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Date : 19990910

Dossier : T-2553-91

ENTRE

THEODORE HODGSON, HARLEY HODGSON,

DENNIS HODGSON, LARRY HODGSON, AMY PUGH,

PEGGY LUNDIE, ALMA DUWAR ET CAROL LEEB,

demandeurs,

et

LA BANDE INDIENNE D'ERMINESKIN No 942 et

LE CONSEIL DE LA BANDE D'ERMINESKIN,

défendeurs,

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

représentée par le MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES,

défenderesse.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE JOHN A. HARGRAVE,

[1]         Lorsqu'une requête visant à faire radier une déclaration, ou dans ce cas-ci une partie de la déclaration, est présentée, je dois admettre la déclaration comme si elle était prouvée, sous réserve des allégations qui sont trop invraisemblables, ce qui n'est pas ici le cas. En ce qui concerne l'historique de l'affaire, je me reporterai à la déclaration.


HISTORIQUE

[2]         Dans leur déclaration, les demandeurs allèguent être les enfants et descendants de Fred et de Mina Hodgson, qui sont membres de la bande indienne d'Ermineskin ou ont le droit d'être inscrits à titre de membres de la bande.

[3]         Par une résolution datée du 16 novembre 1937, le conseil de la bande d'Ermineskin a reconnu comme membres de la bande Fred et Mina Hodgson, ainsi qu'Amy Pugh, Alma Duwar et Larry Hodgson.

[4]         Le 7 janvier 1944, le ministre des Mines et des Ressources aurait censément retranché de la liste de la bande, par erreur, les noms de Mina et de Fred Hodgson ainsi que de cinq des demandeurs, décision que le ministre, malgré les demandes qui avaient été faites, notamment par le chef et le conseil de la bande d'Ermineskin, a refusé de réexaminer.

[5]         Les paragraphes 10 et 11 de la déclaration, que la bande veut faire radier, sont ainsi libellés :

[TRADUCTION]

10.            La bande indienne d'Ermineskin no 942 défenderesse et le conseil de la bande d'Ermineskin défendeur ont publiquement déclaré que les dispositions de la Loi sur les Indiens qui traitent de l'appartenance aux effectifs de la bande sont inconstitutionnels et que toute décision relative à l'appartenance est un droit ancestral que les bandes individuelles possèdent et qui ne peut pas être limité par une disposition de la Loi sur les Indiens.

11.            Malgré les nombreuses demandes que les demandeurs ont faites, la bande indienne d'Ermineskin no 942 défenderesse et le conseil de la bande d'Ermineskin défendeur ont refusé et continuent à refuser d'honorer la résolution du conseil de la bande datée du 16 novembre 1937.


Les motifs justifiant la radiation de ces paragraphes, tels qu'ils ont énoncés dans la requête elle-même, semblent être que la date pertinente en l'espèce est le 7 janvier 1944, soit la date à laquelle le ministre a pris sa décision, et que la date à laquelle la bande d'Ermineskin a reconnu à titre de membres de la bande Fred et Mina Hodgson ainsi que leurs descendants, soit le 16 novembre 1937, n'est pas pertinente.

[6]         Au mois de mai 1987, conformément à la Loi sur les Indiens, la bande d'Ermineskin a adopté ses propres règles ainsi qu'un code d'appartenance. Les demandeurs affirment que malgré de nombreuses demandes, tous les défendeurs et notamment la bande d'Ermineskin, ont refusé d'examiner la question de l'appartenance des demandeurs aux effectifs de la bande comme le prévoient les règles et le code d'appartenance (paragraphe 13 de la déclaration). Cela nous amène au fond de la déclaration, le paragraphe 14, qui dit que tous les défendeurs ont violé l'obligation fiduciaire qu'ils ont envers tous les demandeurs. À l'appui de la violation, il est notamment allégué que les noms des demandeurs ont été retranchés de la liste de la bande, que les noms des descendants nés subséquemment n'ont pas été ajoutés à la liste et que l'on a omis de protéger les intérêts des demandeurs, de sorte que ces derniers ont été privés de l'avantage qu'ils auraient eu à titre de membres de la bande d'Ermineskin. Voici le paragraphe 14 au complet :

[TRADUCTION]

14.      Chacun des défendeurs a une obligation fiduciaire envers chacun des demandeurs et cette obligation fiduciaire a été violée par chacun des défendeurs, en ce sens notamment :


a)      qu'ils ont permis le retranchement des noms des demandeurs Larry Hodgson, Harley Hodgson, Amy Pugh, Alma Duwar et Peggie Lundie de la liste de la bande d'Ermineskin au 7 janvier 1944, de sorte que les demandeurs ont été privés des avantages, financiers ou autres, qu'ils auraient obtenus à titre de membres de la bande d'Ermineskin entre le 7 janvier 1944 et la date de l'instruction;

b)      qu'ils ont omis d'ajouter les noms des demandeurs Theodore Hodgson, Dennis Hodgson et Carol Leeb à la liste de la bande d'Ermineskin, à leurs dates respectives de naissance, de sorte que les demandeurs ont été privés des avantages, financiers ou autres, qu'ils pourraient avoir obtenus à titre de membres de la bande d'Ermineskin entre leurs dates respectives de naissance et la date de l'instruction;

c)      qu'ils ont omis d'informer les demandeurs des avantages auxquels ils avaient peut-être droit et qu'ils n'ont pas protégé les intérêts des demandeurs en prenant des mesures qui ont eu pour effet de priver ces derniers des avantages, financiers ou autres, auxquels ils ont droit à titre de membres de la bande indienne d'Ermineskin.

La bande d'Ermineskin veut que toutes les mentions de la bande, comme dans l'expression « chacun des défendeurs » , soient enlevées des paragraphes 13 et 14 et de toutes les parties de la demande de réparation sauf à l'alinéa a). Ces modifications montreraient clairement que c'est la Couronne qui serait tenue d'accorder réparation, en particulier en ce qui concerne toute réparation pécuniaire découlant d'un jugement déclaratoire reconnaissant le droit à des avantages et à des dommages-intérêts, des intérêts et des dépens. La seule réparation qui pourrait encore être exigée de la bande d'Ermineskin découlerait d'un jugement déclaratoire portant que les demandeurs sont de fait membres de la bande depuis 1937.

ANALYSE

[7]         La bande d'Ermineskin conteste certaines parties de la déclaration. En premier lieu, elle affirme qu'elle n'a aucune obligation fiduciaire envers les demandeurs et qu'il n'existe donc aucune cause d'action valable en ce qui concerne les dommages-intérêts et, en second lieu, que de toute façon la Cour n'a pas compétence sur une demande de dommages-intérêts, ou de réparation en equity dans ce cas-ci.


[8]         Premièrement, la requête en radiation est présentée en vertu de la règle 221(1), qui traite entre autres choses de l'absence de cause d'action valable. Les contestations axées sur la compétence devraient peut-être être fondées sur la règle 208d). Toutefois, la règle 208, par opposition à l'ancienne règle 401, ne donne pas de directives, comme Sgayias le souligne dans l'édition 1999 de l'ouvrage intitulé Federal Court Practice, au sujet des mesures que peut prendre la partie qui conteste la compétence. Il n'a jamais été considéré comme erroné, en vertu des règles antérieures, de contester la compétence en vertu de l'ancienne règle 221 : voir par exemple Mobarakizadeh c. Canada (1994), 72 F.T.R. 30 (1re inst.), à la page 31.

[9]         L'avocat de la Couronne parle du critère qui s'applique à la radiation. Il serait possible de considérer comme étant de droit constant les arrêts obligeant la partie requérante à montrer qu'il est clair, évident et certain qu'un acte de procédure ne sera pas admis. Pourtant, il est trop facile de radier un acte de procédure en omettant de tenir compte du sens clair et ordinaire de l'expression « clair, évident et certain » et, ce faisant, d'empêcher une partie de se faire entendre simplement parce que l'acte de procédure ne sera peut-être pas ou probablement pas admis, ou parce qu'une partie aura de la difficulté à prouver une demande ou une défense, ou parce que la demande est nouvelle. Le critère qu'il convient d'appliquer à la radiation fondée sur l'absence de cause d'action valable consiste à admettre l'acte de procédure comme s'il était prouvé, puis à déterminer s'il est tout à fait désespéré et futile.


Absence de cause d'action valable

[10]       J'examinerai d'abord l'argument fondé sur l'absence de cause d'action valable. La bande d'Ermineskin conteste la demande qui, à son avis, est fondée sur la violation d'une obligation fiduciaire envers les demandeurs.

[11]       La bande d'Ermineskin soutient que les dates pertinentes sont l'année 1944, lorsque le ministre a décidé de retrancher les noms de la liste de la bande, et l'année 1991, lorsque la bande a refusé de permettre la réinscription, et ici l'avocat mentionne une décision de la Cour d'appel datée du 16 avril 1998, rendue à la suite de la présentation d'une requête interlocutoire. Je ne crois pas que la décision de 1998 soit particulièrement utile à la bande d'Ermineskin puisque, au paragraphe 20, la Cour d'appel a exprimé l'avis selon lequel il s'agissait en fait de savoir si la bande d'Ermineskin et la Couronne [TRADUCTION] « [...] avaient une obligation fiduciaire envers les intimés, parce qu'elles n'avaient pas honoré la résolution du 16 novembre 1937 du conseil de la bande qui a été annulée par la décision ministérielle du 7 janvier 1944 » . En l'espèce, la bande d'Ermineskin soutient que la résolution de 1937 a été annulée par la décision ministérielle de 1944 et qu'il existe donc uniquement une cause d'action contre le ministre, mais non contre la bande.


[12]       Les arguments invoqués par la bande d'Ermineskin sont que, même si le conseil de la bande agit à titre de fiduciaire à l'égard non seulement de tous les membres de la bande, individuellement et collectivement, mais aussi à l'égard de la bande dans son ensemble, et même si le conseil de la bande est tenu d'agir d'une façon impartiale, les demandeurs n'ont jamais été membres de la bande d'Ermineskin. L'avocate de la bande d'Ermineskin mentionne de nombreux arrêts à l'appui de ces thèses, notamment Leonard v. Gottfriedson (1981), 21 B.C.L.R. 326 à la p. 343 (C.S.C.-B.) Campbell c. Elliott [1988] 4 C.N.L.R. 45 à la p. 54 (C.F.), Barry v. Garden River Band (supra) aux p. 627-629 (C.A. Ont.), Gilbert v. Abbey [1992] 4 C.N.L.R. 21 aux p. 23-24 (C.S.C.-B.) et Procureur général du Québec c. Canada [1994] 3 C.N.L.R. 49 aux p. 85-86 (C.S.C.), mais elle ne mentionne aucun arrêt dans lequel il est énoncé que la bande n'a aucune obligation : j'examinerai ce point en temps et lieu. Comme je l'ai dit, la bande d'Ermineskin affirme que la période pertinente va de l'année 1944, lorsque le ministre a retranché le nom des demandeurs de la liste de la bande, à l'année 1991, lorsque l'action a été intentée, en soulignant que la Cour d'appel a refusé d'autoriser une modification qui pourrait avoir pour effet de faire porter la demande sur la période postérieure à l'année 1991.

[13]       On se fonderait peut-être sur une analyse trop stricte si l'on essayait d'effectuer la radiation compte tenu du fait que la situation des demandeurs ne semble pas être visée par un certain nombre de cas précis et de rejeter l'existence d'une obligation fiduciaire simplement compte tenu du fait que, puisque le nom des demandeurs ne figurait pas dans les documents de la bande et du gouvernement à titre de membres de la bande entre 1944 et 1991, il n'existe aucune obligation fiduciaire à leur égard.


[14]       Premièrement, dans leur déclaration, les demandeurs ne limitent pas leur demande à la période postérieure à l'année 1944, mais ils remontent plutôt au 16 novembre 1937 et ils allèguent que le conseil de la bande n'a pas honoré sa résolution. Je répéterai ici qu'aux fins de la présente requête, il faut supposer qu'il s'agit d'une déclaration exacte, comme l'est également la déclaration selon laquelle en vertu de la résolution du conseil de la bande, les parents des demandeurs et trois des demandeurs devenaient membres de la bande d'Ermineskin. À mon sens, cela montre que la demande d'au moins trois demandeurs n'est peut-être pas tout à fait futile. Je mentionnerai également ici, et je répéterai, l'observation que la Cour d'appel fédérale a faite en examinant une requête interlocutoire découlant de la présente action; voici ce que Monsieur le juge Stone a dit au nom de la Cour :

[TRADUCTION]

À mon avis, la question ou les questions litigieuses, telles qu'elles ont initialement été plaidées, sont en fait de savoir si les appelantes et leur codéfenderesse avaient une obligation fiduciaire envers les intimés, parce qu'elles n'avaient pas honoré la résolution du 16 novembre 1937 du conseil de la bande qui a été annulée par la décision ministérielle du 7 janvier 1944.

En outre, des questions sérieuses de droit ne devraient pas être tranchées dans le cadre d'une requête sommaire à moins d'être si clairement futiles qu'elles justifient une radiation : Vulcan Equipment Co. c. Coats Co. [1982] 2 C.F. 77 (C.A.F.), à la page 78 (autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada refusée (1982), 63 C.P.R. (2d) 261 n.). En outre, en l'espèce, la possibilité qu'il existe une obligation fiduciaire remontant à l'année 1937 est non seulement plaidée, mais elle peut bien être aussi tout à fait défendable. Pourtant, il existe d'autres arguments montrant pourquoi il existe peut-être une cause d'action valable.


[15]       En soutenant qu'il n'existe aucune obligation fiduciaire, la bande d'Ermineskin devait faire face à l'arrêt Barry v. Garden River Band of Ojibways (1997), 147 D.L.R. (4th) 615 (C.A. Ont.). Dans cet arrêt, la Cour d'appel de l'Ontario a statué que le conseil de la bande était tenu de déterminer qui était membre de la bande avant de distribuer au pro rata les avantages auxquels tous les membres de la bande avaient droit. Le conseil de la bande avait refusé de conférer les avantages aux enfants appelants parce qu'au moment de la distribution, ils n'étaient pas membres de la bande. Toutefois, la chose était uniquement attribuable à un retard qui était survenu dans le traitement de leurs demandes; chacun des enfants avait le droit de devenir membre de la bande et l'était de fait devenu. La Cour a statué que le conseil de la bande aurait dû retarder la distribution tant qu'il ne pouvait pas déterminer qui était membre ou subsidiairement qu'[TRADUCTION] « il aurait été simple de distribuer les avantages aux personnes qui étaient reconnues à titre membres, tout en conservant pour le moment un montant suffisant pour couvrir les intérêts des appelants mineurs dont les demandes n'avaient pas encore été agréées » (page 628). La Cour a ensuite fait remarquer que le conseil de la bande n'avait pas fait preuve de la diligence, de la compétence et de la prudence habituelles dans l'exercice de ses fonctions de fiduciaire (page 631). La Cour a statué que l'affaire devait être réglée [TRADUCTION] « [...] compte tenu des principes reconnus applicables aux obligations fiduciaires de toute personne qui entreprend de répartir au pro rata une somme d'argent qui lui est confiée » (loc. cit.). Dans l'affaire Garden River Band, chaque appelant a reçu une partie d'une somme forfaitaire ainsi que les intérêts et les dépens, sur la base procureur-client, tant en première instance qu'en appel.


[16]       La bande d'Ermineskin dit que l'arrêt Garden River Band ne devrait pas s'appliquer à des faits autres que les faits précis de l'affaire, en particulier lorsque l'allégation relative à l'appartenance est peut-être ténue, car autrement le processus de distribution des ressources et des fonds serait interrompu. Pourtant, la bande d'Ermineskin est au courant de la présente demande, une demande sérieuse, depuis un certain temps. Le droit des fiducies, tel qu'il s'applique aux questions indiennes, a évolué fort rapidement. Un conseil de bande, qui fait preuve de la diligence, de la compétence et de la prudence habituelles dans l'exercice de ses fonctions de fiduciaire, pourrait bien avoir à mettre de côté des sommes suffisantes au cas où les demandeurs deviendraient membres ou seraient réinscrits à titre de membres avant d'effectuer une distribution générale en faveur des personnes inscrites à titre de membres de la bande.

[17]       Une autre chose me préoccupe également, à savoir que la bande d'Ermineskin mentionne un certain nombre d'arrêts dans lesquels sont énoncées, en termes positifs, les diverses obligations fiduciaires d'un conseil de bande, mais qu'elle ne peut pas signaler d'arrêts faisant autorité en vue d'établir qu'en droit il n'existe pas d'obligation fiduciaire dans ce cas-ci. Cela étant, le principe directeur veut que, comme en matière de négligence, il faut se garder de conclure que les catégories de fiduciaires sont exhaustives :

On dit parfois que la nature des rapports fiduciaires est établie et définie complètement par les catégories habituelles de mandataire, de fiduciaire, d'associé, d'administrateur, etc. Je ne partage pas cet avis. L'obligation de fiduciaire découle de la nature du rapport et non pas de la catégorie spécifique dont relève l'acteur. Comme en matière de négligence, il faut se garder de conclure que les catégories de fiduciaires sont exhaustives. Voir, par exemple, les arrêts Laskin v. Bache & Co. Inc. (1971) 23 D.L.R. (3d) 385 à la p. 392, [1972] 1 O.R. 465 (C.A.); Goldex Mines Ltd.v. Revill et al. (1974), 54 D.L.R. (3d) 672 à la p. 680, 7 O.R. 216 (C.A.) à la p. 224. [Guerin c. La Reine (1985), 13 D.L.R. (4th) 321 (C.S.C.), à la page 341].

[18]       En l'espèce, au paragraphe 14 de la déclaration, les demandeurs allèguent que les défendeurs ont violé leur obligation fiduciaire et ils donnent ensuite des détails à ce sujet. Il s'agit d'une plaidoirie qui a des chances de succès.


[19]       Je ne suis pas prêt à radier les paragraphes 10 et 11, ou à enlever des paragraphes 13 et 14 ou de la réparation demandée, qui pourrait découler de la violation d'une obligation fiduciaire, toute mention susceptible d'inclure la bande d'Ermineskin.

Défaut de compétence

[20]       L'avocat de la bande d'Ermineskin a invoqué divers arguments en vue de tenter d'établir que la Cour n'a pas compétence. Il a commencé par examiner l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale. L'avocat de la Couronne est d'accord, en soulignant qu'eu égard aux circonstances, la Cour n'est pas compétente en vertu des alinéas 18(1)a) et b) puisque le paragraphe 18(3) limite aux demandes de contrôle judiciaire les réparations prévues au paragraphe 18(1). L'avocat des demandeurs a concédé qu'il n'était pas nécessaire de se fonder sur la compétence prévue à l'article 18.

[21]       Il s'agit en fait de savoir si la compétence peut être fondée sur l'alinéa 17(2)a), sur le paragraphe 17(4) ou sur l'alinéa 17(5)b) de la Loi :

17.2 Motifs -- La Section de première instance a notamment compétence concurrente en première instance, sauf disposition contraire, dans les cas de demande motivés par :

a) la possession par la Couronne de terres, biens ou sommes d'argent appartenant à autrui;

[...]

(4) Demandes contradictoires contre la Couronne -- La Section de première instance a compétence concurrente, en première instance, dans les procédures visant à régler les différends mettant en cause la Couronne à propos d'une obligation réelle ou éventuelle pouvant faire l'objet de demandes contradictoires.

(5) Actions en réparation -- La Section de première instance a compétence concurrente, en première instance, dans les actions en réparation intentées :


[...]

b) contre un fonctionnaire, préposé ou mandataire de la Couronne pour des faits -- actes ou omissions -- survenus dans le cadre de ses fonctions.

[22]       Ces dispositions conféreraient apparemment à la Cour la compétence voulue puisque, conformément à l'arrêt ITO-International Terminal Operators Ltd. c. Miida Electronics Inc. [1986] 1 R.C.S. 752, à la page 766, il doit y avoir attribution de compétence par une loi du Parlement fédéral; deuxièmement, il doit exister un ensemble de règles de droit qui constitue le fondement de l'attribution légale de compétence et qui soit essentiel à la solution du litige; troisièmement, la loi sous-tendant l'affaire doit être une loi canadienne. C'est le premier élément mentionné dans l'arrêt Miida Electronics, se rapportant à l'attribution d'une compétence par le Parlement fédéral, qui est l'élément que la bande d'Ermineskin invoque en l'espèce.

Attribution légale de compétence

[23]       L'avocat de la bande d'Ermineskin soutient qu'aucune compétence n'est conférée en vertu des trois dispositions en cause de l'article 17 de la Loi. L'avocat des demandeurs et l'avocat de la Couronne soutiennent que la compétence repose sur ces trois dispositions de l'article 17 de la Loi sur la Cour fédérale. J'examinerai chaque disposition à tour de rôle.

Compétence conférée par l'alinéa 17(2)a)


[24]       Le paragraphe 17(2) confère une compétence concurrente à la Section de première instance lorsque des terres, des biens ou des sommes d'argent sont en la possession de la Couronne. Les articles 61 à 69 de la Loi sur les Indiens traitent de l'administration de l'argent des Indiens qui est détenu en fiducie par la Couronne dans le Trésor, tant à titre de capital que de revenu. Cet argent est détenu en fiducie, comme les terres indiennes étaient détenues en fiducie par la Couronne dans l'affaire Roberts c. Canada (1989), 57 D.L.R. (4th) 197 (C.S.C.). Dans l'affaire Roberts, le litige opposait deux bandes indiennes qui revendiquaient chacune les mêmes terres d'une réserve. La question dont la Cour suprême du Canada avait été saisie était de savoir si la Cour fédérale avait compétence. La Cour suprême a statué que la Cour avait compétence parce que la Couronne détenait les terres en fiducie pour l'une ou l'autre des bandes demanderesses (voir la page 207).

[25]       En l'espèce, la Couronne détient l'argent des Indiens en fiducie pour tous les membres de la bande. Les demandeurs affirment être membres de la bande. La bande d'Ermineskin déclare qu'ils ne le sont pas. Tout cela semble être un type bien connu de litige compte tenu des affaires Roberts c. Canada et Garden River Band (supra).

[26]       Je devrais ici reconnaître que le contrôle de l'argent de la bande a été transféré par voie législative, mais le ministre a néanmoins encore certaines obligations. Ainsi le Règlement sur les revenus des bandes d'Indiens, C.R.C. ch. 953, prévoit qu'il faut faire rapport au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien qui, en vertu de l'article 3 de la Loi sur les Indiens, est chargé de l'application de la Loi. L'avocat des demandeurs soutient que le transfert du contrôle de l'argent ne libère par le ministre de son obligation de surveillance et de l'exigence voulant que l'argent soit réparti entre tous les membres existants et, de fait, entre tous les membres éventuels.


[27]       Cette obligation continue est du moins en partie fondée sur l'idée selon laquelle le ministre peut déléguer son pouvoir, mais qu'il ne peut pas abdiquer ou abandonner une responsabilité imposée par la loi. Le ministre détient l'argent des Indiens, au sens de la Loi sur les Indiens, à l'usage et au profit des bandes indiennes, telles qu'elles sont définies à l'article 2 de la Loi, et doit appliquer la loi comme le prévoit l'article 3 de la Loi. Même si le ministre a délégué l'administration de l'argent à la bande d'Ermineskin, je ne suis pas prêt à dire qu'il n'a absolument aucune responsabilité.

[28]       Je devrais uniquement conclure à l'absence de compétence si la chose est claire, évidente et certaine. En outre, les questions sérieuses de droit, comme c'est certainement ici le cas, ne devraient être tranchées dans le cadre d'une requête sommaire visant à faire radier des actes de procédure que si l'acte en question est si clairement futile que la radiation est justifiée : voir par exemple Vulcan Equipment Co. (supra), à la page 78.

[29]       Bref, il n'est pas futile de dire que la Cour fédérale a compétence en vertu de l'alinéa 17(2)a) de la Loi sur la Cour fédérale. Pourtant, ce n'est peut-être pas le fondement le plus convaincant invoqué par les demandeurs en ce qui concerne la compétence de la Cour fédérale.

Compétence fondée sur le paragraphe 17(4) de la Loi sur la Cour fédérale


[30]       Le paragraphe 17(4) de la Loi sur la Cour fédérale confère à la Section de première instance une compétence concurrente pour régler les différends mettant en cause la Couronne « à propos d'une obligation pouvant faire l'objet de demandes contradictoires » Dans ce cas-ci, les principaux éléments sont qu'il doit y avoir un différend et que des demandes contradictoires sont faites ou peuvent être faites. Cela nous ramène à l'arrêt Roberts c. Canada (supra) dans un autre contexte.

[31]       Dans l'arrêt Roberts, à la page 206, la Cour suprême du Canada a reconnu que le paragraphe 17(4) de la Loi sur la Cour fédérale renferme quatre éléments passablement évidents :

[...] l'alinéa exige a) une procédure; b) aux fins de juger une contestation; c) dans laquelle la Couronne a ou peut avoir une obligation; d) qui est ou peut être l'objet de demandes contradictoires.

La Cour a ensuite souligné ce qui suit :

Une procédure d'interpleader entamée par la Couronne répondrait bien à cette description. Il est même difficile à première vue d'envisager des situations autres que la procédure d'interpleader où toutes les exigences de l'al. 17(3)c) [maintenant paragraphe 17(4)] seraient respectées.

Toufefois, il se peut que dans ce cas-ci, il s'agisse d'une situation anormale.


[32]       Il est peut-être utile d'examiner fort brièvement les faits de l'affaire Roberts, dans laquelle deux bandes indiennes revendiquaient la même réserve. La bande demanderesse, qui n'avait pas les terres de la réserve en sa possession, avait présenté une demande contre la bande défenderesse, qui était en possession de ces terres, la cause d'action étant fondée sur la violation du droit de propriété. La demanderesse avait présenté contre la Couronne une demande fondée sur ce que cette dernière avait violé son obligation fiduciaire en permettant à la bande défenderesse d'occuper la réserve. La bande demanderesse sollicitait également un jugement déclaratoire portant qu'elle avait droit aux terres de la réserve. Cela a abouti à une situation dans laquelle la Couronne avait une obligation à l'égard de laquelle il existait des demandes contradictoires, l'obligation étant qu'elle devait détenir la réserve pour l'usage et le profit de la bande qui y avait à juste titre droit.

[33]       Si nous appliquons le critère énoncé dans l'arrêt Roberts (supra), à la page 206, il existe clairement en l'espèce une procédure aux fins de juger une contestation. Toutefois, la bande d'Ermineskin dit qu'il n'existe aucune obligation ni aucune situation donnant lieu ou pouvant donner lieu à des demandes contradictoires. La bande d'Ermineskin prend cette position en se fondant sur le fait que, puisqu'elle a délégué à la bande d'Ermineskin toute décision relative à l'appartenance aux effectifs, en vertu de l'article 10 de la Loi sur les Indiens, la Couronne n'a ni le pouvoir ni l'obligation de déterminer qui est membre de la bande; elle mentionne à cet égard le paragraphe 10(9), qui prévoit que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien n'est plus responsable de la liste de la bande à compter de la date à laquelle la bande est responsable de la tenue de la liste. Toutefois, il ne s'agit pas d'un contrôle rétroactif, mais plutôt, dans le cas de la bande d'Ermineskin, d'un contrôle qui a pris naissance au mois de mai 1987 et qui continue à exister.


[34]       Le fait qu'une bande est responsable de la tenue de la liste ne veut pas nécessairement dire que la Couronne, au sens large du terme, n'est plus responsable. Le paragraphe 10(9) de la Loi sur les Indiens prévoit simplement que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien est dégagé de toute responsabilité. Les rédacteurs de l'article 10 ont sagement omis d'étendre l'exemption au ministre qui, bien sûr, peut uniquement déléguer ses pouvoirs et non abdiquer complètement toute responsabilité. Ainsi, il se peut que, lorsqu'il délègue à la bande d'Ermineskin, en sa qualité de mandataire, ses obligations légales, en ce qui concerne la tenue de la liste, le ministre soit tenu d'exiger que le mandataire tienne compte des dispositions relatives aux droits acquis des paragraphes 10(4) et 10(5) de la Loi sur les Indiens.

[35]       L'analyse de l'article 10 de la Loi sur les Indiens par la bande d'Ermineskin est également défectueuse en ce sens que la demande, tant en ce qui concerne le jugement déclaratoire que les dommages-intérêts, se rapporte non seulement aux membres actuels, mais aussi aux anciens membres, comme la Cour fédérale s'en rendait clairement compte; en effet, comme je l'ai déjà souligné, la Cour a défini la question litigieuse comme étant de savoir si la bande d'Ermineskin et la Couronne avaient envers les demandeurs une obligation fiduciaire découlant du fait qu'elles avaient omis d'honorer la résolution du conseil de la bande de 1937. Je ne citerai pas de nouveau le paragraphe 14 de la déclaration, mais il est clair que ce paragraphe se rapporte au moins en partie aux années antérieures à l'année 1944 et qu'il s'agit d'une demande se rapportant à la responsabilité conjointe et solidaire de la bande d'Ermineskin, du conseil de la bande d'Ermineskin et du gouvernement canadien, découlant de la violation d'obligations fiduciaires. Les demandeurs sollicitent ensuite des réparations qui intéressent tous les défendeurs. Cela nous amène au quatrième volet du critère énoncé dans l'arrêt Roberts, à savoir qu'il y a ou qu'il peut y avoir des demandes contradictoires.


[36]       La position de la bande d'Ermineskin est qu'elle ne présente pas de demande contre la Couronne, qu'elle n'affirme pas qu'il existe en sa faveur une obligation qui va à l'encontre des obligations qui existeraient apparemment en faveur des demandeurs et qu'elle ne revendique aucun intérêt ou bien qui est réclamé par les demandeurs. Il est plutôt allégué que la bande d'Ermineskin et le conseil de la bande d'Ermineskin décident de l'appartenance aux effectifs.

[37]       Il s'agit ici encore d'une déclaration claire, mais elle est peut-être énoncée d'une façon trop simple. Dans l'arrêt Roberts (supra), la situation aurait pu être analogue à la procédure d'interpleader, mais elle ne l'était pas parce que, tout en étant prise entre deux entités revendiquant la même réserve, la Couronne ne détenait pas les terres simplement à titre d'intéressée et qu'au lieu d'être une intéressée neutre, elle s'était clairement rangée du côté de la bande défenderesse. Dans l'arrêt Roberts, la Cour suprême a souligné que la description de l'instance visée par ce qui est maintenant le paragraphe 17(4) de la Loi sur la Cour fédérale inclut clairement la procédure d'interpleader, mais qu'elle n'est pas limitée à cette procédure d'interpleader (page 206). Pourtant, le paragraphe 17(4) ne confère pas une compétence de plein droit simplement parce que la Couronne est codéfenderesse, car cela irait clairement à l'encontre de l'esprit du paragraphe 17(4) et ne tiendrait pas compte des éléments énoncés dans la disposition.


[38]       En l'espèce, un certain nombre de possibilités donnent lieu à des demandes contradictoires. Si la décision de 1944 du ministre était erronée et si la résolution de 1937 du conseil de la bande, par laquelle les demandeurs seraient devenus membres de la bande, est exacte, cela pourrait bien faire naître des obligations. Sans plus, il est difficile de voir la Couronne et la bande d'Ermineskin, qui ont toutes les deux dénié toute responsabilité, prendre isolément des mesures en vue de conclure volontairement un règlement avec les demandeurs : une demande contradictoire peut bien alors facilement exister. Selon ce même scénario, si les demandeurs devaient être membres de la bande depuis 1937 ou depuis leur naissance, ont-ils droit au paiement rétroactif de l'argent et des intérêts comme s'ils avaient été membres de la bande depuis 1937 ou depuis leur naissance, et ce, jusqu'à la date de l'instruction? Ici encore, la question de savoir si l'obligation d'effectuer le paiement incombe à la Couronne ou à la bande d'Ermineskin, ou s'il s'agit d'une obligation partagée, peut bien donner lieu à des demandes contradictoires. La Couronne souligne également que les obligations peuvent bien être différentes selon l'avantage en question : une distribution de revenu ou de capital, une disposition relative au logement ou un certain nombre d'avantages que les demandeurs se sont jusqu'ici vu refuser peuvent bien être en litige, de sorte que la question de savoir qui devrait assumer pareille obligation donnerait lieu à des demandes contradictoires.


[39]       La décision Kenneth Paul c. la bande indienne Kingsclear (1997), 132 F.T.R. 145 dans laquelle il y avait d'autres défendeurs, dont la Couronne et Mme Cynthia Paul, est peut-être plus révélatrice, en ce sens que les défendeurs faisaient face à un conflit moins clair que dans l'affaire Roberts. De fait, dans l'affaire Kingsclear, les demandes contradicoires ne sont pas des images symétriques l'une de l'autre, mais il s'agit plutôt d'un amas passablement complexe d'assertions et de demandes contradictoires réelles ou éventuelles. Dans l'affaire Paul, le demandeur sollicitait une injonction et un jugement déclaratoire ainsi que des dommages-intérêts; en effet, il avait construit et amélioré l'habitation familiale dans laquelle il détenait pour la moitié un intérêt, cette habitation étant située dans la réserve indienne. M. Paul avait essayé en vain d'obtenir la possession de l'habitation de Mme Paul, de la bande et du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. En déterminant si la Cour avait compétence pour entendre la demande en vertu du paragraphe 17(4) de la Loi, Monsieur le juge Lutfy a fait observer ce qui suit :

La seule question litigieuse que soulève la présente requête se rapporte à la compétence. Il n'est pas nécessaire que je détermine si le demandeur parviendra à plaider soit l'article 23 de la Loi sur les Indiens, soit l'obligation fiduciaire de la Couronne. Il existe une « obligation réelle ou éventuelle » de la Couronne concernant les droits revendiqués par le demandeur sous le régime du certificat de possession à l'égard duquel le demandeur et la défenderesse Paul, sinon d'autres personnes, peuvent avoir des demandes contradictoires. Ainsi, le demandeur sollicite une injonction contre la défenderesse Paul pour l'empêcher de continuer d'occuper la résidence familiale. Par conséquent, les troisième et quatrième exigences du paragraphe (4) sont également respectées.

Le certificat de possession sollicité par M. Paul peut être considéré comme analogue à l'appartenance aux effectifs de la bande revendiquée par les demandeurs. Sur cette base, les exigences du paragraphe 17(4) sont peut-être satisfaites en l'espèce.


[40]       La bande d'Ermineskin soulève une question additionnelle, à savoir s'il y a en fait des demandes contradictoires au sens du paragraphe 17(4), ou si la déclaration renferme simplement des allégations contestées. Pourtant, quelle que soit la façon dont les questions en litige sont définies, à savoir en tant que demandes contradictoires ou d'allégations contestées, elles ne sont pas réellement différentes de l'ensemble d'obligations que la Couronne aurait pu avoir dans l'affaire Paul c. Kingsclear (supra), lorsqu'il s'agissait de régler l'affaire au fond. Essayer de faire une distinction entre ce qui peut devenir une demande contradictoire et ce qui n'est à l'heure actuelle qu'une allégation contestée est à mon avis une question de sémantique trop poussée, car le paragraphe 17(4) n'exige pas que la déclaration contienne une allégation de demande contradictoire, mais uniquement que, par suite des faits qui sont plaidés, il puisse y avoir des demandes contradictoires.

[41]       Bref, en ce qui concerne le paragraphe 17(4), il n'est peut-être pas facile de fonder une action sous cette rubrique de compétence lorsqu'il s'agit pour les demandeurs d'établir la compétence et d'obtenir gain de cause, mais je ne suis pas prêt à dire que cette façon d'aborder la question de la compétence est clairement, de toute évidence et sans aucun doute futile et ne peut pas être retenue.

Compétence fondée sur l'alinéa 17(5)b) de la Loi sur la Cour fédérale

[42]       Comme autre source de compétence, les demandeurs et la Couronne mentionnent également l'alinéa 17(5)b) de la Loi sur la Cour fédérale, selon lequel la compétence de la Cour s'étend aux actions en réparation intentées contre un préposé ou mandataire de la Couronne pour de faits survenus dans le cadre de ses fonctions :

17.(5) La Section de première instance a compétence concurrente, en première instance, dans les actions en réparation intentées :

[...]

b) contre un fonctionnaire, préposé ou mandataire de la Couronne pour des faits -- actes ou omissions -- survenus dans le cadre de ses fonctions.


[43]       Les demandeurs affirment qu'en ce qui concerne la question de l'appartenance aux effectifs de la bande, la bande d'Ermineskin agit à titre de préposée ou de mandataire de la Couronne en vertu d'un pouvoir que le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien lui a délégué conformément à l'article 10 de la Loi sur les Indiens.


[44]       L'idée selon laquelle, en déléguant à la bande toute décision relative à l'appartenance ou le pouvoir de décider de l'appartenance en vertu de la Loi sur les Indiens, le ministre fait de la bande d'Ermineskin son préposé ou son mandataire, soulève deux problèmes. En premier lieu, le conseil d'une bande n'est habituellement pas un préposé ou un mandataire de la Couronne : il est ici opportun de tenir compte de l'examen qui a été fait sur ce point dans la décision Powderface c. Baptiste (1997), 118 F.T.R. 258, aux pages 262 et 263. Pourtant, les décisions mentionnées par Monsieur le juge Heald dans la décision Powderface laissent subsister la possibilité selon laquelle, dans certaines circonstances, le conseil d'une bande pourrait agir à titre de préposé ou de mandataire. En second lieu, la déclaration n'énonce pas textuellement que la bande d'Ermineskin est un préposé ou un mandataire. Dans ce cas-ci, les demandeurs soutiennent que la relation n'a pas à être plaidée en tant que telle, mais qu'elle peut être inférée à partir des faits énoncés dans la déclaration. Au paragraphe 12 de la déclaration, les demandeurs affirment que, conformément à la Loi sur les Indiens, la bande d'Ermineskin a adopté un ensemble de règles d'appartenance et un code d'appartenance. La bande l'a implicitement fait en vertu du pouvoir que le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien lui avait délégué. Cela est peut-être un fondement ténu, mais il serait possible d'y remédier au besoin au moyen d'une modification. La relation d'employé n'est pas nécessairement déterminée du fait qu'elle est ainsi qualifiée comme telle ou par la façon dont les personnes en cause se considèrent et considèrent leur relation. Il s'agit plutôt d'une question de fait et de droit; il faut soupeser de nombreux facteurs objectivement afin de déterminer d'une façon générale de quelle façon classer une personne ou des personnes. Il en va de même dans le cas d'un mandat, car la question de savoir si un mandat existe dans un cas donné dépend non de la terminologie employée par les personnes en cause, mais de la nature de l'entente et des circonstances dans lesquelles s'inscrit la relation :

[TRADUCTION]

La question de savoir s'il existe une relation dans un cas donné ne dépend pas de la terminologie précise que les personnes en cause emploient en vue de décrire leurs relations, mais de la nature véritable de l'entente ou des circonstances précises de la relation existant entre le présumé mandant et le présumé mandataire. (Halsbury, 4e édition, volume 1(2) au premier paragraphe).

[45]       Ce n'est pas l'argument le plus convaincant soulevé par les demandeurs en ce qui concerne la question de la compétence, mais une possibilité indépendante justifiant la reconnaissance de la compétence. Si la demande était uniquement fondée sur l'argument voulant qu'il existe une relation de préposé ou de mandataire et que l'alinéa 17(5)b) de la Loi sur la Cour fédérale s'applique, j'hésiterais à radier la demande pour le motif qu'il est clair et évident qu'elle n'a aucune chance de succès.

CONCLUSION


[46]       Tous les avocats ont fait des efforts considérables en vue de se préparer et de débattre l'affaire. Cela étant, la requête de la bande d'Ermineskin et les réponses y afférentes soulèvent des points intéressants. De fait, certains points soulevés par la bande d'Ermineskin pourraient bien être retenus. Pourtant, aucun des points soulevés par la bande d'Ermineskin ont la force persuasive et emportent la certitude nécessaires pour justifier la radiation d'une partie de la déclaration. Les parties devraient maintenant chercher à en arriver à un règlement au fond. La requête de la bande d'Ermineskin est rejetée.

[47]       En ce qui concerne les dépens, le résultat est d'un grand intérêt pour les demandeurs et pour la Couronne. En effet, ils ont contribué au rejet de la requête de la bande d'Ermineskin. Ils auront chacun droit à des mémoires de frais distincts; la bande d'Ermineskin devra payer les dépens, et ce, quelle que soit l'issue de la cause.

                              (Sign.) John A. Hargrave                         

Protonotaire

Le 10 septembre 1999

Vancouver (Colombie-Britannique)

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.


                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                           T-2553-91

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         Théodore Hodgson et autres c. La bande indienne d'Ermineskin no 942 et le conseil de bande d'Ermineskin et autres

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Edmonton (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :                            Le 31 août 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE du protonotaire John A. Hargrave.

ONT COMPARU:

Ronald E. Johnson                                             pour les demandeurs

Maria Morellato                                               pour la bande indienne d'Ermineskin no 942 et le conseil de la bande d'Ermineskin, défendeurs

James Baird                                                      pour Sa Majesté la Reine du chef du Canada et autre, défendeurs

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Roddick & Johnson

Edmonton (Alberta)                                           pour les demandeurs

Blake, Cassels & Graydon

Vancouver (C.-B.)                                            pour la bande indienne d'Ermineskin no 942 et le conseil de la bande d'Ermineskin, défendeurs

Morris A. Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                    pour Sa Majesté la Reine du chef du Canada et autre, défendeurs

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