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Date : 20010706

Dossier : IMM-4497-99

Référence neutre : 2001 CFPI 776

ENTRE :

                                                    ROUSKO VALTCHEV

demandeur

- et -

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE MULDOON

1. Introduction

[1]                 La Cour est saisie d'une demande présentée en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, modifiée, en vue d'obtenir le contrôle judiciaire d'une décision en date du 11 août 1999 par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (le tribunal) a refusé de reconnaître au demandeur le statut de réfugié au sens de la Convention.


2. Exposé des faits

[2]                 Le tribunal a résumé la revendication du statut de réfugié du demandeur à partir de la page 1 de la décision :

[TRADUCTION]

CONTEXTE

Le revendicateur est un homme marié de 51 ans. Il est citoyen de la Bulgarie. Sa femme, un fils et une fille vivent toujours en Bulgarie.

[...]

RÉSUMÉ DES ALLÉGATIONS DU REVENDICATEUR

Le revendicateur est né à Haskovo, en Bulgarie, en 1948. Il a fréquenté l'école pendant onze ans et a reçu une formation pour travailler comme machiniste.

Le revendicateur allègue qu'il est d'origine ethnique tzigane (Rom). Au cours de son enfance et de son adolescence, il a été constamment victime de discrimination et de harcèlement en raison de ses origines romes. Il affirme que, lors de son service militaire obligatoire, entre 1967 et 1969, c'est à lui, et non aux Bulgares de souche, qu'on confiait les besognes les plus viles et les plus ardues. Il a été confronté aux mêmes problèmes au travail, où il a constaté que les emplois les plus difficiles, les plus salissants et les plus précaires lui étaient confiés à lui ainsi qu'à d'autres Roms plutôt qu'à des Bulgares de souche. Pendant une vingtaine d'années, le revendicateur a travaillé dans le domaine de la construction et comme nettoyeur et a fait l'objet de mises à pied et de déplacements constants.

Au cours de l'hiver 1989, lui et les membres de sa famille ont été expulsés du logement qu'ils occupaient à Sofia et ont littéralement été jetés à la rue. Au cours des quelques années qui ont suivi, ils ont vécu dans une baraque en bois et ce n'est qu'en mars 1993 que la famille a réussi à obtenir un logement convenable dans un immeuble résidentiel acceptable. Toutefois, dès le moment où ils se sont installés dans leur nouveau logement, ils ont été en butte au mécontentement et à l'hostilité de leurs voisins en raison de leurs origines ethniques romes. Moins d'une année après avoir emménagé dans leur nouvel appartement, ils ont reçu un avis d'expulsion. Le revendicateur et les membres de sa famille ont décidé de refuser d'obtempérer à cet ordre. Des voisins ont mis le feu à des menuiseries de l'immeuble et en ont imputé la responsabilité à la famille du revendicateur (et notamment à sa mère). La mère du revendicateur a ensuite été signalée aux autorités au motif qu'elle était sénile et elle a été internée de force dans un hôpital psychiatrique où elle a été maltraitée et est tombée malade. Le revendicateur a écrit aux autorités sanitaires pour protester contre la situation de sa mère, à la suite de quoi la police a commencé à le persécuter. On l'a empêché de se rendre au chevet de sa mère mourante. Le revendicateur a porté plainte par écrit devant le ministre de la Santé, à la suite de quoi des policiers se sont rendus chez lui, ont perquisitionné dans sa maison et l'ont arrêté. Il a été détenu par la police pendant deux nuits, a été battu et a été forcé de déchirer sa plainte avant d'être remis en liberté.


Le revendicateur a réclamé l'aide d'un parti politique rom mais a constaté que celui-ci était impuissant à lui venir en aide. Au cours de l'hiver 1994-1995, le revendicateur s'est caché dans le village de Turnovo alors qu'il travaillait dans la région. La police l'a toutefois découvert et, alors qu'il travaillait au chantier, des policiers l'ont saisi et l'ont forcé à monter à bord d'une voiture en direction de Sofia. En route, ses ravisseurs l'ont frappé à plusieurs reprises en lui disant qu'ils finiraient par « le ramener à la raison par la manière forte » . À son arrivée à Sofia, il a été traduit devant un procureur qui lui a demandé de signer une déclaration portant qu'il renonçait de son plein gré à son appartement. On lui a dit que s'il collaborait, on lui trouverait un autre appartement pour lui et pour sa famille, mais que s'il résistait, lui et sa famille seraient expulsés par la force. Le revendicateur a déclaré qu'il ne signerait pas la déclaration avant d'avoir eu l'occasion de discuter de la question avec les membres de sa famille. Sur ce, le procureur s'est mis en fureur et a commencé à le frapper. Il a ensuite pris un mandat d'arrestation qu'il a signifié au revendicateur. Le revendicateur a été emmené dans une cellule où on l'a invité à « réfléchir » . Au cours de la nuit, il a été conduit à une autre cellule qui était occupée par trois autres hommes. Le lendemain matin, les trois hommes ont été remis en liberté mais le revendicateur a été gardé sur place. Le procureur est venu lui rendre visite pour savoir s'il avait « changé d'idée » . Le procureur a proféré de nombreuses menaces à l'endroit du revendicateur et l'a relâché après lui avoir fait signer une assignation en blanc lui donnant ordre de comparaître devant le tribunal en juin ou en juillet 1995.

Alors que le revendicateur sortait de l'immeuble où il était détenu, quatre hommes ont bondi sur lui et l'ont forcé à monter à bord d'une voiture. Le revendicateur a été conduit à un endroit situé à l'extérieur de Sofia. Il a reconnu trois des quatre hommes en question comme étant ses anciens compagnons de cellule. Ils avaient en leur possession la déclaration que le procureur lui avait auparavant demandé de signer. Le revendicateur a été détenu pendant trois jours et trois nuits au cours desquels il a été battu et menacé. La troisième nuit, il a réussi à soudoyer le quatrième homme (qui était alors le seul gardien) et à s'échapper.

Le revendicateur a immédiatement téléphoné à sa femme, qui l'a informé que son équipe de travail au chantier de construction s'apprêtait à quitter la Bulgarie pour une affectation à Samara, en Russie. Le revendicateur a fait le nécessaire pour y rejoindre son équipe et, le 12 août 1995, il s'est rendu à Samara. La police a toutefois appris où il se trouvait et a demandé à la société pour laquelle il travaillait de le faire rentrer en Bulgarie. À son retour à Sofia, la police a essayé une fois de plus de forcer le revendicateur et sa famille à quitter leur appartement. Pour y parvenir, ils ont forcé le revendicateur à se rendre continuellement au poste de police et ont harcelé sans répit les autres membres de sa famille.

Juste avant Pâques, en avril 1996, la police a fait une rafle à l'appartement du revendicateur alors que ce dernier était temporairement absent. Ils ont fouillé partout, laissant les membres de sa famille en état de choc. Ils ont ensuite produit un « protocole » pour justifier la perquisition et ont forcé la femme du revendicateur à le signer. Ils ont également informé la femme du revendicateur que, si elle voulait demeurer en vie, elle ferait bien de quitter le revendicateur.

Peu de temps après cet épisode, le revendicateur a de nouveau été arrêté et emmené au poste de police, où on lui a demandé de signer une déclaration par laquelle il renonçait volontairement à son appartement. Il a refusé d'obtempérer. Il a de nouveau été envoyé dans une cellule où il a été détenu pour la nuit. Le lendemain, on a de nouveau essayé de le faire signer, mais il a refusé. Il a finalement été remis en liberté après qu'une assignation lui eut été délivrée à lui et à sa famille.


Le revendicateur a essayé de consulter un avocat, mais n'a pas réussi tout de suite à en trouver un parce qu'il était un Tzigane. Il a également demandé l'aide d'un représentant parlementaire rom nommé Manush Romanov. Après avoir discuté en détail de ses problèmes avec M. Romanov, le revendicateur a conclu que, même si M. Romanov était peut-être en mesure de l'aider à se trouver un autre appartement, il était impuissant à réparer les torts qu'il avait déjà subis et qu'il ne pouvait pas dissiper ses craintes et ses insécurités plus générales.

Le revendicateur a décidé qu'il lui fallait quitter le pays pour sauvegarder sa sécurité. Il voulait demander asile au Canada, mais il n'y avait pas d'ambassade canadienne permanente à Sofia et il craignait d'avoir de la difficulté à obtenir un visa canadien. Il a donc décidé de se rendre aux États-Unis et a obtenu un visa américain à Sofia le 7 août 1996.

Le revendicateur est entré aux États-Unis et s'est rendu à Las Vegas où il a vécu et travaillé jusqu'en décembre 1996. Il n'a pas demandé l'asile aux États-Unis, mais s'est plutôt dirigé vers le nord en compagnie de quelques autres ressortissants bulgares. Il est arrivé à Douglas, en Colombie-Britannique, et est entré au Canada le 6 décembre 1996. Il a revendiqué le statut de réfugié à son arrivée.

[3]                 Le tribunal a conclu qu'il était peu probable que le demandeur soit un Rom. À titre subsidiaire, le tribunal a statué que, si le demandeur était un Rom, ses caractéristiques personnelles, en particulier sa physionomie et le fait qu'il s'était intégré à la population bulgare, ramenaient ses risques de persécution à une simple possibilité. Le tribunal a également estiméque le demandeur n'était ni fiable ni digne de foi et a statuéqu'il avait quittéla Bulgarie pour des raisons d'ordre économique et non parce qu'il craignait d'être persécuté.

3. Questions en litige

a.        Le tribunal a-t-il commis une erreur dans son appréciation de la crédibilité du demandeur ?

b.        Le tribunal a-t-il commis une erreur dans son appréciation des origines ethniques du demandeur ?

c.         Le tribunal a-t-il commis une erreur dans son appréciation du temps que le demandeur a laissé s'écouler avant de revendiquer le statut de réfugié ?

d.        Le tribunal a-t-il suscité une crainte raisonnable de partialité envers le demandeur?


4. Crédibilité

[4]                 Le tribunal a estimé, à la page 5 de sa décision, que les questions pertinentes en l'espèce étaient celles des origines ethniques du revendicateur, de sa crédibilité et de son défaut d'avoir présenté sa revendication ailleurs. Bien que le tribunal ait analysé chaque question séparément, sa conclusion que le demandeur n'était pas crédible imprégnait toute son analyse. Ainsi, lorsqu'il a discuté des origines ethniques du demandeur, le tribunal a conclu, à la page 6 que [TRADUCTION] « le récit de la persécution donné par le revendicateur n'est pas crédible et il est par conséquent difficile d'aborder la question de ses présumées origines ethniques sans une forte dose de scepticisme » . Au sujet du défaut du revendicateur de revendiquer aux États-Unis le statut de réfugié au sens de la Convention, le tribunal a déclaré, à la page 15 : [TRADUCTION] « Le tribunal estime que les explications fournies par le revendicateur au sujet de son séjour aux États-Unis ne sont pas crédibles » , et a ajouté, à la page 16 que [TRADUCTION] « lorsqu'on ajoute le temps qu'il a laissé s'écouler avant de revendiquer le statut de réfugié aux autres éléments de son récit qui manquent fortement de vraisemblance, force est de constater qu'on a affaire à un témoin opportuniste et peu digne de foi » .

[5]                 Les questions de crédibilité relèvent de la compétence du tribunal administratif en sa qualité d'arbitre des faits pour tout ce qui concerne les revendications du statut de réfugié au sens de la Convention, et la cour qui est saisie d'une demande de contrôle judiciaire devrait hésiter à intervenir. La cour a cependant le devoir d'intervenir si les conclusions tirées par le tribunal administratif au sujet de la crédibilité sont manifestement déraisonnables ou si elles sont fondées sur des conclusions de faits erronées que le tribunal a tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il disposait. Pour les motifs qui suivent, la Cour conclut qu'il y a lieu d'intervenir en l'espèce.


Présomption de véracité et vraisemblance

[6]                 Le tribunal a fait allusion au principe posé dans l'arrêt Maldonado c. M.E.I., [1980] 2 C.F. 302 (C.A.), à la page 305, suivant lequel lorsqu'un revendicateur du statut de réfugié affirme la véracité de certaines allégations, ces allégations sont présumées véridiques sauf s'il existe des raisons de douter de leur véracité. Le tribunal n'a cependant pas appliqué le principe dégagé dans l'arrêt Maldonado au demandeur et a écarté son témoignage à plusieurs reprises en répétant qu'il lui apparaissait en grande partie invraisemblable. Qui plus est, le tribunal a substitué à plusieurs reprises sa propre version des faits à celle du demandeur sans invoquer d'éléments de preuve pour justifier ses conclusions.

[7]                 Un tribunal administratif peut tirer des conclusions défavorables au sujet de la vraisemblance de la version des faits relatée par le revendicateur, à condition que les inférences qu'il tire soient raisonnables. Le tribunal administratif ne peut cependant conclure à l'invraisemblance que dans les cas les plus évidents, c'est-à-dire que si les faits articulés débordent le cadre de ce à quoi on peut logiquement s'attendre ou si la preuve documentaire démontre que les événements ne pouvaient pas se produire comme le revendicateur le prétend. Le tribunal doit être prudent lorsqu'il fonde sa décision sur le manque de vraisemblance, car les revendicateurs proviennent de cultures diverses et que des actes qui semblent peu plausibles lorsqu'on les juge en fonction des normes canadiennes peuvent être plausibles lorsqu'on les considère en fonction du milieu dont provient le revendicateur [voir L. Waldman, Immigration Law and Practice (Markham, ON, Butterworths, 1992) à la page 8.22].

[8]                 Dans le jugement Leung c. M.E.I., (1994), 81 F.T.R. 303 (C.F. 1re inst.), voici ce que le juge en chef adjoint Jerome déclare à la page 307 :


[14] [...] Néanmoins, la Commission est clairement tenue de justifier ses conclusions sur la crédibilité en faisant expressément et clairement état des éléments de preuve.

[15] Cette obligation devient particulièrement importante dans des cas tels que l'espèce où la Commission a fondé sa conclusion de non-crédibilité sur des « invraisemblances » présumées dans les histoires des demanderesses plutôt que sur des inconsistances [sic] et des contradictions internes dans leur récit ou dans leur comportement lors de leur témoignage. Les conclusions d'invraisemblance sont en soi des évaluations subjectives qui dépendent largement de l'idée que les membres individuels de la Commission se font de ce qui constitue un comportement sensé. En conséquence, on peut évaluer l'à-propos d'une décision particulière seulement si la décision de la Commission relève clairement tous les faits qui sous-tendent ses conclusions [...] La Commission aura donc tort de ne pas faire état des éléments de preuve pertinents qui pourraient éventuellement réfuter ses conclusions d'invraisemblance.

(Non souligné dans l'original.)

[9]                 Dans le jugement Bains c. M.E.I., (1993), 63 F.T.R. 312 (C.F. 1re inst.) à la page 314, le juge Cullen a annulé la décision du tribunal après avoir conclu que celui-ci avait commis une erreur parce que les conclusions qu'il avait tirées au sujet de la vraisemblance ne reposaient pas sur la preuve documentaire et parce qu'elles étaient fondées sur des critères canadiens :

[4] [...] Or, en se prononçant sur la vraisemblance ou l'invraisemblance de la situation décrite, la Section du statut n'a fait aucune mention des preuves documentaires déposées à l'appui du requérant, et notamment des rapports d'Amnistie internationale. D'après ces rapports, les événements racontés par le requérant n'étaient pas particulièrement rares et le harcèlement constant des membres ou des anciens membres de l'Akali Dal était la règle et non pas l'exception. J'estime donc que le fait de ne pas avoir évoqué ces éléments du dossier, soit pour les admettre, soit pour les réfuter, ébranle singulièrement la décision et les conclusions de la Section du statut. J'ajoute que les dires du requérant sont parfaitement conformes aux preuves documentaires figurant au dossier, qui sont sans doute les seules informations susceptibles d'appuyer l'argument du requérant et qui constituent le seul élément permettant de juger de la vraisemblance de ses déclarations. Cette preuve documentaire est le seul indice de la manière dont les autorités indiennes se comportaient vis-à-vis des Sikhs et, selon ces mêmes rapports, ce genre d'incident était « chose commune » .

[5] Il est possible que les événements décrits par le requérant aient pu paraître invraisemblables à la Section du statut, et que le témoignage du requérant ait pu donc sembler peu digne de foi mais, ainsi que l'a fait remarquer l'avocat du requérant [TRADUCTION] « Les critères canadiens cadrent mal avec la réalité indienne » . Malheureusement, la torture existe, ainsi qu'existent aussi l'exploitation et la vengeance qui, souvent, mènent au meurtre.

(Non souligné dans l'original.)


[10]            Le demandeur soutenait que la police bulgare et les fonctionnaires municipaux cherchaient à les évincer lui et les membres de sa famille de leur appartement de Sofia parce qu'ils étaient des Roms. Il a témoigné qu'il n'était pas disposéà quitter son appartement parce lui et sa famille avaient déjà été expulsés et avaient dûattendre quatre ans pour obtenir un nouveau logement. Le demandeur a témoigné qu'à la suite d'une tentative d'expulsion, sa mère avait été internée à tort dans un hôpital psychiatrique oùelle était morte et qu'il avait été enlevé, sauvagement battu, emprisonné illégalement et rappelé d'une affectation de travail à l'étranger, en Russie. Il a également déclaré que son appartement avait été fouillé de fond en combles, que des membres de sa famille avaient été interrogés à plusieurs reprises et que les démarches entreprises par son avocat pour obtenir justice avaient été vaines. Pendant tout ce temps, on tentait constamment de contraindre le demandeur à signer une déclaration aux termes de laquelle il aurait renoncé de son plein gré à son logement alors que des démarches étaient entreprises parallèlement en vue de saisir des copies de toutes les plaintes que le demandeur avaient adressées à divers fonctionnaires gouvernementaux.

[11]            Malgré ces faits, le tribunal a conclu que le témoignage du demandeur n'était pas entièrement crédible, parce que le tribunal jugeait son récit invraisemblable. Par exemple, au sujet du témoignage du demandeur suivant lequel on faisait pression sur lui pour qu'il signe une formule qui aurait mis fin à son bail, le tribunal a posé la question théorique suivante à la page 11 :

[TRADUCTION]

[...]Pourquoi un régime foncièrement arbitraire et anarchique au point de battre et d'enlever à maintes reprises le revendicateur aurait-il pris le soin de lui demander de renoncer par écrit à son appartement, ou lui aurait-il demandéde remplir ses propres assignations et subpoenas? C'est tout à fait illogique [...]

(Non soulignédans l'original.)

Le tribunal n'appliquait-il pas à tort des critères canadiens?


[12]            Et, à la page 12, au sujet des nombreuses perquisitions effectuées au domicile du demandeur, le tribunal continue en disant ce qui suit :

[TRADUCTION]

[...] C'est tout à fait illogique. Pas plus d'ailleurs que la rafle effectuée à son domicile à Pâques 1996 en vue de saisir des copies des lettres qu'il avait déjà envoyées à divers ministres et ministères du gouvernement bulgare. Après tout, le revendicateur n'avait pas en sa possession des renseignements confidentiels ou privés et il n'était pas au courant de secrets qui, s'ils étaient rendus publics, auraient constituédes révélations gênantes pour l'État. Les seuls documents qui se trouvaient en sa possession étaient des copies de sa propre correspondance. Lorsqu'on lui a demandé pourquoi les autorités bulgares se donneraient tant de mal pour donner une apparence de légalité aux mesures prises pour l'expulser, il a répondu que, s'ils n'agissaient pas avec prudence pour l'expulser, ils risquaient de faire face à « une révolte de Roms » . Il a ajoutéqu'il était en rapport avec un député rom du nom de Manush Romanov et qu'il avait entrepris des démarches en vue de retenir les services d'un avocat. Ces propos, qui impliquent que le gouvernement bulgare craignait de se mettre à dos la communautérome, contredisent tout à fait une foule d'autres déclarations du revendicateur suivant lesquelles l'État bulgare était entièrement indifférent face à la situation de la communauté rome et qu'il se fichait éperdument du bien-être général de ce groupe. D'ailleurs, si on la prend au pied de la lettre, cette observation frise l'absurde. En effet, si l'État bulgare désirait avoir l'air scrupuleusement respectueux de la loi en ce qui concerne l'ordre d'expulsion par crainte de la colère des Roms, pourquoi le même État enlèverait-il et brutaliserait-il le revendicateur et les membres de sa famille? Une expulsion « légale » donne-t-elle une meilleure « image » que le kidnappage, la terreur et la brutalitéphysique?

(Non soulignédans l'original.)


[13]            Tout au long de sa décision, le tribunal invite le demandeur à expliquer les agissements des autorités pour ensuite rejeter catégoriquement ses réponses. Le demandeur a témoigné que les fonctionnaires avaient tenté de l'expulser parce que sa famille était rome et, comme on le verra, il y avait des éléments de preuve qui appuyaient cette prétention. Que pouvait-il dire de plus? Le tribunal a lui-même traité, à partir de la page 16 de sa décision, de la discrimination et de la persécution systématiques dont les Roms sont victimes en Bulgarie, ce qui ne l'a pas empêché de rejeter l'explication du demandeur suivant laquelle on faisait pression sur lui pour qu'il signe un document qui l'obligerait à quitter son appartement parce qu'il était un Rom. On ne peut comprendre comment le tribunal pouvait s'attendre à ce que le demandeur explique de façon logique les agissements illogiques des autorités. Il n'était pas invraisemblable que les autorités aient besoin de sa signature pour résilier le bail, mais, sans éléments de preuve appuyant ses conclusions, le tribunal n'était pas en mesure de contredire le témoignage du demandeur.

[14]            Après avoir rejeté le témoignage du demandeur, le tribunal a proposé sa propre version des faits à la page 12 :

[TRADUCTION]

Le tribunal estime que l'explication la plus plausible est que les problèmes du revendicateur sont probablement attribuables à la détérioration de l'état de santémentale de sa mère, qui avait dégéné réau point oùelle était devenue un danger pour elle-même et pour ses voisins. C'est ce qui expliquerait l'épisode de l' « incendie » qui a vraisemblablement conduit à l'hospitalisation de la mère du revendicateur. Le tribunal est d'avis qu'il est inconcevable qu'un voisin ait pu délibéré ment déclencher un incendie dans le but d'accuser à tort la mère du revendicateur. Pourquoi une personne mettrait-elle en danger sa propre vie ou celle de ses voisins en agissant d'une manière aussi insensée? Pourquoi aurait-elle eu à agir de la sorte si les préjugés dont cette famille rome faisait l'objet dans cet immeuble étaient à ce point forts pour que l'expulsion ait lieu pour cette seule raison? De plus, le tribunal estime probable que les accusations excessives (voire diffamatoires) que le revendicateur a formulées au sujet de l'hospitalisation et de la mort de sa mère dans les lettres virulentes qu'il a adressées aux ministres aient ouvert la voie à d'autres conflits avec ses voisins et les fonctionnaires municipaux.

(Non souligné dans l'original.)


[15]            Ce passage soulève trois problèmes. Premièrement, le tribunal pose en principe que le conflit que le demandeur a eu avec les autorités du service de l'urbanisme et du logement a été déclenché par l'état de santé mentale de sa mère, qui avait dégénéré au point où elle était devenue un danger pour elle-même et pour ses voisins. Il n'y a aucun élément de preuve qui appuie cette conclusion, qui ne constitue que de la pure conjecture de la part du tribunal. Deuxièmement, le tribunal a conclu que le récit du demandeur était invraisemblable en affirmant, en l'absence de toute preuve en ce sens, qu'il ne pouvait croire qu'un voisin aurait délibérément allumé un incendie dans le but d'accuser à tort la mère du revendicateur. Finalement, le tribunal reproche à tort au demandeur sa situation difficile au motif que les plaintes que celui-ci a portées devant les autorités au sujet des traitements subis par sa mère étaient excessives et diffamatoires et ont ouvert la voie à d'autres différends. S'attendait-on à ce que le demandeur accepte son sort sans regimber et à ce qu'il laisse un membre de sa famille partir sans dire un mot? Adresser des reproches au requérant témoigne d'une insensibilité, voire d'un parti pris de la part du tribunal.

[16]            Le tribunal conteste de nouveau la vraisemblance du témoignage du demandeur à la page 14 où il lui demande d'expliquer les agissements des autorités qui ont interrogé ses enfants et où il rejette une fois de plus sa réponse :

[TRADUCTION]

On lui a demandé où il croyait que les autorités voulaient en venir en interrogeant sa fille. Il a répondu que le procureur avait insisté pour qu'elle « signe un document » . Le revendicateur était-il au courant de la teneur de ce document? Il a témoigné que ni lui ni sa fille ne le savaient et que de toute façon, ils n'en avaient pas vraiment discuté. Après avoir précisé que les membres de sa famille étaient ses codéfendeurs et que toute la persécution avait été « reportée sur la personne de mon fils » , le revendicateur s'est fait demander si des mesures avaient été prises pour les expulser depuis son départ.

(Non souligné dans l'original.)

[17]            Le tribunal n'a pas appliquéau demandeur le principe posé dans l'arrêt Maldonado, précité. Le tribunal a écarté à tort le témoignage vraisemblable du demandeur et a imposé sa propre version des faits sans disposer d'éléments de preuve justifiant ses conclusions. Finalement, le tribunal a agi de façon abusive en reprochant au demandeur de s'être plaint à des fonctionnaires de l'expulsion forcée de sa mère de son appartement, sous-entendant de ce fait qu'il était responsable de ses propres malheurs.

Erreurs de fait et mauvaise appréciation de la preuve


[18]            Dans son analyse de la crédibilité du demandeur, le tribunal a omis des éléments de preuve qui appuyaient la revendication du demandeur. Ainsi, à la page 13, le tribunal souligne qu'il a invité le demandeur à expliquer comment ses voisins avaient découvert que lui et les membres de sa famille étaient des Roms. Le demandeur a répondu qu'on trouvait dans chaque immeuble d'habitation un registre dans lequel les familles devaient préciser leurs origines ethniques. L'avocat du demandeur a soumis au tribunal un extrait de ce registre le 24 septembre 1998. Voici ce que le tribunal a déclaré au sujet de cet élément de preuve :

[TRADUCTION]

Le tribunal constate qu'il n'est nullement fait mention des origines ethniques du revendicateur ou des membres de sa famille sur la fiche en question, qui date du 26 avril 1993, et qu'il n'est pas indiquéque la mère du revendicateur ou son fils (alors âgé de 22 ans) sont des résidents et ce, malgréle fait que le revendicateur ait témoigné qu'ils faisaient alors tous partie de son ménage. Le tribunal juge non crédible l'affirmation du revendicateur suivant laquelle ses voisins ont découvert ses origines romes en consultant le registre de l'immeuble.

(Non souligné dans l'original.)

[19]            Le tribunal a commis une erreur lorsqu'il a déclaré qu'il n'y avait aucune allusion aux origines ethniques du revendicateur ou des membres de sa famille dans la fiche. En fait, la fiche d'adresse porte clairement la mention « famille rome » dans le coin supérieur gauche (voir page 173 du dossier du Tribunal). Compte tenu de l'importance que revêtaient les origines ethniques du demandeur aux yeux du

tribunal, il s'agit là d'une grave omission.

[20]            Le tribunal a ensuite commis une erreur dans son appréciation du témoignage du demandeur en ce qui concerne l'interrogatoire subi par ses enfants. Le demandeur avait en effet témoigné qu'avant son départ de Bulgarie, ses enfants mineurs avaient été interrogés par des procureurs et que ni lui ni son avocat n'avaient été autorisés à consulter le procès-verbal de ces interrogatoires. Le demandeur a précisé qu'il avait engagé un avocat pour défendre ses intérêts. Voici ce que le tribunal a déclaré au sujet de ce témoignage à la page 14 :

[TRADUCTION]


Le tribunal a fait remarquer que le fils du revendicateur était en fait âgé de 25 ans en 1996 et qu'il n'était donc pas un mineur au sens de la loi. Le revendicateur n'a rien répondu à cette remarque.

(Non souligné dans l'original.)

[21]            On trouve toutefois l'échange suivant à la page 29 de la transcription des débats :

[TRADUCTION]

Président de l'audience : Monsieur, la question était la suivante : qu'est-ce que l'avocat allait faire pour vos enfants? Vous nous avez déjà tout dit cela.

R. Un avocat qui était censé représenter et défendre mes enfants parce qu'ils sont mineurs et suivant la loi, tout comme ma fille est mineure, il doit y avoir un avocat et la mère doit être présente aussi ou...

[...]

Président de l'audience : Je ne veux pas poser de questions pendant que... pendant que vous l'interrogez, mais il faut que je vous le demande. Je ne comprends pas. Votre fils a aujourd'hui 28 ans.

R. Oui.

Président de l'audience : Il n'était pas un mineur lorsque ces événements sont survenus.

R. Je parlais de ma fille mineure.

(Non souligné dans l'original.)

[22]            Le tribunal a commis deux erreurs dans son appréciation de la preuve : premièrement, le demandeur a effectivement répondu et, en second lieu, il a bien précisé qu'il parlait de sa fille, qui était mineure au moment de l'interrogatoire. La façon dont le tribunal parle du demandeur amène le lecteur ordinaire à conclure que le demandeur n'est pas crédible, malgré le fait que c'est le tribunal qui s'est mépris en relatant son témoignage.

Comportement du demandeur


[23]            À la page 10 de sa décision, le tribunal évalue le comportement du demandeur lors de son témoignage :

[TRADUCTION]

Les commissaires saisis de l'affaire ont trouvé le témoin verbeux et souvent trop combatif. Il était porté à crier pour insister sur certains points, il lui arrivait souvent de divaguer, il fallait souvent le prévenir de ne pas aller trop vite pour l'interprète et une grande partie de son témoignage était constituéde considérations abstraites qu'il déclamait sur un ton qui manquait de naturel et de spontanéité. Ses réponses étaient parfois extrêmement prolixes, hors de propos et évasives. En toute justice pour lui, les commissaires ont également perçu chez le revendicateur un sentiment de colère contenue qui s'explique peut-être par une injustice dont il avait fait l'objet ou dont il se croyait victime. Compte tenu du témoignage volubile et pompeux du revendicateur, les commissaires ont jugé nécessaire d'établir une nette distinction entre la perception que le revendicateur avait de la réalité et la réalité objective lorsqu'ils ont évalué et soupesé son témoignage.

(Non soulignédans l'original.)

Le fait que ce soit exclusivement au tribunal à qui il appartient d'apprécier le témoignage du revendicateur est un principe qui, parfois, est martelé avec un zèle presque religieux.

[24]            Pour apprécier la crédibilité d'un témoignage, le tribunal peut évaluer le comportement général du demandeur lors de son témoignage. Pour ce faire, le tribunal examine la façon dont le témoin répond aux questions, sa physionomie, le ton de sa voix, les mouvements de son corps, son intégrité générale et son intelligence, de même que sa mémoire. L'interprétation du comportement de revendicateurs du statut de réfugiés ayant un bagage culturel différent peut toutefois soulever certains problèmes. En outre, des personnes qui ont été victimes de persécution peuvent avoir de la difficulté à témoigner.


[25]            Le tribunal a eu tort de faire le procès de la personnalité du demandeur. Ainsi, le tribunal a fait remarquer que le demandeur était trop combatif, qu'il était pompeux et qu'il criait pour insister sur certains points. Comment le fait d'être trop combatif permet-il au tribunal de tirer une inférence négative au sujet de la crédibilité du demandeur? Au sujet de sa façon de s'exprimer, le tribunal a déclaré que le demandeur était verbeux, volubile et prolixe et que l'interprète n'arrivait pas à le suivre. Là encore, en quoi la longueur des réponses du demandeur permet-elle au tribunal de déclarer que le demandeur n'était pas crédible? Pour évaluer la façon dont le demandeur a répondu aux questions qui lui était posées, le tribunal a affirmé que son témoignage manquait de naturel et de spontanéité. Bien que ces épithètes évoquent un manque d'honnêteté, le tribunal s'est contredit lui-même lorsqu'il a fait remarquer que le demandeur divaguait et que ses réponses étaient hors de propos et évasives. Comment le demandeur peut-il à la fois manquer de naturel et être pompeux ou manquer de spontanéité et divaguer en même temps? Il semble que le tribunal ait fait grief au demandeur de sa personnalité, oubliant que des revendicateurs ayant un bagage culturel différent sont susceptibles d'agir et de s'exprimer différemment.

Résumé : Crédibilité

[26]            La conclusion du tribunal suivant laquelle le demandeur n'était pas crédible est fortement contestable pour plusieurs raisons. Le tribunal n'a pas appliquéau demandeur la présomption de véracité établie dans l'arrêt Maldonado, précité. Le tribunal a tirédes conclusions d'invraisemblance qui sont déraisonnables. Il s'est empresséd'imposer sa propre version des faits sans invoquer d'éléments de preuve pour justifier ses conclusions. Le tribunal a commis des erreurs de fait ou a mal apprécié la preuve. Et, finalement, le tribunal a tiré des inférences négatives au sujet du demandeur, malgré ses propres observations contradictoires au sujet du comportement de ce dernier.

5. Origines ethniques


Documents

[27]            La façon dont le tribunal a évalué la preuve documentaire relative aux origines ethniques du demandeur suscite plusieurs problèmes. L'aspect le plus saisissant est le nombre peu élevé de documents que le tribunal a effectivement examinés. Malgré le fait que le tribunal ne soit pas tenu de mentionner dans sa décision tous les éléments de preuve portés à sa connaissance, « ce principe ne s'applique pas au défaut de faire mention d'un document pertinent qui constitue une preuve directement applicable à la question fondamentale traitée dans la décision du tribunal » [voir le jugement Atwal c. Canada (Secrétaire d'État), (1994), 82 F.T.R. 73 (C.F. 1re inst.), à la page 75]. La Cour conclut que le tribunal n'a pas tenu compte de l'ensemble de la preuve versée au dossier pour tirer ses conclusions.

[28]            Le tribunal n'a pas expliqué adéquatement pourquoi il avait omis certains documents lors de son examen. Une des raisons possibles est abordée à la page 1 de la décision, oùle tribunal affirme avoir reçu du demandeur, après la clôture de l'audience, des observations dans lesquelles le tribunal a cru déceler des anomalies sur le plan de l'écriture. Après en avoir avisél'avocat, le tribunal a transmis les documents à la GRC pour qu'elle procède à une analyse judiciaire. Les conclusions de la GRC n'étaient pas concluantes. Le tribunal n'a cependant pas expliqué en quoi les conclusions de la GRC avaient influencésa décision, le cas échéant.

[29]            Le tribunal a abordé à la page 6 de sa décision une autre raison pouvant expliquer l'omission des documents :

[TRADUCTION]


L'appréciation de l'affirmation du revendicateur suivant laquelle il est un Rom ou un Tzigane s'est avérée une tâche difficile, tout comme celle de déterminer comment d'éventuels persécuteurs pourraient en arriver à la même conclusion. Aucun des documents soumis par le revendicateur qui portent également une cote sécuritaire ne fait mention d'un groupe ethnique. Les documents produits par le revendicateur sous forme de photocopies et qui parlent effectivement d'origines ethniques sont problématiques pour une raison ou l'autre [...]

(Non soulignédans l'original.)

[30]            Le tribunal n'explique pas pourquoi il sépare les documents en deux catégories : les documents portant une cote de sécurité et ceux n'en ayant pas. Il n'explique pas non plus les aspects confidentiels de ces documents. Finalement, le tribunal a refusé d'admettre les documents photocopiés parce qu'ils étaient [TRADUCTION] « problématiques pour une raison ou l'autre » . Il est difficile d'accepter cette évaluation sommaire compte tenu de l'importance des éléments de preuve relatifs à la revendication et compte tenu de l'erreur grave commise par le tribunal au sujet de la fiche d'adresse de l'appartement.

[31]            Un des documents que le tribunal a examinés était le certificat de baptême du demandeur. Voici ce que le tribunal a déclaré à ce sujet à la page 8 :

[TRADUCTION]

[...] Le premier est une photocopie d'un certificat de baptême délivré le 18 avril 1985 à Plovdiv, en Bulgarie. Cet acte était censé attester le baptême du revendicateur le 9 août 1948. Dans ce certificat, le père et la mère du revendicateur sont désignés comme étant des « Roms » . Àla question de savoir s'il avait déjà eu en sa possession un certificat délivréau moment même du baptême, le revendicateur a répondu qu'un tel certificat avait déjà existémais qu'il ne savait plus oùil se trouvait.

(Non souligné dans l'original.)


[32]            Là encore, le tribunal a commis une erreur dans son appréciation de la preuve. Ainsi qu'il est précisé à la page 15 du procès-verbal de l'audience, le demandeur n'a pas déclaré qu'il ne savait pas où se trouvait le certificat de baptême, mais bien que ses parents avaient perdu l'original et qu'il lui avait fallu en demander un nouveau. Le tribunal a poursuivi en déclarant, à la page 8 :

[TRADUCTION]

Le tribunal a également demandéau revendicateur s'il avait jamais eu en sa possession un certificat de naissance délivré par les autorités régionales. Il a répondu qu'il n'avait pas un tel document et a ajouté que ce type d'enregistrement était « à l'entière discrétion » des parents. Plus loin dans son témoignage, il a semblé dire que l'enregistrement des naissances au niveau régional était obligatoire pour tous, mais que, pour une raison ou pour une autre, cette formalité n'avait pas été suivie dans son cas. Les commissaires ne disposent donc d'aucun renseignement précis au sujet des exigences en matière d'enregistrement des naissances en Bulgarie pour la période au cours de laquelle le revendicateur est né, mais leur expérience avec d'autres revendications les amènent à conclure que permettre que l'enregistrement des naissances qui a lieu depuis des siècles se fasse « à la discrétion » des intéressés constituerait une nette dérogation à la procédure habituelle suivie par un gouvernement communiste. Cela était d'autant plus vrai au cours de la période en cause, car il était interdit à la fois d'aller à l'église et de tenir des registres d'église, suivant le revendicateur.

(Non soulignédans l'original.)

[33]            Une fois de plus, le tribunal se livre à des conjectures : il admet qu'il ne dispose d'aucun renseignement précis au sujet des exigences en matière d'enregistrement des naissances pour la période au cours de laquelle le revendicateur est né, et pourtant il conteste la version des faits du demandeur. Le tribunal poursuit en déclarant, à la page 9 :

[TRADUCTION]

Les commissaires étaient curieux de savoir pourquoi le revendicateur aurait présenté en 1985 une demande en vue d'obtenir un certificat de baptême. À cette époque, le régime communiste était toujours en place et il était dangereux sur le plan politique d'afficher ses liens avec l'Église. Lorsqu'ils lui ont demandépourquoi il avait obtenu ce certificat, le revendicateur a déclaré(aprè s avoir longuement hésité) qu'il avait « besoin d'une preuve » démontrant qu'il était un Rom. Cette réponse semble tout à fait illogique aux yeux des commissaires, compte tenu de son allégation fondamentale que tous ses problèmes s'expliquent par ses origines ethniques romes.

(Non soulignédans l'original.)


[34]            Après avoir examiné attentivement le procès-verbal de l'audience, la Cour n'a pas réussi à trouver le passage précis où le demandeur aurait affirmé qu'il avait « besoin d'une preuve » démontrant qu'il est un Rom. Voilà qui est étrange, car le tribunal semble citer textuellement les propos du demandeur.

[35]            Le second document dont le tribunal parle à la page 9 est une lettre qui est datée du 30 janvier 1997 et qui est signée par le maire de Kurdzhaly, qui certifie que le demandeur est un [TRADUCTION] « citoyen bulgare appartenant au groupe ethnique des Roms (Tziganes) » . Le tribunal a analysé cette lettre et lui a accordé une faible valeur probante parce que le maire ne connaissait pas personnellement le demandeur.

[36]            Parmi les nombreux documents dont le tribunal n'a pas tenu compte lors de son examen se trouve une lettre d'un ancien député, M. Romanov, qui y parle du demandeur comme étant un Rom. Ce qui est particulièrement curieux au sujet de cette omission est le fait que le tribunal a expressément demandé cette lettre à la page 42 du procès-verbal en précisant qu'il s'agissait du document qui avait probablement le plus de valeur. Après avoir expressément demandé à voir le document, le tribunal n'en souffle pas mot dans sa décision. Ce document, de même que d'autres qui ont été portés à la connaissance du tribunal, semblent appuyer la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention du demandeur et le tribunal a commis une erreur en n'en tenant pas compte lors de son analyse sans fournir d'explications.

Physionomie du revendicateur


[37]            Le tribunal a interrogé le demandeur à fond au sujet de son apparence physique, en faisant observer qu'il avait le teint clair et les yeux bleus et non les yeux et la peau foncés qui sont habituellement caractéristiques des Roms. Le tribunal a déclaré ce qui suit à la page 7 de sa décision :

[TRADUCTION]

Les commissaires ont demandé au revendicateur de réagir à leur observation qu'il a le teint clair et les yeux bleus. Ils ont également signaléque, dans le cas de la plupart des autres revendications de Roms provenant de pays d'Europe de l'Est (autres que la Bulgarie) qu'ils avaient examinées, les revendicateurs avaient la peau et les yeux foncés, témoignant manifestement de l'origine du sous-continent indien qui leur est attribuée par les linguistes et les anthropologues. En outre, suivant les renseignements contenus à la pièce 2, [TRADUCTION] « Les Bulgares ont historiquement considéré les Roms bulgares comme des "gens à la peau foncée". Le revendicateur a fait remarquer qu'en fait, il avait les yeux verts, que bon nombre de Roms bulgares avaient les yeux verts et que, plus jeune, il avait eu le teint plus foncé. Il a par ailleurs reconnu que "d'autres Roms bulgares sont foncés" » .

(Non soulignédans l'original.)

[38]            Le tribunal a fait remarquer à tort que le demandeur avait les yeux bleus et il semble qu'il n'ait pas accepté son affirmation que bon nombre de Roms bulgares ont les yeux verts. De plus, alors qu'il admet ne pas avoir d'expérience en ce qui concerne les Roms bulgares, le tribunal s'empresse de rejeter la revendication du demandeur en partie à cause de sa physionomie. Dans le jugement Pluhar c. M.C.I., (1999), 174 F.T.R. 153 (C.F. 1re inst.), à la page 155, le juge Evans a déclaré ce qui suit au sujet de la physionomie :

[10] À mon avis, la Section du statut de réfugié a commis une erreur de droit en fondant effectivement sa décision sur son appréciation selon laquelle Mme Pluharova n'avait pas le teint foncé, surtout qu'elle ne prétendait pas être « experte » en la matière. Il est fondamentalement dangereux pour les membres de la Commission de décider si les gens dans un autre pays percevraient un revendicateur comme étant d'une origine ethnique particulière en se fondant uniquement sur l'observation de la personne en cause par les membres de la Commission.


[11] Certes, il peut y avoir des situations dans lesquelles il sera tout à fait évident d'après l'apparence d'une personne qu'elle n'est pas d'une origine ethnique particulière. Toutefois, puisque Mme Pluharova avait les cheveux noirs et un teint « bronzé » , le « sens commun » du tribunal ne constituait pas un fondement suffisamment sûr pour apprécier une question aussi délicate. On ne peut pas classer le teint simplement comme « clair » ou « foncé » : il y a toute une gamme entre ces deux extrêmes. Il se peut que des racistes soient capables d'identifier une personne comme membre d'un groupe minoritaire au moyen de caractéristiques physiques qui ne seraient pas nécessairement apparentes aux gens dans d'autres pays.

(Non soulignédans l'original.)

[39]            Dans l'arrêt Ward c. Canada (Procureur général), [1993] 2 R.C.S. 689, à la page 747, la Cour suprême du Canada a statué que, lorsqu'on examine une revendication du statut de réfugié fondée sur l'un des motifs énumérés dans la définition, il convient également de tenir compte du point de vue du persécuteur, parce que c'est ce qui est déterminant lorsqu'il s'agit d'inciter à la persécution. Au sujet des risques que le demandeur courait du fait de sa physionomie, le tribunal a déclaré ce qui suit, à la page 7 :

[TRADUCTION]

Les commissaires ont demandéau revendicateur si sa physionomie permettrait à d'autres Bulgares de conclure qu'il était un Rom si on l'apercevait dans une rue de Sofia. Il a répondu que d'autres Bulgares sauraient qu'il est un Rom à cause de ses « vêtements colorés » , mais il a ensuite reconnu que s'il portait des vêtements ordinaires, il serait difficile de dire s'il est un Rom.

(Non soulignédans l'original.)

[40]            Et à la page 8 :

[TRADUCTION]

Les commissaires concluent que le revendicateur ne serait pas perçu comme un Rom par ses compatriotes bulgares qui ne possèdent pas de connaissances particulières au sujet de ses présumés antécédents familiaux. S'il est effectivement un Rom, il est aussi très assimiléou, pour reprendre ses propres paroles, il est « un de ces Roms qui sont considérés comme des Bulgares » .

(Non soulignédans l'original.)

[41]            Et à la page 17 :


[TRADUCTION]

Dans le cas du revendicateur, s'il est effectivement un Rom en raison de son bagage génétique, il a effectivement transcendé l'identité rome visiblement, socialement et économiquement. Évidemment, quelqu'un qui découvrirait ses origines romes pourrait quand même lui vouloir du mal. Toutefois, dans une grande ville comme Sofia, on peut sans crainte de se tromper affirmer qu'une personne ayant les caractéristiques et les antécédents du revendicateur se fonderait sans peine dans la majorité bulgare. Ses risques de persécution se situent donc en effet au niveau d'une « simple possibilité » .

(Non soulignédans l'original.)

[42]            L'analyse du tribunal suivant laquelle le demandeur ne court aucun danger parce que d'autres Bulgares ne le considéreraient pas comme un Rom est incomplète. En l'espèce, ce sont les autorités qui sont à l'origine des problèmes du demandeur. Le fait qu'elles avaient déjà déterminé qu'il était un Rom dément la conclusion du tribunal que les risques qu'il court ne constituent qu'une simple possibilité. Le fait que les autorités savaient déjà qu'il était un Rom aurait été une raison suffisante pour que le tribunal examine le risque que le demandeur courait de leur part de même que de la part des autres Bulgares.

Résumé : Origines ethniques

[43]            La Cour conclut que le tribunal a agi de façon manifestement déraisonnablement en ne tenant pas compte de documents qui étaient favorables au demandeur sans fournir d'explications acceptables pour justifier cette omission. De plus, le tribunal s'est tout simplement livré ouvertement à des conjectures lorsqu'il a analysé le certificat de baptême du demandeur. Lorsqu'il a examiné la question de la physionomie du demandeur, le tribunal n'a pas abordé la question du point de vue des éventuels persécuteurs.


6. Temps écouléavant la présentation de la revendication

[44]            Le tribunal n'a pas cru l'explication que le demandeur a fournie au sujet de son séjour de sept semaines aux États-Unis. Voici ce qu'il déclare à la page 16 :

[TRADUCTION]

Les commissaires jugent non crédible l'explication que le revendicateur a fournie au sujet de son séjour aux États-Unis. Il affirme dans son FRP qu'il s'est rendu aux États-Unis malgré le fait qu'il a toujours eu l'intention de demander l'asile au Canada, uniquement parce qu'il n'y a pas d'ambassade canadienne à Sofia et qu'il ne pouvait y obtenir un visa de visiteur canadien. Dans son témoignage, en revanche, il a déclaré qu'il était allé aux États-Unis parce qu'il avait des contacts dans le domaine de la construction et que ces personnes étaient en mesure de lui procurer un visa américain pour la somme de 2 500 $. Le fait qu'il ait pris un vol direct pour les États-Unis et que la destination finale de ce vol était Las Vegas démontre qu'il avait déjà décroché un emploi aux États-Unis. S'il craignait d'être persécuté, pourquoi alors n'a-t-il pas demandé l'asile aux États-Unis? La réponse que le revendicateur a donnée à cette question était évasive et floue. Il a laissé entendre qu'il avait davantage confiance au système de réfugiés canadien et au niveau de tolérance social du Canada qu'en ceux des États-Unis. Ces propos sont peut-être véridiques dans le contexte bien précis dans lequel ils ont été formulés, mais ils n'évoquent guère le comportement d'une personne agissant par crainte d'être persécutée.

(Non souligné dans l'original.)

[45]            À la lecture du procès-verbal de l'audience, la Cour estime que la réponse que le demandeur a donnée à la page 23 n'a rien d'évasif ou de flou. Il a déclaré qu'il était convaincu que le Canada acceptait plus facilement les réfugiés. De plus, il n'y a rien d'invraisemblable dans le fait que le demandeur a obtenu un emploi aux États-Unis pour payer son visa pour immigrer au Canada. Finalement, en concluant que le délai de sept semaines que le demandeur avait laissé s'écouler avant de présenter sa revendication permettait de penser qu'il s'agissait d' « un témoin opportuniste et peu digne de foi » , le tribunal laissait une fois de plus entendre que le demandeur manquait d'honnêteté, ce qui, dans les circonstances, équivaut à de la pure conjecture de sa part.


[46]            À la page 16, le tribunal essaie une fois de plus d'expliquer les agissements du demandeur sans preuve à l'appui :

[TRADUCTION]

Les commissaires sont d'avis que le revendicateur s'est rendu aux États-Unisdans l'intention d'y vivre et d'y travailler illégalement pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la crainte mais qui se rattachent plutôt à un désir d'améliorer sa situation économique. Une fois arrivéaux États-Unis, il a sans doute entendu parler du mouvement des Roms tchèques au Canada - un phénomène qui s'est attiré de la publicitéà l'échelle mondiale - et il a alors décidéde tâter le terrain en présentant une revendication reposant sur le même fondement. Lorsqu'on ajoute le temps qu'il a laissé s'écouler avant de revendiquer le statut de réfugié aux autres éléments de son récit qui manquent fortement de vraisemblance, force est de constater qu'on a affaire à un témoin opportuniste et peu digne de foi » .

(Non soulignédans l'original.)

[47]            S'il subsistait encore dans l'esprit de la Cour des doutes au sujet du manque d'impartialité du tribunal, la lecture de ce bref passage les dissipe complètement. Le tribunal se livre une fois de plus à des conjectures sans s'appuyer sur des preuves en affirmant que le demandeur avait l'intention de vivre et de travailler aux États-Unis. De plus, l'affirmation du tribunal suivant laquelle le demandeur a « sans doute entendu parler » du mouvement des Roms tchèques au Canada est difficile à accepter, compte tenu du fait que le demandeur est Bulgare, et non Tchèque, et que le tribunal ne disposait d'absolument aucun élément de preuve lui permettant de tirer une telle inférence. Faute de preuve, en qualifiant le demandeur de témoin opportuniste et peu digne de foi, le tribunal a agi de façon manifestement déraisonnable. Une période de sept semaines n'était pas, à première vue, un laps de temps excessif pour permettre au demandeur de se repérer dans un pays étranger dont il ne connaissait pas la langue. Certains revendicateurs auraient peut-être pris moins de temps, mais le demandeur n'est pas comme tous les revendicateurs : c'est une personne que le tribunal n'a pas suffisamment singularisée.

7. Crainte raisonnable de partialité


[48]            Le demandeur invite fermement la Cour à conclure que la manière dont le tribunal a qualifié son comportement lors de son témoignage suscite une crainte raisonnable de partialité. Bien qu'elle ne souscrive pas à l'idée qu'une description négative du comportement du demandeur suscite en soi une crainte raisonnable de partialité, la Cour estime qu'en l'espèce, il ne s'agit là qu'un des aspects d'un schéma qui permet à la Cour de conclure de façon raisonnable que le tribunal a probablement fait preuve de partialité envers le demandeur.

[49]            Le critère permettant de déterminer s'il existe une crainte raisonnable de partialité consiste à se demander si une personne bien informée qui aborderait la question d'une façon réaliste et pratique et qui y aurait bien réfléchi conclurait qu'il existe une crainte raisonnable de partialité chez les commissaires saisis de l'affaire [voir l'arrêt Committee for Justice & Liberty c. Office national de l'énergie, [1978] 1 R.C.S. 369]. Il n'est pas difficile de conclure que la présente affaire satisfait à ce critère. Les facteurs suivants ont influencé sensiblement cette conclusion :

a.         Les conclusions d'invraisemblance tirées par le tribunal au sujet des pressions exercées sur le demandeur pour qu'il signe une décharge;

b.         Les conclusions d'invraisemblance tirées par le tribunal au sujet des perquisitions effectuées au domicile du demandeur;

c.        Les conclusions d'invraisemblance tirées par le tribunal au sujet de la façon dont l'incendie a été déclenché près du domicile du demandeur;

d.         Les conclusions d'invraisemblance tirées par le tribunal au sujet des questions posées aux enfants du demandeur;

e.        Les conjectures auxquelles le tribunal s'est livré, sans preuve à l'appui, au sujet des événements entourant l'internement de la mère du demandeur dans un hôpital psychiatrique;


f.         Les conjectures auxquelles le tribunal s'est livré, sans preuve à l'appui, au sujet des événements qui ont conduit le demandeur à se rendre au Canada depuis les États-Unis;

g.        L'erreur d'appréciation qu'a commise le tribunal lorsqu'il a relaté la façon dont le demandeur avait répondu aux questions portant sur l'interrogatoire de sa fille mineure;

h.        L'erreur d'appréciation qu'a commise le tribunal lorsqu'il a relaté la façon dont le demandeur avait répondu aux questions portant sur son certificat de baptême;

i.         Les déclarations contradictoires du tribunal au sujet du comportement du demandeur lors de son témoignage;

j.         Le fait que le tribunal a rejeté sur le demandeur la responsabilité de ses différends avec les autorités;

k.        L'importante erreur de fait commise par le tribunal au sujet de la fiche de l'appartement;

l.         Le fait que le tribunal ait omis de son analyse, sans explication, des documents qui semblaient appuyer la revendication du demandeur, à tout le moins un document que le tribunal avait expressément réclamé au demandeur.

[50]            La Cour estime que ces diverses erreurs suscitent une crainte raisonnable de partialité de la part des commissaires saisis de l'affaire. Leur refus catégorique d'accepter le témoignage du demandeur, combiné aux erreurs qu'ils ont commises dans leur examen des éléments de preuve documentaire qui semblaient favoriser le demandeur et leur insistance à substituer leur propre version des faits à celle du demandeur sans preuve à l'appui amènent à la conclusion que le demandeur n'a pas bénéficié d'une possibilitééquitable de revendiquer le statut de réfugié au sens de la Convention.


8. Dépens

[51]            Vu la conclusion qu'elle tire au sujet de la conduite du tribunal dans la présente affaire, la Cour conclut qu'il existe des raisons spéciales justifiant de condamner le ministre aux dépens de la présente demande en vertu de l'article 22 des Règles de la Cour fédérale en matière d'immigration, 1993.

                                                          D I S P O S I T I F

[52]            La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à une autre formation de la Section du statut de réfugié. Le ministre devra payer les dépens entre parties du demandeur. Les deux avocats ont convenu qu'il n'y a pas de question déterminante à certifier dans les circonstances de la présente affaire.

                                                                                                                                             Juge

Ottawa (Ontario)

Le 6 juillet 2001

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                                           COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE:                                  IMM-4497-99

INTITULÉ DE LA CAUSE : ROUSKO VALTCHEV c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :                   WINNIPEG (MANITOBA)

DATE DE L'AUDIENCE :                  Le 19 décembre 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE PAR MONSIEUR LE JUGE MULDOON

EN DATE DU :                                     6 juillet 2001

ONT COMPARU :

David Matas                                                          POUR LE DEMANDEUR

Aliyah Rahaman                                                    POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

David Matas                                                          POUR LE DEMANDEUR

Winnipeg (Manitoba)

Morris Rosenberg                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada                                 

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