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Date : 20020212

Dossier : T-984-00

Référence neutre : 2002 CFPI 160

ENTRE :

WIC WESTERN INTERNATIONAL

COMMUNICATIONS LTD. (WIC)

demanderesse

et

LE SYNDICAT CANADIEN DES COMMUNICATIONS,

DE L'ÉNERGIE ET DU PAPIER (SCEP)

et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeurs

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MACKAY


[1]                 Les présents motifs, maintenant exposés par écrit, se rapportent à une ordonnance prononcée le 21 juin 2001 relativement à une demande de contrôle judiciaire qui a été acceptée après son audition. Par cette ordonnance, la Cour a statué que la décision de l'agent régional de sécurité Serge Cadieux, en date du 4 mai 2000, et les instructions y afférentes, ainsi que les instructions formulées par un agent de sécurité le 23 avril 1999 à l'intention de [TRADUCTION] « WIC Western International Communications Ltd. (WIC) et toutes ses divisions » , étaient annulées.

[2]                 À l'audience tenue à Vancouver le 21 juin 2001, aucun des défendeurs n'était présent. Comme les questions qui le préoccupaient avaient été tranchées, le syndicat s'était retiré de la poursuite. Le procureur général du Canada avait déclaré n'avoir aucun intérêt dans cette affaire. Dans une ordonnance prononcée le 4 avril 2001, M. le juge Rouleau a autorisé la demanderesse à continuer sa démarche afin que la question soulevée dans la demande soit tranchée, sans autre avis aux défendeurs.

[3]                 Après avoir entendu les arguments de la demanderesse, j'ai accordé l'ordonnance demandée en annulant la décision et les instructions du 4 mai 2000, ainsi que les instructions du 23 avril 1999, qui étaient contestées. Ces instructions initialement imposées en avril 1999 puis confirmées avec certains changements par la décision et les instructions du 4 mai 2000 auraient obligé la demanderesse à mettre en place certaines mesures de sécurité en vertu de la partie II du Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2, et modifications (le Code).

[4]                 Le contexte de la présente affaire est décrit comme suit dans la décision du 4 mai 2000 prise par l'agent régional de sécurité :


[TRADUCTION] Le 13 février 1999, M. Jeff Fisher, opérateur de car de reportage pour la BC TV, a été électrocuté lorsque l'antenne télescopique de son véhicule a percuté une ligne d'électricité aérienne. Cet accident a fait l'objet d'une enquête menée par l'agent de sécurité Dan Strickland, Développement des ressources humaines Canada, au milieu d'une certaine controverse, avec ses homologues provinciaux, quant à savoir qui du gouvernement fédéral ou du gouvernement provincial avait compétence en la matière. À la fin de son enquête, l'agent de sécurité a donné des instructions à BC TV, une division de WIC Television Ltd. Ces instructions n'ont pas été contestées par BC TV.

L'agent de sécurité en est ensuite arrivé à la conclusion que WIC et toutes les autres divisions de WIC ne tenaient pas compte de la partie II du Code canadien du travail (le Code). En fait, l'agent de sécurité a établi que WIC croyait que le Code ne s'appliquait pas à ses activités, lesquelles ont été décrites par M. Litherland comme étant purement celles d'une société de portefeuille n'exerçant aucune activité de télédiffusion, et que ces activités, selon WIC, relevaient de la compétence provinciale. L'agent de sécurité qui n'était pas du même avis a donné de nombreuses instructions (ANNEXE) à WIC, lesquelles font l'objet de la présente demande de révision, en vertu de l'article 146 du Code.

[5]                 La révision par l'agent régional de sécurité des instructions données à WIC a été demandée en vertu de l'article 146 du Code. L'agent régional a procédé à une audition verbale et les parties lui ont par la suite soumis leurs arguments par écrit. WIC a procédé à la liquidation de son actif le 31 mars 2000, avant que la décision de l'agent régional soit rendue.

[6]                 Même si nombre de questions ont été soulevées dans la présente affaire, seule la question principale, soit celle de savoir si WIC était une entreprise assujettie au Code, nécessite une réponse. Advenant qu'elle ne l'était pas, cela signifierait que les instructions de l'agent de sécurité, et leur confirmation par l'agent régional de sécurité, ont été données par erreur, une erreur de droit relative à la compétence de ces personnes en vertu du Code.


[7]                 Pendant toute la période en cause, WIC Western International Communications Ltd. (WIC) était une société de portefeuille qui détenait surtout des actions de sociétés de radiodiffusion, telles que WIC Television Ltd. (WIC TV), WIC Premium Television Ltd. et WIC Radio Ltd. Même si elle détenait des actions de ces sociétés, WIC ne jouait aucun rôle dans les activités quotidiennes de ces sociétés, y compris WIC TV. WIC avait des bureaux dans deux villes : Vancouver, qui comptait un effectif de 13 employés, et Ottawa, deux employés. Tout son personnel oeuvrait dans les secteurs de la gestion et de l'administration en rapport avec la gestion de ses investissements. WIC n'était pas propriétaire ni titulaire de licences de radiodiffusion.

[8]                 BC TV, l'employeur de la personne qui a malheureusement perdu la vie dans l'accident ayant soulevé les préoccupations des agents de sécurité, était une société indépendante détenue en propriété exclusive par WIC TV. WIC TV et WIC étaient gérées par des équipes de gestion différentes et dirigées par des conseils d'administration distincts. Chacune des entités au sein de WIC TV, y compris BC TV, avait son propre personnel de la gestion des activités de radiodiffusion quotidiennes. Les questions de santé et de sécurité dans les diverses sociétés dont WIC détenait des actions étaient réglées par chacune de ces sociétés et leur équipe de gestion respective. WIC n'était responsable de ces questions pour aucune des sociétés d'exploitation. Elle n'avait pas à régler les problèmes en matière de gestion et de sécurité de WIC TV et de ses employés ou des employés des divisions de WIC TV, dont BC TV.


[9]                 Après l'accident, une enquête a été menée par un agent de sécurité de Développement des ressources humaines Canada, conformément à la partie II du Code. À la suite de l'enquête, l'agent a donné à BC TV des instructions auxquelles elle s'est apparemment conformée. Des instructions faisant suite au même accident ont également été données à WIC. Ces dernières instructions qui ont été subséquemment revues à la demande de WIC par l'agent régional de sécurité dans sa décision du 4 mai 2000 font l'objet de la présente demande de contrôle judiciaire devant la Cour. L'agent régional de sécurité a modifié les instructions en enlevant les références à BC TV et aux autres entreprises détenues par WIC. Même s'il était d'avis que WIC n'était pas l'employeur de BC TV, il a cependant conclu qu'elle était une entreprise fédérale et que, par conséquent, elle était assujettie à la partie II du Code. Sa décision qui est ici remise en question imposait des instructions d'ordre opérationnel en relation avec WIC.

[10]            À mon avis, l'agent régional de sécurité et l'agent de sécurité avant lui ont commis une erreur de droit en concluant que WIC était assujettie à la partie II du Code concernant la sécurité et la santé au travail. Cette erreur semble en partie attribuable à des conclusions de fait manifestement déraisonnables qui ne tenaient pas compte du témoignage précis d'un dirigeant de WIC qui avait affirmé que la société ne jouait aucun rôle dans les activités quotidiennes des différentes entités de radiodiffusion, notamment dans celles de BC TV. Il n'y avait aucune autre preuve à ce chapitre.

[11]            Dans la décision Northern Telecom Ltée c. Travailleurs en communication du Canada (1979), 98 D.L.R. (3rd) 202 (C.S.C.), à la page 14, la Cour suprême établit comme suit les critères servant à déterminer si une entité particulière constitue une entreprise fédérale assujettie à la réglementation fédérale en matière de relations de travail :


Premièrement, il faut examiner l'exploitation principale de l'entreprise fédérale. On étudie ensuite l'exploitation accessoire pour laquelle les employés en question travaillent. En dernier lieu on parvient à une conclusion sur le lien entre cette exploitation et la principale entreprise fédérale, ce lien nécessaire étant indifféremment qualifié « fondamental » , « essentiel » ou « vital » .

En l'espèce, il ne fait aucun doute que BC TV, une division de WIC Television Ltd., exerçait des activités de radiodiffusion et qu'elle constituait une entreprise fédérale au sens du Code. De plus, la preuve démontre que WIC n'intervenait dans la gestion quotidienne et les activités normales d'aucune de ni l'une ni l'autre de ces entreprises. Le rôle de WIC consistait à gérer ses actions des diverses entreprises de radiodiffusion et ses investissements, sans assumer aucune responsabilité quant aux activités courantes de ces entreprises. Les activités de WIC n'étaient pas essentielles à celles de BC TV, hormis la détention d'actions de WIC TV par WIC. Le simple fait de détenir des actions d'une entreprise qui relève de la compétence législative fédérale n'est pas suffisant pour assujettir une société actionnaire à la législation correspondante.

[12]            En vertu du paragraphe 123(1), la partie II du Code concernant la sécurité et la santé au travail s'applique à l'emploi dans le cadre d'une entreprise fédérale, à l'exception d'une entreprise dans les territoires du Nord. Aux termes de l'article 2 du Code, l'entreprise fédérale, outre les exploitations spécialisées qui y sont précisées, telles que les stations de radiodiffusion, désigne « les installations, ouvrages, entreprises ou secteurs d'activité ne ressortissant pas au pouvoir législatif exclusif des législatures provinciales » . Vu les faits qui leur ont été présentés en preuve, les agents de sécurité ont commis une erreur de droit en concluant que WIC était une entreprise ne ressortissant pas au pouvoir législatif de la province.


[13]            À mon avis, les activités exercées par WIC ne correspondent pas à la définition des entreprises fédérales au sens du Code. Ces activités ne font pas partie de la compétence légale de l'agent de sécurité et de l'agent régional de sécurité exerçant leur fonction en vertu de la partie II du Code. Cette conclusion est cohérente avec la décision du Conseil canadien des relations de travail dans CFCN Television et S.N.T.C. (1991), 15 CLRBR (2nd) 93 et avec la décision de la Cour supérieure du Québec dans Cogeco Métromédia Enr. c. Beetz et al. (1999) 182 D.L.R. (4th) 472 (C. sup. Qué.).

[14]            Pour ces motifs, l'ordonnance prononcée le 21 juin 2001 annule les décisions contestées des agents de sécurité et les instructions données à WIC par ceux-ci.

W. Andrew MacKay

                                                                                                              ___________________________

JUGE

OTTAWA (Ontario)

Le 12 février 2002

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

          AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER                                    

DOSSIER :                                            T-984-01

INTITULÉ :                                           WIC Western International Communications Ltd.

(WIC) c. Le syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier (SCEP) et autres

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Vancouver (B.-C.)

DATE DE L'AUDIENCE :                 Le 15 juin 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : MONSIEUR LE JUGE MACKAY

DATE DES MOTIFS :                        Le 12 février 2002

COMPARUTIONS :            

M. Geoffrey J. Litherland                        POUR LA DEMANDERESSE

M. Chris Leenheer                                  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :      

Harris & Company                                  POUR LA DEMANDERESSE

Vancouver (C.-B.)

Rogers Law Office                                  POUR LE DÉFENDEUR

Vancouver (C.-B.)                                  (Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier)                                 

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