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                                                                                                                                     IMM-3170-95

 

OTTAWA (ONTARIO), LE LUNDI 4 NOVEMBRE 1996

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE GIBSON

 

 

E n t r e :

 

 

                                                  ISSE SAMATAR ADDULLAHI,

 

                                                                                                                                         requérant,

 

                                                                            et

 

 

 

                        MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

 

                                                                                                                                                intimé.

 

 

 

 

                                                               ORDONNANCE

 

 

                        La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

 

                                                                                                               FREDERICK E. GIBSON         

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                                                                                                                                              

 

  François Blais, LL.L.


 

 

 

 

                                                                                                                                     IMM-3170-95

 

 

 

E n t r e :

 

 

                                                  ISSE SAMATAR ADDULLAHI,

 

                                                                                                                                         requérant,

 

                                                                            et

 

 

 

                        MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

 

                                                                                                                                                intimé.

 

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

LE JUGE GIBSON

 

                        Les présents motifs font suite à une demande de contrôle judiciaire d'une décision par laquelle la Section du statut de réfugié (le « tribunal ») de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a jugé que le requérant n'était pas un réfugié au sens de la Convention au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration[1]. La décision du tribunal est datée du 1er novembre 1995.

 

                        Le requérant est citoyen de la Somalie. Il fait partie de la tribu Darod et du clan Majerteen. Il est né et a grandi à Kismayo où, au début de l'époque pertinente à sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention, il vivait avec sa femme et sa fille et travaillait au sein de l'entreprise de son père. En avril 1991, alors que le requérant se trouvait à l'extérieur de Kismayo, la ville a été attaquée par le CSU. La femme et le père du requérant ont été tués. À son retour, le requérant n'a pas pu trouver les autres membres de sa famille. Il s'est caché et s'est rendu au Kenya.

 

                        En août 1991, alors qu'il se trouvait à Nairobi, au Kenya, le requérant s'est remarié et sa seconde femme a donné naissance à une fille en février 1993.

 

                        En novembre 1994, pour éviter d'être renvoyées en Somalie, la femme et la fille du requérant sont venues au Canada où elles ont revendiqué et obtenu le statut de réfugiées au sens de la Convention.

 

                        Le requérant est arrivé au Canada en mars 1995. Il a témoigné devant le tribunal qu'il craignait d'être tué s'il retournait en Somalie en raison du clan auquel il appartenait et de son affiliation tribale.

 

                        Dans les motifs de sa décision, le tribunal a examiné quatre questions bien distinctes. Comme on pouvait s'y attendre, il s'est d'abord demandé si le requérant risquait d'être persécuté pour l'un des motifs énoncés dans la Convention s'il devait retourner en Somalie. Le tribunal a écrit :

 

[TRADUCTION]

 

Pour examiner des revendications portant sur des guerres civiles et sur l'anarchie, il convient d'observer quelques principes. En premier lieu, le Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié déclare ce qui suit, au paragraphe 164 :

 

Les personnes qui sont contraintes de quitter leur pays d'origine à la suite de conflits armés nationaux ou internationaux ne sont pas normalement considérées comme des réfugiés au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967.

 

Il faut également se souvenir que ni la crainte d'actes de violence commis au hasard ni la crainte d'instabilité politique ne constitue une crainte de persécution fondée sur l'un des motifs prévus par la Convention.

 

Dans le jugement Salibian, la Cour fédérale a déclaré ce qui suit :

 

[...] une situation de guerre civile dans un pays donné ne fait pas obstacle à la revendication pourvu que la crainte entretenue soit non pas celle entretenue indistinctement par tous les citoyens en raison de la guerre civile, mais celle entretenue par le requérant lui-même, par un groupe auquel il est associé ou, à la rigueur, par tous les citoyens en raison d'un risque de persécution fondé sur l'un des motifs énoncés dans la définition [...]

 

Il peut être parfois très difficile de faire la distinction que la Cour établit dans le jugement Salibian entre, d'une part, la crainte ressentie indistinctement par l'ensemble des citoyens, laquelle crainte ne permet pas de reconnaître le statut de réfugié au revendicateur et, d'autre part, la crainte d'être persécuté qui permet de reconnaître ce statut. La façon dont cette distinction doit être établie a toutefois été clairement précisée dans des décisions subséquentes. C'est ce qu'on appelle souvent l'analyse du « risque distinctif ».

 

Ainsi, dans le jugement Rizkallah, la Cour a déclaré ce qui suit :

 

Pour avoir gain de cause, les demandeurs du statut de réfugié doivent établir qu'ils font eux-mêmes l'objet de persécution pour un motif visé par la Convention. Cette persécution doit être dirigée contre eux, soit personnellement, soit en tant que membres d'une collectivité.

 

[...] la preuve qui nous a été présentée ne permet pas d'établir que le Chrétiens du village libanais des demandeurs étaient collectivement persécutés d'une manière qui pourrait les distinguer de l'ensemble des victimes de la terrible guerre civile que se livrent les nombreuses parties.

[Citations omises.]

 

                        Le tribunal a poursuivi en examinant plusieurs décisions dans lesquelles la Section de première instance de la Cour fédérale a examiné ou commenté le concept de l'analyse du risque distinctif. Il a continué en disant :

 

[TRADUCTION]

 

En l'espèce, rien ne permet de conclure que le revendicateur était personnellement visé et rien ne permet de croire qu'il était recherché activement par qui que ce soit. Il nous faut donc nous demander quel groupe était visé. Compte tenu des décisions précitées par lesquelles nous sommes liés, nous devons déterminer si les membres du clan Majerteen ou de la tribu Darod font face en Somalie à un risque différent de celui que courent les autres citoyens somaliens. La question qui se pose est celle de savoir si les Majerteen-Darod de la Somalie [TRADUCTION] « font face à davantage de problèmes [que les autres Somaliens] ou à des problèmes différents » de ceux des autres Somaliens.    [Citations omises.]

 

                        Le tribunal a ensuite cité certains des éléments de preuve documentaire qui lui avaient été soumis. Voici la conclusion qu'il a tirée sur cette question :

 

[TRADUCTION]

 

Vu l'ensemble de la preuve documentaire [...] il semblerait que tous les clans et sous-clans de Somalie sont à la fois victimes et auteurs de violations des droits de la personne, une situation qui, selon ce qu'a reconnu la Cour fédérale, ne permet pas de reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention à un revendicateur. La preuve ne démontre pas que les Majerteen-Darod [TRADUCTION] « font face à davantage de problèmes [que les autres Somaliens] ou à des problèmes différents » de ceux des autres Somaliens.

 

Compte tenu des précédents [précités] qui nous lient, nous concluons que la crainte du revendicateur ne constitue pas une crainte justifiée de persécution pour l'un des motifs énoncés dans la Convention.

[Citations omises.]

 

                        Le tribunal s'est ensuite demandé si le requérant avait une possibilité de refuge dans une autre partie du même pays. Il a écrit :


[TRADUCTION]

 

Outre ce qui précède, nous avons un autre motif de conclure que le revendicateur n'est pas un réfugié au sens de la Convention. Nous estimons en effet qu'il a une possibilité de refuge dans une autre partie du même pays.

 

                                                                            [...]

 

Le tribunal conclut donc que, dans le nord-est de la Somalie, le revendicateur ne courrait pas un risque grave et ne ferait pas face à une possibilité sérieuse d'être persécuté, et il n'est pas déraisonnable qu'il s'y installe.

 

                        Le tribunal a ensuite constaté que la femme et la fille du requérant avaient obtenu le statut de réfugiées au sens de la Convention au Canada. Il a conclu que ce fait avait une valeur probante limitée. Il a cité le jugement Rahmatizadeh c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration[2], dans lequel le juge Nadon écrit :

 

Le fait de simplement prouver que sa soeur avait été déclarée réfugiée ne porte pas beaucoup de poids [...] La Section n'était pas liée par une décision rendue par un autre panel [sic] puisqu'il est possible que l'autre panel ait rendu une décision erronée.

 

                        Finalement, le tribunal a examiné l'argument que le prononcé d'une décision favorable au requérant faciliterait la réunion de cette famille. Il a cité le jugement Vyramuthu et autre c. Solliciteur général du Canada[3], dans lequel le juge Rouleau écrit :

 

 

[...] le concept de l'unité de la famille n'est pas un principe applicable lorsqu'il s'agit de décider si un demandeur est ou non un réfugié au sens de la Convention.

 

Le tribunal a conclu qu'il n'entrait pas dans le cadre de son mandat d'examiner la question de l'unité de la famille.

 

                        Devant moi, l'avocat du requérant a soutenu que le tribunal avait commis une erreur en procédant à une analyse du risque distinctif pour déterminer si le requérant satisfaisait ou non aux critères applicables à la reconnaissance du statut de réfugié. Il a ajouté que le tribunal avait commis une erreur dans son analyse de l'existence d'une possibilité de refuge dans une autre partie du même pays, et qu'il  s'agissait de toute façon d'une conclusion liée à son analyse du risque distinctif dont le bien-fondé ne pouvait par conséquent être reconnu si l'analyse du risque était jugée erronée. Il a ajouté que le tribunal avait commis une erreur en tirant la conclusion à laquelle il en était venu, compte tenu de la conclusion diamétralement opposée qu'elle avait tirée au sujet de la femme et de la fille du requérant, et il a souligné que le tribunal n'avait pas énoncé de motifs pour expliquer pourquoi il en était venu à une décision différente dans le cas de la femme et de la fille du requérant. Finalement, il a affirmé que le tribunal avait commis une erreur de droit en n'appliquant pas le principe de l'unité familiale.

 

                        Je répondrai aux questions présentées au nom du requérant dans l'ordre inverse dans lequel je viens de les exposer

 

LA QUESTION DE L'UNITÉ FAMILIALE

 

                        Dans le jugement Casetellanos c. Canada (solliciteur général)[4], le juge Nadon écrit :

 

 

Il est évident, dans [la] décision Cheung, que la Cour a jugé que la requérante mineure était principalement admissible au statut de réfugié parce qu'elle avait été victime de discrimination en tant que membre du groupe social des seconds enfants, et non pas en vertu du principe de l'unité de la famille. Étant donné, par ailleurs, que la Cour n'a rien révélé au sujet des considérations qui l'avaient amenée à conclure que le principe de l'unité de la famille existait et qu'il devait être appliqué, on doit donc distinguer la présente affaire de la décision Cheung, dans la mesure où on ne peut affirmer que celle-ci établit le principe de l'unité de la famille.

 

                                                                            [...]

 

La notion de l'unité de la famille est absente de la définition de réfugié au sens de la Convention à laquelle le Canada souscrit en tant que signataire de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés (adoptée à Genève le 28 juillet 1951), [1969] R.T. Can. 1969, no 6.

 

                                                                            [...]

 

Il est bien évident que le principe de l'unité de la famille n'est pas mentionné dans la définition actuelle de réfugié au sens de la Convention. Afin d'appliquer ce principe en l'espèce, je devrais donc élargir cette définition, mais rien ne le justifierait.

 

Bien que cette définition ne fasse pas non plus mention du principe de la réunion des familles, la Loi reconnaît d'une certaine manière que cette notion devrait intervenir dans l'examen d'une demande du statut de réfugié. L'alinéa 3c) de la Loi, en particulier, prévoit que l'un des objectifs visés par la Loi et son Règlement [Règlement sur l'immigration de 1978], DORS/78-172, est « de faciliter la réunion au Canada des citoyens canadiens et résidents permanents avec leurs proches parents de l'étranger ». Mais cela ne suffit pas à donner pour mandat à la Cour d'appliquer le principe de l'unité de la famille.

 

                        Je souscris entièrement au raisonnement suivi par le juge Nadon dans les deux derniers paragraphes précités, particulièrement lorsque le pouvoir d'appliquer le principe de l'unité de la famille énoncé à l'alinéa 3c) de la Loi sur l'immigration est prévu ailleurs, comme par exemple au paragraphe 114(2) de la Loi, qui prévoit l'exercice du pouvoir administratif discrétionnaire d'accueillir une demande d'établissement faite à partir du Canada. Il n'existe selon moi aucune base légale qui aurait pu donner au tribunal la compétence nécessaire pour appliquer le principe de l'unité de la famille en faveur du requérant.

 

CONTRADICTION DE DÉCISIONS

 

                        Je suis convaincu que le tribunal a eu raison d'accorder peu de valeur probante au fait qu'une autre formation de la Section du statut de réfugié avait reconnu le statut de réfugiées au sens de la Convention à la femme et à la fille du requérant sur le fondement de faits essentiellement analogues à ceux de la présente affaire. Mais la question n'est pas réglée pour autant. L'avocat du requérant affirme qu'en pareil cas, il incombait au tribunal d'énoncer des motifs pour justifier la conclusion différente à laquelle il en venait à l'égard du requérant. L'avocat du requérant affirme que l'existence de décisions contradictoires constitue une question importante et qu'il est de jurisprudence constante que des motifs doivent être énoncés sur les questions importantes[5]. Bien que je sois d'accord avec l'avocat pour dire que, dans des circonstances comme celles qui sont en litige dans le cas qui nous occupe, il serait souhaitable que la SSR énonce des motifs détaillés pour expliquer le résultat différent auquel elle en arrive, ces motifs seraient de peu d'utilité si une formation de la SSR estimait tout simplement que la décision d'une autre formation est erronée ou si les faits à la base des deux décisions n'étaient pas identiques ou semblables en grande partie. Je ne vois pas en quoi il serait utile d'obliger des formations équivalentes à énoncer des motifs pour expliquer les différences qui existent entre chacune des décisions divergentes qu'elle rendent. Je ne suis pas convaincu que l'absence de motifs expliquant les différences qui existent entre la décision en cause en l'espèce et la décision qu'une autre formation a rendue au sujet de la femme et de l'enfant du requérant constitue une erreur donnant ouverture à un contrôle judiciaire eu égard aux faits de la présente affaire.

 

POSSIBILITÉ DE REFUGE DANS UNE AUTRE PARTIE DU MÊME PAYS

 

                        Je suis persuadé que la conclusion du tribunal suivant laquelle le requérant disposait d'une possibilité de refuge dans le nord-est de la Somalie a été tirée tout à fait indépendamment de sa conclusion sur le risque que le requérant courait d'être persécuté ailleurs en Somalie pour l'un des motifs énoncés dans la Convention. Il importe peu de savoir si le tribunal a commis une erreur dans son analyse du risque distinctif, ou même en adoptant le concept de l'analyse du risque distinctif, si la conclusion tirée au sujet de la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays est tenable. Les termes que le tribunal a employés pour introduire son analyse sur la possibilité de refuge dans une autre partie du pays démontrent selon moi à l'évidence l'indépendance de cette analyse et de cette conclusion. Par souci de commodité, je cite à nouveau ce passage :

 

[TRADUCTION]

 

Outre ce qui précède, nous avons un autre motif de conclure que le revendicateur n'est pas un réfugié au sens de la Convention.

 

[Mots non soulignés dans l'original.]

 

Il n'y a absolument rien dans le raisonnement du tribunal qui permette de croire que son analyse de la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays soit liée à sa conclusion que le requérant ne court aucun risque d'être persécuté en Somalie pour l'un des motifs prévus par la Convention.

 

                        Reste à savoir s'il était raisonnablement loisible au tribunal de conclure que le requérant disposait d'une possibilité de refuge dans une autre partie du même pays.

 

                        Dans la partie narrative de son formulaire de renseignements personnels, le requérant écrit :

 

[TRADUCTION]

 

Je ne peux pas retourner en Somalie. Je crains que, si je retourne en Somalie, je serai tué par le CSU parce que je suis un Darod-Majerteen. Il n'y a pas d'endroit en Somalie où je puisse vivre à l'abri de la persécution des Hawiye et des autres tribus. Il n'y a personne qui soit prêt ou capable de me protéger en Somalie [...]

 

[Passage non souligné dans l'original.]

 

Au cours du témoignage que le requérant a donné devant le tribunal, l'échange suivant a eu lieu :

 

[TRADUCTION]

 

L'agent d'audience :Dans la région de Bari [dans le nord-est de la Somalie].

 

Le revendicateur :Je ne peux pas retourner dans la région de Bari parce que je n'y connais personne. Mon peuple a émigré de cette région il y a environ 200 ans; ainsi, si je retourne à cet endroit maintenant... Je ne connais pas cette région et je ne sais pas comment on y vit. Tout pourrait m'y arriver et je ne peux aller dans une région que je ne connais pas bien. Je suis prêt à aller dans un endroit où je me sentirais en sécurité.

 

L'agent d'audience :Bon. N'y a-t-il pas des milices des Majerteen qui contrôlent présentement la région de Bari?

 

Le revendicateur :De fait, il y en a une, mais nous avons entendu dire qu'il y a des conflits entre elles. Il n'y pas de gouvernement au pouvoir dans cette région et il n'y a pas de gouvernement qui gouverne cette région. S'il y avait un gouvernement en Somalie, ne serait-ce que sous forme d'administrations régionales, les Somaliens ne s'enfuiraient pas en si grand nombre. Je fais partie des gens qui se sont enfuis. J'aimerais vivre dans un endroit sûr tant que la situation ne s'améliorera pas dans mon pays. C'est le seul message que je veux vous transmettre[6].

 

De fait, selon certains des éléments de preuve documentaire qui ont été portés à la connaissance du tribunal, il y avait [TRADUCTION] « de violents affrontements entre factions » au cours des derniers mois de 1994[7]. En se reportant à d'autres éléments de preuve documentaire qui lui avaient été soumis, le tribunal a conclu que le requérant ne courait pas un risque grave et ne faisait pas face à une possibilité sérieuse d'être persécuté dans les régions du nord-est de la Somalie contrôlées par les Majerteen.

 

                        Pour examiner le second volet du critère relatif à la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays que la Cour a posé dans l'arrêt Thirunavukkarasu c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration)[8], le tribunal s'est demandé si le nord-est de la Somalie pouvait raisonnablement constituer une possibilité de refuge dans une autre partie du même pays pour le requérant. Il a écrit :

 

[TRADUCTION]

 

Dans son témoignage, le revendicateur a déclaré qu'il ne désirait pas déménager dans le nord-est de la Somalie parce qu'il n'y est jamais allé, qu'il ne connaît pas bien la région et qu'il n'y connaît personne. Compte tenu de la jurisprudence précitée par laquelle nous sommes liés [l'arrêt Thirunavukkarasu], nous estimons que ces facteurs ne rendent nullement déraisonnable la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays.

 

Bien que l'idée de s'installer dans le nord-est de la Somalie ne sourît manifestement pas au requérant, la question de la possibilité de refuge n'est pas résolue pour autant. Je conclus, vu l'ensemble des éléments soumis au tribunal, qu'il était raisonnablement loisible à celui-ci de conclure que le requérant disposait d'une possibilité de refuge dans le nord-est de la Somalie.

ANALYSE DU RISQUE DISTINCTIF

 

                        Il est sans intérêt de savoir si le tribunal a commis une erreur dans son analyse du risque distinctif ou en adoptant le concept de l'analyse du risque distinctif, étant donné que j'ai conclu que la conclusion du tribunal selon laquelle il existait une possibilité de refuge dans le nord-est de la Somalie pour le requérant constituait un motif indépendant et autonome qui le justifiait de refuser d'accorder le statut de réfugié au sens de la Convention au requérant et étant donné que j'estime qu'il était raisonnablement loisible au tribunal de tirer une telle conclusion. Pour cette raison, je n'ai pas l'intention d'entreprendre une analyse de la décision du tribunal ou des moyens qui ont été invoqués devant moi sur cette question.

 

DISPOSITIF

 

                        Compte tenu de l'analyse qui précède, je conclus que la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

 

                        Aucun des deux avocats ne m'a recommandé de certifier l'existence d'une question grave de portée générale. Il n'y aura donc pas de certification.

 

 

                                                                                                               FREDERICK E. GIBSON         

Juge

 

 

 

Ottawa (Ontario)

Le 4 novembre 1996

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                                                                                                                                              

 

  François Blais, LL.L.


                                                COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                            SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

 

 

                           AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

No DU GREFFE :IMM-3170-95

 

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :ISSE SAMATAR ADDULLAHI c. MCI

 

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :Toronto (Ontario)

 

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :9 octobre 1996

 

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE prononcés par le juge Gibson le 4 novembre 1996

 

 

 

 

ONT COMPARU :

 

 

Me Paul VanderVennenpour le requérant

Toronto (Ontario)

 

 

Me Jeremiah Eastmanpour l'intimé

Toronto (Ontario)

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

Me Paul VanderVennenpour le requérant

avocat et procureur

 

 

Me George Thomsonpour l'intimé

Sous-procureur général du Canada



    [1]L.R.C. (1985), ch. I-2.

    [2]No du greffe de la Cour fédérale IMM-2696-93, 6 avril 1994 (jugement non publié) (C.F. 1re inst.).

    [3]No du greffe IMM-6277-93, 26 janvier 1995 (jugement non publié) (C.F. 1re inst.).

    [4][1995] 2 C.F. 1900 (C.F. 1re inst.).

    [5]Au soutien de cette proposition, l'avocat invoque le jugement prononcé par Mme le juge Simpson dans l'affaire Gyamfuah et autre c. M.E.I., IMM-3168-93, 3 juin 1994, dans lequel, à la page 9, Mme le juge Simpson écrit que « la règle prévoit clairement que des motifs devraient être donnés sur les questions importantes », en se fondant sur l'arrêt Pour c. Canada (M.E.I.), 5 décembre 1991, A-655-90 (C.A.F.).

    [6]Dossier du tribunal, à la page 259.

    [7]Dossier du tribunal, pages non numérotées suivant la page 175, Country Reports on Human Rights Practice for 1994, page 2-1-2.

    [8][1994] 1 C.F. 589 (C.A.F.).

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