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     Date: 20000314

     Dossier: T-2080-98


Entre:

     VEUVE CLICQUOT PONSARDIN,

     MAISON FONDÉE EN 1772

     Demanderesse

     ET

     LES BOUTIQUES CLIQUOT LTÉE et

     MADEMOISELLE CHARMANTE INC. et

     3017320 CANADA INC.

     Défenderesses




     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE:


[1]      Il s"agit en l"espèce d"une requête des défenderesses en vertu de la règle 107 des Règles de la Cour fédérale (1998) (les règles) afin que la Cour ordonne l'ajournement des interrogatoires préalables et de la détermination des questions de redressement tant que les interrogatoires préalables et l'instruction concernant la question de la responsabilité n'auront pas eu lieu.

[2]      La règle 107, dans sa partie pertinente, se lit comme suit:

107.(1) La Cour peut, à tout moment, ordonner l'instruction d'une question soulevée ou ordonner que les questions en litige dans une instance soient jugées séparément.

Le contexte

[3]      Tel qu'il apparaît du dossier de la Cour, la demanderesse poursuit les défenderesses dans la présente instance pour contrefaçon et usurpation des droits exclusifs de la demanderesse dans diverses marques de commerce et demande l'émission d'une injonction, la radiation des marques des défenderesses et la condamnation des défenderesses à payer à la demanderesse des dommages.

[4]      Il ressort que la marque de commerce "Veuve Clicquot Ponsardin", ainsi que toutes les autres marques de commerce détenues par la demanderesse et alléguées dans la présente cause, sont accordées exclusivement quant aux marchandises décrites comme "vins, vins mousseux, champagne et vins de champagne". Les marques de commerce "Cliquot" et "Cliquot "un monde à part"" détenues par les défenderesses et alléguées dans la présente cause sont accordées exclusivement quant aux services décrits comme "Operation of retail clothing stores in respect of ladies wear and accessories".

Analyse

[5]      Les deux parties reconnaissent que le test à appliquer est celui formulé par la Cour dans l"arrêt Illva Saronno S.p.A. c. Privilegiata Fabbrica Maraschino "Excelsior" (1ère inst.), [1999] 1 C.F. 146, en page 154, paragraphe 14, où la Cour établit que:

On a motion under rule 107, the Court may order the postponement of discovery and the determination of remedial issues until after discovery and trial of the question of liability, if the Court is satisfied on the balance of probabilities that in the light of the evidence and all the circumstances of the case (including the nature of the claim, the conduct of the litigation, the issues and the remedies sought), severance is more likely than not to result in the just, expeditious and least expensive determination of the proceeding on its merits.

[6]      Bien que l"extrait précédent exprime le test à appliquer, le procureur des défenderesses a invité en quelque sorte la Cour à se pencher sur le mérite de la cause de la demanderesse pour les fins de trancher le sort de la requête à l"étude. Au terme de l"analyse des défenderesses, la cause de la demanderesse serait de façon évidente difficile à établir, et, partant, il vaudrait mieux se limiter à regarder dans un premier temps la responsabilité des défenderesses puisque le débat risque fort, selon elles, de ne point aller plus loin.

[7]      Je n"entends pas suivre cette voie et ainsi procéder à évaluer le mérite des positions des parties en présence. La Cour n"est pas saisie ici d"une requête pour jugement sommaire. Il n"y a pas lieu de s"écarter du test fourni par l"arrêt Saronno . Bien que la Cour dans l"arrêt Saronno fasse écho à l"approche suggérée par les défenderesses (page 156, paragraphe 19), les propos de la Cour sont alors des plus nuancés, voire ambivalents, et sont certes de la nature d"un obiter .

[8]      D"autre part, en se référant à un extrait de l"interrogatoire au préalable du représentant des demanderesses, le procureur des défenderesses a cherché à établir que la demanderesse était avant tout préoccupée par des aspects touchant la responsabilité des défenderesses et non par la question des dommages ou profits; d"où l"intérêt à scinder le débat suivant ces lignes.

[9]      Toutefois, la déclaration d"action de la demanderesse au dossier inclut toujours bel et bien une conclusion touchant les profits ou dommages et, du reste, cette déclaration n"apparaît pas à la Cour différer quant à son approche de la majorité des déclarations d"action déposées dans le même domaine. On pourra noter au passage que les interrogatoires au préalable, qui sont des plus avancés en l"espèce, ont porté également - si l"on se réfère aux discussions tenues en cour - sur certains aspects des dommages.

[10]      D"autre part, l"affidavit soumis par les défenderesses au soutien de leur requête ne contient aucun élément de preuve permettant d"apprécier le fait que de soustraire du débat à ce stade-ci la question des dommages ou profits "is more likely than not" d"apporter une solution qui soit juste et la plus expéditive et économique possible. Entre autres, et malgré que cet aspect soit abordé dans l"avis de requête des défenderesses, l"affidavit à l"appui de cet avis ne contient aucun élément d"information "quant au coût et au volume d"efforts requis afin de trancher la question du quantum".

[11]      En conclusion, je fais donc mien l"extrait suivant de l"arrêt Saronno (page 156, paragraphe 20):

     Somme toute, j'ai décidé que les défenderesses ne se sont pas acquittées de l'obligation qui leur incombait d'établir selon la prépondérance des probabilités que la possibilité d'effectuer des économies de temps et d'argent et d'apporter une solution juste au litige est telle qu'est justifiée une dérogation au principe général voulant que toutes les questions qui se posent dans une instance soient examinées ensemble.

[12]      Cette requête en vertu de la règle 107 sera donc rejetée avec dépens. Les questions visées au paragraphe 3 de mon ordonnance du 8 mars 2000 devront donc définitivement recevoir réponse.


Richard Morneau

     protonotaire

MONTRÉAL (QUÉBEC)

le 14 mars 2000

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     NOMS DES AVOCATS ET DES PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


NO DU DOSSIER DE LA COUR:

INTITULÉ DE LA CAUSE:

T-2080-98

VEUVE CLICQUOT PONSARDIN,

MAISON FONDÉE EN 1772

     Demanderesse

ET

LES BOUTIQUES CLIQUOT LTÉE et

MADEMOISELLE CHARMANTE INC. et

3017320 CANADA INC.

     Défenderesses




LIEU DE L'AUDIENCE:Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE:le 13 mars 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

DATE DES MOTIFS DE L'ORDONNANCE:le 14 mars 2000


ONT COMPARU:


Me Martine Tremblay

pour la demanderesse

Me Brian Riordan

M. Mathieu Turcotte, stagiaire

pour les défenderesses

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:


Léger Robic Richard

Montréal (Québec)

pour la demanderesse

Pouliot Mercure

Montréal (Québec)

pour les défenderesses

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