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     IMM-3235-96

Entre :

     CHUN HIN WONG - mineur représenté

     par sa tutrice à l'instance, YAN LIN SIU,

     requérant,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

     Les présents motifs ont trait à une demande de contrôle judiciaire d'une décision d'un agent des visas de la Commission du Canada à Hong Kong indiquant que Chun Hin Wong (le "requérant mineur") ne respecte pas les conditions pour qu'un visa d'étudiant lui soit délivré. La lettre de l'agent des visas communiquant sa décision est datée du 12 août 1996 et elle indique en partie ce qui suit :

     [TRADUCTION]         
     Vous n'avez pas convaincu l'agent des visas que vous étiez un visiteur au sens de la Loi parce que vous n'avez pas établi que vous demandez l'admission au Canada à titre temporaire pour les raisons suivantes :         
     %      Vous n'avez pas convaincu l'agent des visas que des liens suffisamment forts existent avec votre pays de résidence pour que votre retour dans ce pays à la fin des études proposées soit assuré.         


     Le même jour, soit à la date indiquée dans la décision, l'agent des visas a convoqué en entrevue le requérant mineur et sa tutrice à l'instance qui est la mère du requérant mineur (la requérante adulte). Dans son affidavit déposé en l'espèce, l'agent des visas atteste en partie ce qui suit :

     [TRADUCTION]         
     6.      J'ai commencé l'entrevue en posant des questions sur les finances des parents du requérant et les arrangements qui seraient pris pour la garde du requérant. J'ai été convaincu que le requérant était en mesure de poursuivre le programme d'études pour lequel il a été accepté à l'École chrétienne de North York, et que les arrangements financiers et de garde étaient adéquats. Toutefois, j'ai eu des doutes sur la qualité du requérant en tant que visiteur authentique, et me suis demandé s'il pouvait satisfaire aux conditions du paragraphe 9(1.2) de la Loi.         
     7.      Pour dissiper mes doutes, j'ai demandé à la mère du requérant pourquoi elle envoyait son fils étudier au Canada. Elle m'a répondu que ses deux autres enfants n'avaient pas d'assez bonnes notes pour étudier au Canada, mais qu'elle voulait que son fils, le requérant, étudie dans le meilleur environnement possible. Elle a ajouté qu'il serait plus facile pour sa soeur, chez qui le requérant allait demeurer, d'affirmer son autorité si le requérant arrivait au Canada dans son jeune âge.         
     8.      En continuant de poser des questions pour déterminer si le requérant était ou non un visiteur authentique, j'ai demandé à la mère pendant combien de temps elle avait l'intention de lui faire faire des études au Canada. Elle m'a dit qu'elle voulait qu'il termine ses études universitaires au Canada. Le requérant avait dix ans. Il venait d'être accepté en 5e année à l'École chrétienne de North York. J'ai conclu qu'il lui faudrait environ huit ans pour terminer ses études primaires et secondaires, et quatre autres années d'études pour obtenir un diplôme de premier cycle.         
     9.      J'ai expliqué à la mère du requérant que je me préoccupais du fait qu'en étudiant au Canada pendant douze ans, son fils aurait passé plus de la moitié de sa vie et toute son adolescence au Canada. Je lui ai également expliqué que je me préoccupais du fait que pendant cette période ses souvenirs de Hong Kong s'estomperaient et que les liens importants avec Hong Kong qui l'inciteraient à retourner dans ce territoire se relâcheraient. La mère du requérant m'a affirmé qu'elle-même, son mari et ses autres enfants continueront d'habiter ce territoire. Cette réponse n'a pas réussi à dissiper mes craintes que le requérant cherche à être admis au Canada pour une fin autre que temporaire. On peut raisonnablement s'attendre qu'une fois qu'il aura atteint l'âge de 22 ans, et obtenu un diplôme de premier cycle, le requérant s'établisse indépendamment de ses parents et de ses frères et soeurs.         
     10.      Contrairement aux affirmations contenues aux paragraphes 3, 8 et 9 de l'affidavit de la mère du requérant en date du 6 septembre 1996, je me rappelle que ni le requérant ni sa mère n'ont indiqué au cours de l'entrevue qu'à la fin de l'année scolaire le requérant retournerait dans sa famille à Hong Kong. Bien au contraire, la mère du requérant m'a fait comprendre qu'elle souhaitait que son fils poursuive ses études universitaires au Canada. Je me souviens que lorsque je lui ai exprimé mes craintes au sujet de la durée prévue de la période d'études du requérant au Canada, elle a cherché à me convaincre qu'il retournerait à Hong Kong après ses études, au lieu de chercher à me convaincre que sa période d'études au Canada serait plus courte que la période que je lui avais mentionnée.         

     Les paragraphes tirés de l'affidavit de la requérante adulte déposé dans la présente instance, auxquels l'agent des visas fait référence au paragraphe 10 de son affidavit, indiquent ce qui suit :

     [TRADUCTION]         
     3.      Mon mari et moi avons l'intention que notre fils étudie pendant un an à l'École chrétienne de North York, située au 43 de l'avenue Drewry, à North York (Ontario). Il sera en 5e année (anglais, langue seconde) pour l'année scolaire commençant le 3 septembre 1996.         
     [...]         
     8.      Je n'ai jamais dit à l'agent des visas que mon fils demeurerait au Canada pour une durée de plus d'un an à la fois; il y sera donc à titre temporaire.         
     9.      Mon fils habitera au Canada chez ma soeur YING YEE SHIU, son mari et leurs enfants. À la fin de l'année scolaire, mon fils reviendra vivre avec mon mari et moi à Hong Kong.         

Je conclus que, quelle que soit la version retenue sur ce qui s'est dit pendant l'entrevue du 12 août 1996, le résultat de la présente demande sera le même.

     La demande du requérant mineur pour obtenir une autorisation ou un visa d'étudiant indique qu'il demande un visa pour fréquenter l'École chrétienne de North York, en 5e année (anglais, langue seconde), du 3 septembre 1996 au 19 juin 1997. Par conséquent, je conclus que la demande dont était saisi l'agent des visas était une demande de séjour au Canada à titre temporaire. Les dispositions pertinentes de la Loi sur l'immigration1 semblent être les suivantes :

     2.(1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente Loi.         
     [...]         
     "immigrant" Personne qui sollicite l'établissement.         
     [...]         
     "visiteur" Personne qui, à titre temporaire, se trouve légalement au Canada ou cherche à y entrer [...]         
     5.(3) Les visiteurs qui remplissent les conditions prévues à la présente loi et à ses règlements peuvent obtenir une autorisation de séjour et demeurer au Canada pour la durée pour laquelle ils ont été admis ou qui est par ailleurs autorisée.         
     [...]         
     9.(1.2) La personne qui demande un visa de visiteur doit convaincre l'agent des visas qu'elle n'est pas un immigrant.         

     Dans son affidavit, la requérante adulte admet qu'elle aimerait que son fils fasse ses études au Canada et qu'elle a dit à l'agent des visas qu'elle espérait que son fils termine ses études universitaires au Canada.

     La seule question dont je suis saisi en l'espèce est de savoir si l'agent des visas a commis une erreur, au vu de l'information dont il était saisi concernant les aspirations à long terme de la requérante adulte pour son fils et de la nature à court terme de la demande de visa présentée par le requérant mineur, dans la décision qu'il a prise.

     Dans la décision Yu (tutrice aux fins de l'instance) c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration)2, d'après des faits très semblables aux faits de l'espèce, le juge McKeown a conclu qu'une agente des visas n'avait pas commis d'erreur susceptible de contrôle en prenant une décision identique à celle de l'agent des visas en l'espèce. Il indique ceci :

     Il n'y a rien d'arbitraire dans la façon dont elle a exercé son pouvoir discrétionnaire pour décider si la requérante cherchait à entrer au Canada à titre temporaire. Un séjour de dix ans n'est pas temporaire compte tenu des autres circonstances en l'espèce.         

     En toute déférence, j'en arrive à une conclusion différente.

     Le requérant mineur a demandé un visa pour entrer au Canada afin de poursuivre un programme d'études d'une durée de neuf mois. Une telle demande porte manifestement sur une autorisation "temporaire". Il est de la nature des visas d'étudiant d'être délivrés pour des périodes limitées. Si le requérant mineur, sur les conseils de sa famille, décide dans l'avenir qu'il souhaite continuer ses études au Canada, il lui faudra demander le renouvellement de son visa ou un nouveau visa. Il sera alors loisible à l'intimé d'examiner chaque fois l'ensemble des circonstances lorsque le requérant mineur demandera le renouvellement de son visa ou un nouveau visa. Si, à une étape quelconque des études du requérant mineur, il devient manifeste que ses liens avec Hong Kong se sont relâchés au point de ne plus être suffisants pour assurer son retour dans ce territoire, alors il sera clairement justifié de refuser la demande de renouvellement du visa ou la demande de nouveau visa. Mais, d'après la preuve dont était saisi l'agent des visas le 12 août 1996, je conclus que celui-ci a pris une décision arbitraire en concluant que la demande du requérant mineur d'entrer au Canada n'était pas "à titre temporaire".

     Les aspirations ou les espoirs et les rêves de la mère du requérant mineur pour ses études n'étaient, au 12 août 1996, rien de plus que des aspirations et des rêves. À un certain moment dans les études du requérant mineur, il pourra devenir évident que ces aspirations sont en train de se réaliser et que le requérant mineur a des liens plus forts avec le Canada qu'avec Hong Kong. Mais tenir compte de ces aspirations ou espoirs et de ces rêves le 12 août 1996 était, j'en conclus, prendre en compte une considération non pertinente pour ce qui a trait à la demande dont était saisi l'agent des visas.

     Pour les raisons susmentionnées, la demande sera accueillie.

     L'avocat de l'intimé a proposé de faire certifier une question en l'espèce. Étant donné que ma décision est directement contraire à celle de mon collègue le juge McKeown dans une affaire présentant des faits très semblables, je suis convaincu que la certification de cette question est appropriée. Les avocats du requérant et de l'intimé se sont entendus sur la question suivante :

     "Le requérant qui exprime le but à long terme d'étudier au Canada répond-il à la définition du terme "visiteur" donnée au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration ?         

     Je certifie la question proposée.

                             "Frederick E. Gibson"

                        

                         Juge

Toronto (Ontario)

le 17 juillet 1997

Traduction certifiée conforme         

                         F. Blais, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA


Avocats et procureurs inscrits au dossier

NE DU GREFFE :              IMM-3235-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :      CHUN HIN WONG - mineur représenté par sa tutrice à l'instance, YAN LIN SIU

                     - et -

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
DATE DE L'AUDIENCE :          LE 16 JUILLET 1997

LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR LE JUGE GIBSON

DATE :                  LE 17 JUILLET 1997

ONT COMPARU :

                     Irvin H. Sherman

                             pour le requérant

                     Leena Jaakkimainen

                             pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

                     Rekay & Johnson

                     Avocats et procureurs

                     130, rue Bloor ouest

                     Bureau 604

                     Toronto (Ontario)

                     M5S 1N5

                             pour le requérant

                     George Thomson

                     Sous-procureur général

                     du Canada

                             pour l'intimé

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

NE de greffe :      IMM-3235-96

Entre :

CHUN HIN WONG - mineur représenté

par sa tutrice à l'instance, YAN LIN SIU,

                     requérant

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

L'IMMIGRATION,

                     intimé

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

__________________

1      R.C.S. 1985, ch. I-2

2      (1993), 21 Imm. L.R. (2d) 1 (C.F. 1re inst.)

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