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Date : 20020801

Dossier : T-1849-01

Référence neutre : 2002 CFPI 837

ENTRE :

TED AIRD, VIVIEN AIRD, GLENN ALSIP, SHIRLEY ALSIP, SHIRLEY BEATTIE, AL BOSSERT, ROGER BOYCE, PAT BOYCE, JIM COLLINS, OLIVE COLLINS, REG COOPER, PAT COOPER, BILL DAVIES, JESSIE DAVIES, ED DAVIES, ELAINE DAVIES, TONY DAVIS, JACKIE DAVIS, NELL DOORNBOSCH, WILLARD EDWARDS, ETHNA EDWARDS, PATRICIA ELLIOT, ARCHIBALD ELLIS, KURT FENGLER, ANNA FENGLER, LARRY FENGLER, RENATE FENGLER, TOM GLANCY, SHIRLEY GLANCY, JOE GRZYB, DORLES GRZYB, JOHN GUILIANA, BRITT GUILIANA, ED HOLMES, ETHEL HOLMES, HELEN HOLZWORTH, HERB HOLZWORTH, SOPHIE HONCH, KATHY HRISHUK, MIKE HRISHUK, PETER JOHNER, HELEN JOHNER, ERNIE KAHLER, HILDA KAHLER, RON BACON, exécuteur de la succession de JOSEPH KOVACS, GERRY McCARTHY, MARILYN McCARTHY, RON McCOMB, ROSE McCOMB, PETER MEISTER, INGRID MEISTER, WAYNE MITCHEL, TRUDIE MITCHEL, DIANE MOORE, JOHN MOORE, BERNIE MORRIS, JOHN MORSE, CATHERINE MORSE, ROY NEFF, DAISY NEFF, JOAN OLLIFFE, JOHN OSTENDORF, NELLIE OSTENDORF, ROXIE PARKER, KEN PATTERSON, JEFFREY PUNSHON, DOREEN PUNSHON, PAT RADBOURNE, ELAINE EBY, DOROTHY REID, LYNNE REYNAN, ED ROGOZINSKY, DELORES ROGOZINSKY, DEREK ROLPH, BETTE ROLPH, DAVID SCHELLENBERG, JOHN SNIJDERS, JANNIE SNIJDERS, RUDY SNIJDERS, JOHN SONNEVELDT, WILLIE SONNEVELDT, TOM SPANN, IRMA SPANN, HARLYN SPROULE, FAYE SPROULE, HENRY STRYD, ADRIANA STRYD, STAN TURNER, HAL WESTON, DOLORES WESTON, DON WHITTAKER, MARYANN WHITTAKER, CATHERINE KNUDSEN, HOWARD KNUDSEN, MARGARET MAKI, LEO MAKI, LORENZ LOHNINGER, HANNELORE LOHNINGER, MARGARET TIBBEN, RALPH CHURCHILL, SANDRA CHURCHILL, JANET REED, CHRIS SEABROOK, MARGARET SEABROOK, FRED HOWSE, PHYLLIS HOWSE, MACE HARRISON, IRENE HARRISON, BUD THOMPSON, MARJORIE THOMPSON, JOHANNA AUBERTIN, GORDON SIDDONS, ROSEMARY SIDDONS, RUSS GRILLS, DIANE GRILLS, BILL MILLER, GERRY MILLER, DEBORAH INNES, ARLEE MISFELDT, JANET MISFELDT, ALAN McLEAN, STANLEY BAXTER et GRACE BALES

                                                                                                                                                                                                      demandeurs

                                                                                                           - et -

COUNTRY PARK VILLAGE PROPERTIES

(MAINLAND) LTD.

                                                                                                                                                                                                   défenderesse

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE HARGRAVE


­            La présente action a trait à un litige portant, d'une part, sur les paiements de loyers au titre de sous-baux des emplacements pour maisons préfabriquées situés sur des terres indiennes louées et, d'autre part, sur des questions connexes accessoires. Dans cette requête, les demandeurs cherchent à faire modifier leur déclaration et à obtenir la communication des réponses et des documents sollicités à l'interrogatoire préalable.

­            Pour diverses raisons valables, notamment économiques, les demandeurs désirent que cette requête assez simple en modification et en remise des réponses à des questions posées à l'interrogatoire préalable et en communication des documents y demandés soit examinée par écrit. La défenderesse, Country Park Village Properties (Mainland) Ltd., que j'appellerai aussi « Country Park » , désire la tenue d'une audition.           

ANALYSE

Audition d'une requête présentée par écrit

­            Le droit sur la conversion d'une requête présentée par écrit en une requête examinée dans le cadre d'une audience orale est résumé dans Alcorn c. Canada (Commissaire du Service correctionnel) (1998), 156 F.T.R. 239, aux pages 243 et 244 : « l'audition d'une requête présentée par écrit n'est pas accordée sur simple demande mais doit être justifiée par suffisamment d'éléments de preuve démontrant que la requête ne pourra pas être correctement examinée sur documents... » .


­            Si je comprends bien l'argumentation de la défenderesse présentée en vue d'obtenir une audition, elle soutient, premièrement, qu'il n'existe aucune preuve à l'appui de la demande de modification; deuxièmement, que la modification élargirait inutilement la portée du litige; troisièmement, qu'elle a déjà remis suffisamment de documents demandés à l'interrogatoire préalable; quatrièmement, qu'aucune raison découlant de l'interrogatoire préalable ne permet de justifier l'examen de ses affaires commerciales privées; et, finalement, qu'elle désire débattre oralement la question des dépens. Rien ne démontre en l'espèce que la Cour ne saurait à bon droit statuer par écrit sur la requête de la demanderesse.

Modification de la déclaration

­            Les demandeurs sont des sous-preneurs à bail de lots de la défenderesse au Country Park Senior Community sur lesquels sont situées des maisons préfabriquées. Dans son libellé initial, la déclaration sollicite essentiellement une évaluation et une déclaration du juste loyer économique au mois de mars 2000 ainsi que le versement d'un supplément de loyer depuis 1997, mêmes termes employés dans le sous-bail intervenu entre les demandeurs et la défenderesse. Par la modification, ils souhaitent ajouter deux prétentions à leur action. En premier lieu, ils désirent faire remonter à 1994 l'examen de la question du supplément par suite, semble-t-il, de l'interrogatoire préalable. En second lieu, ils affirment avoir le droit d'entreposer gratuitement leurs véhicules de plaisance au cours de la durée de leurs baux. À ces demandes de modification, la défenderesse oppose une réponse au fond. D'abord, dit-elle, la preuve n'indique aucune irrégularité remontant à 1994. Elle ajoute que les contrats de bail ne contiennent aucune clause autorisant l'entreposage gratuit de véhicules de plaisance. À l'appui de leur demande de modification, les demandeurs présentent quantité d'affidavits et de documents.


­            Dans Fox Lake Indian Band c. Reid Cowthers & Partners Ltd., décision inédite du 30 mai 2002 (dossier T-501-88), j'ai énoncé longuement quelques principes de base en matière de modification et plus particulièrement les propos tenus par le juge Hugessen dans Le Irving Maple, décision inédite du 12 mars 1999 dans l'action T-162-97, maintenue à (2001), 182 F.T.R. 160. Je n'ai pas l'intention de répéter tout le raisonnement que j'ai adopté dans Fox Lake. Je ferai simplement observer que, règle générale, la modification devrait être autorisée en tout état de cause afin de pouvoir déterminer les véritables questions litigieuses opposant les parties, pourvu que cette autorisation ne cause pas à l'autre partie une injustice que des dépens ne sauraient réparer, l'objectif général étant de faire prévaloir les intérêts de la justice. Pour respecter ces principes et atteindre cette fin, il ne m'appartient pas, à ce stade-ci, de décider à l'avance si la modification sera autorisée lors de l'instruction, mais de me prononcer simplement sur la question suivante : la modification devrait-elle être déposée? Dans Fox Lake, j'invoque également Visx Inc. c. Nidek Co. (1996), 209 N.R. 342 (C.A.), à la page 347, à l'appui de la règle m'obligeant à présumer la véracité des faits allégués dans la demande de modification; appliquant la même règle que celle qui est prévue pour la radiation d'un acte de procédure, je ne refuserais une modification que dans les cas clairs et manifestes qui ne laissent place à aucun doute sur sa défectuosité. Il s'agit, en somme, de tenir compte de l'équité, du bon sens et de l'intérêt pour la Cour que justice soit rendue : voir Continental Bank Leasing Corp. c. Canada (1993), 93 D.T.C. 298, à la page 302, et Hoechst Marion Roussel Deutchland GmbH c. Adir et Cie (2001), 190 F.T.R. 233, à la page 238. Les modifications que sollicitent en l'espèce les demandeurs, relèvent manifestement des éléments de ce critère. Les modifications sont par conséquent autorisées. Je passe maintenant à la demande de communication des réponses et des documents faisant suite à l'interrogatoire préalable.


Réponses et documents faisant suite à l'interrogatoire préalable

­            Le 24 juin 2002, les demandeurs ont interrogé M. Norman Eden, représentant de Country Park. Des 29 questions restées sans réponse lorsque la présente requête a été déposée, plusieurs ont maintenant été réglées, de sorte qu'il n'en reste plus que neuf. Parmi celles-ci, le document demandé à la question 405 a trait aux taxes frappant les parties communes et il sera remis aux demandeurs dès que l'avocat de la défenderesse l'aura reçu.

­            Bien que j'aie eu l'avantage d'examiner plusieurs éléments de preuve par affidavit, dont des renvois dans la brève argumentation écrite à des affidavits visant les questions posées à l'interrogatoire préalable et restées sans réponse, on ne m'a renvoyé à aucun principe de droit de base qui me permettrait de déterminer à quelles questions posées à l'interrogatoire préalable il y a lieu de fournir une réponse ou quels sont les documents qui doivent être produits. Aussi vais-je énoncer brièvement quelques principes directeurs.

­            La portée de l'interrogatoire préalable est établie à l'article 240 :

240. La personne soumise à un interrogatoire préalable répond, au mieux de sa connaissance et de sa croyance, à toute question qui :

a) soit se rapporte à un fait allégué et non admis dans un acte de procédure déposé par la partie soumise à l'interrogatoire préalable ou par la partie qui interroge;

b) soit concerne le nom ou l'adresse d'une personne, autre qu'un témoin expert, dont il est raisonnable de croire qu'elle a une connaissance d'une question en litige dans l'action.

240. A person being examined for discovery shall answer, to the best of the person's knowledge, information and belief, any question that

(a) is relevant to any unadmitted allegation of fact in a pleading filed by the party being examined or by the examining party; or

(b) concerns the name or address of any person, other than an expert witness, who might reasonably be expected to have knowledge relating to a matter in question in the action.


Comme je l'ai mentionné dans l'arrêt Hayden Manufacturing Co. c. Canplas Industries Ltd. (1998), 83 C.P.R. (3d) 19, aux pages 21 et suivantes, la règle 240 conduit au principe général selon lequel sont légitimes les questions portant sur des sujets qui sont pertinents entre les parties afin d'examiner les allégations qui n'ont pas été admises. Comme je le mentionnais également, dans mon examen de cette question, l'arrêt de principe moderne émanant de notre Cour, portant à la fois sur des questions posées à l'interrogatoire préalable et sur des documents y demandés, demeure la décision Reading & Bates Construction Co. c. Baker Energy Resources Corp. (1988), 25 F.T.R. 226, à la page 230, où sont exposés six principes généraux régissant la portée de l'interrogatoire préalable. Ces six principes, qui régissent la portée de l'interrogatoire préalable, demeurent valables, même si cet arrêt a été rendu avant l'adoption des Règles de la Cour fédérale actuelles, et sont paraphrasés à la page 23 de l'arrêt Hayden Manufacturing (précité) :

i)           Les documents auxquels les parties ont droit sont ceux qui sont pertinents. La pertinence est une question de droit et non de pouvoir discrétionnaire. Pour trancher la question de la pertinence, le critère à appliquer est de savoir si les renseignements obtenus peuvent permettre directement ou indirectement à une partie de faire valoir ses arguments ou de réfuter ceux de son adversaire.

ii)          Le témoin n'est pas tenu de répondre aux questions qui sont trop générales ou sollicitent un avis, ou qui ne font pas l'objet de l'instance.


iii)          L'interrogatoire préalable ne peut porter que sur les questions qui sont pertinentes par rapport aux faits allégués plutôt que par rapport aux faits qu'une partie a l'intention d'établir, de sorte que la pertinence, dans le cadre de l'interrogatoire préalable, limite les questions posées à celles qui tendent à démontrer ou à réfuter des allégations de fait non admis.

iv)         La Cour ne devrait pas obliger la partie interrogée à répondre aux questions qui, bien qu'elles puissent être pertinentes, ne sont pas susceptibles de bénéficier à la cause de la partie qui procède à l'interrogatoire.

v)          Avant d'obliger une personne à répondre à une question à un interrogatoire préalable, la Cour doit apprécier la probabilité de l'utilité de la réponse en fonction du temps, du mal et des frais que nécessite son obtention, ainsi que de la difficulté qu'elle comporte : « La décision doit être raisonnable et équitable, vu les circonstances:.. » (loc. cit.).

vi)         Il faut décourager les recherches à l'aveuglette faites au moyen de questions vagues, d'une grande portée ou non pertinentes.


Ces lignes directrices ou ces restrictions sur les limites raisonnables de l'interrogatoire préalable peuvent être complétées par des gloses sur les principes établis par d'autres arrêts dans ce domaine, y compris celui selon lequel, lorsqu'une question frise la limite, il y a lieu que j'exerce mon pouvoir discrétionnaire en faveur de la partie qui pose la question : Scientific Games Inc. c. Pollard Banknote Ltd. (1997), 73 C.P.R. (3d) 461, à la page 492. De plus, la règle 241 oblige la personne soumise à un interrogatoire préalable à se renseigner auprès des dirigeants, fonctionnaires, agents ou employés actuels ou antérieurs de la partie qui pourraient détenir des renseignements concernant toute question en litige dans l'action. Enfin, la production d'un document ne se mesure pas par rapport à sa grande pertinence ou à sa pertinence marginale, car même un document de pertinence marginale doit être produit. En fait, je soulignerais expressément le point de vue que le conseiller maître Funduck a exprimé dans Clif-Den Holdings Ltd. c. Automated Concrete Ltd. (1986), 73 A.R. 236, cause de l'Alberta : [TRADUCTION] « il est rare que des documents fournis en preuve et qui contiennent de la matière ne soient pas pertinents » . Toutefois, aucune de ces lignes directrices ne devrait être interprétée de manière à permettre un interrogatoire préalable tellement poussé qu'il transforme la procédure en un luxe inabordable obligeant à procéder à un interrogatoire préalable interminable et de portée considérable dont l'utilité s'avère marginale. Ces lignes directrices imposent plutôt des limites à l'interrogatoire préalable. En mentionnant les arrêts précités sur la portée de l'interrogatoire préalable, je n'ai pas ignoré l'arrêt qui fournit le fondement, soit la décision Peruvian Guano : je l'invoquerai et la mentionnerai en temps utile. Je passe maintenant à l'examen de chacune des questions auxquelles réponse n'a pas encore été donnée.


Déclarations antérieures aux sous-baux

­            La question 88 porte sur des renseignements qui devraient être obtenus des personnes qui représentaient la défenderesse avant la passation des sous-baux; cette question vise à déterminer si elles ont affirmé aux demandeurs qu'une évaluation ou plutôt une réévaluation quadriennale ne donnerait jamais lieu à une augmentation supérieure au coût de la vie et/ou que les évaluations quadriennales donneraient lieu à des augmentations minimales. Je crois que les demandeurs n'ont pas compris le libellé de la réponse. Si je peux la paraphraser, la réponse est la suivante : aucun des représentants ou des membres du personnel sur place, auprès de qui M. Eden a pu se renseigner sur la question, ne lui a indiqué avoir fait à l'un quelconque des demandeurs de telles déclarations. Il se pourrait que M. Eden n'ait pas suffisamment étendu son champ de recherche, mais ce n'est pas là l'objet du point litigieux soulevé par les demandeurs. Aussi la réponse à la question 88 suffit-elle.

Remise des documents d'information

­            La question 158 exigeait que l'on se renseigne auprès de quiconque représente les demandeurs pour savoir si elle ou lui se rappelait très bien avoir remis un document d'information à l'un quelconque des demandeurs et, le cas échéant, à qui et quand. La réponse n'indique pas que des recherches ont été effectuées. La réponse est en cela insuffisante. M. Eden devra se renseigner davantage.


Évaluation

­            La question 167 demande la communication d'une évaluation qui a été reçue du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien en 1996 relativement à la négociation du loyer du bail principal. La défenderesse répond qu'elle a bien en main une évaluation du 12 mars 1996, préparée par ARC Apprisal Ltd. à l'intention de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, mais qu'elle n'a pas été produite puisque la question porte sur le juste loyer économique payable en vertu des sous-baux, et, je crois, par extension, que l'évaluation en question se rapportait au bail principal. Les demandeurs répondent qu'ils devraient avoir droit à une production de tous les documents, y compris cette évaluation, car, pour comprendre l'augmentation du loyer au titre des sous-baux en 1996, ils doivent connaître l'augmentation contemporaine du loyer du bail principal, c'est-à-dire que, même si les augmentations des loyers payables au titre des sous-baux et du bail principal peuvent ne pas être identiques, elles devraient se concilier.


­            L'évaluation relève de la catégorie des documents qui peuvent tout au moins avoir une pertinence marginale et permettre directement ou indirectement à une partie soit de plaider sa propre cause, soit de nuire à celle d'un adversaire, ou qui seraient légitimement susceptibles de mener à une série de questions susceptibles d'avoir l'une de ces conséquences, et, ici je renverrais à l'essentiel de la décision rendue dans Compagnie Financiere du Pacique c. Peruvian Guano Co. (1882), 11 Q.B.D. 55 (C.A.), aux pages 62 et 63, et qui commence par le principe qui établit que la partie qui souscrit un affidavit de documents [TRADUCTION] « ... est tenue de soumettre tous les documents en sa possession ou sous son contrôle pertinents à l'affaire en question dans la cause jugée. » Dans cet arrêt, le lord juge Brett, après avoir rejeté une interprétation étroite de la doctrine de la production des documents, a déclaré :

[TRADUCTION] La doctrine me semble aller plus loin que cela et aller aussi loin que le principe que je suis sur le point d'énoncer. À mon avis, un document a trait aux points litigieux de l'action non seulement lorsqu'il constitue une preuve à l'égard de ces points litigieux, mais également lorsqu'on peut raisonnablement supposer qu'il contient des renseignements pouvant -- et non devant -- soit directement, soit indirectement permettre à la partie qui exige l'affidavit ou bien de plaider sa propre cause ou bien de nuire à celle de son adversaire. J'ai dit « soit directement, soit indirectement » parce que, à mon avis, un document peut, à proprement parler, contenir des renseignements pouvant permettre à la partie qui exige l'affidavit soit de plaider sa propre cause, soit de nuire à celle de son adversaire s'il s'agit d'un document susceptible de la lancer dans une enquête et d'entraîner l'une ou l'autre de ces deux conséquences ...

La notion énoncée dans Peruvian Guano, soit celle de plaider sa propre cause ou de nuire à celle de son adversaire, est analogue à la règle 222(2) des Règles de la Cour fédérale, qui exige la production de tout document comme étant pertinent, ou bien si la partie entend l'invoquer, ou bien si le document « ... est susceptible d'être préjudiciable à sa cause ou d'appuyer la cause d'une autre partie » . L'évaluation doit être produite.

Instructions adressées à Fortin Appraisals


­            La question 270 vise une lettre d'instructions adressée à Fortin Appraisals le 11 janvier 2000, soit quelques mois avant l'introduction de la présente action à l'automne de 2001. Rien ne permet de savoir si la lettre a été envoyée par la défenderesse à l'évaluateur, ou si elle a été envoyée par l'avocat de la défenderesse à l'évaluateur. La défenderesse affirme plutôt qu'elle produira la lettre si l'avocat des demandeurs produit la lettre d'instructions qu'il a envoyée à un expert dont les services auraient été retenus pour le compte des demandeurs. Je ne vois pas quel lien il y a ici.

­            La défenderesse ne dit pas que la lettre à l'égard de laquelle un certain privilège est, je pense, revendiqué, a été préparée en prévision du litige. De fait, la lettre aurait été envoyée avant la fixation du loyer en mars 2000, événement qui, semble-t-il, aurait mis en branle le litige.

­            La lettre doit être produite, car la défenderesse ne s'est pas déchargée du fardeau l'obligeant à établir soit que la lettre a été produite en vue du procès, soit dans le but principal du litige envisagé, un procès étant raisonnablement prévisible : ce sont là des critères applicables à la revendication du privilège qui ont été énoncés dans l'arrêt Cie. d'assurance Union Commerciale du Canada, SORL c. M.T. Fishing Co. (1999), 162 F.T.R. 74, aux pages 75 et 76, maintenu au (1999), 244 N.R. 397 (C.A.F.). Par conséquent, la lettre d'instructions adressée à l'évaluateur doit être produite.

États financiers

­            La question 383 demande la production des états financiers de Country Park pour les années 1994 à ce jour, ou, subsidiairement, de 1997 à ce jour. Les demandeurs désirent consulter ces documents afin de déterminer le montant que la défenderesse a comptabilisé à titre de frais au titre du supplément de loyer, ce qui tombe sous le moyen énoncé au paragraphe 26 de la déclaration selon lequel la défenderesse a exigé un montant abusif comme supplément de loyer.


­            La lettre initiale de refus de la défenderesse est si laconique que, sans le bénéfice des documents dont je n'ai pas été saisi, elle ne fait aucun sens. Toutefois, dans une brève argumentation écrite, la défenderesse dit qu'elle a déjà produit ou accepté de produire des « documents sources » et des états des coûts pour la période allant du 1er juin 1998 au 31 mai 2002, mais que le sous-bail ne comporte aucune clause exigeant la production de quelque état financier que ce soit, la production de tels documents dépassant largement les limites de la reddition de comptes à laquelle les demandeurs ont droit en vertu de leurs sous-baux. Par ailleurs, elle ajoute que les demandeurs n'ont pas le droit de faire une incursion inutile dans des affaires commerciales privées.

­            La position de la défenderesse ne tient pas compte du concept de base qui veut que le critère justifiant la production est tout simplement la pertinence, et non le pouvoir discrétionnaire. Le fait que d'autres documents ont été produits ou que les sous-baux n'exigent pas la production des états financiers, pour les besoins d'un litige ou pour toute autre raison, est dépourvu de pertinence. La défenderesse n'a pas le pouvoir discrétionnaire de refuser de produire un document pertinent. Le document sera produit.

Déclarations de revenus


­            La question 384 vise la production des déclarations de revenus de la défenderesse pour les années 1994 à ce jour, ou, subsidiairement, 1997 à ce jour. La première date est pertinente en ce que j'ai autorisé la modification de la déclaration pour remonter jusqu'en 1994. Les demandeurs désirent examiner les documents fiscaux pour déterminer ce que la défenderesse a dépensé et déclaré comme dépenses depuis 1994. Je ne répéterai pas l'analyse que j'ai faite précédemment concernant les états financiers; cependant, cette analyse s'applique également aux déclarations de revenus, lesquelles seront produites.

Vérification des frais accessoires

­            La question 384 porte elle aussi sur la production de documents sources à compter de 1994 jusqu'à ce jour en vue de montrer quelles sommes la défenderesse a consacrées à l'entretien général, à l'assurance, aux services publics, au ramassage des déchets, à la gestion sur place et aux taxes frappant les parties communes. Là encore, ces documents sembleraient être pertinents, tout comme les états financiers et les déclarations de revenus de la défenderesse, aussi seront-ils produits.

Budget consacré aux taxes frappant les parties communes

­            La question 408 porte sur le chiffre budgétaire affecté aux taxes frappant les parties communes. L'avocat de la défenderesse répond qu'il attend une réponse de la cliente, mais qu'il n'est pas convaincu de la pertinence de toute demande portant sur la période antérieure au 1er janvier 1997. La question des taxes frappant les parties communes est litigieuse. Étant donné que la déclaration remonte maintenant à 1994, les documents remontant jusqu'à cette date sont pertinents et doivent être produits.


Dépens

­            Puisque les demandeurs ont obtenu gain de cause sur presque toutes les questions, ils ont droit aux dépens taxables afférents à la présente requête, lesquels seront payables à l'issue du litige.

                                                                                                                                  « John A. Hargrave »     

                                                                                                                                                  Protonotaire            

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 1er août 2002

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         T-1849-01

INTITULÉ DE CAUSE :                                  Ted Aird et al. c. Country Park Village Properties (Mainland) Ltd.

                                                                                   

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Requête présentée par écrit

DATE DE L'AUDIENCE :                              -

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :     Hargrave P.

DATE DES MOTIFS :                                     1er août 2002

COMPARUTIONS:

­                                                                                                       POUR LES DEMANDEURS

­                                                                                                                                                           POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Robertson Downe & Mullally                                                         POUR LES DEMANDEURS

Abbotsford (Colombie-Britannique)

Boughton Peterson Yang Anderson                     POUR LA DÉFENDERESSE

Vancouver (Colombie-Britannique)

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