Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

     T-1360-96

Ottawa (Ontario), le 21 avril 1997

En présence de : monsieur le juge Muldoon

Entre :

     NORMAN ALBERT BAUDISCH,

     requérant,

     et

     LE TRIBUNAL DE L"AVIATION CIVILE,

     intimé.


ORDONNANCE

     VU la demande, déposée pour le compte du requérant le 5 juin 1996 et amendée conformément à la directive de la Cour le 7 juillet 1996, visant à obtenir :

         1.      Une ordonnance de mandamus enjoignant au Tribunal de l"aviation civile de régler la demande de redressement que Norman Albert Baudisch a déposée devant lui le 28 février 1996 et,         
         2.      Une ordonnance empêchant Faye H. Smith de prendre part à la présente affaire et,         
         3.      Une ordonnance portant que le Tribunal de l"aviation civile renvoie à la Section de première instance de la Cour fédérale, pour que celle-ci entende et règle, toute question de droit, de compétence ou de procédure qu"il pourrait avoir en ce qui concerne le règlement de la demande de redressement déposée par Norman Albert Baudisch.         

     VU l"audition de la présente affaire à Vancouver en présence du requérant agissant pour son propre compte et de l"avocat de l"intimé, vu les observations faites par chacun, et vu le sursis de la Cour au prononcé du jugement,

LA COUR ORDONNE que la présente demande soit rejetée. Il n"y a pas lieu à adjudication des dépens.


F.C. Muldoon

                             Juge

Traduction certifiée conforme                  _______________________

                                 Bernard Olivier, LL.B.

     T-1360-96

Entre :

     NORMAN ALBERT BAUDISCH,

     requérant,

     et

     LE TRIBUNAL DE L"AVIATION CIVILE,

     intimé.

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

Le juge Muldoon

     Il s"agit d"une demande, introduite le 7 juillet 1996 par un avis amendé de requête introductive d"instance, visant à obtenir :

         1.      Une ordonnance de mandamus enjoignant au Tribunal de l"aviation civile de régler la demande de redressement que Norman Albert Baudisch a déposée devant lui le 28 février 1996 et,                 
         2.      Une ordonnance empêchant Faye H. Smith de prendre part à la présente affaire et,                 
         3.      Une ordonnance portant que le Tribunal de l"aviation civile renvoie à la Section de première instance de la Cour fédérale, pour que celle-ci entende et règle, toute question de droit, de compétence ou de procédure qu"il pourrait avoir en ce qui concerne le règlement de la demande de redressement déposée par Norman Albert Baudisch.                 
     Il s"agit de la demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle le ministre des Transports (par l"entremise de M. Norman Muffitt) a suspendu, le 10 décembre 1992, pour une durée de trois jours, le permis de pilote de ligne du requérant pour violation du paragraphe 540.2(6) du Règlement de l"Air, C.R.C. 1978, ch. 2. Dans sa décision, le ministre a conclu que le requérant avait piloté, dans des conditions givrantes connues, le 8 février 1992, un appareil Beechcraft 76, C-GBXV qui n"était pas approuvé pour voler dans de telles conditions. Bien que la demande déposée devant la Cour ne vise pas le contrôle judiciaire de la décision même, elle découle néanmoins des circonstances dans lesquelles la décision a été prise.         
     Au moment où l"incident s"est produit, M. Baudisch était instructeur de vol au Edmonton Flying Club. Le 8 février 1992, il a fait un vol d"entraînement avec un élève, M. Mike Tomm (lui aussi un instructeur), à bord du Beechcraft 76 C-GBXV (transcription : p. 2-3). Le 9 novembre 1992, M. Baudisch a reçu une lettre de Transports Canada selon laquelle il aurait effectué, en sa qualité de commandant d"un Beechcraft 58 C-GXJW, un vol dans des conditions givrantes connues, le 8 février de cette année-là. La lettre l"a avisé qu"il n"était pas tenu d"aider l"enquêteur (dossier du requérant, p. 41; transcription, p. 4). Lors de discussions avec l"enquêteur, M. Baudisch a nié à trois reprises avoir effectué un vol à bord du Beechcraft 58 C-GXJW cette journée-là (transcription : p. 5). Il avait piloté le Beechcraft 58 les 5 et 13 février 1992 (transcription : p. 5). En fait, le Beechcraft 58 était muni de boudins de dégivrage et était approuvé pour voler dans des conditions givrantes (transcription : p. 8). Si le requérant s"était contenté de ne rien dire, comment aurait-on pu lui reprocher quoi que ce soit? Ce n"est que le 10 décembre 1992, date de l"avis de suspension, que l"on s"est rendu compte que l"appareil en question était un Beechcraft 76 (dossier du requérant, p. 18).         
     Un sursis d"exécution de la suspension a été accordé au requérant jusqu"à ce que le Tribunal de l"aviation civile tienne une audience en révision. Transports Canada lui a divulgué des éléments de preuve (transcription : p. 6). Le 5 avril 1993, il a demandé la divulgation de toute la preuve, car il ignorait quelles personnes le ministre des Transports ferait témoigner et les renseignements que le ministre avait obtenus de celles-ci. Le 21 avril 1993, le tribunal a rendu une décision défavorable au requérant. La requête préliminaire en divulgation complète présentée par M. Baudisch a été rejetée (transcription : p. 10). Il a interjeté appel de la décision maintenant la suspension devant un comité d"appel.         
     À l"audition de l"appel le 3 septembre 1993, M. Baudisch a prétendu que le ministre ne lui avait pas divulgué l"identité de tous ses témoins. L"agent du ministre chargé de présenter le cas était Mme Faye Smith. Dans la décision qu"il a rendue le 5 octobre 1993, le comité d"appel a ordonné qu"une nouvelle audience en révision soit tenue et que le ministre divulgue toute sa preuve à M. Baudisch (dossier du requérant, p. 6).         
     Le ministre a fait parvenir deux lettres à M. Baudisch le 22 octobre 1993. Il s"agissait de déclarations de deux témoins, M. Tomm (l"élève) et M. Orville Hewitt, le patron du requérant (et la personne ayant déposé la plainte environ huit mois après l"incident : dossier du requérant, pages 37 et 103; transcription : p. 18). Une téléconférence préparatoire à la deuxième audience en révision a été tenue le 3 novembre 1993, à laquelle ont participé le conseiller R.J. MacPherson, le requérant, et Mme Faye Smith, directrice de la Section des appels de l"Application des règlements de Transports Canada. Il ressort du rapport de la téléconférence que Mme Smith a assuré le requérant et le conseiller du fait que [TRADUCTION] " Transports Canada a fait parvenir à M. Baudisch tous les renseignements relatifs à cette affaire, et ce dernier a confirmé les avoir reçus " (dossier du requérant p. 30). Une deuxième audience en révision a été tenue le 18 novembre 1993, et le tribunal a encore une fois maintenu la suspension (dossier du requérant, pages 86 à 89). M. Baudisch s"est alors prévalu de son droit de porter cette décision en appel devant le comité d"appel.         
     Le comité d"appel a rejeté l"appel le 10 mars 1994. Selon le 7e motif d"appel invoqué par M. Baudisch, le ministre disposait toujours de certains documents qu"il refusait de lui communiquer. En particulier, M. Baudisch voulait obtenir le document que l"inspecteur Gillespie de l"Application des règlements avait fait parvenir au directeur régional de l"Application des règlements et qui recommandait son accusation. Dans sa décision, le vice-président, M. Bruce Pultz, écrit (dossier du requérant pages 95A à 96) :         
         [TRADUCTION] M. Baudisch croit toujours que le ministre refuse de lui communiquer des documents dont il pourrait se servir pour se défendre. En particulier, il voulait obtenir les documents que M. Gillespie a fait parvenir au directeur régional de l"Application des règlements et qui recommandait qu"une accusation soit portée contre lui.                 
              Mme Ellard a dit que le ministre des Transports souscrit entièrement au principe de la divulgation complète et elle a assuré le Tribunal et M. Baudisch que tous les renseignements pertinents avaient été communiqués à ce dernier. Cependant, elle a ajouté que le ministre n"était pas disposé, dans le cadre de la divulgation, à fournir des documents internes traitant de politique ou de l"administration du programme d"application de la loi, ni des documents tels une note de service remise par l"enquêteur à son superviseur. Le Tribunal convient qu"en ce qui concerne la présente audition, M. Baudisch a reçu une divulgation convenable qui lui permettait de bien préparer sa défense aux accusations portées contre lui.                 
     Suite à la décision du comité d"appel, M. Baudisch, par l"entremise de son député, a essayé à deux reprises d"obtenir le rapport que M. Gillespie a fait parvenir au directeur régional de l"Application des règlements le ou vers le 15 décembre 1992 (dossier du requérant, pages 100 et 101). Le 1er novembre 1994, l"honorable Douglas Young, ministre des Transports a répondu à la demande du député Werner Schimdt. Dans sa réponse, le ministre a dit que [TRADUCTION] " conformément à la Loi sur la protection des renseignements personnels , la Section de l"accès à l"information et de la protection des renseignements personnels de mon ministère a autorisé des fonctionnaires [...] à fournir à M. Baudisch une copie du document qu"il désire obtenir " (dossier du requérant, p. 102).         
     Après s"être rendu au bureau de Transports Canada à Edmonton vers la mi-décembre 1994, M. Baudisch a reçu le document qu"il désirait, soit le [TRADUCTION] " Rapport d"enquête détaillé " (le Rapport) (dossier du requérant, pages 37 à 40; 103 à 106). Le Rapport mentionnait un témoin, M. John Riswold, dont l"identité n"avait pas été divulguée à M. Baudisch. En outre, M. Norman Muffitt, directeur de l"Application des règlements de Transports Canada, écrit (sous [TRADUCTION] " Décision " : dossier du requérant, p. 106) :         
         [TRADUCTION] Normalement, une lettre de conseil suffirait. Toutefois, dans la présente affaire, l"accusé refuse d"admettre sa culpabilité et il désire contester l"accusation portée contre lui. Par conséquent, pour étayer la prétention de l"enquêteur voulant qu"une infraction a été commise et aussi pour permettre à l"accusé de présenter ses observations devant le Tribunal, j"impose une suspension de trois jours.                 
     Le 12 janvier 1996, M. Baudisch a téléphoné au tribunal. Au cours de l"entretien qu"il a eu avec Mme Faye Smith (qui, entre-temps, avait été nommée présidente du tribunal) le requérant a été invité à faire parvenir les renseignements dont il disposait et qui démontraient que [TRADUCTION] " Transports Canada n"avait pas complètement divulgué sa preuve et avait induit le Tribunal en erreur " (dossier du requérant, p. 13). M. Baudisch a télécopié le document à Mme Smith le 13 janvier 1996, de même qu"une lettre demandant au tribunal de donner suite à ses prétentions selon lesquelles le ministre avait agi de façon erronée (dossier du requérant, pages 32 à 34).         
     L"avocate du tribunal lui a répondu, par lettre, le 29 janvier 1996 (dossier du requérant, p. 43). La lettre mentionnait que le tribunal avait été avisé qu"il n"avait ni l"autorité ni la compétence pour donner suite à la demande du requérant, principalement du fait qu"il était dessaisi de l"affaire. La lettre mentionnait également que M. Baudisch pouvait demander que la mention de la suspension soit rayée de son dossier, aux termes de l"article 8.3 de la Loi sur l"aéronautique, L.R.C. (1985), ch. A-2.         
     Le 28 février 1996, le requérant a fait parvenir au tribunal une [TRADUCTION] " demande formelle visant l"obtention d"un redressement ", aux termes de l"article 10 des Règles du Tribunal de l"aviation civile, DORS/86-594 (dossier du requérant, pages 49 à 58), essentiellement dans les termes suivants :         
         [TRADUCTION] La présente demande traite de questions dont le Tribunal a déjà été saisi dans le cadre de l"affaire Norm Baudisch contre Le ministre des Transports (dossier du Tribunal W-0182-02), mais il ne s"agit pas d"une tentative de renverser, d"annuler ou de nier les conclusions que le Tribunal a déjà tirées.                 
         L"objectif de la présente demande consiste à forcer le Tribunal de l"aviation civile à établir et reconnaître que le ministre des Transports lui a fourni des renseignements faux et trompeurs lors des auditions qu"il a tenues relativement à l"affaire susmentionnée. Cela peut maintenant être établi grâce aux éléments de preuve que j"ai découverts longtemps après la tenue de l"audition de l"appel que j"ai interjeté, le 17 février 1994 (dossier du requérant p. 49).                 
En guise de redressements, le requérant a demandé au tribunal de tirer diverses conclusions de fait : d"une part, que le Rapport n"a pas été divulgué à M. Baudisch avant la fin de la deuxième audience, malgré l"ordonnance rendue dans le cadre de la première décision du comité d"appel et, d"autre part, que le requérant a été avisé à deux reprises que lui et le tribunal (ou le comité d"appel) disposaient de tous les documents pertinents. M. Baudisch soutient que cela lui a nui lors de sa deuxième audience en révision et audience devant le comité d"appel. Par ailleurs, le requérant a demandé au tribunal de déterminer si la non-divulgation du Rapport violait l"alinéa 7.3(1)d ) de la Loi sur l"aéronautique (c"est-à-dire que le ministre avait entravé délibérément l"examen de la suspension par le Tribunal) et si le ministre avait violé le paragraphe 6.9(7) de la Loi (dossier du requérant, p. 54).         
     L"avocate du tribunal lui a répondu, par lettre, le 7 mai 1996 (dossier du requérant, pages 69 et 70). Encore une fois, la lettre l"a avisé que le Tribunal n"avait pas la compétence pour procéder à un examen indépendant et que, de toute façon, il était dessaisi de l"affaire. De plus, le paragraphe 37(9) de la Loi sur l"aéronautique prévoit que la décision du tribunal est définitive et qu"elle lie les parties. À la suite de ce refus, M. Baudisch a déposé l"avis de requête introductive d"instance du présent dossier le 5 juin 1996. Enfin, suite à une directive de la Cour, il a déposé un avis de requête amendé le 7 juillet 1996.         
     Le requérant prétend que le tribunal a la compétence, aux termes de la Règle 10, pour tirer les conclusions qu"il lui propose. Comme le tribunal lui-même a omis de donner suite à la demande de redressement déposée par le requérant aux termes de l"article 10 des Règles, il n"a pas exercé sa compétence et la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire en rendant une ordonnance de mandamus obligeant le Tribunal d"examiner la demande du requérant et de rendre une décision à son sujet. M. Baudisch soutient également que Mme Faye Smith est en conflit d"intérêts et que la Cour devrait lui ordonner de ne prendre part à aucune instance à venir entre lui-même et le tribunal. Enfin, si la Cour rendait une ordonnance de mandamus, elle devrait également ordonner que toute question de droit ou de procédure soit soumise à la Section de première instance de la Cour fédérale.         
     Voici la question déterminante dont la Cour est saisie : l"article 10 des Règles et la Loi sur l"aéronautique confèrent-ils au tribunal le pouvoir de décider s"il y a lieu ou non d"accorder le redressement que demande le requérant? La question du mandamus et de tout autre redressement ne devrait être examinée que si le Tribunal jouit d"une telle compétence.         
     Voici le libellé de l"article 10 :         
         10.(1) Toute demande visant l'obtention d'un redressement ou d'une ordonnance, autre qu'une requête en révision visée aux articles 6.9, 7 ou 7.1 de la Loi ou un appel visé aux articles 7.2 ou 8.1 de la Loi, est faite par écrit et déposée auprès du Tribunal à moins que, de l'avis de celui-ci, les circonstances ne justifient que la demande soit présentée autrement.                 
         (2) La demande énonce en détail les motifs sur lesquels elle repose et précise la nature de l'ordonnance ou du redressement demandé.                 
         (3) Sous réserve du paragraphe (4), lorsqu'une partie fait une demande au Tribunal, celui-ci signifie un avis de la demande aux autres parties et leur donne la possibilité de présenter des observations.                 
         (4) Le Tribunal peut statuer sur une demande sur la foi des renseignements produits par toutes les parties ou, s'il est d'avis qu'une situation d'urgence l'exige, sur la foi des renseignements produits par le demandeur seulement.                 
         (5) Après avoir examiné les renseignements produits, le Tribunal rend par écrit sa décision sur la demande et en signifie aussitôt une copie à chaque partie.                 
     Le redressement que le requérant demande au tribunal, c"est-à-dire tirer des conclusions relatives à la preuve produite, porte sur le fond de l"affaire. Il ressort des Règles que l"article 10 s"applique aux questions de procédure, à la manière de procéder. Le " redressement " renvoie seulement aux questions de procédures. Voici le titre intégral des Règles : " Règles concernant la procédure des affaires portées devant le Tribunal de l'aviation civile ". Voici le libellé de l"article 4 :         
         4. Le Tribunal peut prendre les mesures qu'il juge nécessaires pour trancher efficacement, complètement et équitablement, au cours d'une instance, toute question de procédure non prévue par la Loi ou les présentes règles.                 
     La disposition de la Loi sur l"aéronautique qui prévoit l"établissement des Règles du Tribunal de l"aviation civile, dont l"article 10 de celles-ci, est le paragraphe 33(3), dont voici le libellé :         
         (3) Le Tribunal peut, avec l'aval du gouverneur en conseil, établir toute règle conforme à la présente loi pour régir ses activités et la procédure des affaires portées devant lui.                 
Ce paragraphe de la Loi indique clairement qu"il s"agit de règles de nature procédurale. Or, on ne peut, par règlement, modifier une loi. La déclaration classique à ce sujet appartient au juge en chef Duff, dans Chemical Reference , [1943] R.C.S. 1 : [TRADUCTION] " [...] tout règlement [...] tient son autorité légale uniquement d"une [...] loi du Parlement " (dossier du requérant, p. 13). Il convient parfaitement que le Tribunal établisse des règles concernant ses propres procédures. En ce qui concerne un redressement de fond cependant, seule le législateur peut conférer une telle compétence. Par conséquent, le redressement doit avoir un lien sur le fond avec la Loi sur l"aéronautique.         
     Les pouvoirs et la compétence du tribunal sont définis à la Partie I de la Loi sur l"aéronautique. Selon le paragraphe 6.9(8), le conseiller peut confirmer la décision du ministre, prise aux termes de l"article 6.9 de la Loi, de suspendre, d'annuler ou de renouveler un document d'aviation canadien, ou encore substituer sa décision à celle du ministre. Lorsqu'il existe un danger immédiat pour la sécurité aéronautique au sens de l"article 7, le conseiller peut confirmer la suspension, demander au ministre de réexaminer sa décision ou substituer sa décision à celle du ministre. D"autres pouvoirs sont accordés au tribunal en cas de suspension ou d"annulation pour des raisons médicales. Des pouvoirs semblables sont prévus aux articles 7.7 à 8 de la Loi.         
     Lorsqu"il est interjeté appel de la décision d"un conseiller devant un comité d"appel aux termes du paragraphe 6.9(8) ou 7(7), ce dernier peut soit le rejeter soit y faire droit; dans ce cas, il peut substituer sa décision à celle du ministre (paragraphe 7.2(5) de la Loi). Si l"appel interjeté contre la décision d"un conseiller porte sur une suspension ou annulation pour des raisons médicales, des pouvoirs limités sont alors conférés. Dans le cas d"un appel aux termes du paragraphe 7.9(3), le comité d"appel peut le rejeter ou y faire droit et substituer sa propre décision à celle du ministre, en application du paragraphe 8.1(4) de la Loi. Il semble que la Loi ne contient pas d"article qui confère au tribunal la compétence pour accorder le redressement que le requérant chercher à obtenir.         
     Pour déterminer si le tribunal a la compétence nécessaire, la Cour doit également examiner la Partie I de la Loi sur les enquêtes, L.R.C. (1985), ch. I-11, puisque le paragraphe 37(4) de la Loi sur l"aéronautique prévoit :         
         4. Les commissaires ont le pouvoir d'assigner devant eux des témoins et de leur enjoindre de :                 
         a) déposer oralement ou par écrit sous la foi du serment, ou d'une affirmation solennelle si ceux-ci en ont le droit en matière civile;                 
         b) produire les documents et autres pièces qu'ils jugent nécessaires en vue de procéder d'une manière approfondie à l'enquête dont ils sont chargés.                 
         5. Les commissaires ont, pour contraindre les témoins à comparaître et à déposer, les pouvoirs d'une cour d'archives en matière civile.                 
Ces dispositions confèrent à un commissaire, et par conséquent à un conseiller, le pouvoir d"assigner des témoins et de leur enjoindre de fournir des éléments de preuve. Cependant, elles ne confèrent pas au conseiller de pouvoir de redressement extraordinaire, en particulier le pouvoir de tirer les conclusions que propose le requérant.         
     À la lumière des faits et de l"analyse qui précède, la Cour conclut que le tribunal est dessaisi de l"affaire. Dans Chandler c. Alberta Association of Architects , [1989] 2 R.C.S. 848, le juge Sopinka, après avoir conclu que le principe du functus officio s"applique aux tribunaux administratifs, écrit au nom des juges majoritaires, à la page 862 :         
         Par conséquent, il ne faudrait pas appliquer le principe de façon stricte lorsque la loi habilitante porte à croire qu"une décision peut être rouverte afin de permettre au Tribunal d"exercer la fonction que lui confère sa loi habilitante. C"est le cas dans l"affaire Grillas , précitée.                 
         De plus, si le Tribunal administratif a omis de trancher une question qui avait été soulevée à bon droit dans les procédures et qu"il a le pouvoir de trancher en vertu de sa loi habilitante, on devrait lui permettre de compléter la tâche que lui confie la loi. Cependant, si l"entité administrative est habilitée à trancher une question d"une ou de plusieurs façons précises ou par des modes subsidiaires de redressement, le fait d"avoir choisi une méthode particulière ne lui permet pas de rouvrir les procédures pour faire un autre choix. Le Tribunal ne peut se réserver le droit de le faire afin de maintenir sa compétence pour l"avenir, à moins que la loi ne lui confère le pouvoir de rendre des décisions provisoires ou temporaires. Voir Huneault v. Central Mortgage and Housing Corp , (1981), 41 N.R. 214 (C.A.F.).                 
L"arrêt Chandler a été appliqué par la Cour d"appel fédérale dans Vatanabadi c. Canada (Ministre de l"Emploi et de l"Immigration), [1993] 2 C.F. 492 (C.A.F.). Dans cette affaire, qui portait sur la décision d"un arbitre de l"immigration et d"un membre de la Section du statut de réfugié, le juge Hugessen conclut, à la page 503, que :         
         non seulement le Tribunal n"était pas parvenu à une décision définitive sur la question dont il était saisi, mais encore que les considérations de principe qui favorisent l"irrévocabilité des procédures, exigeaient que le Tribunal, qui a tout juste commencé son enquête, fût à même de redresser une erreur manifeste. Ce serait aller à l"encontre de ces considérations de principe que d"insister sur la poursuite futile d"une démarche que tous les intéressés savaient irrémédiablement défectueuse. La décision finale du Tribunal ne serait susceptible de contrôle judiciaire que sur les points de droit et, comme il était manifeste qu"elle serait entachée d"une erreur de droit si la faute n"était pas immédiatement corrigée, une approche souple et pragmatique exigeait que cette correction se fasse sur-le-champ.                 
Selon le juge Hugessen, le tribunal doit avoir rempli le mandat que lui impose la loi avant d"être dessaisi de l"affaire. Une conclusion similaire a été tirée dans Severud c. Canada (Commission de l"emploi et de l"immigration), (1991), 127 N.R. 152, dans le contexte de l"assurance-chômage.         
     En fait, le tribunal doit d"abord épuiser son mandat. Le tribunal n"aura pas rempli son mandat et, par conséquent, ne sera pas dessaisi de l"affaire lorsque la loi habilitante lui permet de réexaminer sa décision. Or, laLoi sur l"aéronautique ne contient aucune disposition à cet effet. En l"espèce, il semble que le comité d"appel a rempli le mandat que lui imposait la loi en rendant une décision le 21 avril 1993. S"acquittant du rôle que lui imposait la Loi, le comité d"appel a maintenu la suspension imposée au requérant et a conclu, en rendant cette décision, que le ministre avait convenablement divulgué la preuve dont il disposait. A-t-il été établi que l"un ou l"autre de ces intervenants connaissait l"existence du Rapport ou a été influencé par la [TRADUCTION] " décision " de M. Muffitt? Toutes les conclusions que M. Baudisch demande à la Cour d"obtenir ont trait à la question de la divulgation. Le Tribunal a manifestement réglé cette question, que ce soit délibérément ou non. La seule façon de contester cette décision consiste à demander le contrôle judiciaire de la décision du comité d"appel, et c"est ce que le requérant a fait.         
     Malheureusement pour le requérant, l"analyse qui précède démontre que le redressement qu"il cherche à obtenir ne s"offre pas à lui, le tribunal n"ayant pas la compétence pour tirer les conclusions qu"il propose. L"instance devant celui-ci subsumait l"instance devant le comité d"appel.         
     La Cour est grandement mécontente, dégoûtée et inquiète de la décision du ministre d"imposer une suspension de trois jours à M. Baudisch alors qu"une simple lettre de conseil aurait suffi dans les circonstances, uniquement parce que celui-ci a osé contester la prétention du ministre. Il s"agit là de la sentence arrogante et tyrannique que M. Muffitt a imposée au requérant dans le Rapport cité précédemment. L"appareil mentionné dans la lettre d"accusation initiale (en date du 9 novembre 1992) n"était pas celui que M. Baudisch avait piloté le jour où l"incident s"est produit. M. Baudisch était parfaitement fondé à refuser de [TRADUCTION] " plaider coupable " d"avoir piloté un Beechcraft 58 cette journée-là. Le ministre était dans l"erreur, si bien que l"accusation a été modifiée pour décrire correctement l"appareil que le requérant a piloté le 8 février 1992, soit un Beechcraft 76. On n"a pas forcé M. Baudisch à s"incriminer lui-même. En fait, il a été avisé de cela dans la lettre du 9 novembre 1992. Le fait d"imposer une suspension de trois jours qui pourrait avoir une incidence désastreuse sur la carrière du requérant uniquement parce que [TRADUCTION] " l"accusé refuse d"admettre sa culpabilité et il désire contester l"accusation portée contre lui " et [TRADUCTION] " pour étayer la prétention de l"enquêteur voulant qu"une infraction a été commise " constitue un grave abus de pouvoir qui fait preuve d"une mentalité [TRADUCTION] " de lyncheur ". Cela signifie-t-il qu"à toutes les fois qu"un préposé du ministère public prétend qu"une personne a commis une infraction, même si sa prétention est erronée à première vue, cette personne devrait docilement s"avouer coupable? Dans un système administratif équitable, le directeur de l"application de la loi devrait-il s"efforcer d"appuyer le pauvre enquêteur (de façon telle que l"avertissement qui s"impose est mis de côté en faveur d"un châtiment), parce que ce dernier a besoin d"aide? Peut-être sa perspicacité a-t-elle été émoussée par le délai qui s"est écoulé entre le moment où la prétendue infraction a été commise et celui où une accusation a été portée.         
     Malheureusement, il ne convient pas de traiter de cette question dans le cadre de la présente instance. Pas plus qu"il ne convient d"examiner le rôle que Mme Smith a joué dans cette affaire en sa qualité de présidente du tribunal ce qui, en soi, semble très peu éthique et équitable. Cela viciait-il la décision rendue? Il se peut que le tribunal et son comité d"appel ne se soient pas simplement contentés d"approuver automatiquement la décision stupide et abusive que recommandait M. Muffitt. La Cour n"est pas saisie de cette question. La question soulevée par la présente demande est plutôt de savoir si le tribunal avait la compétence pour accorder le redressement que M. Baudisch cherchait à obtenir le 28 février 1996. Il ne l"avait pas. Vu que le mandamus et les deux autres motifs de redressement se fondent sur la compétence du Tribunal, ils n"ont pas à être traités dans la présente instance. Toutefois, si, malgré le règlement de la présente demande, l"intimé (le tribunal ou le comité d"appel) demeure saisi du grief déposé par le requérant, Mme Faye H. Smith, l"ancienne adversaire du requérant devant le Tribunal, ne pourra pas intervenir dans cette affaire, que ce soit par correspondance, rédaction de documents, ou dans tout cadre décisionnel. La Cour ne doute pas qu"elle respectera cet avertissement; il n"est donc pas nécessaire de rendre une ordonnance, dans de telles circonstances hypothétiques. S"il s"avère nécessaire de rendre une ordonnance, la Cour le fera, après le dépôt d"une demande à cet effet.         
     Le rôle de la Cour ne consiste pas à prodiguer des conseils juridiques, mais elle peut faire remarquer, à l"instar des procureurs de l"intimé, que le requérant aurait pu chercher à obtenir un redressement d"une autre nature.         
     Par ces motifs, la requête est rejetée. Le requérant aurait eu avantage à retenir les services d"un professionnel, mais il avait bien sûr parfaitement le droit de mener lui-même son affaire.         

F.C. Muldoon

                 Juge

Ottawa (Ontario)

Le 21 avril 1997.

Traduction certifiée conforme          __________________________

                 Bernard Olivier, LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              T-1360-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :          Norman Albert Baudisch

                     - c. -
                     Le Tribunal de l"aviation civile
LIEU DE L"AUDIENCE :          Vancouver (Colombie-Britannique)
DATE DE L"AUDIENCE :          le 11 février 1997

MOTIFS DE L"ORDONNANCE PRONONCÉS PAR monsieur le juge Muldoon

EN DATE DU :              21 avril 1997

ONT COMPARU :

Norman Albert Baudisch                  POUR SON PROPRE COMPTE

Lynn Starchuk                      POUR L"INTIMÉ

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Norman Albert Baudisch                  POUR SON PROPRE COMPTE

Kelowna (Colombie-Britannique)

Osler, Hoskin & Harcourt                  POUR L"INTIMÉ

Ottawa (Ontario)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.