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Date : 19980128


Dossier : IMM-1611-97

Entre :

     FARZAM MOLAEI ET

     MEHRNAZ MOUSAVI,

     requérants,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge Muldoon

[1]      Il s'agit d'une demande déposée en vertu de l'article 82.1 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi) visant à obtenir le contrôle judiciaire d'une décision de la Section du statut de réfugié (SSR) de la Commission de l'Immigration et du Statut de réfugié, en date du 21 mars 1997, selon laquelle les requérants ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention. En l'espèce, la SSR n'était composée que d'un membre unique.


[2]      Les requérants demandent à la Cour d'annuler la décision de la SSR et de déclarer qu'ils (les requérants) sont effectivement des réfugiés au sens de la Convention. Ils sollicitent subsidiairement de la Cour une ordonnance renvoyant la question devant la SSR, accompagnée de directives.

[3]      Les requérants sont citoyens de l'Iran. Le requérant principal, Farzam Molaei, prétend craindre avec raison d'être persécuté du fait des opinions politiques qu'on pourrait lui prêter. Son épouse, Mehrnaz, fonde sa propre revendication du statut de réfugié sur celle de son mari. En novembre 1994, les requérants ont quitté l'Iran pour se rendre en France, d'où ils se sont rendus aux États-Unis. Le 15 janvier 1995, ils sont arrivés au Canada où ils ont revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention.

[4]      Dans sa décision, la SSR a fait un exposé complet des détails concernant les persécutions dont faisaient état les requérants. Le père du requérant principal était, à l'époque du Shah, colonel dans l'armée iranienne. Il a été arrêté pendant la révolution, puis mis en procès et condamné par un tribunal révolutionnaire. Son père a été condamné à mort, peine qui sera par la suite commuée en une peine d'emprisonnement de 20 ans. En 1985, le père du requérant bénéficie d'une mesure de grâce. Le requérant affirme avoir, à la sortie de l'école secondaire, postulé une place à l'Université de Téhéran, où il n'aurait toutefois pas été admis, les autorités ayant appris le rôle que son père avait joué dans l'armée iranienne, ainsi que sa condamnation subséquente.

[5]      Le requérant fonde sa crainte d'être persécuté essentiellement sur son activité professionnelle de vendeur/installateur d'antennes paraboliques. En 1992, le requérant et un ami montent un commerce d'équipement audio et vidéo. Le requérant et son associé s'aperçoivent bientôt que le commerce des antennes paraboliques est en plein essor et ils décident de profiter de ce marché porteur. Leur entreprise devient rapidement très prospère et ils parviennent, chaque jour, à vendre et à installer une antenne. Mais, la vente des antennes paraboliques ne va pas sans problème. Les intégristes au sein du gouvernement iranien estiment, en effet, que les antennes paraboliques sont des équipements dangereux et " anti-islamistes ".

[6]      En juin 1993, le requérant rencontre certaines difficultés avec les autorités. Celles-ci se rendent dans son magasin, s'entretiennent avec les employés et leur demandent où se trouve le requérant. Un des employés avertit ensuite le requérant que les autorités le recherchent. Le requérant et son associé décident de fermer provisoirement le commerce, en attendant que se dissipe l'intérêt que leur porte les autorités. Le 22 juin 1993, le requérant est arrêté et son magasin est mis sous scellés. Il est conduit au poste de police où il est interrogé sur ses activités et, selon lui, torturé. Ses mains sont liées et les autorités le giflent et lui donnent des coups de pied. Le requérant continue à nier toute participation à la vente d'antennes paraboliques. Il est maintenu en détention une semaine, et il prétend avoir reçu chaque jour des gifles et des coups de pied.

[7]      Une semaine plus tard, le père du requérant verse 2 000 $ US pour obtenir sa libération. Il entre à l'hôpital pour y subir des examens. Il y passe la nuit sous observation.

[8]      Vingt-deux jours plus tard, le requérant et son associé décident de rouvrir leur commerce étant donné que [traduction] " le gouvernement ne semble plus chercher à lui appliquer des mesures de restriction ".1 Le requérant servait d'intermédiaire, se procurant des antennes auprès de ses fournisseurs et les revendant à des installateurs privés. Le requérant et son associé pensaient que, de cette manière, ils ne couraient guère de risque. Le requérant et son associé se réservaient cependant les installations importantes, car cela leur rapportait gros.

[9]      En décembre 1993, alors que le requérant se trouve sur un site d'installation, les autorités tentent de procéder à son arrestation. Après avoir reçu du requérant un pot-de-vin d'environ 100 $ US, les autorités décident de ne pas l'arrêter. Quatre jours plus tard, les autorités tentent à nouveau de procéder à son arrestation mais, encore une fois, le requérant leur verse un pot-de-vin (100 $ US). Ce scénario se reproduit tous les quinze jours, jusqu'en avril 1994. Le requérant apprend plus tard par voie de presse que plusieurs officiers ont été accusés de ne pas avoir arrêté des gens en échange de pots-de-vin. Cette nouvelle le pousse à fermer son commerce. Lui et son associé déménagent l'ensemble de leur stock chez le père du requérant.

[10]      En juin 1994, les autorités se rendent au magasin, munies d'un mandat de perquisition. Étant donné que le requérant avait entreposé toutes ses marchandises chez son père, les autorités ne trouvent rien au magasin. En juillet 1994, le requérant et son associé sont convoqués dans les locaux du Komiteh. Le requérant et son associé sont interrogés séparément au sujet de leur entreprise. Ils nient tous les deux s'être livrés à la vente d'antennes paraboliques. Le requérant prétend avoir le soir même été emmené en prison et avoir été incarcéré pendant un mois pour corruption de fonctionnaire et diffusion de la culture occidentale. Le requérant affirme y avoir été battu tous les jours. Après un mois, les autorités décident de le relâcher à condition qu'il leur livre le nom de ses fournisseurs et de ses clients. On lui interdit de reprendre ses anciennes activités.

[11]      Le requérant et son associé reprennent leurs activités commerciales dans le même magasin. Quelque temps après, le requérant appelle ses fournisseurs, pour les avertir de ne pas reprendre contact avec lui, leur révélant que les autorités lui ont demandé de collaborer avec elles. Peu de temps après, les autorités se rendent dans son magasin pour voir ce qui s'y passe. Elles demandent au requérant de commander de la marchandise à certains individus soupçonnés d'être ses fournisseurs. Les autorités ne parviennent pas à leurs fins, mais, pendant deux mois, elles continuent à se rendre dans son magasin.

[12]      Le 23 octobre 1994, le requérant est à nouveau convoqué dans les locaux du Komiteh. L'avis de convocation lui intimait l'ordre de se présenter dans les 30 jours. D'un ami, le requérant apprend que le Komiteh a décidé de faire condamner certains de ceux qui se livrent au commerce des antennes paraboliques, afin d'intimider les autres. Le requérant savait qu'il s'exposait à une peine d'emprisonnement ainsi qu'à une lourde amende.

[13]      Le requérant se rend en Turquie le 29 octobre 1994 pour y prendre des dispositions en vue de quitter l'Iran pour de bon. Par l'intermédiaire d'un cousin habitant la Californie, il parvient à obtenir un visa pour les États-Unis. Pendant son absence, son épouse est interrogée par le Komiteh. Le requérant rentre en Iran pour en faire sortir son épouse. Le 19 novembre 1994, le requérant quitte l'Iran.

[14]      Arrivé au Canada, le requérant apprend de sa mère que son magasin a été fermé par le Komiteh. Sa mère lui apprend également que son associé est en prison. Des membre du Komiteh s'étaient rendus chez elle, exigeant qu'elle leur dise où se trouvait le requérant. Le requérant affirme qu'il craint d'être arrêté par le Komiteh s'il rentre en Iran, étant donné qu'il n'a pas respecté le délai qui lui avait été signifié dans l'avis de comparution.

[15]      L'agent d'audience n'était pas présent lors de l'audience, mais il avait au préalable exposé certaines des questions à trancher. Une des questions qu'il avait ainsi exposées était celle de savoir si les événements en cause n'équivaudraient pas à des poursuites plutôt qu'à des persécutions.

[16]      Bien que l'agent d'audience n'ait pas été présent à l'audience, la SSR l'a à deux reprises cité. À la page 13 du Dossier de la demande, la SSR écrit :

[traduction]     

                 Lors de sa déposition, le demandeur du statut a récité son FRP comme s'il l'avait appris par coeur. Il a rajouté quelques détails en répondant aux questions de l'agent d'audience. Ses déclarations restaient vagues et répétitives.                 

[17]      À la page 14, la SSR écrit:

[traduction]     

                 Selon l'agent d'audience, il s'agit de poursuites et non de persécutions.                 

[18]      La SSR a admis que, ainsi qu'il l'avait affirmé dans son témoignage, le requérant se livrait effectivement au commerce des antennes paraboliques, mais la SSR a estimé que le requérant n'était pas crédible lorsqu'il affirmait que ses activités l'exposaient à une longue peine d'emprisonnement ou à la peine capitale. La SSR a relevé que la loi interdisant les antennes paraboliques avait été adoptée le 22 avril 1995, c'est-à-dire après l'arrivée du requérant au Canada.

[19]      Après avoir examiné les preuves documentaires réunies dans Human Rights Watch, 1996, la SSR a estimé que, même si les mesures d'interdiction adoptées par l'Iran en matière d'antennes paraboliques constituaient une restriction aux libertés d'opinion et d'information, les sanctions auxquelles s'exposait le requérant s'il rentrait en Iran relevaient de la catégorie des poursuites et non de celle des persécutions. Aux pages 16 à 18 du dossier de la demande, la SSR a écrit :

[traduction]     

                      À notre avis, l'interdiction d'utiliser des antennes paraboliques ne permet pas en soi de conclure à l'existence d'une atteinte aux droits élémentaires de la personne suffisamment grave pour permettre au requérant d'invoquer les protections prévues dans la Convention sur le statut de réfugié. Les antennes paraboliques sont des équipements de communication. Comme a pris soin de le préciser Marshall McLuhen : "Le mode de communication et le message communiqué sont deux choses différentes". La loi portant réglementation du droit de posséder ou de vendre des antennes paraboliques est une loi d'application générale. Tout citoyen de l'Iran y est soumis. La programmation transmise par satellite est des plus diverses. La sanction prévue, c'est-à-dire une amende, n'a pas le caractère d'une persécution. ... Le risque d'être poursuivi pour infraction à une loi d'application générale ne justifie pas la reconnaissance du statut de réfugié.                 
                      Je relève l'absence de tout élément de preuve concernant les sanctions auxquelles s'exposent les personnes assurant la vente ou la distribution d'antennes paraboliques. Je relève également que les sanctions auxquelles s'exposent les propriétaires d'antennes paraboliques ne sont pas sévères au point de pouvoir être considérées comme un véritable châtiment. L'avocat du demandeur prétend que son client s'expose à une sanction bien supérieure à une simple amende.                 
                      Après examen de l'ensemble du dossier, j'estime que le demandeur n'est pas parvenu à démontrer que, comme il le prétend, il risque la prison à vie ou à la peine capitale. De telles exagérations, me semble-t-il, nuisent à sa crédibilité. Même si je croyais que le demandeur avait effectivement été détenu pendant un mois, étant donné l'exagération dont je viens de faire état, je ne crois pas qu'il ait été torturé en raison de ses opinions politiques. Le demandeur n'est pas parvenu à démontrer que les charges retenues contre lui sont de nature politique et que, cela étant, la peine à laquelle il s'expose revêt effectivement toute la sévérité dont il a fait état. En ce qui concerne les antécédents familiaux du demandeur, je note qu'il a pu vivre tout à fait normalement jusqu'à l'époque où il a éprouvé des problèmes en raison de l'entreprise qu'il avait montée.                 
                      Après examen de l'ensemble de la preuve, je conclus à l'absence de correspondance entre la situation du demandeur et la définition prévue dans la Convention.                 
                      En tout état de cause, les demandeurs s'exposent en l'espèce à des poursuites et non à des persécutions. Je conclus à l'absence de correspondance entre sa situation et la définition prévue dans la Convention.                 

[20]      Voici les questions soulevées dans le cadre de cette demande de contrôle judiciaire :

     1.      La SSR a-t-elle commis une erreur de droit en fondant sa décision sur les questions posées au requérant par un agent d'audience, alors qu'aucun agent d'audience n'était effectivement présent à l'audience?         
     2.      Est-ce à tort que, concluant que les activités du requérant ne relevaient pas de la définition de l'expression " opinion politique ", la SSR n'a pas donné de l'expression " opinion politique " la bonne définition?         
     3.      Est-ce à tort que la SSR a décidé qu'il s'agissait en l'espèce de poursuites et non de persécution.         

[21]      Les requérants contestent la décision de la SSR, faisant valoir que les motifs écrits font à deux reprises allusion à un agent d'audience alors qu'en fait aucun agent n'était présent à l'audience. Les requérants font valoir que cet écart porte à se demander si, lors de la rédaction de ces motifs, la SSR avait bien le bon dossier en tête.

[22]      S'il est vrai qu'aucun agent d'audience n'était présent à l'audience, on peut constater, d'après l'échange de propos suivant, qui se trouve à la page 25 du Dossier de demande, qu'un agent d'audience a effectivement participé à la préparation des questions devant être tranchées à l'audience :

                 LE PRÉSIDENT D'AUDIENCE :      M. l'avocat, avez-vous de brèves observations préliminaires à nous faire?                 
                 L'AVOCAT :      Non M. le président. Je relève, cependant, que le formulaire de sélection rempli par l'agent d'audience a délimité huit questions. J'ai tenu compte de cela lors de ma préparation du dossier et j'estime que le témoignage des demandeurs et les preuves à l'appui réunies dans la documentation produite par le demandeur permettront de trancher chacune de ces questions de manière satisfaisante, ainsi d'ailleurs que toute autre question qu'il vous semblera bon d'évoquer. [non souligné dans l'original].                 

Sur le fondement de cet échange de propos, la seconde fois où il est fait allusion à l'agent d'audience s'explique aisément et correspond entièrement à la réalité. Par conséquent, la SSR n'a commis aucune erreur en se prononçant sur ce point.

[23]      La première fois que la SSR évoque l'agent d'audience d'audience c'est lorsqu'elle écrit, dans ses motifs : [traduction] " Le demandeur n'a guère ajouté de détails en répondant aux questions de l'agent d'audience ". Cela constitue manifestement une erreur. La Section d'appel de la Cour a, cependant, dans l'arrêt Medina c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), (1990) 12 Imm. L.R. (2d) 33 (C/A.) mis en garde contre toute lecture microscopique des motifs de la SSR.

[24]      En l'espèce, la question essentielle ne porte pas sur la crédibilité du requérant. En effet, s'il a été décidé que les requérants n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention, c'est parce que la SSR estimait qu'il n'y avait pas de correspondance entre les persécutions dont les requérants avaient fait état et la définition de ce qu'est un réfugié au sens de la Convention. L'erreur a été faite dans ce qui semble avoir été, de la part de la SSR, un instant d'hallucination. Il appartenait également aux requérants de démontrer que l'erreur était tellement grave qu'elle équivalait à une méconnaissance des principes, ou bien, qu'en l'absence d'une telle erreur, la décision de la SSR aurait été différente. Or, cela, les requérants ne sont pas parvenus à le démontrer.

[25]      Selon le second argument présenté par les requérants, la SSR a commis une erreur lorsque, décidant que les activités du requérant principal ne correspondaient pas à la définition de l'expression " opinion politique ", la SSR n'a pas appliqué la bonne définition de l'expression " opinion politique ". Le requérant affirme qu'il craint avec raison d'être persécuté parce que, en raison des antécédents de son père, on lui impute, à lui, certaines opinions politiques. Le requérant précise que son père a servi le régime du Shah, et que cela lui a par la suite valu plusieurs années d'emprisonnement. Le requérant, à cause des antécédents de son père, s'est vu refuser une place à l'université. Le requérant fait en outre valoir que les sanctions auxquelles il s'expose seront aggravées en raison des antécédents de son père. Le requérant cite l'affaire Bhatti c. Canada (Secrétariat d'État) (1994), 84 F.T.R. 145, affaire dans laquelle la Cour a décidé que " la notion de persécution indirecte repose sur l'hypothèse que les membres de la famille sont susceptibles de subir un grave préjudice lorsque leurs proches parents sont persécutés." La Cour a également décidé que le préjudice découlant d'une persécution indirecte peut "revêtir plusieurs formes, dont la perte de soutien économique ou social apporté par la victime et le traumatisme psychologique causé par la souffrance de ceux qu'on aime ".

[26]      Mais cette décision a été infirmée par la Cour d'appel dans son arrêt Pour-Shariati c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (10 juin 1997) A-721-94. Aux pages 2 et 3 de cet arrêt, le juge MacGuigan, se prononçant au nom de la Cour à l'unanimité, a repris à son compte le raisonnement adopté par le juge Rothstein [1995] 1 C.F. 767, à la p. 779, où celui-ci avait déclaré :

                      Après avoir examiné l'ensemble de la jurisprudence citée dans l'affaire Bhatti, ainsi que les dispositions de la Loi sur l'immigration, citées plus haut, je ne vois pas en quoi on pourrait en l'espèce invoquer une persécution indirecte telle que celle-ci a été décrite dans l'affaire Bhatti. J'en conclus, par conséquent, qu'en l'occurrence le Tribunal n'a pas commis d'erreur en ne se penchant pas sur la question de la persécution indirecte ou en ne l'évoquant pas à l'audience.                 
                 Le concept de persécution indirecte reconnu dans l'affaire Bhatti, comme principe de notre droit en matière de réfugiés est par conséquent rejeté. Selon le raisonnement du juge Nadon dans Castellanos c. Canada (Solliciteur général) (1994), 89 F.T.R. 1, à la page 11, " comme la persécution indirecte ne peut pas être associée à de la persécution selon la définition de réfugié au sens de la Convention, toute demande à laquelle elle sert de fondement devrait être rejetée. "                 

[27]      En tout état de cause, la SSR a fait une allusion très précise à la " persécution indirecte " à laquelle le requérant prétendait être exposé en raison des antécédents de son père, à la page 17 du Dossier de demande, où la SSR est citée comme ayant déclaré : [traduction] " En ce qui concerne le passé du demandeur de statut, je relève qu'il a pu vivre tout à fait normalement en Iran jusqu'au jour où il a éprouvé des problèmes en raison de l'entreprise qu'il avait lancée ".

[28]      Selon le troisième argument développé par les requérant, c'est à tort que la SSR a décidé qu'il s'agissait, en l'espèce, de poursuites et non de persécutions. Les requérants citent l'arrêt Astudillo c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1980), 31 N.R. 121 (C.A.F.), dans lequel la Section d'appel a soutenu que lorsqu'il s'agit de dire si une activité donnée a ou non un caractère politique, c'est dans l'optique du gouvernement en question qu'il s'agit de se placer. Il n'appartient donc pas à la SSR de dire qu'une activité est de nature politique; la conclusion sur ce point doit se situer dans l'optique du pays dont le demandeur craint les persécutions. (La démarche est semblable à celle de la Cour suprême dans l'arrêt Ward, et de la Section d'appel dans les arrêts Hilo et Inunza). Le requérant principal rappelle qu'il a été détenu, emprisonné et torturé par les autorités du fait de ses activités commerciales. Selon lui, cela démontre que le gouvernement iranien voit, dans son activité commerciale, une action politique.

[29]      Cet argument a été retenu dans plusieurs affaires, mais dans l'arrêt Zolfagharkhani c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1993] 3 C.F. 540 (C.A.), le juge MacGuigan a, s'agissant d'une loi ordinaire d'application générale, avancé les propositions suivantes :

                 (1)      La définition légale de réfugié au sens de la Convention rend l'objet (ou tout effet principal) d'une loi ordinaire d'application générale, plutôt que la motivation du demandeur, applicable à l'existence d'une persécution.                 
                 (2)      Mais la neutralité d'une loi ordinaire d'application générale, à l'égard des cinq motifs d'obtention du statut de réfugié, doit être jugée objectivement par les cours et les tribunaux canadiens lorsque cela est nécessaire.                 
                 (3)      Dans cet examen, une loi ordinaire d'application générale, même dans des sociétés non démocratiques, devrait, je crois, être présumée valide et neutre, et le demandeur devrait être tenu, comme c'est généralement le cas dans les affaires de réfugiés, de montrer que les lois revêtent, ou bien en soi ou pour une autre raison, un caractère de persécution.                 
                 (4)      Il ne suffira pas au demandeur de montrer qu'un régime donné est généralement tyrannique. Il devra plutôt prouver que la loi en question a un caractère de persécution par rapport à un motif énoncé dans la Convention. (p. 552)                 

[30]      Le requérant n'a présenté aucune preuve tendant à confirmer que, comme il le prétend, il risque une longue peine d'emprisonnement, voire la peine capitale, en raison de ses activités. Selon les preuves documentaires retenues par la SSR, l'amende normale est de 1 000 $, l'amende maximum étant de 2 000 $. Il convient en outre de noter que la SSR n'a pas jugé crédible le témoignage du requérant concernant les sanctions auxquelles il s'exposait. Il n'y pas lieu d'infirmer cette décision dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire à moins qu'elle n'ait été prise sans tenir compte des éléments dont disposait la Section du statut [Rajaratnam c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1992), 135 N.R. 300 (C.A.F.)]. Les requérants n'étant pas parvenus à démontrer que cette décision avait été prise sans que la SSR tienne compte des éléments dont elle disposait, l'argument développé par les requérant sur ce point ne saurait être retenu.

[31]      En conséquence, la requête en contrôle judiciaire présentée par les requérants est rejetée.

[32]      Aucune question n'est à certifier.

                                 (Signature) " F.C. Muldoon "

                                      Juge

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 28 janvier 1998

Traduction certifiée conforme

François Blais, LL.L

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE DE LA COUR FÉDÉRALE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

DATE DE L'AUDIENCE :      Le 27 janvier 1998
NUMÉRO DU GREFFE :          IMM-1611-97
INTITULÉ :                  Farzam Molaei et Mehrnaz Mousavi
                     c.
                     Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration
LIEU DE L'AUDIENCE :          Vancouver (C.-B.)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE MULDOON

en date du 28 janvier 1997

ONT COMPARU :

     M. Lee Rankin,          pour les requérants
     Mme Esta Resnick,          pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

     Lee Rankin,              pour les requérants
     Avocats et procureurs
     Vancouver (C.-B.)
     George Thomson,          pour l'intimé
     Sous-procureur général
     du Canada
__________________

     1      Dossier du requérant, page 72

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