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     T-2167-93

OTTAWA (ONTARIO), LE 7 MARS 1997

EN PRÉSENCE DE monsieur le juge Nadon

ENTRE :

     AB HASSLE ET ASTRA PHARMA INC.,

     requérantes,

     - et -

     MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL

     et NOVOPHARM LIMITED,

     intimés.

     ORDONNANCE

     LA COUR ORDONNE le rejet de la demande présentée par les requérantes afin d'obtenir contre le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social une ordonnance lui interdisant de délivrer un avis de conformité à Novopharm Ltd. à l'égard du médicament TARTRATE DE MÉTOPROLOL avant l'expiration du brevet canadien portant le numéro 1,293,449.

     Il n'y aura pas d"adjudication des dépens.

                                     MARC NADON
                    
                                     Juge
Traduction certifiée conforme     
                                 Suzanne Bolduc, LL.B.

     T-2167-93

ENTRE :

     AB HASSLE ET ASTRA PHARMA INC.,

     requérantes,

     - et -

     MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL

     et NOVOPHARM LIMITED,

     intimés.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE NADON

     Les requérantes, AB Hassle et Astra Pharma Inc. (Astra), sollicitent contre le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social (le ministre) une ordonnance lui interdisant de délivrer un avis de conformité à Novopharm Ltd. à l'égard du médicament TARTRATE DE MÉTOPROLOL avant l'expiration du brevet canadien portant le numéro 1,293,449 (449). Le ministre et Novopharm sont co-intimés dans la présente demande bien que le ministre n'ait ni comparu ni participé aux procédures.

     Le 28 mars 1991, l'intimée Novopharm a déposé une présentation de drogue nouvelle (PDN) afin d'obtenir du ministre un avis de conformité relativement à des comprimés de 100 mg et de 200 mg de TARTRATE DE MÉTOPROLOL à libération prolongée. Dans sa PDN, Novopharm comparait son produit à la marque de référence existante, c'est-à-dire un comprimé de 200 mg de LOPRESOR SR fabriqué par Ciba-Geigy. Toutefois, Novopharm a rempli par erreur une formule V qui indiquait qu'elle comparait en réalité son produit à des comprimés de 200 mg de BETALOC DURULES fabriqués par Astra. La PDN n'a jamais été modifiée pour y indiquer une substitution des BETALOC DURULES pour la comparaison initiale avec le TARTRATE DE MÉTOPROLOL. Par suite de cette erreur de comparaison avec les BETALOC DURULES, Novopharm a fait parvenir à Astra, en juillet 1993, un avis d'allégation relativement au brevet 449.

     Il convient à ce stade d'exposer la structure générale de la législation en vertu de laquelle la présente demande a été présentée. Le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133, a été pris pour remplacer un système d'octroi de licences obligatoires et pour empêcher la contrefaçon de brevets. Aux termes du Règlement, la " première personne " est celle qui détient un avis de conformité relativement à un produit donné et qui a déjà déposé une liste de brevets à l'égard de cette drogue. La " seconde personne " est celle qui souhaite obtenir un avis de conformité à l'égard de la même drogue ou d'une drogue similaire, et qui présente au ministre une demande d'avis de conformité. Dans sa demande, la seconde personne compare sa drogue à une drogue déjà commercialisée au Canada. Elle doit ensuite faire parvenir au titulaire de chacun des brevets énumérés dans la liste de brevets relative à cette drogue un avis où elle allègue que la nouvelle drogue pour laquelle elle demande un avis de conformité ne contrefera pas leurs brevets respectifs. Sur réception de l'avis d'allégation, la première personne peut demander au tribunal de rendre une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité, empêchant de ce fait la seconde personne de fabriquer la drogue en question. Le motif de cette demande de la première personne doit être que l'allégation d"absence de contrefaçon faite par la seconde personne ne peut pas être démontrée.

     Les dispositions pertinentes du Règlement sont les suivantes :

         4.(1)      La personne qui dépose ou qui, avant la date d'entrée en vigueur du présent règlement, a déposé une demande d'avis de conformité à l'égard d'une drogue qui contient un médicament ou a obtenu un tel avis peut soumettre au ministre une liste de brevets.
         (2)      La liste de brevets visée au paragraphe (1) doit faire l'objet d'une attestation de la personne quant à son exactitude et doit contenir les éléments suivants :
             a) tout brevet canadien dont la personne est propriétaire ou à l'égard duquel elle détient une licence exclusive ou a obtenu le consentement du propriétaire en vue de l'inclure dans la liste et qui comporte une revendication pour le médicament en soi ou une revendication pour l'utilisation du médicament et qu'elle souhaite inclure dans la liste;
         (4)      Sous réserve du paragraphe (5), la personne qui a déposé une demande d'avis de conformité ou qui a obtenu un tel avis avant la date d'entrée en vigueur du présent règlement et qui souhaite soumettre une liste de brevets doit le faire dans les 30 jours suivant cette date.
         5.(1)      Lorsqu'une personne dépose ou, avant la date d'entrée en vigueur du présent règlement, a déposé une demande d'avis de conformité à l'égard d'une drogue et souhaite comparer cette drogue à une drogue qui a été commercialisée au Canada aux termes d'un avis de conformité délivré à la première personne et à l'égard duquel une liste de brevets a été soumise ou qu'elle souhaite faire un renvoi à la drogue citée en second lieu, elle doit indiquer sur sa demande, à l'égard de chaque brevet énuméré dans la liste :
             a) soit une déclaration portant qu'elle accepte que l'avis de conformité ne sera pas délivré avant l'expiration du brevet;
             b) soit une allégation portant que, selon le cas :
                 (i) la déclaration faite par la première personne aux termes de l'alinéa 4(2)b) est fausse,
                 (ii) le brevet est expiré,
                 (iii) le brevet n'est pas valide,
                 (iv) aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l'utilisation du médicament ne seraient contrefaites advenant l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente par elle de la drogue faisant l'objet de la demande d'avis de conformité.
         (3)      Lorsqu'une personne fait une allégation visée à l'alinéa (1)b) ou au paragraphe (2), elle doit :
             a) fournir un énoncé détaillé du droit et des faits sur lesquels elle se fonde;
             b) signifier un avis d'allégation à la première personne et une preuve de cette signification au ministre.
                        
         6.(1)      La première personne peut, dans les 45 jours suivant la signification d'un avis d'allégation aux termes de l'alinéa 5(3)b), demander au tribunal de rendre une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité avant l'expiration de un ou plusieurs des brevets visés par une allégation.
         (2)      Le tribunal rend une ordonnance en vertu du paragraphe (1) à l'égard du brevet visé par une ou plusieurs allégations si elle conclut qu'aucune des allégations n'est fondée.
         7.(1)      Le ministre ne peut délivrer un avis de conformité à la seconde personne avant la plus tardive des dates suivantes :
             a) la date qui suit de 30 jours la date d'entrée en vigueur du présent règlement;
             b) la date à laquelle la seconde personne se conforme à l'article 5;
             c) sous réserve du paragraphe (3), la date d'expiration de tout brevet énuméré dans la liste de brevets qui n'est pas visé par une allégation;
             d) sous réserve du paragraphe (3), la date qui suit de 45 jours la réception de la preuve de signification de l'avis d'allégation visé à l'alinéa 5(3)b) à l'égard de tout brevet énuméré dans la liste de brevets;
             e) sous réserve des paragraphes (2), (3) et (4), la date qui suit de 30 mois la date à laquelle est faite une demande au tribunal visée au paragraphe 6(1);
             f) la date d'expiration de tout brevet faisant l'objet d'une ordonnance rendue aux termes du paragraphe 6(1).
         (3)      Les alinéas (1)c), d) et e) ne s'appliquent pas à l'égard d'un brevet si le propriétaire de celui-ci a consenti à ce que la seconde personne utilise, fabrique, construise ou vende la drogue au Canada.

     En l'espèce, les parties ont suivi la procédure normale jusqu'au dépôt de la demande conformément à l'article 6 du Règlement. Toutefois, le 21 mars 1995, Novopharm a retiré son avis d'allégation et en a avisé le ministre et Astra. Je me trouve donc en présence d'une demande visant à obtenir une ordonnance d'interdiction conformément au paragraphe 6(1) alors que l"absence de contrefaçon n"est plus alléguée. En conséquence, la demande d'avis de conformité de Novopharm est incomplète.

     Deux questions doivent être tranchées en l'espèce. La première est celle de savoir si la Cour a encore compétence malgré le retrait de l'avis d'allégation. La deuxième consiste à déterminer si le retrait de l'avis d'allégation rend toute l'affaire théorique.

COMPÉTENCE

     Au moment où la présente demande a été déposée devant la Cour, il ne faisait aucun doute que la Cour avait compétence conformément à l'article 6, Novopharm ayant fait une allégation à l'égard du brevet 449 conformément à l'alinéa 5(3)b) du Règlement. Toutefois, l'intimée Novopharm a soutenu que le retrait de l'avis d'allégation avait soustrait la présente affaire à la compétence de la Cour. Je ne puis souscrire à un tel argument. La Cour a compétence sur cette question en vertu de l'article 6. L'effet du retrait de l'avis n'est pas expressément prévu dans le Règlement et doit être examiné dans le contexte du présent litige. La Cour conserve donc sa compétence malgré le retrait de l'avis d'allégation.

     C'est ce qui ressort des conclusions de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Pharmacia Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1994), 58 C.P.R. (3d) 207, où la nature de ce genre de procédure ainsi que celle d'un avis d'allégation ont été analysées en détail. Le juge Stone a dit (pour la Cour) à la page 209 :

             Dans l'arrêt Merck, précité [Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1994), 58 C.P.R. (3d) 207], le juge Hugessen, J.C.A., a observé à la page 319 qu'en vertu de l'économie du règlement :" ... c'est la partie qui se pourvoit en justice en application de l'article 6 ... qui doit poursuivre la procédure et assumer la charge de la preuve initiale ".                 

                                     (Je souligne)

         Plus loin, à la même page, le juge Hugessen a remarqué que le règlement permet au ministre de délivrer un avis de conformité "si une demande fondée sur l'article 6 n'est pas intentée dans les délais".                 
             Il nous semble que même si l'avis d'allégation joue un rôle important dans l'issue finale d'un litige de cette nature, ce n'est pas un document au moyen duquel la demande de contrôle judiciaire peut être introduite conformément à l'article 6 du règlement. Ce document a été présenté en guise de preuve par les appelantes; il a pour point de départ la demande déposée auprès du ministre. Parce que ce n'est pas un document qui a été déposé auprès de la Cour, mais auprès du ministre, à notre sens l'avis d'allégation échappe à la compétence de la Cour dans une procédure de contrôle judiciaire. Cela étant, la Cour, selon nous, n'a pas la compétence nécessaire pour radier l'avis d'allégation.                 

     Il est clair que l'existence d'un élément de preuve documentaire n'ajoute ni ne retire rien à la compétence de la Cour.

CARACTÈRE THÉORIQUE

     La question du caractère théorique a été examinée par le juge Sopinka dans l'arrêt Borowski c. Canada (procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342. Dans cet arrêt, le demandeur (appelant) contestait la validité de dispositions du Code criminel en invoquant la Charte. Au moment où la Cour suprême du Canada a été saisie de l'affaire, les dispositions en cause avaient été déclarées inopérantes par l'arrêt de la Cour suprême R. c. Morgentaler, [1988] 1 R.C.S. 30. Le juge Sopinka, qui a rédigé les motifs de la Cour dans l'arrêt Borowski, précité, a décrit le caractère théorique de la manière suivante à la page 353 :

             La doctrine relative au caractère théorique est un des aspects du principe ou de la pratique générale voulant qu'un tribunal peut refuser de juger une affaire qui ne soulève qu'une question hypothétique ou abstraite. Le principe général s'applique quand la décision du tribunal n'aura pas pour effet de résoudre un litige qui a, ou peut avoir, des conséquences sur les droits des parties. Si la décision du tribunal ne doit avoir aucun effet pratique sur ces droits, le tribunal refuse de juger l'affaire. Cet élément essentiel doit être présent non seulement quand l'action ou les procédures sont engagées, mais aussi au moment où le tribunal doit rendre une décision. En conséquence, si, après l'introduction de l'action ou des procédures, surviennent des événements qui modifient les rapports des parties entre elles de sorte qu'il ne reste plus de litige actuel qui puisse modifier les droits des parties, la cause est considérée comme théorique.                 

     Le juge Sopinka a ensuite examiné la démarche que les tribunaux devraient suivre pour déterminer si une question est théorique. Il a écrit ce qui suit (plus loin, aux pages 353 et 354) :

             En premier, il faut se demander si le différend concret et tangible a disparu et si la question est devenue purement théorique. En deuxième lieu, si la réponse à la première question est affirmative, le tribunal décide s'il doit exercer son pouvoir discrétionnaire et entendre l'affaire. [...] Dans l'arrêt The King ex rel. Tolfree v. Clark, [1944] R.C.S. 69 [...] le juge en chef Duff, au nom de la Cour, dit à la p. 72 :                 
         [TRADUCTION] Il s'agit d'une de ces affaires où les circonstances auxquelles les procédures des tribunaux d'instance inférieure se rapportent et sur lesquelles elles sont fondées n'existent plus, le substratum du litige a disparu. Selon les principes reconnus, il n'est plus possible de connaître du pourvoi.                 

     Compte tenu des faits dont j'ai été saisi, je conclus que la présente action est théorique. Astra, en sa qualité de requérante, sollicite une ordonnance d'interdiction contre le ministre. Astra a obtenu la qualité requise pour présenter une telle demande conformément au paragraphe 6(1) parce que Novopharm lui a signifié un avis d'allégation en vertu de l'alinéa 5(3)b) du Règlement. Toutefois, au moment de l'audition de la demande, Novopharm avait retiré cette allégation. L'article 7 du Règlement prévoit que le ministre ne peut délivrer un avis de conformité si un brevet énuméré dans la liste de brevets n'a pas expiré et n'est pas visé par une allégation. En conséquence, si le brevet 449 est énuméré dans la liste, le retrait de l'allégation par Novopharm empêche le ministre de délivrer l'avis de conformité. Une ordonnance de la Cour interdisant au ministre de faire ce qui lui est déjà interdit par le Règlement n'ajouterait rien et est inutile.

     Dans l'affaire AB Hassle c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1995), 62 C.P.R. (3d) 3, mon collègue le juge Richard a dû se prononcer sur une situation analogue à celle dont il est question en l'espèce. Le juge Richard a écrit aux pages 10 et 11 :

         Selon Novopharm, la Cour doit examiner l'ensemble du dossier dont elle est saisie, y compris maintenant l'avis de retrait de l'avis d'allégation de non-contrefaçon. Toutefois, il est également clair d'après le dossier que Novopharm n'a pas retiré la présentation, transmise au Ministre, visant la délivrance d'un avis de conformité pour une drogue nouvelle. Il n'y a non plus aucun élément de preuve indiquant que la présentation de drogue nouvelle a été modifiée de manière à ce que l'allégation qu'elle contenait en soit supprimée. Cependant, à l'audience, l'avocat de Novopharm a confirmé que c'est l'allégation elle-même qui était retirée, et non seulement l'avis.[...] Novopharm a retiré son avis d'allégation, mais rien n'établit que la présentation en soi a été retirée.[...]                 
         Je suis appelé à déterminer si l'allégation de Novopharm est justifiée. Manifestement, je peux présumer qu'elle ne peut être justifiée si l'avis a été retiré. Notre Cour a également le loisir d'interpréter le retrait de l'allégation mais non de la présentation à cette étape des procédures, comme un aveu de la part de Novopharm qu'aucune de ses allégations incluses dans cette présentation transmise au Ministre n'est justifiée.                 

     L'espèce se distingue de l'affaire dont avait été saisi le juge Richard en ce que, dans le cas présent, Novopharm avait fait parvenir à Santé et Bien-être social Canada, le 21 mars 1995, une lettre par laquelle elle retirait son avis d'allégation. Novopharm a ensuite signifié cette lettre à l'avocat des requérantes. Par la suite, le 18 avril 1995, Santé et Bien-être social Canada a écrit à Novopharm pour accuser réception de l"avis de retrait. Compte tenu de la preuve, je ne peux pas tirer les mêmes conclusions que mon collègue le juge Richard en ce qui a trait à l'état de la demande d'avis de conformité. Il suffisait que le ministre accuse réception de la lettre pour que la demande soit modifiée. Compte tenu de cette preuve, je dois conclure que la PDN présentée au ministre par Novopharm n"est plus complète et, en outre, que l'attention du ministre a été attirée sur cette question.

     Le paragraphe 6(2) du Règlement exige que le tribunal rende une ordonnance s'il conclut que les allégations d"un avis d"allégation ne sont pas fondées. Dans l'affaire Hassle , précitée, le juge Richard a considéré que le retrait de l'avis constituait un aveu que les allégations dont il y était question n'étaient pas fondées. Toutefois, il existe en l'espèce des faits convaincants qui expliquent pourquoi l'avis d'allégation a été retiré. Je ne considère pas que le retrait constitue un aveu. Le retrait de l'avis a seulement pour effet de conférer un caractère théorique à la présente action. Si je n'avais pas conclu que l'affaire est théorique, j'aurais considéré, comme l'a fait le juge Richard dans l'affaire Hassle, précitée, qu'aucune des allégations n'était fondée.

     Les faits de la présente espèce se distinguent aussi de ceux dont il était question dans Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (24 février 1997), Toronto, T-1695-95 (C.F. 1re inst.). Dans l'affaire Merck, le juge Rothstein a rejeté une requête interlocutoire visant à obtenir le rejet d'une demande présentée pour obtenir une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité. La requête a été présentée pour le motif que la demande d'interdiction était théorique étant donné le retrait de l'avis d'allégation. Le juge Rothstein a statué qu'il n'avait pas compétence pour rejeter les procédures sur présentation d"une demande interlocutoire à moins que la demande n'ait aucune chance de succès suivant les critères énoncés dans l'affaire Pharmacia Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1994), 58 C.P.R. (3d) 209. Le juge Rothstein a refusé de conclure que tel était le cas d'une demande visant à obtenir une ordonnance d'interdiction lorsqu'il y a retrait de l'avis d'allégation. Toutefois, il a écrit ce qui suit dans le paragraphe final de sa décision :

         [TRADUCTION] Apotex peut, au début des présentes procédures, présenter une requête préliminaire visant à obtenir le rejet de la demande d'interdiction, si elle le désire.                 

     Comme il ne s'agit pas en l'espèce d'une requête interlocutoire mais d'une audience portant sur le bien-fondé de la demande, il m'est loisible de conclure que la demande ne devrait pas être accueillie.

     La deuxième étape examinée dans l'arrêt Borowski, précité, est l'exercice du pouvoir discrétionnaire pour déterminer s'il y a lieu de se prononcer sur le bien-fondé de l'affaire malgré le caractère théorique du " substratum " du litige. Rédigeant les motifs de la décision dans l'arrêt Borowski , le juge Sopinka a déclaré que la doctrine du caractère théorique a trois raisons d'être que le tribunal doit examiner. La première est que notre système judiciaire est un système contradictoire qui requiert donc la participation des parties adverses, mais de manière que toutes les questions en litige et tous les arguments soient débattus. (Voir Borowski, précité, à la p. 358.) Nul doute qu'en l'espèce les parties se considéraient comme des adversaires et, par conséquent, que le bien-fondé de l'affaire a été pleinement examiné.

     La deuxième raison d'être est celle de l'économie des ressources judiciaires. Le juge Sopinka a dit à la page 360 :

         La saine économie des ressources judiciaires n'empêche pas l'utilisation de ces ressources, si limitées soient-elles, à la solution d'un litige théorique, lorsque les circonstances particulières de l'affaire le justifient.                 
         L'économie des ressources judiciaires n'empêche pas non plus d'entendre des affaires devenues théoriques dans les cas où la décision de la cour aura des effets concrets sur les droits des parties même si elle ne résout pas le litige qui a donné naissance à l'action.                 

     Je ne rendrai pas une ordonnance d'interdiction contre le ministre à ce stade parce que cela n'aura aucun effet concret sur les droits des parties, leurs droits et obligations étant clairement précisés dans le Règlement lui-même et une ordonnance d'interdiction n'ajoutant rien à ceux-ci. Rien n'indique que le ministre a l'intention de s'écarter sciemment de la compétence qui lui est conférée par les dispositions de la loi.

     Dans l'affaire Hoffman-La Roche Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1996), 109 F.T.R. 216 confirmée dans (1996) 70 C.P.R. 3(d) 206, madame le juge Reed a dit à la page 231 relativement à un avis d'allégation :

         [L']avis d'allégation fait partie de la présentation de drogue nouvelle qui a été soumise au ministre. Il ne relève pas de l'autorité de la présente Cour. C'est au ministre qu'il appartient de décider si ce document peut être modifié ou retiré, conformément aux règles normalement appliquées aux documents produits dans le cadre d'une présentation de drogue nouvelle, ainsi qu'aux règles normalement appliquées au retrait ou au remplacement de la présentation dans son ensemble.                 

     De telles conclusions concordent avec mon interprétation de l'affaire. Même s'il est évident que, dans l'affaire Hassle, précitée, le juge Richard avait des doutes quant à savoir si l'intimée dans cette affaire solliciterait un avis de conformité même si elle avait retiré l'allégation, je n'ai pas de tels doutes en l'espèce. Je suis convaincu que Novopharm n'a pas l'intention de se comparer au brevet d'Astra mais qu'elle utilise plutôt le brevet détenu par Ciba-Geigy. De plus, si le brevet 449 devait figurer sur la liste de brevets relative au LOPRESOR SR, c'est au ministre qu'il incombe d'examiner cette question. En outre, si Novopharm a fait une comparaison dans sa demande avec la mauvaise drogue, il s'agit aussi d'une question que doit trancher le ministre.

     Il ne reste qu'une seule question en litige, qui mérite quelques commentaires. Novopharm a produit une copie du registre des brevets daté du 29 décembre 1994 et qui contenait un renvoi au brevet 449; toutefois, il s'agissait de SUCCINATE DE MÉTOPROLOL et non de TARTRATE DE MÉTOPROLOL. Les requérantes ont contesté la valeur de cet élément de preuve, mais elles n'ont pas produit de preuves pour établir que le brevet 449 portant sur le TARTRATE DE MÉTOPROLOL figurait en fait dans la liste. Si je n'avais pas conclu que l'affaire dont j'ai été saisi était théorique, j'aurais statué, en me fondant sur la preuve, que le brevet 449 avait été radié de la liste en ce qui concerne LE TARTRATE DE MÉTOPROLOL.

     Les deux parties ont demandé que les dépens leur soient adjugés. L'intimée sollicite ses dépens à partir du moment où elle a retiré son avis d'allégation. Au moment du retrait, l'intimée a informé la requérante qu'elle était disposée à lui payer les dépens de la demande jusqu'à ce stade. Comme la requérante a rejeté cette offre, l'intimée soutient qu'elle devrait avoir droit aux dépens entre parties jusqu'au 15 mai 1996, et aux dépens sur la base des frais entre procureur et client jusqu'au 16 mai 1996. Par contre, la requérante sollicite le remboursement de ses dépens en soutenant qu'il s'agit d'un cas où il devrait y avoir adjudication des dépens en vertu de la règle 1618.


     À mon avis, il n"y a pas lieu en l'espèce d"accorder de dépens à l'une ou l'autre des parties.

     Par ces motifs, la demande est rejetée.

                                     MARC NADON
                    
                                         Juge

Ottawa (Ontario)

7 mars 1997

Traduction certifiée conforme     
                                 Suzanne Bolduc, LL.B.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE:              T-2167-93
INTITULÉ DE LA CAUSE:      Ab Hassle et Astra Pharma Inc.
                     c. Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social
                     et Novopharm Limited
LIEU DE L'AUDIENCE:      Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE:      28 janvier 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE du juge Nadon en date du 7 mars 1997

ONT COMPARU:

M. Gunars Gaikis                  POUR LES REQUÉRANTES
M. Donald Plumley, c.r.              POUR L'INTIMÉE,
Mme Chong                      Novopharm Limited

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:

Smart & Biggar                  POUR LES REQUÉRANTES

Avocats

Toronto (Ontario)     
Ridout & Maybee                  POUR L'INTIMÉE,
Avocats                      Novopharm Limited

Toronto (Ontario)

George Thompson                  POUR L'INTIMÉ,
Sous-procureur général du Canada          Le ministre de la Santé nationale
                         et du Bien-être social
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