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     Date : 19980511

     Dossier : IMM-3201-97

OTTAWA (ONTARIO), LE 11 MAI 1998

EN PRÉSENCE DE : MONSIEUR LE JUGE MCKEOWN

ENTRE :

     AHMED KHALID ASHOUR,

     Demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION,

     Défendeur.

     ORDONNANCE

     VU la demande présentée par le demandeur en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, visant le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut du réfugié a, le 20 mai 1997, (1) annulé l'ordonnance rendue par la Section d'appel le 31 mars 1995, (2) rejeté l'appel du demandeur et (3) ordonné l'exécution de la mesure de renvoi prise contre le demandeur le 24 mars 1995 dès qu'il sera raisonnablement possible, en pratique, de l'exécuter (l'autorisation d'engager une procédure de demande de contrôle judiciaire ayant été accordée par monsieur le juge Wetston le 23 janvier 1998), et le demandeur sollicitant l'une ou l'autre des réparations suivantes :

(a)      une ordonnance obligeant le tribunal à accomplir tout acte qu'il a illégalement omis ou refusé d'accomplir ou dont il a déraisonnablement retardé l'accomplissement;
(b)      une ordonnance qui déclare invalide ou illégale, qui annule ou qui annule et renvoie pour réexamen en conformité avec les directives que la Cour jugera appropriées, qui interdit ou empêche une décision, une ordonnance, un acte ou une procédure du tribunal;

     LA COUR STATUE QUE :

     La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision rendue le 28 mai 1997 par la Section d'appel est annulée et l'affaire est renvoyée à la Section d'appel pour réexamen en conformité avec les motifs. Plus particulièrement, la demande doit être signifiée au demandeur, à sa dernière adresse connue à Vancouver, et à son nouvel avocat, Me Buahene.

                                     William P. McKeown
                                     JUGE

Traduction certifiée conforme :

Laurier Parenteau, LL.L.

     Date : 19980511

     Dossier : IMM-3201-97

ENTRE :

     AHMED KHALID ASHOUR,

     Demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION,

     Défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MCKEOWN

[1]      Le demandeur demande le contrôle judiciaire d'une décision de la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié qui a rejeté l'appel interjeté par le demandeur relativement au sursis d'une mesure d'expulsion. La question à trancher est celle de savoir si la signification de l'avis de comparution à une audience de la Section d'appel sous le régime de la règle 33 est suffisante si l'avis est signifié uniquement au demandeur, alors que celui-ci a un avocat inscrit au dossier, ainsi que celle de savoir si le défaut de signifier au demandeur et à son avocat inscrit au dossier la demande sous le régime de la règle 33 constitue une erreur qui peut être corrigée.

[2]      Le demandeur était un garçon de seize ans, citoyen de la Somalie, lorsqu'il est arrivé au Canada en janvier 1990. Le 5 avril 1991, la mère du demandeur s'est vu reconnaître le statut de réfugié et le 21 octobre 1992, le demandeur est devenu un résident permanent. Le demandeur a été déclaré coupable de certaines infractions criminelles, à Ottawa, en 1994, et le défendeur a entamé en conséquence une procédure d'expulsion à son égard. Le 22 mars 1995, un arbitre a ordonné que le demandeur soit expulsé. Le demandeur a interjeté appel de cette décision à la Section d'appel.

[3]      Le 25 mai 1995, le tribunal a entendu l'appel du demandeur. Le demandeur était représenté par un avocat, Me Morris, qui a agi en son nom pendant toute la procédure devant le tribunal. Le 31 mai 1995, la Section d'appel a ordonné le sursis de l'expulsion et ordonné que le demandeur retourne devant la Section d'appel pour un nouvel examen du sursis après une période de six mois. Le 7 novembre 1995, le demandeur et son avocat, Me Morris, ont reçu signification d'un avis de convocation à une audience le 21 novembre 1995. La Section d'appel a décidé de prolonger le sursis de la mesure d'expulsion prise contre le demandeur sous réserve d'un nouvel examen effectué oralement avant l'expiration d'un délai d'un an.

[4]      Le 7 février 1997, le Ministre a déposé une demande en vertu de la règle 33 en vue d'obtenir la révocation du sursis. Selon l'alinéa 33c) des Règles, cette demande devait être signifiée à l'autre partie, c'est-à-dire au demandeur. Aucun élément de preuve produit devant la Cour n'établit que cette demande a été signifiée, soit au demandeur, soit à Me Morris, son avocat inscrit au dossier. Le 18 avril 1997, l'avis d'audience a été signifié au demandeur par courrier régulier pré-affranchi. Toutefois, aucune mesure n'a été prise pour signifier ce document à l'avocat inscrit au dossier du demandeur. L'avis d'audience a été envoyé à la dernière adresse donnée par le demandeur. Toutefois, comme il l'explique dans son propre affidavit, le demandeur avait déménagé à Vancouver en janvier 1997, sans toutefois en aviser le Ministre ou la Section d'appel, bien que ce soit là l'une des conditions du sursis de la mesure d'expulsion. Le demandeur a déclaré ne pas s'être donné la peine de les aviser parce que son ancienne adresse était celle de sa mère et il s'attendait qu'elle l'informe du courrier qu'il recevrait.

[5]      Ni le demandeur, ni son avocat, ne se sont présentés à l'audience du 20 mai 1997. Le 28 mai 1997, la Section d'appel a rejeté l'appel et ordonné que la mesure de renvoi prise contre le demandeur soit exécutée le plus tôt possible.

[6]      Le défendeur soutient que le demandeur a dûment reçu signification de l'avis d'audience lorsque cet avis lui a été envoyé par courrier pré-affranchi à la dernière adresse qu'il avait donnée, le 18 avril 1997. Je reconnais le bien-fondé de cet argument en m'appuyant sur l'opinion formulée par le juge Létourneau, de la Cour d'appel, dans l'arrêt Hall c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 25 Imm. L.R. (2d) 1, à la page 6 :

         L'avis d'audience a été validement signifié en conformité avec les règles de la Commission, à l'adresse donnée par l'appelant, lequel était expressément tenu, de par la mesure de sursis, de signaler aux autorités de l'immigration tout changement d'adresse dans un délai de quarante-huit (48) heures.                 

Le demandeur avait la même obligation, la Section d'appel la lui ayant imposée comme condition au sursis de son expulsion, et le demandeur reconnaît dans son affidavit avoir été au courant de cette condition. De plus, je souscris aux propos tenus par le juge Teitelbaum, dans la décision Mussa c. Canada (Commission de l'immigration et du statut de réfugié) (18 juillet 1994), dans le dossier no IMM-6043-93, à la page 2 :

         Je ne comprends pas qu'un demandeur de statut de réfugié, un demandeur qui sait qu'il revendique le statut de réfugié parce que la persécution le préoccupe, s'intéresse peu ou pas à ce qui arrive à sa demande et ne s'occupe pas, immédiatement à l'occasion d'un déménagement, ou presque immédiatement à l'occasion d'un déménagement, de notifier les autorités d'immigration du déménagement. Il ne fait pas de doute qu'il appartient au demandeur de statut de réfugié de notifier l'Immigration de tout changement d'adresse. Il n'incombe pas au ministère de l'Immigration de découvrir l'endroit où réside chaque demandeur du statut de réfugié.                 

[7]      Comme je l'ai déjà mentionné, le demandeur en l'espèce savait très bien qu'il avait l'obligation de tenir l'Immigration au courant de son adresse, tel qu'il ressort manifestement de son affidavit à l'appui de sa demande d'autorisation. Toutefois, dans aucune des causes qui ont été portées à mon attention par les avocats, le ministre n'a omis d'effectuer la signification à l'avocat inscrit au dossier. Dans un cas, l'avis a été signifié à l'avocat qui a ensuite informé la Commission que ses services n'avaient pas encore été retenus pour l'affaire en cause. En l'espèce, le ministre a signifié les deux avis de convocation antérieurs à Me Morris, l'avocat du demandeur, mais il ne lui a pas signifié celui du mois d'avril 1997. De plus, dans la présente affaire, comme je l'ai déjà mentionné, ni le demandeur, ni son avocat, n'ont reçu signification de la demande. En conséquence, le demandeur ne disposait que d'un avis de convocation qui n'indiquait pas quelle question était en jeu, sauf qu'il s'agissait d'une audience sous le régime de la règle 33. La règle 33 précise clairement que l'autre partie doit recevoir signification et le Ministre a le fardeau de démontrer qu'il a bel et bien effectué la signification au demandeur. Aucun élément de preuve produit devant moi n'établit que le Ministre a effectué la signification au demandeur ou à son avocat inscrit au dossier.

[8]      Je note que le paragraphe 35(2) des règles prévoit qu'une copie de tout document signifié à une partie en vertu du paragraphe (1) doit également être signifiée à l'avocat de cette partie, le cas échéant. Il ne fait aucun doute en l'espèce que Me Morris était l'avocat inscrit au dossier et qu'il avait reçu signification à deux occasions par le passé. On ne sait pour quelle raison, l'avis de convocation et la demande de 1997 ne lui ont pas été signifiés. Selon moi, la question de savoir si l'inscription d'un avocat au dossier est une désignation sans conséquence se pose en l'espèce. Je ne crois pas nécessaire de réitérer l'importance du rôle de l'avocat devant les tribunaux. Mais, si l'avocat de la partie opposée ne signifie pas des documents comme un avis de convocation et une demande à l'avocat inscrit au dossier, celui-ci est dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. L'objet de la signification consiste à aviser une partie qui sera potentiellement ou à coup sûr touchée par l'ordonnance du tribunal afin qu'elle sache à quel résultat elle est exposée ou qu'elle soit en mesure de se défendre. Lorsqu'une partie retient les services d'un avocat et que l'avocat est inscrit au dossier, cette partie est en droit de s'attendre que l'avocat sera informé des mesures importantes prises dans une procédure. Les parties ont recours à un avocat, notamment, pour se faire représenter lors de toute audience judiciaire concernant les questions en litige. Selon moi, une demande d'annulation de sursis est une mesure très importante qui aurait dû être signifiée à l'avocat inscrit au dossier. En outre, en l'espèce, ni le demandeur, ni son avocat, n'ont reçu signification de la demande sous le régime de la règle 33. Comme je l'ai déjà mentionné, le demandeur est réputé avoir reçu l'avis de convocation mais celui-ci ne lui donne aucun renseignement lui permettant de déterminer pourquoi il doit se présenter devant le tribunal. C'est la demande qui indique que l'audience vise à obtenir une ordonnance [Traduction] " annulant le sursis et rejetant son appel et ordonnant que la mesure de renvoi soit exécutée dès que cela sera raisonnablement possible, en pratique ". À mon avis, le demandeur n'a pas reçu un avis qui lui permettait de déterminer les prétentions auxquelles il devait répondre.

[9]      Étant donné que la Section d'appel a décidé de rejeter l'appel du demandeur sans exiger le respect de ses propres règles concernant la signification à l'avocat et la signification de la demande sous le régime de la règle 33, je suis d'avis qu'il y a eu manquement aux principes de justice fondamentale. En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision rendue par la Section d'appel le 28 mai 1997 est annulée et l'affaire est renvoyée à la Section d'appel pour qu'elle tienne une nouvelle audition et qu'elle rende une nouvelle décision en conformité avec les présents motifs. Plus particulièrement, la demande doit être signifiée au demandeur à sa dernière adresse connue à Vancouver et à son nouvel avocat, Me Buahene, et la règle de la Section d'appel devra être appliquée.

                                     William P. McKeown
                                     JUGE

OTTAWA (Ontario)

le 11 mai 1998

Traduction certifiée conforme :

Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :          IMM-3201-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :      AHMED KHALID ASHOUR c. MCI
LIEU DE L'AUDITION :          VANCOUVER (C.-B.)

DATE DE L'AUDITION :          22 AVRIL 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE MCKEOWN

DATE DES MOTIFS :          11 MAI 1998

ONT COMPARU :

Me Bediako Buahene                      POUR LE DEMANDEUR
Me Sandra Weafer                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Bediako K. Buahene                  POUR LE DEMANDEUR

Vancouver (Colombie-Britannique)

Me George Thomson                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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