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Date : 19990526


Dossier : T-2040-98

OTTAWA (Ontario), le 26 mai 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MacKAY

ENTRE :


BALJIT SINGH,


demandeur,


- et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.

     VU l"appel formé par l"appelant de la décision d"un juge de la citoyenneté, datée du 1er septembre 1998, qui a rejeté la demande de citoyenneté canadienne de l"appelant au motif qu"il n"avait pas " [TRADUCTION] établi et/ou maintenu une résidence et/ou centralisé [son] mode de vie au Canada, en esprit et en fait, pendant la période de quatre ans précédant [sa] demande " de citoyenneté;

     ATTENDU QUE l"appelant sollicite une ordonnance annulant la décision contestée, approuvant sa demande de citoyenneté et lui adjugeant les dépens;

     APRÈS AVOIR ENTENDU les avocats des parties à Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard), le 6 mai 1998, date à laquelle la Cour a décidé de surseoir au prononcé du jugement, et après avoir pris en considération les observations faites alors et présentées par la suite par écrit, pour les motifs rendus séparément aujourd"hui;


JUGEMENT

PAR LA PRÉSENTE, LA COUR STATUE QUE :

1)      L"appel est accueilli;

2)      La décision contestée du juge de la citoyenneté est annulée;

3)      La demande de citoyenneté de l"appelant est accueillie;

4)      L"appelant a droit aux dépens sur la base habituelle partie-partie.


W. Andrew MacKay


JUGE

Traduction certifiée conforme

Martin Desmeules


Date : 19990526


Dossier : T-2040-98

ENTRE :


BALJIT SINGH,


demandeur,


- et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.


MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE MacKAY

[1]      Le demandeur porte en appel la décision d"un juge de la citoyenneté, en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté , L.R.C. (1985), ch. C-29 (la Loi). Dans cette décision datée du 1er septembre 1998, la demande de citoyenneté du demandeur a été rejetée au motif qu"il ne satisfaisait pas à l"exigence de résidence de l"alinéa 5(1)c ) de la Loi.

[2]      Natif de l"Inde, le demandeur est arrivé au Canada à titre de visiteur en décembre 1989. Il a reçu un visa d"étudiant en mai 1990 et il a déménagé à Guelph au mois de juin de la même année, où il s"était inscrit à l"université pour y faire des études supérieures en médecine vétérinaire. Il a obtenu un doctorat en octobre 1994 et du mois de septembre de la même année au mois d"août suivant, il a été chargé de cours à l"Université de l"Île-du-Prince-Édouard en médecine vétérinaire.

[3]      Il a obtenu le statut de résident permanent en janvier 1995. En juin 1995, il a satisfait aux exigences du Bureau national des examinateurs qui lui a décerné un Certificat de compétence de l"Association canadienne des médecins vétérinaires. Après avoir enseigné pendant un an à U.Î.P.E., il a accepté une bourse d"études post doctorales en rétrovirologie animale de l"Université A & M du Texas (États-Unis), pour la période de septembre 1995 à août 1997. Il est ensuite revenu au Canada et il a déposé sa demande de citoyenneté en octobre 1997. Malgré ses démarches effectuées aussi bien avant qu"après son retour au Canada, il n"a pu se trouver d"emploi au Canada; il a donc accepté une deuxième bourse d"études post doctorales de l"Université Columbia de New York, et y a continué ses recherches en rétrovirologie à partir d"octobre 1997. En décembre 1997, il est revenu au Canada pour y passer des examens de l"Ordre des vétérinaires de l"Ontario et il a été admis à l"Ordre en décembre 1997. Pendant qu"il était à Columbia, il a continué de chercher un emploi au Canada et il s"est fait offrir un poste à court terme, mais renouvelable, au Centre de la santé des animaux et de la protection des végétaux de l"Agence canadienne d"inspection des aliments à Charlottetown; il est entré en fonction en juillet 1998.

[4]      Sa demande de citoyenneté, déposée le 15 octobre 1997, a été examinée en août 1998 et le demandeur a reçu une lettre lui exposant que sa demande a été rejetée par la décision du juge de la citoyenneté rendue le 1er septembre 1998. Suite à cela, le présent appel a été formé. Quand l"affaire a été entendue en mai 1999, le demandeur occupait les fonctions de professeur agrégé en médecine vétérinaire à l"Université de la Saskatchewan à Saskatoon depuis janvier 1999. L"avocat du défendeur s"est opposé à ce que ce fait soit admis en preuve, au motif que ce fait n"avait pas été allégué devant le juge de la citoyenneté et qu"il n"a pas été inclus dans l"affidavit du demandeur déposé à l"appui du présent appel. Malgré cela, j"ai admis ce fait en preuve, en me basant sur la déclaration de fait de l"avocat, sans qu"il ne soit nécessaire de faire témoigner l"appelant à ce sujet. Il s"agit d"un fait, et bien que je ne lui attache que peu d"importance, ce fait est pertinent quant à la prétention du demandeur d"avoir eu l"intention, il y a quelques années, de centraliser son mode de vie au Canada.

[5]      Il y a eu quelques divergences d"opinion chez les avocats quant aux questions dont la Cour a été régulièrement saisie en appel. À mon avis, et ce comme dans n"importe quelle autre cause introduite par voie de demande, la preuve est celle exposée dans les affidavits déposés par les parties ou pour leur compte. Je remarque que dans la présente affaire, aucun affidavit n"a été déposé par le défendeur malgré le fait que le dossier du défendeur contienne des copies de documents provenant du dossier du Bureau de la citoyenneté, certifiées conformes aux originaux par une lettre d"accompagnement non assermentée d"un agent d"Immigration et Citoyenneté Canada.

[6]      Dans la lettre exposant sa décision, le juge de la citoyenneté a dit, en partie :

                 [TRADUCTION]                 
                 Je suis d"avis que vous satisfaites à toutes les exigences relatives à la citoyenneté de la Loi sur la citoyenneté , sauf l"exigence de résidence. En vertu de l"alinéa 5(1)c ) de la Loi, un demandeur doit avoir accumulé au moins trois ans de résidence au Canada pendant les quatre années précédant immédiatement sa demande.                 
                 Selon la preuve à votre dossier qui m"a été présentée lors de votre audience, vous êtes à court de 651 jours des 1095 jours nécessaires pour satisfaire à l"exigence de résidence. Chaque jour de résidence au Canada après avoir été admis légalement à titre de résident permanent compte pour un jour. Chaque jour avant d"avoir été admis légalement compte pour un demi-jour. Le calcul de la période de résidence ne peut tenir compte de la période antérieure aux quatre années précédant immédiatement la demande. Dans ces circonstances, vous deviez me convaincre, afin de satisfaire à l"exigence de résidence, que vos absences du Canada pouvaient être considérées comme des périodes de résidence au Canada.                 
                 La jurisprudence de la Cour fédérale exige qu"une personne, afin d"établir sa résidence, fasse preuve, en esprit et en fait, d"une centralisation de son mode de vie au Canada. Si la résidence est ainsi établie, les absences du Canada n"affectent pas cette résidence, pour autant qu"il soit démontré que la personne a quitté le Canada pour une raison temporaire et qu"elle a maintenu au Canada une forme réelle et concrète de résidence.                 
                 Selon la preuve au dossier et celle qui m"a été présentée à l"audience, vous avez obtenu le droit d"établissement au Canada le 20 janvier 1995 et vous avez présenté une demande de citoyenneté le 15 octobre 1997. Vous avez obtenu un visa d"étudiant en mai 1990 pour étudier à l"Université de Guelph et vous avez obtenu un doctorat en médecine vétérinaire en août 1994. En septembre 1994, vous êtes allé à l"Université de l"Île-du-Prince-Édouard en tant que chargé de cours en médecine vétérinaire. En août 1995, vous avez accepté un poste à Agriculture and Military, au Texas où vous êtes demeuré jusqu"en août 1997. En septembre 1997, vous avez accepté un poste à l"Université Columbia aux États-Unis et y êtes demeuré jusqu"en juillet 1998.                 
                 Pendant vos absences prolongées, d"août 1995 à juillet 1998, je remarque que :                 
                         - vous avez demandé et avez obtenu des documents se rapportant au retour de résidents,                 
                         - vous avez entreposé vos livres et quelques biens personnels chez un ami à Guelph,                 
                         - selon vos propres dires, vous êtes revenu environ quatre fois au Canada durant la période d"août 1995 à août 1997 (environ vingt jours à Toronto) et environ une fois par mois de septembre 1997 à juillet 1998 (deux ou trois jours par mois),                 
                         - vous avez une carte-santé de l"Î-P-É et des comptes en banque canadiens.                 
                 En tenant compte de toutes ces informations, je suis d"avis que durant la période d"août 1995 à octobre 1997, vous n"aviez pas de résidence au Canada non plus que des relations ou des liens familiaux au Canada.                 
                 Bref, j"en conclus que vous n"avez pas établi et/ou maintenu une résidence et/ou centralisé votre mode de vie au Canada, en esprit et en fait, pendant la période de quatre ans précédant votre demande.                 

[7]      Il n"y a pas de différend quant à la façon dont le juge de la citoyenneté a calculé le nombre de jours de présence physique et d"absence du demandeur au Canada pendant la période équivalant à trois des quatre années précédant sa demande de citoyenneté, c"est-à-dire 444 jours de présence au Canada et 651 jours d"absence. Ces jours ont été calculés en conformité avec les sous-alinéas 5(1)c )(i) et (ii), soit un jour de résidence pour chaque jour de résidence au Canada depuis que le demandeur a été admis légalement à titre de résident permanent, et un demi-jour pour chaque jour où il a résidé au Canada avant cette admission.

[8]      Les avocats des parties s"entendent sur le point que l"exigence de résidence a pour objet, comme en fait part le mémoire du défendeur, de garantir qu"une personne présentant une demande de citoyenneté puisse se familiariser avec le Canada et s"intégrer à la société canadienne. Cet objet a été exposé par le juge Muldoon dans la décision Re Pourghasemi1 :

                 Il est évident que l"alinéa 5(1)c ) vise à garantir que quiconque aspire au don précieux de la citoyenneté canadienne ait acquis, ou se soit vu obligé d"acquérir, au préalable la possibilité quotidienne de " se canadianiser ". [...] Ainsi donc, ceux qui entendent partager volontairement le sort des Canadiens en devenant citoyens du pays doivent le faire en vivant parmi les Canadiens, au Canada, durant trois des quatre années précédant la demande, afin de se canadianiser. Ce n"est pas quelque chose qu"on peut faire à l"étranger, car la vie canadienne et la société canadienne n"existent qu"au Canada, nulle part ailleurs.                 

[9]      Les avocats des parties s"entendent aussi pour dire que la décision du juge Lutfy dans Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration)2 fixe la norme de contrôle appropriée pour un appel d"une décision d"un juge de la citoyenneté interjeté en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté , soit la norme de la décision correcte. Selon les Règles de la Cour fédérale (1998)3, l"appel est formé conformément à la règle 300. Je partage l"opinion du juge Lutfy voulant qu"une demande comme celle en cause n"est pas une demande de contrôle judiciaire aux termes de l"article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale , et la norme qu"il établit est appropriée au présent appel et aux autres appels présentés en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi.

[10]      Dans l"application de la norme de la décision correcte dans Lam , le juge Lutfy reconnaît que la jurisprudence de la Cour relative aux appels en matière de citoyenneté touchant la question de l"exigence de résidence, qui étaient auparavant entendus par voie de procès de novo , peut être perçue comme divisée en deux ou plusieurs groupes de décisions. Un de ces groupes traite l"exigence de résidence, qui n"est pas définie par la Loi, comme étant essentiellement la présence physique, ce qui fait que le résultat du calcul du nombre de jours de présence au Canada est décisif. Un autre groupe, se basant sur la décision du juge Thurlow dans Re Papadogiorgakis4, qualifie la " résidence " comme étant le fait d"avoir centralisé son mode de vie en un endroit, où l"on revient souvent, et une fois que cette résidence est établie au Canada, les jours d"absence du pays, même s"ils sont nombreux n"ont pas, à eux seuls, une importance significative pour déterminer s"il y a résidence, sauf s"il découle de l"absence une intention d"abandonner la résidence qui avait déjà été établie au Canada.

[11]      L"approche que le juge Lutfy propose pour l"examen de la décision d"un juge de la citoyenneté consiste à vérifier si le juge a fait référence à l"un ou l"autre de ces groupes de décisions ressortant de la jurisprudence, et que s"il l"a fait, de vérifier s"il a correctement appliqué le critère approprié aux faits de l"affaire. Dans l"affirmative, la Cour n"est pas fondée à intervenir. Les motifs du juge Lutfy sont en partie rédigés comme suit5 :

                 [...] lorsqu"un juge de la citoyenneté, dans des motifs clairs qui dénotent une compréhension de la jurisprudence, décide à bon droit que les faits satisfont sa conception du critère législatif prévu à l"alinéa 5(1)c ), le juge siégeant en révision ne devrait pas remplacer arbitrairement cette conception par une conception différente de la condition en matière de résidence. [...]                 

[12]      Comme je l"ai déjà cité, le juge de la citoyenneté a exposé le droit dans sa décision comme étant :

                 [TRADUCTION] La jurisprudence de la Cour fédérale exige, afin d"établir sa résidence, qu"une personne fasse preuve, en esprit et en fait, d"une centralisation de son mode de vie au Canada. Si la résidence est ainsi établie, les absences du Canada n"affectent pas cette résidence, pour autant qu"il soit démontré que la personne a quitté le Canada pour une raison temporaire et qu"elle a maintenu au Canada une forme réelle et concrète de résidence.                 

Le juge ayant ainsi déterminé le droit, je suis d"avis qu"il a commis une erreur dans son application du droit aux faits de l"affaire, de plusieurs manières. Je dis cela en toute déférence, car il ne s"agit pas d"une affaire de routine.

[13]      Lorsqu"elle fait référence à la chronologie du temps passé par l"appelant au Canada, la décision rendue ne tient pas compte de la durée et de la qualité du temps passé au Canada par l"appelant. De janvier 1990 au 15 octobre 1997, le demandeur a vécu au Canada pendant plus de cinq ans et demi, et il a vécu deux ans au Texas. Compte tenu de l"objet de l"exigence légale de résidence, c"est-à-dire l"occasion pour l"intéressé de se familiariser avec le Canada et de s"intégrer à la société canadienne, il faut garder à l"esprit que lorsqu"il vivait au Canada, pendant la période en question, même s"il a vécu essentiellement dans des résidences universitaires, l"Université de Guelph l"a récompensé pour son travail universitaire, pour l"excellence de son enseignement, pour son aide apportée auprès des nouveaux étudiants internationaux, pour sa participation à la vie étudiante et pour son engagement dans la communauté; il a aussi été le vice-président de l"association des étudiants inscrits aux études supérieures et représentant des étudiants diplômés au conseil universitaire. L"année où il a enseigné à l"U.Î.P.É. ne s"est sûrement pas passée sans participation à la vie universitaire et communautaire. À mon avis, l"appelant a bien saisi l"occasion d"apprendre à connaître le Canada et d"y participer à la vie sociale, pendant plus de cinq années passées au pays, avant d"aller poursuivre ses études aux États-Unis.

[14]      Il semble que le juge de la citoyenneté n"a pas tenu compte du fait que, dès le mois de décembre 1994, lorsqu"il a reçu son visa d"entrée au Canada à titre de résident permanent et que son statut d"immigrant ayant reçu le droit d"établissement était confirmé le 20 janvier 1995 à St. Stephen (N.-B.), l"appelant avait décidé de faire sa vie au Canada. Il a en effet coupé ses liens avec l"Inde, son pays natal, où il n"est retourné qu"une fois depuis son arrivée au Canada pour assister à un mariage dans sa famille. À mon avis, l"appelant a centralisé son mode de vie au Canada, et ce bien avant d"aller poursuivre ses études de recherche à l"automne 1995.

[15]      Il semble que le juge de la citoyenneté n"a pas tenu compte de la nature temporaire de ses absences du Canada, plus particulièrement de la nature et de l"objet de sa bourse de recherche post doctorale aux États-Unis. Relativement à ce sujet, le juge remarque :

                 [TRADUCTION] [...] En août 1995, vous avez accepté un poste à Agriculture and Military, au Texas, où vous êtes demeuré jusqu"en août 1997. En septembre 1997, vous avez accepté un poste à l"Université Columbia aux États-Unis et y êtes demeuré jusqu"en juillet 1998.                 

Les " postes " auxquels il est fait référence étaient temporaires, tout comme ses admissions aux États-Unis en vertu de visas émis, dans les deux cas, sur une base temporaire, pour des études de recherche. La nature temporaire de ses absences et son droit de revenir au Canada à titre de résident après avoir terminé ses études de recherche à l"A & M du Texas ont été reconnus par le ministère du défendeur, qui a remis au demandeur un permis de retour à titre de résident du Canada.

[16]      Des études et des recherches post doctorales avancées sont d"une quasi-nécessité pour une personne intéressée à une carrière dans l"enseignement ou la recherche en médecine vétérinaire au Canada, et les possibilités de faire de telles études, d"une durée limitée, se présentent plus souvent aux États-Unis qu"au Canada. Il semble que cela ait été l"objectif du Dr Singh lorsqu"il a entrepris des études avancées aux États-Unis, et comme il l"affirme dans son affidavit, il avait la constante intention de revenir au Canada et d"y trouver une occasion de poursuivre ses recherches dans son domaine, ce qu"il a fait. Son affidavit est en partie rédigé comme suit :

                 [TRADUCTION] La raison de mon déménagement temporaire était d"obtenir une formation de recherche avancée dans mon champ de spécialisation. [...] Les universités et les organismes de recherche canadiens encouragent fortement l"acquisition d"expériences diversifiées dans des laboratoires de recherche internationaux. Au Canada, il n"y a pas d"établissement semblable à A & M, au Texas, où l"on peut acquérir une formation en rétrovirologie animale. Donc, afin de poursuivre ma carrière au Canada, j"ai dû m"en absenter temporairement. Je crois que cette absence temporaire a contribué à mon acquisition d"une éducation bien équilibrée qui me sera utile dans mon travail ici, au Canada [...]                 

[17]      Le fait d"avoir maintenu des liens avec le Canada pendant ses études post doctorales aux États-Unis corrobore le caractère temporaire de son absence du Canada. Il a continué d"effectuer des opérations bancaires à Guelph. Il a entreposé la plupart de ses biens personnels et de ses livres chez un ami à Guelph et il a utilisé cette adresse comme son adresse principale et permanente au Canada à diverses fins, professionnelles et autres. Il n"a jamais été propriétaire d"un immeuble au Canada et avant 1997, quand son frère et sa famille sont venus au Canada à titre de résidents permanents, il n"avait pas de famille au Canada. Il est revenu au Canada et à Guelph à quatre reprises pendant qu"il était au Texas, et presque à tous les mois alors qu"il était à New York. Comme je l"ai mentionné auparavant, il est revenu au Canada en décembre 1997 pour y passer des examens et se qualifier comme membre de l"Ordre des vétérinaires de l"Ontario. Il était basé, c"est-à-dire qu"il avait un pied-à-terre au Canada, chez son ami de Guelph, et tous ses biens matériels qu"il n"utilisait pas couramment y étaient laissés. Son avocat soutient que sa capacité à établir une telle base doit être évaluée en fonction de ses ressources et qu"il ne devrait pas être privé de la possibilité d"établir un pied-à-terre constituant une résidence au Canada uniquement parce qu"il n"est pas propriétaire d"un immeuble.

[18]      L"appelant allègue qu"il a établi sa résidence au Canada avant de s"absenter temporairement aux États-Unis, qu"il avait l"intention de revenir et qu"il est revenu au Canada à plusieurs reprises pendant son absence temporaire et aussi après ses études post doctorales au Texas et ensuite à New York, et qu"il a maintenu un pied-à-terre au Canada chez son ami de Guelph pendant ses absences du Canada. Il a coupé ses liens avec son Inde natale et centralisé son mode de vie au Canada depuis décembre 1989. Il n"a pas abandonné sa résidence en esprit et en fait lors de ses études post doctorales aux É.-U., un permis de retour pour résident permanent lui a été délivré tandis qu"il était temporairement absent afin de faire de la recherche et des études avancées qui seront profitables à sa carrière et au Canada, et il a conservé des comptes en banque ainsi que des relations financières et professionnelles au Canada pendant qu"il en était temporairement absent.

[19]      Le ministre allègue que le Dr Singh a décidé volontairement, pour des raisons personnelles, d"entreprendre des études de recherche aux États-Unis et que cela écarte la possibilité qu"il soit considéré comme un résident du Canada pour la période de temps pendant laquelle il a poursuivi ses études à l"étranger. À mon avis, il y a plus, puisque le demandeur a pris cette décision après avoir établi sa résidence au Canada et en ayant à l"esprit d"augmenter ses chances de poursuivre une carrière en enseignement ou en recherche au Canada; ses bourses d"études post doctorales aux États-Unis n"étaient toutes deux que pour une période de temps limitée et ne lui octroyaient qu"un statut temporaire, aux fins de ses études.

[20]      À mon avis, l"appelant a établi sa résidence au Canada au sens de l"alinéa 5(1)c ) de la Loi bien avant de quitter le Canada pour poursuivre des études avancées aux États-Unis en 1995. Il avait l"intention de revenir au Canada une fois ses études terminées, ce qu"il a fait. Après avoir cherché vainement du travail au Canada en 1997, il a accepté une autre bourse de recherche à New York. Quand l"occasion de travailler dans son domaine s"est présentée au Canada en 1998, il est revenu et a accepté l"emploi qui lui était offert. Durant toute la période où il a été absent, il n"a pas coupé ses liens avec le Canada. Il a conservé son adresse principale, ses liens avec ses collègues et ses amis et ses objectifs relatifs à sa future carrière au Canada.

[21]      Avec déférence, je suis d"avis que le juge de la citoyenneté a mal appliqué aux faits de la présente affaire le droit relatif à l"exigence de résidence de la Loi, tel qu"il l"avait énoncé. Dans ces circonstances, j"accueille l"appel du Dr Singh.

[22]      L"appelant demande une ordonnance qui annulerait la décision du juge de la citoyenneté, qui approuverait sa demande de citoyenneté et qui lui adjugerait les dépens. Une ordonnance qui accorde la réparation demandée est rendue.


W. André MacKay

JUGE

OTTAWA (Ontario)

Le 26 mai 1999

Traduction certifiée conforme

Martin Desmeules

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              T-2040-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Baljit Singh c. Le ministre de la Citoyenneté

                     et de l"Immigration

LIEU DE L"AUDIENCE :          Charlottetown (Î.-P.-É)

DATE DE L"AUDIENCE :          Le 6 mai 1999

MOTIFS DU JUGEMENT RENDUS PAR LE JUGE MacKAY

EN DATE DU :              26 mai 1999

ONT COMPARU :

M. Kenneth Godfrey              POUR LE DEMANDEUR

Charlottetown (Î.-P.-É.)

M. Johnathan Tarlton              POUR LE DÉFENDEUR

Halifax (Nouvelle-Écosse)

AVOCATS AU DOSSIER :

Campbell, Lea, Michael, McConnell & Pigot      POUR LE DEMANDEUR

Charlottetown (Î.-P.-É.)

Ministère de la Justice              POUR LE DÉFENDEUR

Halifax (Nouvelle-Écosse)

__________________

1      (1993), 62 F.T.R. 122, à la p. 123.

2      [1999] A.C.F. no 410, (26 mars 1999) (C.F. 1re inst.); subséquemment appliqué dans Canada (Ministre      de la Citoyenneté et de l"Immigration) c. Dumitru, [1999] A.C.F. no 437, (31 mars 1999) (C.F. 1re inst.);      Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration) c. Chen, [1999] A.C.F. no 424, (1er avril 1999)      (C.F. 1re inst.); Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration) c. Yang, [1999] A.C.F. no 423, (1er      avril 1999); Sio c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration), A.C.F. no 422, (1er avril 1999);      Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration), [1999] A.C.F. no 439, (1er avril 1999)      (C.F. 1re inst.); Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration c. Lam, [1999] J.C.F. no 651, 28 avril 1999      (C.F. 1re inst.).

3      DORS/98-106.

4      [1978] 2 C.F. 208 (1re inst.).

5      Supra, note 2, au par. 33.

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