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                                                                                                                T-2763-95

 

 

OTTAWA (ONTARIO), LE 25 NOVEMBRE 1996

 

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE CULLEN

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT une demande de révision et d'annulation fondée sur les articles 18 et 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, et ses modifications

 

ET une décision d'Albert S. Burke, arbitre et membre de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, rendue le 27 novembre 1995, concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 97 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (dossier de la Commission des relations de travail dans la fonction publique no 166-2-26601)

 

 

Entre :

 

 

                          LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

 

                                                                                                              demandeur,

 

 

                                                             - et -

 

 

                                         CHESTER D. MacADAMS,

 

                                                                                                               défendeur.

 

 

                                                  ORDONNANCE

 

 

            SUR PRÉSENTATION d'une demande en vue d'obtenir une ordonnance annulant la décision d'Albert S. Burke, arbitre et membre de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, rendue le 27 novembre 1995 (dossier de la CRTFP no 166-2-26601);

 

 

            LA COUR ORDONNE que la demande soit rejetée.

 

 

                                                                        B. Cullen

                                                                       

 

                                                                                       Juge

 

 

Traduction certifiée conforme                       

 

                                                                        François Blais, LL.L.


 

 

 

 

                                                                                                                T-2763-95

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT une demande de révision et d'annulation fondée sur les articles 18 et 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, et ses modifications

 

ET une décision d'Albert S. Burke, arbitre et membre de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, rendue le 27 novembre 1995, concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 97 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (dossier de la Commission des relations de travail dans la fonction publique no 166-2-26601)

 

 

Entre :

 

 

                          LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

 

                                                                                                              demandeur,

 

 

                                                             - et -

 

 

                                         CHESTER D. MacADAMS,

 

                                                                                                               défendeur.

 

 

                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

 

LE JUGE CULLEN

 

 

            Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire dans laquelle le requérant, le procureur général du Canada (ci-après l'«employeur») demande une ordonnance afin d'annuler la décision d'Albert S. Burke, arbitre et membre de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (ci-après l'«arbitre»), rendue le 27 novembre 1995 (dossier de la CRTFP no 166‑2‑26601), dans laquelle il a accueilli le grief de l'intimé Chester D. MacAdams (ci-après l'«intimé»), en statuant qu'il y avait eu une répartition inéquitable des fonctions de disponibilité du fait que l'employeur a limité la liste de disponibilité au personnel militaire.


LES FAITS

 

            L'intimé est un employé civil du ministère de la Défense nationale.  À l'époque pertinente, il était technologue des systèmes électroniques, au niveau EL-4 au sein de la Section de l'entretien technique, Branche des services techniques à la Station des Forces canadiennes Leitrim (Ontario).

 

            Pendant toute la période pertinente, l'intimé était représenté par la Fraternité internationale des ouvriers en électricité.  Les conditions de son emploi étaient régies par la convention collective actuellement en vigueur entre la Fraternité internationale des ouvriers en électricité et le Conseil du Trésor (ci-après l'«employeur»).

 

            Pendant toute la période pertinente, l'intimé était membre de l'équipe d'entretien du matériel des communications, soit une des trois équipes de la Section de l'entretien technique à la Station des Forces canadiennes Leitrim (Ontario).

 

            En 1991, le requérant a dressé une liste de disponibilité conformément à l'article 29 de la convention collective.  Bien que cette clause ne traite que du personnel civil, en pratique, la liste incluait des techniciens civils aussi bien que militaires.  Comme la clause exigeait une répartition équitable des fonctions de disponibilité, celles-ci étaient assignées par roulement.

 

            L'intimé était donc en disponibilité conformément à l'article 29 de la convention collective de 1991 jusqu'en août 1994 et il était rémunéré en conséquence.

 

            À l'été de 1994, le commandant a décidé que, pour respecter les exigences de la nouvelle enveloppe des salaires et traitements, les employés civils seraient exclus de la liste de disponibilité.

 

            Le 19 août 1994, l'intimé a été informé par son supérieur que son nom serait rayé de la liste de disponibilité le 23 août 1994 à 8 h et que, dorénavant, seuls les techniciens militaires figureraient sur cette liste.

 

            Le 19 août 1994, l'intimé a déposé un grief auprès de son employeur au motif que celui-ci avait enfreint les dispositions de l'article 29 de la convention collective en refusant de répartir de façon équitable les fonctions de disponibilité.  L'employeur a rejeté le grief.  Celui-ci a été renvoyé à l'arbitrage le 23 juin 1995.

 

            L'arbitre a statué que la clause 29.09 de la convention collective était vague et ambiguë concernant la répartition équitable des fonctions de disponibilité.  Pour parvenir à cette conclusion, l'arbitre a dû examiner une preuve extrinsèque, c'est-à-dire extérieure à la convention.  En s'appuyant sur la conduite passée de l'employeur envers l'unité de négociation, l'arbitre a conclu qu'il y avait eu une répartition inéquitable des fonctions de disponibilité du fait que le requérant n'a inscrit que du personnel militaire sur la liste en question.  Selon l'interprétation de l'arbitre, la convention collective exige que l'intimé soit rémunéré pour les périodes pendant lesquelles il était en disponibilité.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

 

1.L'arbitre a-t-il commis une erreur de droit en statuant que la clause 29.09 de la convention collective était ambiguë?

 

2.L'arbitre a-t-il commis une erreur de droit en s'appuyant sur une preuve extrinsèque pour interpréter la clause 29.09 de la convention collective?

 

3.L'arbitre a-t-il commis une erreur de droit d'une façon qui justifie l'intervention de la Cour dans son interprétation et son application de la convention collective en concluant qu'il y avait eu une répartition inéquitable des fonctions de disponibilité contrairement à l'article 29 de la convention collective?

 

ANALYSE

 

1.  L'AMBIGUÏTÉ :

Le droit : Lorsque le libellé d'un document et l'expression intégrée de son intention initiale se rapportent clairement à ce seul document et peuvent être appliqués sans difficulté aux faits de la cause, il n'existe pas d'ambiguïté manifeste.  L'expression «ambiguïté latente» s'applique généralement lorsque le sens ou l'application du texte soulèvent des doutes[1].

 

            La clause 29.09 de la convention collective est rédigée dans les termes suivants :

 

Lorsque la nécessité de fonctions de disponibilité sur une base continue est connue, l'employeur fait tout son possible pour répartir les fonctions de disponibilité sur une base équitable parmi les employé-e-s qualifiés qui sont disponibles et les répartir sur une base hebdomadaire parmi lesdits employé‑e‑s qualifiés.

 

 

            «Unité de négociation» et «employé» sont définis aux alinéas 2.01c) et g) de la façon suivante :

 

Dans la présente convention, l'expression [...]

 

c)  «unité de négociation» désigne le personnel de l'employeur qui appartient au groupe de l'Électronique, catégorie technique, telle qu'elle est définie dans le certificat délivré le sept (7) mars 1969 par la Commission des relations de travail dans la fonction publique;

 

[...]

 

g)  «employé» s'entend de l'employé-e tel que le décrit la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et qui est membre de l'unité de négociation;

 

 

La clause 29.01 prévoit que, pour être en disponibilité, l'employé doit être notifié par écrit par l'employeur qu'il doit être disponible.  Si l'employé ne reçoit pas cet avis, alors il n'a pas droit à l'indemnité de disponibilité.

 

            Les dispositions pertinentes de l'article 7 de la convention collective concernant les droits de la direction sont rédigées dans les termes suivants :

 

7.01  La section locale reconnaît et admet que l'employeur a et doit continuer d'avoir exclusivement le droit et la responsabilité de diriger ses opérations dans tous leurs aspects, y compris les suivants qui ne sont pas limitatifs :  [...]

 

b)  direction du personnel, y compris le droit de décider du nombre d'employé-e-s, d'organiser et d'attribuer le travail, d'établir le tableau des postes de travail et de maintenir l'ordre et l'efficacité, d'imposer des sanctions disciplinaires, ce qui comprend la suspension et le renvoi pour un motif justifié;

 

et il est explicitement entendu que les droits et responsabilités de ce genre qui ne sont ni précisés ni modifiés d'une façon particulière par la présente convention appartiennent en exclusivité à l'employeur.

 

7.02  L'exercice de tels droits ne doit pas être incompatible avec les dispositions explicites de la présente convention.

 

 

Les faits : L'arbitre a conclu que la clause 29.09 était vague.  Pour parvenir à cette conclusion, il a examiné la cause Municipality of Metropolitan Toronto v. Canadian Union of Public Employees, Local 43 (1983), 13 L.A.C. (3d) 58, à la page 61 (ci-après Municipality).  Dans cette affaire, le tribunal a conclu que l'expression [TRADUCTION] «de façon aussi équitable que possible» était vague.  Dans son raisonnement, la Cour indique que lorsqu'un terme délibérément vague est utilisé dans une convention collective, c'est parce que les parties ont l'intention de décider, par voie consensuelle, du sens qu'il convient de lui donner.  À partir de ce raisonnement, l'arbitre a conclu que, parce que la conduite des deux parties en l'espèce démontrait que le sens donné à cette expression délibérément vague [TRADUCTION] «sur une base équitable» à la clause 29.09 entre 1991 et 1994 supposait que l'intimé se trouvait sur la liste de disponibilité, elles ne pouvaient maintenant attribuer un nouveau sens à la clause 29.09.  Pour les mêmes raisons, l'arbitre a également conclu que le sens de la clause 29.09 était ambigu.

 

Analyse : Le requérant fait valoir que les intentions et le sens de la clause 29.09 sont clairs à la lecture du document.  Cette clause vise la répartition équitable ou juste des fonctions de disponibilité entre les employés qualifiés faisant partie de l'unité de négociation.  Selon l'argument du requérant, la portée de la clause 29.09 est manifestement restreinte aux membres de l'unité de négociation, du fait de l'alinéa 2.01g), qui définit le terme «employé» pour les fins de la convention collective.

 

            Voici le raisonnement qui sous‑tend l'argument du requérant : puisque la portée de la clause 29.09 est limitée aux membres de l'unité de négociation, du fait que l'alinéa 2.01g) définit le terme «employé» pour les fins de la convention collective, et puisque les fonctions de disponibilité ont été assignées exclusivement au personnel militaire à compter du 23 août 1994, il ne peut plus être question de répartition équitable des fonctions de disponibilité entre les employés de l'unité de négociation, puisque ceux-ci ne figurent plus sur la liste.  Par conséquent, la clause 29.09 ne s'applique plus aux employés de l'unité de négociation.

 

            Bien que, d'un point de vue technique, l'argument du requérant ait quelque mérite, il ne tient aucun compte de l'importance de la conduite passée des parties, qui révèle l'ambiguïté latente de cette disposition.  L'argument du requérant ne tient pas non plus compte de la nature d'une convention négociée pour le bien collectif des employés.  La conduite passée, qui constitue une preuve extrinsèque, ne peut être prise en compte que si la disposition contestée est ambiguë.  L'argument du requérant est valable parce qu'il n'y a pas d'ambiguïté manifeste dans cette disposition.  Toutefois, c'est précisément la preuve extrinsèque que constitue la conduite passée des parties, depuis l'adoption de cette disposition, qui révèle l'ambiguïté latente de la disposition.  La preuve extrinsèque peut être admise pour faire la preuve d'une ambiguïté latente, soit dans le libellé de la convention soit dans son application aux faits[2].  La conclusion de l'arbitre quant à l'ambiguïté était appuyée par la preuve dont il était saisi, et je ne vois aucune raison de modifier cette conclusion.

 

            En outre, le cas en l'espèce peut clairement être distingué de l'arrêt Sa Majesté la Reine c. Charland, [1982] 1 C.F. 455, à page 457 (C.A.F.) (ci-après, Charland).  Dans cet arrêt, on contestait une pratique que l'employeur avait adoptée sans obligation de sa part.  Toutefois, en l'espèce, il s'agit d'une disposition qui a été négociée.

 

2.  LA PREUVE EXTRINSÈQUE

Le droit : En général, une preuve extrinsèque ne peut être admise pour contredire ou modifier une convention écrite, pour ajouter aux termes de ce contrat ou en soustraire certains de ses éléments.  Toutefois, la preuve extrinsèque peut être admise pour faciliter l'interprétation lorsque la convention est implicitement ou manifestement ambiguë[3].

 

Les faits : L'arbitre a admis une preuve extrinsèque portant sur la pratique passée de l'employeur et de l'agent négociateur afin de se prononcer sur la question de la répartition équitable des fonctions de disponibilité conformément à la clause 29.09.

 

Analyse : Étant donné qu'il y avait une ambiguïté latente dans les conditions de la disposition, l'arbitre a pris la bonne décision en jugeant la preuve extrinsèque essentielle au sens que les parties avaient donné à la clause 29.09.

 

3.  L'ERREUR DE DROIT JUSTIFIE-T-ELLE L'INTERVENTION DE LA COUR?

            L'arbitre a décidé que, bien que l'alinéa 7.01b) accorde à la direction le droit de décider du nombre d'employés qui doivent faire partie du personnel, ce droit ne peut s'appliquer que dans des situations non spécifiquement régies ou modifiées par la convention collective.  La situation dont a été saisi l'arbitre était déjà régie par la convention collective.  Quoi qu'il en soit, conformément à la clause 7.02, ce droit devait être exercé d'une manière compatible avec les autres clauses de la convention collective.  J'accepte cet argument.

 

            À la page 13 de ses motifs, l'arbitre indique ce qui suit :

 

                Toutes les dispositions et conditions de l'article 29 de la convention collective font référence aux employés et non pas au personnel militaire.  Le représentant de l'employeur affirme que tout ce que doit faire l'employeur pour ne pas avoir à appliquer l'article 29 est de cesser de notifier les employés par écrit qu'ils devront être disponibles pour travailler.  Cette affirmation est tout à fait inacceptable et contraire aux dispositions de l'article 29.

 

 

L'argument  de l'employeur, du point de vue technique, est valable.  Toutefois, une telle approche technique entraînerait très exactement comme résultat ce que l'arbitre décrit comme une violation inacceptable de la convention.  En principe, il ne devrait pas être aussi facile de contourner les conditions négociées d'une convention collective.  Il est difficile d'imaginer qu'un tel résultat ait été négocié à tout le moins par une des parties (c'est‑à-dire l'unité de négociation).  En outre, si l'on en juge par la conduite passée des deux parties, il est peu probable que ce résultat ait été envisagé même par l'employeur.

 

            Le requérant fait valoir, subsidiairement, que si l'arbitre n'a pas commis d'erreur en concluant que la clause 29.09 est ambiguë, alors son interprétation de cette clause n'est pas raisonnable, du fait que l'arbitre a commis une erreur en omettant de donner au mot «employé» le sens que lui donne la convention collective.  Toutefois, d'après mon interprétation des motifs de l'arbitre, je ne crois pas qu'il ait omis de donner son sens au mot «employé».

 

            Le requérant prétend que la clause 29 n'exige pas que les fonctions de disponibilité soient réparties entre les membres de l'unité de négociation.  Cette clause régit simplement l'application de cet aspect du travail lorsque les membres de l'unité de négociation sont notifiés par écrit qu'ils doivent effectuer des fonctions de disponibilité.  La convention collective ne garantit pas que ces fonctions de disponibilité seront assignées aux membres de l'unité de négociation.  Par conséquent, aux termes de l'article 7, le requérant a conservé le droit exclusif de diriger ses opérations d'une façon qui puisse exclure les membres de l'unité de négociation des fonctions de disponibilité.

 

            Je ne peux accepter cet argument.  Les droits de la direction n'ont pas préséance sur les dispositions précises de la convention collective.  Bien qu'il n'y ait aucune garantie que les employés de l'unité de négociation seront affectés à des fonctions de disponibilité, ces employés ne peuvent de but en blanc être privés de l'effet d'une disposition qui été négociée en leur nom.  La clause concernant la répartition équitable des fonctions de disponibilité existe toujours, et l'employeur doit s'y conformer.  L'arbitre n'a commis aucune erreur lorsqu'il est arrivé à cette conclusion.

 

            Pour résumer, j'ai de la difficulté à accepter la position du requérant, parce qu'elle exclut arbitrairement une disposition d'une convention collective.  Essentiellement, le requérant prétend que, puisque les fonctions de disponibilité n'étaient assignées qu'au personnel militaire qualifié à compter du 23 août 1994, la clause 29.09 n'a plus d'effet ou d'utilité, étant donné que les personnes à qui elle était applicable (les «employés») ne sont plus protégées par cette disposition (puisqu'ils ne pouvaient plus être affectés à des fonctions de disponibilité), et parce que le personnel militaire (qui ne sont ni des employés ni des membres de l'unité de négociation et qui, par conséquent, sont affectés à ces fonctions) n'était pas assujetti à cette obligation de répartition équitable.  Toutefois, du fait de la pratique suivie par l'employeur sur une période de trois ans, que l'agent négociateur a avalisée, il avait été entendu entre eux, comme il est indiqué dans l'exposé conjoint des faits, que jusqu'en août 1994 le personnel civil et militaire ferait partie de la liste de disponibilité.  Est-il possible de se libérer d'une disposition importante d'une convention collective sans négociation?  Je ne le pense pas.  Ce n'est pas la façon dont les dispositions peuvent effectivement être supprimées d'une convention collective.

 

CONCLUSION

 

            Il est bien établi que la retenue judiciaire s'impose à l'égard des opinions de tribunaux administratifs spécialisés, lorsque cette spécialisation se situe manifestement dans les limites de leur compétence.  Par conséquent, un arbitre saisi d'une affaire de relations du travail a les connaissances requises pour interpréter une convention collective.  Dans l'arrêt Dayco (Canada) Ltd. c. Syndicat national des travailleurs et travailleuses de l'automobile, de l'aérospatiale et de l'outillage agricole du Canada (TCA-Canada), [1993] 2 R.C.S. 230; 152 N.R. 1; 63 O.A.C. 1, aux pages 250 et 251, le juge La Forest résume le degré de retenue judiciaire que doit susciter la décision d'un arbitre dans les termes suivants :

 

[...] les tribunaux doivent, en principe, s'en remettre à l'expertise de l'arbitre pour ce qui est des questions concernant l'interprétation des conventions collectives [...].  Il est clair qu'un arbitre a compétence stricto sensu pour interpréter les dispositions d'une convention collective lorsqu'il s'agit de décider si des questions sont arbitrables sous le régime de cette convention.  Dans ce cas, l'arbitre agit dans son domaine d'expertise et le contrôle judiciaire de cette interprétation ne doit se faire que selon la norme du caractère manifestement déraisonnable.

 

 

Au vu des arguments des avocats, de la preuve écrite et de la jurisprudence dont était saisie la Cour, et compte tenu de la norme de révision qui est à mon sens applicable aux décisions de la présente Cour et que j'ai énoncée dans la décision Canada (Procureur général) c. Wiseman (1995), 95 F.T.R. 200, (ci-après, Wiseman), je conclus que la décision de l'arbitre concernant l'ambiguïté pouvait être appuyée par la preuve et, par conséquent, qu'il n'y a pas lieu pour la Cour d'intervenir.  Par conséquent, il était tout à fait approprié que l'arbitre examine une preuve extrinsèque pour en arriver à cette conclusion.

 

            Je crois qu'il convient de répéter les observations que j'ai formulées à la fin de la décision Wiseman, à la page 9 (T-2094-94) :

 

 

Un objectif fondamental de l'interprétation des conditions d'une convention collective est de découvrir l'intention des parties.  Une décision qui montre qu'il est tenu compte de la dynamique au lieu de travail est précisément le genre de décision à l'égard de laquelle il faudrait faire preuve d'une grande retenue.  La décision est raisonnablement étayée par la preuve et, partant, il ne convient pas de la modifier.

 

 

            La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

OTTAWA                                                              B. Cullen

le 25 novembre 1996                                                              

                                                                                    Juge

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                       

 

                                                                        François Blais, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

N° DU GREFFE :      T-2763-95

 

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c.

                                                                 CHESTER D. MacADAMS

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                      OTTAWA (ONTARIO)

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :                    LE 20 NOVEMBRE 1996

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE CULLEN

 

 

DATE :                                                    LE 25 NOVEMBRE 1996

 

 

 

ONT COMPARU :

 

 

AGNÈS LÉVESQUE                                                POUR LE REQUÉRANT

 

PHILIP HUNT                                                           POUR L'INTIMÉ

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

GEORGE THOMSON

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

OTTAWA (ONTARIO)                                             POUR LE REQUÉRANT

 

SHIELDS & HUNT

OTTAWA (ONTARIO)                                             POUR L'INTIMÉ



    [1] Leitch Gold Mines Ltd. et al v. Texas Gulf Sulphur Co. et al., [1969] 1 O.R. 469, 3 D.L.R. (3d) 161, pages 215 et 216 (H.C. de l'Ontario) (ci‑après, Leitch cité dans les D.L.R.)

    [2] Leitch, précité note 1, page 216

    [3] Ibid.; Doyon c. Canada (Commission des relations de travail dans la fonction publique), [1978] 1 C.F. 31 (C.A.F.) (ci-après, Doyon).

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