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Date : 20010723

Dossier : T-956-99

OTTAWA (Ontario), le 23 juillet 2001

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ROULEAU

ENTRE :

                                    LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                        demandeur

                                                                         - et -

          RUFUS O. ABIDAKUN, JOHN GLOFCHESKIE, EDWARD L. GOMES,

         RUDY QUADRINI, MIRZA A. DHARASSI, ANTONIO R. FERNANDES,

           SALAH BAYOUMI, DOMINGO TIU, SIU LAI, PETER J. ROBINSON,

                                               B. DEWAN, LALIT P. LAKHANI

                                                                                                                                        défendeurs

                                                              ORDONNANCE

[1]                 Cette demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision interlocutoire du président est annulée, et la question de la divulgation des guides de notation et des compositions des candidats reçus est renvoyée au comité d'appel pour décision conforme aux motifs de mon ordonnance.

« P. Rouleau »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


   

Date : 20010723

Dossier : T-956-99

Référence neutre : 2001 CFPI 812

ENTRE :

                 LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                 demandeur

                                                    - et -

RUFUS O. ABIDAKUN, JOHN GLOFCHESKIE, EDWARD L. GOMES,

RUDY QUADRINI, MIRZA A. DHARASSI, ANTONIO R. FERNANDES,

SALAH BAYOUMI, DOMINGO TIU, SIU LAI, PETER J. ROBINSON,

                          B. DEWAN, LALIT P. LAKHANI

                                                                                                 défendeurs

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU

  

[1]                 Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision de J.R. Ojalammi, président du comité d'appel de la Commission de la fonction publique, en date du 26 avril 1999, par laquelle il avait ordonné la divulgation de certains documents se rapportant à l'épreuve du courrier des cadres moyens, un test normalisé qui est employé par Revenu Canada pour évaluer les candidats dans un concours restreint.


[2]                 Les faits qui ont conduit à cette demande sont les suivants : les défendeurs étaient des candidats dans trois concours restreints organisés par Revenu Canada pour pourvoir des postes de chef d'équipe, vérification, classifiés au niveau AU-04. Pour évaluer le mérite des candidats, Revenu Canada a utilisé l'épreuve 820, un test normalisé développé par la Commission de la fonction publique et appartenant à celle-ci. Le jury de sélection a jugé que les défendeurs n'étaient pas qualifiés et ils ont été exclus des concours.

[3]                 Les défendeurs ont fait appel des nominations en application de l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et ont demandé l'accès aux pièces se rapportant à l'épreuve 820, notamment :

a) le livret d'information générale;

b) le livret du test;

c) le guide de notation;

d) les réponses écrites des défendeurs à l'examen;

e) les réponses écrites des candidats reçus;

f) la feuille de notation ou le classement des réponses des défendeurs; et

g) la feuille de notation ou de classement des réponses des candidats reçus.

  

[4]                 Revenu Canada et la Commission de la fonction publique ont décidé de communiquer le livret d'information générale, le livret du test, les réponses des défendeurs ainsi que le classement des défendeurs et celui des candidats reçus. Cependant, ils ont refusé de communiquer le guide de notation et les réponses écrites des candidats reçus.


[5]                 Le 9 novembre 1998, l'un des défendeurs a demandé au comité d'appel de rendre une décision interlocutoire concernant la communication des documents. Une audience d'examen de la demande s'est déroulée devant le président les 16 et 23 février ainsi que le 12 avril 1999. Par décision en date du 26 avril 1999, le président a ordonné à Revenu Canada et à la Commission de communiquer aux défendeurs tous les documents demandés, y compris le guide de notation et les réponses des candidats reçus, sous réserve de conditions précisées.

[6]                 Le procureur général a introduit sa demande de contrôle judiciaire le 31 mai 1999 et, par ordonnance datée du 9 juillet 1999, la Cour a ordonné la suspension de la décision du président du comité d'appel jusqu'à ce qu'une décision finale soit rendue sur la présente demande.

[7]                 Après examen attentif des conclusions écrites des parties et des arguments exposés durant l'audition de la présente affaire, je suis persuadé que la demande de contrôle judiciaire devrait être accueillie et que la décision du président devrait être annulée.


[8]                 L'objectif de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique est de faire en sorte que les nominations au sein de la fonction publique soient faites sur la base d'une sélection fondée sur le mérite. À cette fin, la Cour a toujours reconnu l'importance de préserver la confidentialité des tests normalisés, aux motifs que la divulgation des documents confidentiels les concernant aux fonctionnaires et autres personnes susceptibles de subir ces tests pourrait leur donner la possibilité d'acquérir l'information relative aux réponses espérées et d'utiliser cette information dans des concours futurs ou de la communiquer à d'autres, délibérément ou non. Si la Commission ne peut assurer un comité d'appel qu'elle a conservé la garde de ce test et qu'il n'a donc pas été mis en péril, elle ne peut utiliser ce test comme instrument d'évaluation et elle doit le remplacer à grands frais. La confidentialité des documents se rapportant aux tests est donc un aspect important du principe du mérite. Ces règles ont été exposées par le juge Rothstein dans l'affaire Barton et Watkins c. Canada (Procureur général) (1993), 66 F.T.R. 54, à la page 56 :

Dans l'action intentée devant moi, il n'y a pas eu, entre les avocats, contestation de l'importance du maintien de la confidentialité des renseignements en question. Si les renseignements demandés étaient publiquement divulgués, un grave préjudice pourrait être causé à l'employeur à cause des frais nécessaires à la préparation et l'utilisation des tests normalisés. En fait, l'avocat des requérants a déclaré qu'il importait à ceux-ci et à l'Alliance de la fonction publique du Canada que la sélection des fonctionnaires se fasse sur la base du mérite, et que l'efficacité et, par conséquent, la confidentialité de ces tests constituent un aspect important de cet objectif.

  

[9]                   L'expression « test normalisé » est définie dans les Normes de sélection et d'évaluation de la Commission comme une procédure systématique d'échantillonnage du comportement d'un individu en vue d'évaluer ses compétences liées à l'emploi. Le développement, le contenu, l'administration, la notation et la communication des résultats d'un test se font en conformité avec les procédures habituelles, afin d'assurer l'uniformité. Les ministères fédéraux et la Commission peuvent refuser de divulguer des documents durant les appels si leur divulgation risquerait de nuire à l'utilisation continue d'un test normalisé ou de fausser les résultats d'un tel test en conférant un avantage indu à une personne en particulier.

[10]            La disposition pertinente est l'article 24 du Règlement sur l'emploi dans la fonction publique. Il est ainsi rédigé :


24.(1) L'appelant a accès, sur demande, à toute l'information ou tout document qui contient des renseignements concernant lui-même ou le candidat reçu et qui est susceptible d'être communiqué au comité d'appel.

24. (1) An appellant shall be provided access, on request, to any information, or document that contains information, that pertains to the appellant or to the successful candidate and that is liable to be disclosed before the appeal board.

(2) L'administrateur général en cause fournit, sur demande, à l'appelant une copie de tout document visé au paragraphe (1).

(2) The deputy head concerned shall provide, on request, to the appellant a copy of any document referred to in subsection (1).

(3) Malgré les paragraphes (1) et (2), l'administrateur général en cause peut refuser de donner accès à de l'information ou à des documents ou de fournir copie de documents si leur divulgation risquerait :

(3) Despite subsections (1) and (2), the deputy head concerned may refuse to allow access to information or a document, or to provide a copy of any document, if the disclosure might

a) soit de menacer la sécurité nationale ou la sécurité d'une personne;

b) soit de nuire à l'utilisation continue d'un test standardisé qui appartient au ministère ou qui est offert sur le marché;

c) soit de fausser les résultats d'un tel test standardisé en conférant un avantage indu à une personne.

(a) threaten national security or any person's safety;

(b) prejudice the continued use of standardized test owned by the department or commercially available; or

(c) affect the results of such standardized test by giving an unfair advantage to any individual.

(4) Malgré les paragraphes (1) et (2), la Commission ou son représentant peut refuser de donner accès à de l'information ou à des documents ou de fournir copie de documents si leur divulgation risquerait :

(4) Despite subsections (1) and (2), the Commission or the Commission's representative may refuse to allow access to any information or document, or to provide a copy of any document, if its disclosure might


a) soit de nuire à l'utilisation continue d'un test standardisé qui appartient à la Commission ou qui est offert sur le marché;

b)soit de fausser les résultats d'un tel test standardisé en conférant un avantage indu à une personne.

(a) prejudice the continued use of a standardized test owned by the Commission or commercially available;

(b) affect the results of such a standardized test by giving an unfair advantage to any individual.

(5) Lorsque l'administrateur général en cause ou la Commission ou son représentant refuse de donner accès à de l'information ou à des documents en vertu des paragraphes (3) ou (4), l'appelant peut demander que le comité d'appel ordonne d'accorder cet accès.

(5) Where the deputy head concerned or the Commission or its representative refuses to allow access to any information or document under subsection (3) or (4), the appellant may request that the appeal board order that access.

(6) Lorsque le comité d'appel ordonne d'accorder l'accès à de l'information ou à des documents en vertu du paragraphe (5), cet accès est assujetti, avant et pendant l'audition, aux conditions que le comité d'appel estime nécessaires pur empêcher que :

(6) Where the appeal board orders access to any information or document under subsection (5), that access is subject, before and during the hearing, to any conditions that the appeal board deems necessary in order to make certain that:

a) la sécurité nationale ou la sécurité d'une personne ne soit menacée;

b) l'utilisation continue d'un test standardisé visé aux paragraphes (3) et (4) ne soit compromise;

c) les résultats d'un tel test standardisé ne soient faussés en conférant un avantage indu à une personne.

(a) national security or any person's safety will not be threatened;

(b) the continued use of a standardized test referred to in subsection (3) or (4) will not be compromised; or

(c) the results of such a standardized test will not be prejudiced by giving an unfair advantage to any individual.

(7) Toute information ou document obtenu en vertu du présent article ne peut être utilisé qu'aux fins de l'appel.

(7) Any information or document obtained under this section shall be used only for purposes of the appeal.


[11]            Dans l'affaire Kaczmar c. Canada (Procureur général) (1999), 172 F.T.R. 197 et dans l'affaire Jain et al. c. Canada (Procureur général) (1999), 179 F.T.R. 92, la Cour a eu l'occasion d'interpréter l'article 24 du Règlement et elle a conclu que cet article obligeait le président d'un comité d'appel à décider trois points avant qu'il puisse ordonner la communication de documents confidentiels se rapportant à un test normalisé.


[12]            Le premier point concerne l'à-propos et l'utilité des documents confidentiels dont la communication est demandée. Le président doit être persuadé que les documents concernent l'appelant ou le candidat reçu et que, en raison de son utilité, ils pourraient devoir être divulgués devant le comité d'appel. Deuxièmement, le président doit décider si la communication des documents confidentiels risque de nuire à l'emploi continu d'un test normalisé ou de fausser les résultats d'un test normalisé en conférant un avantage indu à une personne. Si la réponse à cette dernière question est affirmative, le troisième et dernier point est de savoir si l'on peut éviter, par l'imposition de conditions, que la communication des documents nuise à l'utilisation future du test. Si le président n'est pas persuadé que l'imposition de conditions n'empêchera pas la communication des documents de nuire à l'utilisation future du test, il doit refuser la communication des documents en question.

[13]            En l'espèce, il est clair que les documents confidentiels en question relatifs au test concernent les défendeurs et les candidats reçus et intéressent l'appel des défendeurs. Le procureur général l'a d'ailleurs admis. Ils sont donc susceptibles de communication selon ce que prévoit le paragraphe 24(1) du Règlement sur l'emploi dans la fonction publique.


[14]            Cependant, il est tout aussi clair pour moi que, après être arrivé à cette conclusion, le président ne s'est pas alors demandé si la divulgation, aux défendeurs, des guides de notation et des compositions des candidats reçus risquait de nuire à l'utilisation continue de l'épreuve du courrier 820 des cadres moyens ou de fausser les résultats du test en conférant un avantage indu aux défendeurs ou à d'autres. En fait, il ne s'est pas prononcé sur les éventuelles conséquences négatives d'une telle divulgation, parce qu'il a esquivé les points exposés dans l'article 24 du Règlement. Il s'est plutôt posé la mauvaise question en tentant de mettre en équilibre d'une part les aspects coût et confidentialité et d'autre part le droit des appelants (les défendeurs dans la présente instance) d'être assurés que le processus s'est déroulé avec équité et impartialité. Il a décidé que l'équilibre favorisait les griefs d'appel des défendeurs, sans tirer les conclusions de fait que lui imposait de tirer le Règlement.

[15]            Il fait peu de doute que, si les défendeurs obtiennent communication des guides de notation se rapportant à l'épreuve 820, ils seront en mesure de se familiariser avec les bonnes réponses et par là d'améliorer leurs résultats le jour où ils subiront de nouveau le test. Dans ces conditions, ils obtiendront un avantage indu sur les autres candidats qui n'auront pas vu les guides. La communication des guides nuira donc à l'utilisation continue du test et, lorsque le test sera administré plus tard, les résultats seront faussés par la possibilité d'un avantage indu.


[16]            Les mêmes conséquences se produiront si les défendeurs sont autorisés à examiner les compositions de tous les candidats reçus. Selon l'ordonnance rendue par le président, les défendeurs auraient le droit d'examiner chacune de ces compositions pendant une période illimitée. Ce niveau d'accès favorisera sans aucun doute les défendeurs s'ils devaient subir de nouveau le test, et il faussera les résultats. Je me range à l'avis du demandeur selon lequel, dans ces conditions, le test n'offrira pas une mesure exacte de l'aptitude des défendeurs à agir avec à propos en réponse à de nouvelles informations.

[17]            Par ailleurs, la communication aux défendeurs du guide de notation et des compositions de tous les candidats reçus augmente fortement les probabilités que l'information qu'ils contiennent soit éventuellement donnée à d'autres, y compris à ceux et celles qui pourraient de nouveau subir le test. Revenu Canada et la Commission perdront leur mainmise sur les documents du test et ne seront pas en mesure d'assurer les futurs comités d'appel qu'ils n'ont pas été communiqués à d'autres. Il est donc très possible que l'on doive un jour renoncer à ces tests et les remplacer à grands frais.

[18]            Par conséquent, bien que le paragraphe 24(1) du Règlement confère manifestement le droit à une divulgation complète, ce droit est limité par les dispositions de confidentialité apparaissant dans les paragraphes restants. Dans la mise en équilibre de ces deux éléments, il appartient au comité d'appel d'examiner les questions précisément de la manière dont elles sont exposées dans l'affaire Jain.


[19]            Je suis persuadé aussi que le président a commis une erreur lorsqu'il ne s'est pas demandé si la divulgation des documents confidentiels du test aux défendeurs risquait de nuire à l'utilisation continue de l'épreuve 820 ou de fausser les résultats futurs en conférant un avantage indu à une personne. Le président a plutôt conclu que le droit à une divulgation complète devrait l'emporter sur le droit de la Commission de protéger l'utilisation future du test. La Commission est tenue de démontrer que la divulgation des documents du test risque de mettre le test en péril ou de nuire à ses résultats. Si un tel risque existe et si l'appelant ne peut montrer qu'il peut être éliminé, le comité d'appel ne doit pas ordonner la communication des documents. La question que le président aurait dû se poser est la suivante : si les défendeurs obtiennent communication des guides de notation et des compositions, peut-on être certain que cette communication ne nuira pas à l'utilisation continue du test ou ne faussera pas les résultats futurs en conférant un avantage indu?


[20]            Finalement, je partage l'avis du demandeur selon lequel le président du comité d'appel a erré également en affirmant que l'imposition de différents niveaux de divulgation pour les appelants et leurs représentants ne pouvait se justifier selon le texte modifié du Règlement. La question qu'il convient de se poser est celle de savoir s'il est nécessaire pour l'appelant de voir effectivement les réponses ou de voir le guide de l'examinateur et par conséquent de tirer un avantage, ou bien de savoir s'il suffit qu'un représentant fasse ce travail, compare les réponses données par ce candidat reçu, examine toutes les réponses données par le candidat non reçu, examine le guide de l'examinateur et fasse ce travail au nom de l'intéressé.

[21]            Pour protéger l'intégrité des tests normalisés et garantir l'observation du principe du mérite, le président d'un comité d'appel pourra, lorsque cela s'impose, ordonner qu'un appelant obtienne communication d'une partie seulement des documents se rapportant à un tel test. Pour donner à l'appelant une possibilité entière et équitable de produire une preuve et de présenter des conclusions à propos de son appel, le président pourra simultanément ordonner la divulgation complète des documents du test à un représentant qui ne tirera aucun avantage d'une telle divulgation. Cette divulgation sélective est à mon avis justifiée par les dispositions de l'article 24 du Règlement sur l'emploi dans la fonction publique et ne contrevient pas aux principes d'équité. Comme on peut le lire dans l'affaire Jain, précitée, aux pages 97 et 98 :

Le paragraphe 24(6) prévoit, à mon avis, la possibilité d'une « divulgation sélective » , une expression que l'avocat du défendeur a employée à bon escient.


Les arrêts que la Cour d'appel a rendus dans les affaires Hasan et Kam, précitées, au paragraphe 5, faisaient suite à l'interprétation du Règlement, dans sa rédaction en vigueur avant les modifications de 1996. Dans le texte modifié du Règlement, le représentant de l'appelant est assimilé à l'appelant. Cette définition s'accorde avec les principes dégagés dans les arrêts Hasan et Kam. J'estime toutefois qu'il faut interpréter cette définition d'une manière qui soit compatible avec : (a) l'obligation de divulguer tout renseignement qui tombe sous le coup du paragraphe 24(1); (b) l'objet visé par le paragraphe 24(6), en l'occurrence accorder l'accès à de l'information ou à des documents aux conditions « nécessaires » pour empêcher que l'utilisation des tests standardisés ne soit compromise. Le fait que la présidente du comité d'appel a vraisemblablement omis d'examiner la possibilité d'accorder une divulgation conditionnelle avant de conclure que l'accès ne pouvait être accordé constitue une erreur qui donne ouverture à un contrôle judiciaire et qui justifie l'intervention de la Cour.

                                                                                           (Non souligné dans l'original)                           

  

[22]            Par conséquent, les arrêts Hasan et Kam, qui permettent d'affirmer que les appelants, représentés ou non, ont le droit d'obtenir l'accès aux mêmes documents que leurs représentants, doivent être réexaminés à la lumière des modifications apportées au Règlement en 1996. Ils doivent notamment être interprétés d'une manière qui s'accorde avec l'objet envisagé par le paragraphe 24(6), c'est-à-dire la communication de documents et de renseignements confidentiels à des conditions garantissant qu'il ne sera pas porté atteinte à l'utilisation des tests normalisés.

[23]            Je suis persuadé que l'intérêt des défendeurs sera parfaitement protégé si tous les documents confidentiels du test sont communiqués à un représentant qui n'est pas un employé de la fonction publique. Si un appelant n'est pas représenté, ou s'il est représenté par un fonctionnaire qui peut tirer un avantage de la communication des documents, l'appelant doit nommer un représentant capable qui examinera les documents, formulera des conclusions et présentera les arguments nécessaires en son nom. Cette divulgation sélective fera que l'utilisation future de tests normalisés ne sera pas compromise, non plus que le principe du mérite lui-même. Simultanément, elle permettra de prendre en compte pleinement et équitablement l'intérêt des appelants.


[24]            Comme je l'ai dit au début, l'objectif de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique est de faire en sorte que les nominations au sein de la fonction publique soient faites sur la base d'une sélection fondée sur le mérite. Il est impératif que le Règlement soit interprété et appliqué d'une manière qui s'accorde avec cet objectif. On peut lire ce qui suit dans Driedger on the Construction of Statutes (R. Sullivan, 3e éd., Toronto : Butterworths, 1994), à la page 131 :

[traduction] Il n'y a qu'une seule règle dans l'interprétation moderne, à savoir que les tribunaux sont tenus de déterminer le sens d'une loi dans son contexte tout entier, en prenant en compte l'objet de la loi, les conséquences des interprétations proposées, les présomptions et les règles spéciales d'interprétation, ainsi que les aides externes admissibles. Autrement dit, les tribunaux doivent tenir compte de tous les indices pertinents et admissibles de l'intention du législateur. Après prise en compte de tels indices, le tribunal doit alors adopter une interprétation qui soit équilibrée. Une interprétation équilibrée est une interprétation qui peut se justifier (a) par sa plausibilité, c'est-à-dire par son harmonie avec le texte législatif; (b) par son efficacité, c'est-à-dire par la promotion qu'elle fait de l'objet de la loi; et (c) par son acceptabilité, c'est-à-dire par le caractère juste et raisonnable du résultat.

[25]            Pour tous ces motifs, la demande est accueillie. La décision interlocutoire du président est annulée, et la question de la divulgation des guides de notation et des compositions des candidats reçus est renvoyée au comité d'appel pour décision conforme aux présents motifs.

« P. Rouleau »

Juge

OTTAWA (Ontario)

le 23 juillet 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

    

N ° DU GREFFE :                    T-959-99

INTITULÉ :                              LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c.                          RUFUS O. ABIDAKUN ET AUTRES

   

LIEU DE L'AUDIENCE :      OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :    LE 12 JUIN 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              MONSIEUR LE JUGE ROULEAU

DATE DES MOTIFS :           LE 23 JUILLET 2001

   

COMPARUTIONS :

M. J. S. GRAHAM                                              POUR LE DEMANDEUR

M. D. BROWN                                                 POUR LES DÉFENDEURS

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. MORRIS ROSENBERG                               POUR LE DEMANDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL CANADA

NELLIGAN POWER                                        POUR LES DÉFENDEURS

OTTAWA (ONTARIO)

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