couronne :

     [TRADUCTION]

     13.      Le chef de demande du demandeur est essentiellement que l'ajournement d'un mois a entraîné un retard dans son recours en habeas corpus et qu'il en a subi un préjudice, du fait qu'il était incarcéré dans l'intervalle.
     14.      La défenderesse soutient que les circonstances relatives au bref ajournement, et qui constituent le fondement de la déclaration sur le plan des faits, n'ont aucune importance puisque la contestation intentée par le demandeur contre la légalité de son incarcération a été rejetée en fin de compte. Le demandeur ne s'est jamais trouvé dans une situation différente de celle qui aurait été la sienne en tout cas, qu'il y ait eu ajournement ou non.
     15.      En conséquence, l'action en dommages-intérêts du demandeur pour préjudice subi du fait de son incarcération durant la période d'ajournement de son recours en habeas corpus est vexatoire et constitue un abus de procédure, puisque en fin de compte sa contestation a été rejetée, ce qui signifie qu'il était régulièrement détenu pendant tout ce temps.
     18.      La défenderesse soutient qu'en l'espèce, il n'y a plus de litige puisque l'incarcération du demandeur a été validée par le rejet de son appel en matière de habeas corpus.

[11]      À ce que je vois, le demandeur soutient que les chefs de demande figurant dans sa déclaration ne sont pas sans intérêt pratique tant que les documents juridiques qui lui sont adressés sont ouverts « par le personnel du SCC » .

[12]      Voici ce qu'on peut lire au paragraphe 2 de sa déclaration :

     [TRADUCTION]

     Le directeur de l'établissement de Drumheller, M. T. Fullerton, a fait ouvrir, détourner et dissimuler ma correspondance juridique protégée, en violation des dispositions de la loi postale en vigueur qui prévoit la punition ou la poursuite du détournement, de la dissimulation ou de la destruction du courrier postal. Il a également violé le paragraphe 94(2) et l'annexe 94(2) de la L.S.C.M.L.S.C. (Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition).

[13]      En outre, le demandeur fait valoir que la politique actuellement appliquée par le directeur ou d'autres responsables de l'établissement de Drumheller, et qui consiste à ouvrir ses « documents juridiques protégés » ou à lui dénier le droit d'emporter ces documents dans sa cellule, porte atteinte à ses droits légaux, et il en réclame des dommages-intérêts.

ANALYSE

[14]      Il est indéniable que le recours en habeas corpus ne présente plus aucun intérêt pratique.

[15]      Je ne suis pas absolument certain que la demande en dommages-intérêts du demandeur soit telle que la Cour ne lui accorderait même pas une somme nominale pour les raisons qu'il fait valoir dans sa déclaration.

[16]      Je ne suis pas convaincu non plus que la prétention du demandeur qu'il y a eu atteinte à ses droits par la politique appliquée à Drumheller de façon à lui dénier l'accès à des documents juridiques dans une affaire qui le concernait personnellement, à moins qu'il n'accepte de les consulter dans une pièce désignée à cet effet, soit tout à fait sans fondement.

[17]      Bien que cette question de la « politique » appliquée à Drumheller ne se pose pas en l'espèce, j'ai du mal à comprendre pourquoi on refuse à un détenu le droit de recevoir des documents juridiques dans une affaire qui le concerne personnellement, à moins qu'il n'accepte d'en prendre connaissance dans une pièce désignée à cet effet. Je ne vois pas pourquoi il ne doit pas être autorisé à prendre ces documents et à les examiner dans sa cellule.

[18]      Tel que je l'ai déclaré, je ne suis pas convaincu que tous les faits articulés dans la déclaration, à supposer qu'ils soient avérés, soient maintenant dénués d'intérêt pratique.

[19]      La requête en radiation de l'intégralité de la déclaration est rejetée.

[20]      La Cour accorde à la défenderesse une prorogation de délai de 20 jours, à compter de ce jour, pour signifier la liste des documents.

     « Max M. Teitelbaum »

     ________________________________

     J.C.F.C.

Calgary (Alberta),

le 30 août 2000


Traduction certifiée conforme,




Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



DOSSIER No:              T-731-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Daniel Armaly c. Sa Majesté la Reine


LIEU DE L'AUDIENCE :          Calgary (Alberta)


DATE DE L'AUDIENCE :          21 août 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE TEITELBAUM


LE :                      30 août 2000



A COMPARU:


M. Kenneth Manning                  pour la défenderesse


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:


Daniel Armaly                  pour le demandeur

Le procureur général du Canada          pour la défenderesse

Justice Canada

Edmonton (Alberta)

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