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         Date : 20020816

                                                                                                                Dossier : IMM-1397-01

Ottawa (Ontario), le 16 août 2002

EN PRÉSENCE DE Madame le juge Layden-Stevenson

ENTRE :

                                                                            

                                                         EL WALEED HAMED

                                                                                                                                        demandeur

                                                                            et

                                       LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                    ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                         défendeur

ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Carolyn A. Layden-Stevenson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                                                       Date : 20020816

                                                                                                                Dossier : IMM-1397-01

                                                                                              Référence neutre : 2002 CFPI 884

ENTRE :

                                                                            

                                                         EL WALEED HAMED

                                                                                                                                        demandeur

                                                                            et

                                       LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                    ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                         défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LAYDEN-STEVENSON

        Le demandeur conteste, par voie de contrôle judiciaire, la décision par laquelle un agent des visas a refusé la demande qu'il avait présentée en vue de résider en permanence au Canada à titre de membre de la catégorie des immigrants indépendants envisageant d'exercer la profession de recherchiste des politiques économiques (no 4162 de la CNP).


        M. Hamed est né en 1963; il est citoyen du Soudan. Il a obtenu un baccalauréat en économie de l'université du Caire en 1988. Sa soeur habite au Canada. Entre le 1er août 1991 et le 10 février 1997, il travaillait à la Banque du Soudan au sein de la section du contrôle bancaire et de la gestion financière. En 1997, il a commencé à travailler comme chef des ventes pour une société de négoce qui s'occupait de véhicules à moteur.

        Le demandeur a eu une entrevue avec l'agent des visas le 11 novembre 2000; par une lettre en date du 27 janvier 2001, l'agent des visas l'a informé que sa demande avait été refusée pour le motif qu'il n'avait pas obtenu de points d'appréciation à l'égard du facteur « expérience » mentionné à l'annexe I du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, dans sa forme modifiée (le Règlement). En vertu du paragraphe 11(1) du Règlement, le demandeur qui n'obtient aucun point d'appréciation pour l'expérience ne peut pas obtenir un visa. La demande a en outre été refusée parce que le demandeur avait obtenu 68 points d'appréciation seulement. Or, le minimum nécessaire est de 70 points.

        Le demandeur soulève deux questions en ce qui concerne l'erreur alléguée :

[TRADUCTION]

(1)            L'agent a-t-il conclu que le demandeur ne pouvait pas obtenir de points pour l'expérience en sa qualité de recherchiste des politiques économiques sans tenir compte de la preuve?

(2)            L'agent a-t-il commis une erreur en n'attribuant pas de points au demandeur pour le facteur « expérience » même s'il lui avait attribué tous les points à l'égard de la demande dans la profession suivant le facteur professionnel, en sa qualité de recherchiste des politiques économiques?


Dans ses arguments écrits, le demandeur a également allégué qu'une erreur avait été commise à l'égard de l'appréciation de la personnalité, mais à l'audience l'avocate a abandonné cet argument.

Première question


        En ce qui concerne les points d'appréciation attribués pour le facteur « expérience » , le demandeur invoque deux arguments. En premier lieu, il soutient que la décision de l'agent des visas renferme une citation intégrale de l' « énoncé principal » de la description figurant au no 4162 de la CNP de sorte que l'agent a accordé une importance spéciale à l'énoncé. L' « énoncé principal » est destiné à servir de brève description générale et on ne devrait pas lui accorder une importance spéciale. En se fondant sur la décision Hussain c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 159 F.T.R. 203, le demandeur soutient qu'il incombe à l'agent des visas d'apprécier un demandeur conformément à la description de la profession dans son ensemble et que cela inclut la mention particulière des fonctions énoncées dans la description figurant dans la CNP sous le titre « fonctions principales » . En second lieu, le demandeur soutient que la lettre de la Banque du Soudan en date du 18 novembre 2000 établit que certaines des fonctions qu'il exerçait correspondent à celles qui sont énoncées dans la CNP. Dans ses arguments écrits, il a déclaré que les fonctions qu'il exerçait, pendant qu'il travaillait à la banque, correspondaient à trois des dix fonctions énumérées dans la CNP, mais à l'audience ce nombre a été réduit à deux. Le demandeur affirme que l'agent des visas était tenu de s'assurer qu'il avait exercé une partie ou l'ensemble des fonctions énoncées dans la description donnée dans la CNP. La mention [TRADUCTION] d' « une partie ou de l'ensemble des fonctions veut dire que le demandeur exerce plus d'une fonction mais pas nécessairement toutes les fonctions et non simplement les fonctions visées par la description figurant dans l'" énoncé principal ", comme il en est fait mention dans la lettre de refus de l'agent » .


        Le défendeur soutient que dans l'arrêt Lim c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 121 N.R. 241 (C.A.F.), il a été statué que la question de savoir si le demandeur a réellement les compétences requises pour exercer une profession mentionnée dans la CNP est une pure question de fait qui relève entièrement du mandat de l'agent des visas. Le fait que l'agent a mentionné l' « énoncé principal » dans sa lettre de refus ne laisse pas entendre qu'il a accordé énormément d'importance à cette description. L'agent résumait plutôt sa position, à savoir que le demandeur n'exerçait pas un nombre substantiel des fonctions incombant au recherchiste des politiques économiques. De plus, le libellé de l' « énoncé principal » est également le libellé précis de la première fonction principale mentionnée au no 4162 de la CNP. En se fondant sur la décision Farooqui c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 182 F.T.R. 306, le défendeur affirme que les agents des visas ont la discrétion voulue pour interpréter la CNP en accordant plus d'importance à certaines tâches et responsabilités. Le fait qu'il n'est pas nécessaire d'être en mesure d'exécuter toutes les tâches énumérées dans une description figurant dans la CNP ne signifie pas que l'aptitude à exécuter certaines tâches n'est pas un élément essentiel, lorsqu'il s'agit d'effectuer une appréciation professionnelle de la demande. Le demandeur affirme que la lettre de la Banque du Soudan indique les fonctions qu'il exerçait, mais le défendeur soutient que les agents des visas ont la discrétion voulue lorsqu'il s'agit d'interpréter les conditions d'accès à la profession énoncées dans la CNP. Sur ce point, le défendeur mentionne la décision Madan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 172 F.T.R. 262, dans laquelle Monsieur le juge Evans (tel était alors son titre) a dit que les agents des visas devraient avoir une discrétion considérable lorsqu'ils déterminent si le demandeur remplit les conditions d'accès à une profession donnée et lorsqu'ils interprètent les dispositions de la CNP. Les agents des visas connaissent et comprennent ce document, et ce, aussi bien et souvent mieux qu'une cour de révision.


        Dans son affidavit, l'agent des visas déclare qu'il a demandé au demandeur de décrire son expérience professionnelle. M. Hamed a déclaré avoir travaillé comme économiste à la Banque du Soudan pendant plus de six ans. Il a présenté une lettre de la banque dans laquelle il était déclaré qu'il travaillait comme inspecteur dans le domaine du contrôle bancaire et de l'administration financière. Lorsque l'agent des visas a attiré l'attention du demandeur sur la description de travail, ce dernier a déclaré qu'en sa qualité d'inspecteur, il était chargé d'effectuer des recherches en économie et de rédiger des rapports sur les prévisions économiques pour la banque. L'agent a demandé si le demandeur avait des échantillons de son travail, mais celui-ci n'en avait pas. Le demandeur a ensuite présenté à l'agent des visas son curriculum vitae, selon lequel il avait été membre et sténographe d'un comité d'étude technique dans l'exercice de son emploi auprès de la banque. À l'entrevue, le demandeur n'a pas donné d'exemples de son expérience professionnelle démontrant qu'il avait exercé les fonctions principales d'un recherchiste des politiques économiques. Étant donné que l'agent des visas n'était pas convaincu que le demandeur ait eu l'expérience nécessaire, il a demandé une lettre détaillée de l'ancien employeur, décrivant les fonctions exercées, ainsi que certains échantillons de rapports ou de documents de recherche rédigés par le demandeur dans l'exercice de son emploi à la banque. Le demandeur a fourni la lettre de la banque. Il n'y était pas fait mention du fait que le demandeur effectuait des recherches en économie et l'agent a noté que la description des tâches du demandeur, telle qu'elle était donnée dans la lettre, était en toutes lettres identique aux fonctions énumérées dans le curriculum vitae fourni par le demandeur une semaine avant que la lettre soit rédigée. Le demandeur n'a pas fourni les échantillons de rapports et de documents de recherche que l'agent des visas lui avait demandés. L'agent des visas a déclaré qu'il [TRADUCTION] « ne pouvai[t] pas conclure que [le demandeur] avait au moins un an d'expérience en tant que recherchiste des politiques économiques » et il a refusé la demande.


        Je ne suis pas convaincue que l'agent des visas ait commis une erreur en tirant sa conclusion relative aux points d'appréciation attribués pour le facteur « expérience » . Lorsqu'il est tenu compte de la lettre de refus, des notes du STIDI (Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration) et de l'affidavit de l'agent des visas, il est clair que la demande a été refusée parce que l'agent n'était pas convaincu, eu égard à la preuve, que le demandeur avait accompli les tâches qu'il affirmait avoir accomplies selon son curriculum vitae. Plus précisément, son emploi était désigné comme étant un emploi d'inspecteur; ni l'une ni l'autre des deux lettres de la banque n'indiquaient que le demandeur effectuait des recherches en économie; même si on lui avait demandé de fournir des échantillons des rapports ou documents de recherche qu'il affirmait avoir rédigés, le demandeur ne l'a pas fait; ses fonctions à la banque, telles qu'elles sont définies dans la deuxième lettre, étaient identiques aux fonctions que le demandeur lui-même avait énumérées dans son curriculum vitae, qui avait été préparé avant la lettre. Comme il en a déjà été fait mention, le demandeur lui-même a pu affirmer qu'il exerçait uniquement deux des dix fonctions énumérées dans la CNP.


        Il incombe au demandeur de convaincre l'agent des visas du bien-fondé de la demande. En l'espèce, le demandeur, qui n'avait pas réussi à convaincre l'agent à l'entrevue, a eu la possibilité de soumettre des documents additionnels. Or, il n'a pas produit les rapports ou documents demandés. Il appartient à l'agent des visas d'apprécier la preuve et de déterminer l'importance à lui accorder. Je suis d'accord avec les remarques que Madame le juge Dawson a faites dans la décision Farooqui, précitée, à savoir qu'un agent des visas peut à bon droit conclure, en se fondant sur une interprétation large juste de la description figurant dans la [CNP] dans son ensemble qu'une personne n'a pas d'expérience dans une profession donnée. L'agent a pris une décision tout à fait raisonnable eu égard à la preuve mise à sa disposition.

Deuxième question

      Le deuxième motif de contrôle invoqué par le demandeur se rapporte au fait que l'agent des visas aurait commis une erreur en n'attribuant pas de points au demandeur pour le facteur « expérience » , et ce, même s'il lui avait attribué un point pour le facteur « demande dans la profession » en sa qualité de recherchiste des politiques économiques. Le demandeur se fonde sur la décision que Madame le juge Sharlow (tel était alors son titre) a rendue dans l'affaire Dauz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 173 F.T.R. 288, à l'appui de son argument ainsi que sur l'application de cette décision dans Osman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 181 F.T.R. 304 et Kopyl c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 188 F.T.R. 105. Dans la décision Dauz, le fait que l'agente des visas n'avait pas attribué de points pour le facteur « expérience » même si elle avait attribué des points pour le facteur « demande dans la profession » a été jugé abusif étant donné qu'en attribuant des points pour le facteur « demande dans la profession » , l'agente reconnaissait que le demandeur avait une certaine expérience dans la profession. Cela étant, l'agente ne pouvait pas n'attribuer aucun point au demandeur pour le facteur « expérience » .


      Le défendeur soutient qu'il est possible de faire une distinction entre la présente espèce et les affaires mentionnées par le demandeur. Dans ce cas-ci, l'agent des visas admet avoir commis une erreur. Puisqu'il avait conclu que le demandeur n'avait pas d'expérience dans la profession envisagée, l'agent n'aurait pas dû accorder de points pour le facteur professionnel. Dans son affidavit, l'agent des visas a déclaré que le STIDI attribue automatiquement des points pour le facteur « demande dans la profession » lorsque le code de la CNP est entré. Or, l'agent a oublié de modifier le nombre en inscrivant « zéro » au lieu de « un » conformément aux lignes directrices énoncées dans la note de service sur les opérations OP 00-16. Le défendeur soutient que cette erreur, que l'agent des visas a volontiers admise, est le facteur distinctif qui a pour effet de rendre inapplicables les décisions mentionnées par le demandeur. Subsidiairement, le défendeur affirme que si la Cour conclut qu'une erreur susceptible de révision a été commise, cette erreur n'a pas influé sur la décision de refuser de délivrer le visa, de sorte que la Cour devrait refuser d'annuler la décision de l'agent des visas. Le défendeur se fonde sur l'arrêt Patel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2002), 288 N.R. 48 (C.A.F.) à l'appui de l'argument subsidiaire et fait remarquer que toutes les décisions sur lesquelles le demandeur se fonde ont été rendues avant la décision Patel.


      En ce qui concerne l'argument invoqué par le défendeur, je considère que le droit est établi, compte tenu des décisions susmentionnées, et que lorsque l'agent des visas attribue des points d'appréciation pour le facteur « demande dans la profession » et n'attribue pas de points pour le facteur « expérience » , il commet une erreur susceptible de révision. Le défendeur n'a pas réussi à me convaincre du contraire. Toutefois, cela ne règle pas pour autant l'argument subsidiaire invoqué par le défendeur.

      Dans chacune des décisions mentionnées, il existait de l'incertitude au sujet de la façon dont l'agent des visas avait apprécié le facteur « expérience » . Dans chaque cas, le juge n'était pas convaincu que l'agent des visas eût apprécié le facteur « expérience » d'une façon raisonnable. Dans l'affaire Dauz, l'agente des visas disposait de certains éléments de preuve montrant que le demandeur avait une certaine expérience pertinente dans la profession envisagée. Dans l'affaire Kopyl, on a demandé avec instance à la Cour de conclure que l'agente des visas avait régulièrement conclu que le demandeur n'avait pas d'expérience pertinente même si aucun affidavit n'avait été soumis par l'agente des visas. Dans l'affaire Osman, l'argument selon lequel des points étaient automatiquement attribués par le STIDI pour le facteur « demande dans la profession » n'avait pas impressionné Madame le juge Reed. Toutefois, dans l'affaire Osman, une question se posait également au sujet des études requises ainsi qu'au sujet du fait que l'agent des visas avait reconnu que la demanderesse avait de l'expérience dans la profession envisagée.


      Dans ce cas-ci, j'ai minutieusement examiné les documents qui ont été versés dans les dossiers ainsi que les arguments des avocats et j'ai conclu que l'appréciation de l'expérience était raisonnable. Étant donné qu'en vertu du paragraphe 11(1), l'agent des visas ne peut pas délivrer un visa au demandeur qui n'obtient pas au moins un point pour le facteur « expérience » , le demandeur ne peut pas obtenir de visa. Par conséquent, même si une erreur susceptible de révision a été commise au vu de la décision, cette erreur n'influe pas sur le résultat.

      Étant donné que j'ai conclu que l'erreur, bien qu'elle soit susceptible de révision, n'a pas influé sur la décision de refuser de délivrer le visa, je conclus qu'il convient de refuser d'annuler la décision de l'agent des visas. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

      Les avocats n'ont pas proposé de question à certifier, de sorte qu'aucune question n'est certifiée conformément au paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration.

« Carolyn A. Layden-Stevenson »

Juge

Ottawa (Ontario)

le 16 août 2002

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                               IMM-1397-01

INTITULÉ :                                                              EL WALEED HAMED

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

DATE DE L'AUDIENCE :                                    le 13 août 2002

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      Toronto (Ontario)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                      Madame le juge Layden-Stevenson

DATE DES MOTIFS :                                           le 16 août 2002

COMPARUTIONS:

Mme Meerai Cho                                                         POUR LE DEMANDEUR

Avocate

Toronto (Ontario)

M. Marcel Larouche                                                   POUR LE DÉFENDEUR

Ministère de la Justice

Toronto (Ontario)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

M. Harvey Savage                                                     POUR LE DEMANDEUR

Avocat

Toronto (Ontario)                                                       

M. Morris Rosenberg                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada                         

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